Homilétique

2. De l’exorde

On ne trouve chez les prédicateurs exercés que peu d’exemples d’exordes absolument défectueux ; on en trouve peu de bons chez les prédicateurs qui commencent. Il est naturel d’en conclure que cette partie du discours a quelque chose de plus délicat que les autres, mais rien qui réclame des facultés particulières. Il en est de l’exorde comme de ces opérations fines et précises de la mécanique, dans lesquelles tout ouvrier finit par réussir, mais après avoir brisé plus d’une fois les instruments qu’on y emploie. On en pourra juger par ce que nous avons à dire du but et de la nature de l’exorde.

L’exorde est-il nécessaire, naturel ? Ou bien est-ce-un ornement factice et de convention ?

Je remarque que la nature nous enseigne elle-même l’art des préparations et des gradations. Nous les aimons en tout, et nous y attachons l’idée de beauté. [L’absence du crépuscule et de l’aurore ôterait à la beauté des cieux.]– Sic omnia quœ funt, quæque aguntur acerrime, lenioribus principiis natura ipsa prætexuitw.

w – Cicéron, De Oratore. Lib. II, cap. LXXVIII.

Je remarque, en second lieu, que personne ne commence ex abrupto, étant libre de faire autrement, même dans la conversation accidentelle. Si l’on commence ex abrupto, si l’on nous emporte au beau milieu des choses (rapit in medias res), si l’on nous fait entrer dans l’appartement par la fenêtre, c’est que quelque circonstance, ou quelque parole prononcée par un autre, a placé l’auditoire au point de vue où on le veut : cela même est un exorde, et l’exception confirme la règle. Mais, hors de ce cas, où la préparation est donnée, chacun, sans s’en rendre compte, éprouve le besoin de préparer l’auditoire.

Il est un cas où l’on se rend bien compte de ce besoin : c’est lorsque quelque éclaircissement est nécessaire à l’intelligence du sujet ; lorsque les paroles bibliques, par exemple, sur lesquelles on veut parler, tirent leur clarté de leur liaison avec les paroles qui précèdent.

Mais indépendamment ou dans l’absence de ce motif, il y en a d’autres. D’abord, il y a un certain degré de gravité dans le seul fait de placer un exorde en tête du discours. On paraît davantage respecter son sujet quand on ne l’aborde pas incontinent, brusquement.

Il est utile de recueillir un moment l’auditeur, afin qu’il n’entre pas distrait dans le fond du sujet ; or, on ne peut le recueillir que dans des idées voisines du sujet ; autrement, ce serait le distraire.

Mais on a besoin ordinairement de quelque chose de plus. On veut mettre l’auditeur, par rapport au sujet, dans une disposition semblable à celle où l’on est soi-même. Il en est de l’orateur et de l’auditeur comme des instruments qui s’accordent avant un concert.

L’exorde, dit Quintilien, n’a pas d’autre but que de disposer l’esprit de l’auditeur à bien écouter la suite de notre discours. On est généralement d’accord qu’il faut, pour cela, le rendre bienveillant, attentif, docile ; non que nous devions négliger ces moyens pendant aucune partie du plaidoyer, mais parce qu’ils nous sont surtout nécessaires en commençant, pour nous introduire dans l’esprit du juge, et, une fois admis, pénétrer plus avant.

L’exorde est donc un discours avant le discours principal, un discours dont le but est, dans tous les cas, d’obtenir des auditeurs bienveillants, attentifs, dociles, par où j’entends disposés à se laisser instruire, et, dans certains cas, de les préparer à bien comprendre ce qu’on a ultérieurement à leur dire.

Remarquons qu’il ne s’agit pas ici de l’intérêt personnel de l’orateur, mais bien plutôt de celui de l’auditeur. Et sous ce rapport, le mot bienveillant pourrait être remplacé par quelque autre.

