Théologie pastorale

2. Vie domestique du ministre

2.1. Réflexions générales. Mariage et célibat. La femme du pasteur.

L’Evangile n’a point gardé le silence sur ce sujet : Il faut que l’évêque soit irrépréhensible, mari d’une seule femme, sobre, prudent, grave, hospitalier, propre à enseigner ; … qu’il gouverne bien sa propre famille, tenant ses enfants dans la soumission et dans toute sorte d’honnêteté ; car si quelqu’un ne sait pas conduire sa propre famille, comment pourra-t-il gouverner l’Eglise de Dieu ?… Il faut, de même, que leurs femmes soient graves, qu’elles ne soient point médisantes, qu’elles soient sobres et fidèles en toutes choses. (1 Timothée 3.2, 4, 5, 11.) — Je t’ai laissé, afin que tu établisses des pasteurs, s’il se trouve quelqu’un qui soit irrépréhensible, mari d’une seule femme, duquel les enfants soient fidèles, et qui ne soient pas accusés de dissolution, ni désobéissants. Car il faut que l’évêque soit irrépréhensible, comme étant l’économe de Dieu ; qu’il ne soit point attaché à son sens, ni colère, ni adonné au vin, ni violent, ni porté au gain déshonnête ; mais qu’il exerce l’hospitalité, qu’il aime les gens de bien, qu’il soit sage, juste, saint, tempérant. (Tite 1.5-8.)

Ces passages supposent le ministre marié et père de famille ; ce qui ne signifie pas précisément qu’ils prescrivent le mariage au pasteur. Si l’on disait que cela est nécessaire pour qu’il soit en toutes choses le modèle des fidèles[y], nous répondrions qu’il n’est pas besoin d’être dans cette situation particulière pour servir de modèle à ceux qui s’y trouvent. [Cette prétention serait absurde et contraire à l’esprit de l’Evangile, qui ne veut pas nous enfermer dans des règles littérales : preuve en soient, par exemple, les formes différentes sous lesquelles les quatre évangélistes racontent le même fait. Partout nous rencontrons, dans l’Evangile, le même caractère large et libéral.] Notre Seigneur n’en est pas moins notre modèle en toutes choses, quoiqu’il n’ait vécu que dans les relations les plus générales de l’humanité. Enfin, saint Paul lui-même, l’auteur de tous les passages que nous venons de citer, n’a point été marié.

[y] Sois le modèle des fidèles par tes paroles, par la conduite, par ta charité, par l’esprit qui t’anime, par ta foi, par ta pureté. (1 Timothée 4.12) — Rends-toi toi-même en toutes choses un modèle de bonnes œuvres. (Tite 2.7)

Saint Paul, qui a revendiqué pour tous (1 Timothée 4.3) le droit de se marier, n’en a pas moins honoré le célibat, ne se bornant pas à le recommander comme convenable dans les temps de péril où était l’Eglise, (1 Corinthiens 7.26-29) mais comme un moyen de se donner plus entièrement à Dieu. (1 Corinthiens 7.32, 35) Il ne faisait que reproduire la pensée de Jésus-Christ lui-même. (Matthieu 19.10-12) Ce n’est pas tomber en contradiction avec soi-même que de donner des conseils de perfection, dont la réalisation universelle serait incompatible avec l’existence de la société, parce qu’alors, tout simplement, la société de la terre deviendrait la société du ciel. Le célibat, dans l’esprit où Jésus-Christ l’a pratiqué, ne nuirait pas au monde, et c’est de celui-là seulement qu’il est question ; les paroles de Jésus-Christ donnent assez à entendre qu’un tel célibat ne serait jamais qu’une rare exception.

Saint Paul, et son Maître avant lui, n’ont pas eu en vue, dans les passages que nous avons cités, une classe particulière de l’Eglise ; mais comment un conseil de perfection ne regarderait-il pas, dans l’Eglise, les pasteurs surtout ?

Quand un ministre se sentira disposé au célibat par une impulsion intérieure de l’Esprit, il ne devra pas craindre d’en être moins utile à l’Eglise ; car l’utilité dont pourrait lui être son mariage n’est pas plus grande, l’est moins peut-être, que celle d’un célibat pur et dévoué. — Et peut-être est-il à regretter, sinon qu’il n’y ait pas plus de ministres célibataires, du moins qu’il ne se trouve pas plus de ministres qui se sentent de la disposition pour cet état. — Il est des temps et des situations où le ministre célibataire rendrait à l’Eglise des services que le ministre marié ne peut pas aussi bien lui rendre. Hors du domaine religieux, les hommes qui ont fait de très grandes choses ont vécu dans le célibat, ou dans un état de mariage trop peu différent du célibat. — Le célibat volontaire ne met d’ailleurs pas le ministre dans un état d’hostilité envers la société.

Mais le célibat du pasteur n’est bon que comme vocation positive et spéciale dans sa vocation générale de pasteur. Si ce n’est pas une soif de pureté et de dévouement qui le lui a conseillé ou imposé, il est, même dans la plus grande honnêteté de mœurs, plutôt mauvais que bon. Je craindrais qu’il n’entraînât des habitudes peu régulières et peu conformes à la dignité du pasteur[z]. Je craindrais que la pureté n’en fût suspectée ; car il faut, dans un tel état, un excès de sainteté pour écarter toute idée fâcheuse. Il est très vrai qu’il y a dans l’idée d’un célibat vraiment honnête quelque chose de pur et d’angélique ; mais il faut d’abord que notre célibat soit jugé avoir ce caractère.