Mais, dans aucun cas, le choix de l’idée d’exorde n’est arbitraire, moins encore qu’un prélude ou une ouverture en musique, pas plus qu’une préface à la tête d’un livre. Ce qu’on veut, sous le nom d’exorde, ce n’est pas un délai ou un intervalle plus ou moins bien rempli, mais une introduction, une préparation, l’excitation d’une attente aussi distincte et aussi vive que possible, À notre avis, l’exorde le plus vrai est celui qui a conduit l’orateur lui-même à son sujet, ou bien aussi la hauteur sur laquelle l’orateur, le sujet étant traité, monte pour le contempler dans son ensemble.

Après ce que nous avons dit, les règles de l’exorde ne sont pas difficiles à trouver. Si nous-nous arrêtons longtemps sur une partie matériellement aussi peu considérable, c’est qu’aucune n’est plus difficile ni plus périlleuse.

1. La première [règle de l’exorde] se confond, tant elle en est proche, avec la définition elle-même.

Quand l’exorde n’est pas fourni ou remplacé par une explication du texte ou du contexte, il doit être tiré d’une idée qui touche immédiatement au sujet, sans faire partie du sujet.

Ces deux choses s’entendent d’elles-mêmes. Si l’idée fait partie du sujet, ce n’est plus une introduction ou un exorde. Si l’idée est sans rapport au sujet, ce n’est plus un exorde, c’est un hors-d’œuvre ridicule. – Mais si la première partie de la règle se passe de toute explication, il n’en est pas de même de la seconde. Il ne s’agit pas d’une idée voisine de celle du discours, mais d’une idée qui y touche immédiatement, entre laquelle et celle du discours il n’y a place pour aucune autre idée, en telle sorte que le premier pas que nous faisons hors de cette idée nous transporte dans notre sujet. Se relâcher de cette condition, c’est permettre sous le nom d’exorde toutes les divagations, et se donner le droit de débuter par une digression. On peut compter que l’exorde n’est pas bon s’il ne paraît pas nécessaire, s’il ne paraît pas faire corps avec le discours, s’il donne l’idée d’un discours étranger cousu plus ou moins ingénieusement au discours principal, s’il laisse à l’auditeur la liberté d’imaginer quelque autre exorde, ou préférable, ou aussi bon. L’exorde n’est bon qu’autant qu’il a été suggéré par le sujet, qu’il en est né, qu’il y est uni aussi intimement qu’une fleur est unie à sa tige : Penitus ex ea causa, quæ tum agatur, effloruissex. Gaichiès dit :

L’exorde serait hors d’œuvre si l’on pouvait le retrancher sans faire tort au discoursy.

x – Cicéron, De Oratore. Lib. II, cap. LXXVIII.

y – Gaichiès, Maximes sur le ministère, deuxième partie, III,6.

La règle, dans toute sa rigueur, ce serait que l’exorde fût incommuable, c’est-à-dire qu’il ne convînt qu’à un seul sujet ; car toutes les fois qu’il n’est pas incommuable, il semble qu’il y ait place entre cet exorde et le discours pour une idée intermédiaire. Il faut du moins l’observer aussi constamment et s’en tenir aussi près que possible. Mais il est certain qu’elle n’est pas absolue, et si votre exorde résiste à l’épreuve que j’ai indiquée, s’il paraît nécessaire, si l’idée d’un autre exorde ne vient pas, non plus que celle d’un autre discours à la suite de cet exorde, on ne doit point avoir de scrupules ni craindre de reproche. Qui voudrait condamner l’exorde que Saurin a mis en tête de son sermon sur le Dévouement aux lois divines ? Mais il est très utile sans doute de ne se permettre qu’à titre d’exceptions de pareils exordes. Autrement on se jette dans le vague et le trivial et l’on fait des introductions qui n’introduisent point.

Les orateurs de l’antiquité, préoccupés surtout du point de vue de l’intérêt personnel dans l’exorde, et pour qui, par conséquent, il était moins uni au sujet et faisait moins partie intégrante du discours, craignaient peu les exordes commuables. Cicéron, Démosthène lui-même avaient des exordes de rechange. Nous voulons, en général, des exordes plus étroitement unis à notre sujet et à notre dessein.

Quand la règle que nous avons donnée réduirait le nombre des sujets ou motifs d’exorde, elle n’en serait pas moins bonne ; mais bien loin d’en réduire le nombre, elle les multiplie. En la négligeant, on croit se mettre au large ; mais, au contraire, on se met à l’étroit. On trouve plus aisément une introduction peut-être, mais le choix en est peu varié. C’est le plus près du sujet que les sujets sont le plus nombreux.

On pourra juger, par l’indication suivante de quelques-uns des motifs d’exorde, que la matière de l’exorde ne manque pas facilement à un esprit attentif. Mais remarquons ; bien qu’en indiquant ici quelques-unes des sources principales d’exordes, nous ne prétendons pas donner une liste de lieux communs dans laquelle on puisse prendre au hasard. Il y a toujours un exorde qui vaut mieux qu’un autre, et à l’ordinaire c’est sur celui-là que le véritable orateur tombe d’abord. – Il y a donc :

  1. L’idée du genre dont le sujet est une espèce. C’est en quelque sorte placer le sujet en son lieu, ou marquer le lieu du sujet. – Cette espèce est la plus communez. – Souvent le texte peut nous fournir un exorde dans lequel nous procédons de l’idée de l’espèce à celle du genre.

  2. Le rapprochement entre le sujet [traité] et un autre, [pour indiquer] la ressemblance ou la différencea.

  3. Opposition entre l’idée du sujet et quelque opinion ou maxime répandue dans le mondeb.

  4. Recommandation du sujet, c’est-à-dire en montrer l’importance et la beauté, les raisons pour lesquelles on l’a choisi, quelquefois même [faire] l’apologie du sujet: Vestibula nimirum honesta, aditusque ad causant faciet illustresc.

  5. Remémoration d’un fait où l’idée du sujet est individualisée, ou duquel cette idée ressort. C’est une méthode favorite de Saurind.

  6. Rapport du sujet avec les circonstances du temps et du lieu.

  7. [Rapport avec] les circonstances de l’orateur lui-même. – [Ceci est plus délicat ; c’est une exception. Dans ces sortes de hardiesses l’exécution est la solution du nœud.]

  8. On a quelquefois donné à l’exorde la forme d’une prière ; mais c’est une forme et non un motif ou une idée d’exorde ; par le fond des idées, cette prière rentrera dans quelqu’une des catégories que nous venons d’indiquer.

  9. Enfin, il y a le texte et le contexte ; c’est-à-dire l’explication ou des paroles mêmes du texte, ou de la liaison de ces paroles avec celles qui précèdent. Théremin estime que le texte offre une matière d’exorde toute trouvée et toujours convenable ; il ne s’agit que de tirer du texte l’idée du sujet, en y rattachant l’explication courte des circonstances dans lesquelles les paroles du texte ont été prononcées, et qui lui donnent une intention particulière. Sans vouloir réduire le prédicateur à cette seule espèce d’exorde, nous croyons aussi que le texte et le contexte (autrement le nexe) offrent toujours la matière d’un bon exorde, d’un exorde dont on pourra toujours se contenter. – Il nous reste à dire seulement qu’il ne faut pas créer le nexe, qu’il ne faut pas s’attacher à un nexe problématique, ni remonter trop haut, ou trop laborieusement, ou à trop petits pas les bords de ce fleuve du discours, dont notre texte forme, pour ainsi dire, un des flots.

z – Voyez Reinhard, Sermons pour l’an 1797, sermon XVII sur la proposition : « Que rien ne se corrompt plus aisément dans les mains des hommes que la religion. » Voyez aussi l’exorde de mon sermon sur la Sanctification. ( Méditations Evangéliques.)

a – Voyez Saurin, sur le Cantique de Siméon.

b– Voyez Massillon, premier de ses sermons, sur le Bonheur des justes ; – Bourdaloue, sur la Résurrection de Jésus-Christ.

c – Cicéron, De Orator, cap. XV. – Voyez Chrysostome, Première homélie au peuple d’Antioche.

d – Voyez le Sermon sur la campagne de 1706.