[z] L’ennui d’une solitude absolue peut aisément porter le pasteur à chercher au dehors les distractions et des délassements qu’il ne trouve pas chez lui. Longues et fréquentes visites ; flâneries.

Règle générale : Quand le célibat n’est pas un sacrifice pour le règne de Dieu, le mariage vaut mieux. Il est certain que si le ministère ne gagne pas au célibat du pasteur, il y perd. Car, dans ce cas, il n’y a pas plus de dévouement, et il y a un moyen de moins d’utiliser celui qu’on a. A prendre les hommes tels qu’ils sont, le pasteur marié est plus utile, toutes choses égales d’ailleurs, que le pasteur célibataire. Dans un mariage bien assorti, dans une vie de famille, je trouve d’abord l’avantage d’un modèle offert à la paroisse et au monde. J’y trouve ensuite une coopération utile, si la femme du pasteur est vraiment ce qu’elle doit être[a].

[a] Harms va trop loin, non pas en faisant du mariage la règle et du célibat l’exception, car nous faisons de même, mais en faisant du mariage une nécessité et une obligation absolue pour le pasteur, comme si le pasteur n’était pas complètement pasteur à moins d’être marié.

Ceci nous conduit à parler de ce que doit être la femme du pasteur. Ce point est si important, que nous jugeons le célibat beaucoup préférable à un mariage, d’ailleurs bien assorti et heureux, mais mal assorti et malheureux en ceci, que la femme a épousé l’homme et non le pasteur, ou si l’on veut, à un mariage dans lequel le ministre n’a eu en vue que lui et non son ministère.

Le premier ministère du pasteur est celui du bon exemple ; et saint Paul associe la femme à ce ministère, lorsqu’il veut que les femmes soient graves, point médisantes ; qu’elles soient sobres et fidèles en toutes choses. (1 Timothée 3.11) — On en a senti si bien l’importance que, dans certaines Eglises, celles de Hongrie, on a rendu le ministre positivement responsable de la conduite de sa femme[b]. Il l’est partout moralement, et cette responsabilité est grave ; le ministère en peut considérablement souffrir. Combien les travers et les vices de la femme (médisance, avarice, négligence, faste, etc.) compromettent la considération du pasteur ! — Et l’inverse : Julien l’Apostat, remarquant qu’une des causes des succès de l’Evangile était la sainteté de mœurs de ses sectateurs, et particulièrement de ses ministres, voulut faire concurrence au christianisme en prescrivant aux prêtres païens de maintenir leurs femmes, leurs enfants et leurs domestiques dans la même sainteté de moeurs.

[b] Il est puni pour elle, si elle danse, si elle joue aux cartes, etc. (Voir Bridges, The Christian Ministry, page 200.)

Quand on ne voudrait tenir compte que d’une chose ne serait-ce pas de l’éducation des enfants, laquelle pour la plus grande partie, presque tout entière quelquefois, et surtout de la manière la plus directe et la plus continue, dépend des mères ? Le pasteur n’élève pas tout d’un temps ses enfants avec sa paroisse : tant s’en faut ; avec la meilleure intention, il ne peut pas faire pour ses enfants tout ce qu’il voudrait et ce qu’un autre pourrait faire ; il faut qu’il puisse s’en reposer sur sa compagne. — D’ailleurs, comment sa famille, sous l’influence d’une mère qui n’est pas chrétienne, pourrait-elle présenter l’aspect d’une famille chrétienne ? Il est très nuisible à l’autorité du pasteur qu’on ne voie pas sa femme être sa première prosélyte, et j’ajoute sa première aide.

En effet, il faut que la femme prenne part à la vocation du mari, et pour cela d’abord qu’elle partage ses convictions et ses sentiments. Elle lui sera sans cela (si bonne épouse qu’elle puisse être) en obstacle et en scandale. Et plus il sera zélé, plus l’impossibilité de trouver dans sa femme du concours, ou du moins de l’intérêt, navrera son cœur et le découragera.

Mais si elle partage ses sentiments, il a une consolation inépuisable et toujours prochaine, une double force, et à l’ordinaire un excellent conseil. — Il est impossible qu’une épouse pieuse ne devienne pas, pour le pasteur, dans le point de vue particulier du ministère, une aide semblable à lui. [Il trouvera en elle] pénétration plus vive et plus exquise, tact plus sûr, plus prompt et plus délicat, fermeté plus douce, persévérance plus tranquille[c].

[c] Il faut que nous trouvions en elle un moniteur dans le meilleur sens du mol, un collaborateur, un incitateur au bien ; et ce qu’elle n’est pas, il faut qu’elle le devienne, et qu’elle le devienne par nos soins. (Harms)

Services qu’elle peut lui rendre : auprès des pauvres, des malades, des écoles, etc. — Confesseur naturel des femmes. — Conseiller mieux écouté dans certains cas. — Informations qu’elle fournit à son mari.

Rappelons ici le souvenir d’Aquilas et de Priscille[d], deux époux (de la classe ouvrière