2. Notre seconde règle était déjà comprise dans la première, puisque nous avons dit que l’exorde devait être tiré d’une idée voisine du sujet. Il faut, en effet, que ce soit une idée, une seule idée. Il y a deux manières de manquer à cette règle : l’une, en descendant d’une idée plus éloignée vers celle qui est en contact immédiat avec celle du sujet ; – l’autre, de faire deux exordes en quelque sorte parallèles, c’est-à-dire un exorde composé de deux idées, dont l’une ne dérive pas de l’autre.

Il y a eu un temps où l’exorde était constamment double.

On faisait autrefois, dit Gaichiès, deux exordes, l’un pour conduire à l’invocation, l’autre pour préparer à la division.

J’ajoute que le premier ne semblait guère destiné qu’à se débarrasser du texte

3. L’exorde pourrait avoir de l’unité et n’être pas simple. Il faut qu’il soit simple ; qu’il ne raisonne et ne prouve pas trop ; qu’il se borne à rappeler une vérité connue ; qu’il se réfère à ce que l’auditeur sait déjà ou dont il convient. Tout doit lui être facile dans ces premiers pas vers le sujet.

4. Par la même raison, il faut que l’idée de l’exorde soit d’un développement peu étendu. C’est donner aux gens une juste impatience que de les retenir longtemps sur le seuil d’une maison dont on leur a promis l’entrée.

Voici maintenant d’autres règles, relatives non plus au contenu de l’exorde ou à sa substance, mais à son caractère.

1. L’exorde, destiné à préparer, à disposer les auditeurs, ne les suppose pas préparés, disposés. On ne peut donc en général faire appel, dans l’exorde, à des forces qu’on n’a pas encore éveillées. La véhémence, l’éclat du style, la solennité, ne sont pas encore de saison, et il ne faut pas s’épuiser en commençant. — Toutefois cette règle n’est pas absolue.

  1. Dans certains cas, on trouve les auditeurs émus d’avance, et il ne faudrait pas descendre soi-même au-dessous de leur niveau. C’est alors qu’il faut oser. Fléchier est judicieusement hardi dans son fameux exorde de l’oraison funèbre de Turenne ; Blessig, dans celle du maréchal de Saxe, et Bridaine à Saint-Sulpice.

  2. C’est aussi une manière de préparer l’auditeur que de le frapper de la solennité, de la grandeur du sujet. Il peut importer, dans certains sujets, d’écarter comme d’autorité les idées triviales ou mondaines que le sujet peut éveillere.

e – Ainsi ai-je tâché de faire dans mon discours sur l’Egalité. (Méditations Evangéliques.) Un exemple remarquable est l’exorde du sermon de Bossuet pour la prise d’habit de Madame de La Vallière. (Cf. Maury, Essai, X. De l’Exorde.)

Savoir oser à propos et à propos s’abstenir est le propre du talent et le fruit de l’étude et de l’expérience : l’enseignement proprement dit ne peut ni suppléer le talent, ni anticiper sur l’expérience.

2. Une règle qui semble impliquée dans la précédente, c’est la modestie. Les anciens rhéteurs y insistent. Ils veulent même de la timidité. On trouve dans Cicéron un passage qui fait bien voir quelle position humble prenait l’orateur antique vis-à-vis de son auditoire :

Vous voulez savoir le fond de ma pensée ; je puis déclarer à des amis tels que vous ce que je n’ai jamais encore dit à personne. L’orateur le plus habile, celui qui s’exprime avec le plus d’élégance et de facilité, n’est à mes yeux qu’un effronté, s’il ne tremble en montant à la tribune, et s’il ne tremble encore pendant tout son exorde… En effet, plus un orateur est habile, plus il connaît les difficultés de l’art, plus il redoute l’incertitude du succès, plus il craint de ne pas remplir l’attente des auditeurs… Quant à ceux qui n’éprouvent aucun embarras, et c’est ce que je vois dans le plus grand nombre, non seulement je blâme leur assurance, mais je voudrais encore qu’on la punît. J’ai souvent remarqué en vous une impression que j’éprouve aussi moi-même en prononçant mon exorde. Je sens que je pâlis, mes idées se confondent, et je tremble de tous mes membres. Un jour même que je m’étais porté pour accusateur dans ma première jeunesse, je fus si interdit en commençant mon discours, que Q. Maximus, s’apercevant de mon désordre, renvoya la cause à un autre jour, et c’est un service que je n’oublierai jamaisf.

f – Cicéron, De Oratore. Lib. I, cap, XXVI.

Nous imposons bien la même règle, mais non comme règle d’art. Enchérissant sur Cicéron, qui conseillerait sans doute d’être modeste dans tout le discours (Quœ enim prœcepla principiorum esse voluerunt, ea in totis orationibus sunt conservanda.g) nous voulons, non que l’exorde, mais que l’orateur soit modeste ; nous trouvons même bon qu’il soit timide ; mais avec cette distinction de Marmontel, qu’il faut être timide pour soi et hardi pour sa causeh. La première sorte de timidité a bonne grâce, la seconde déconsidère l’orateur et détruit d’avance l’effet de ses arguments. Or, comme on ne peut pas être à la fois timide et hardi, il faut que la hardiesse du chrétien convaincu finisse par l’emporter sur la timidité de l’homme.

g – Cicéron, De Oratore. Lib. II, cap. XIX.

h – Marmontel, Eléments de littérature, tome III, page 323.

3. Enfin, je demande pour l’exorde, clarté, justesse, correction, pureté de langage et de style. Je pourrais dire, en un seul mot, perfection. L’exorde, en effet, ne saurait être trop irréprochable sous le rapport des idées et du style. C’est un moment périlleux pour l’orateur que celui où l’auditeur, n’étant pas encore vivement intéressé, est maître de toute son attention pour les détails, où l’orateur n’a rien pu faire encore pour se faire pardonner des défauts même légers.

Nul endroit du discours, dit Gaichiès, ne demande tant d’exactitude ni tant de politesse que l’exorde, nul n’étant écouté d’un plus grand sang-froid ni plus examiné.

Soyez bien persuadés que l’auditeur attentif ne vous pardonnera, dans l’exorde, rien de ce qu’il vous pardonnera dans le corps du discours, quand une fois vous lui aurez communiqué votre propre chaleur. Incorrection, redondance, exagération, inexactitude, obscurité, il remarquera tout et ne pardonnera rien. Or, cette première impression est souvent décisive et toujours importante.

Le succès d’un discours, dit encore Gaichiès, dépend souvent du début ; on ne revient pas aisément des premières impressions, soit bonnes, soit mauvaises. Il est bien plus important de le purger de défauts que de l’orner de beautés.

Boileau a dit :

qu’un sonnet sans défaut vaut seul un long poèmei.

i – Boileau, Art Poétique, chant II.

On serait tenté d’en dire autant d’un exorde sans défaut. Mais pourtant on n’ajouterait pas que

cet heureux phénix est encore à trouver.

Il y a des exordes qui sont tout à la fois beaux et irréprochables.

L’importance et la difficulté de l’exorde ont fait penser à quelques personnes, qu’il serait bon de ne s’occuper de cette partie de la composition qu’après avoir écrit tout le reste. Ce ne serait pas notre avis. Ce procédé est peu naturel. Un bon exorde prépare l’orateur comme l’auditeur. Il n’en est pas comme d’une préface, qui tient bien moins intimement au livre, qui peut très bien exister sans préface. Nous adopterions plutôt l’idée de Cicéron :

Quand j’ai bien pris ainsi toutes mes mesures, je me mets à chercher en dernier lieu ce qui doit pourtant commencer mon discours, c’est-à-dire mon exorde ; car toutes les fois que j’ai voulu commencer par m’en occuper, je n’ai rien trouvé que de faible, d’insignifiant, de commun et de vulgaire.

Et voici sur quoi Cicéron fonde son procédé :

Il ne faut point chercher l’exorde dans des circonstances étrangères ou éloignées, mais le tirer des entrailles mêmes de la cause. Que l’on commence donc par sonder la cause, par l’examiner dans toute son étendue, par trouver et préparer tous les lieux qu’on veut mettre en œuvre : on songera alors au choix d’un exorde, et il viendra s’offrir de lui-mêmej.

j – Cicéron, De Oratore, Lib. II, cap. LXXVII et LXXVIII.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant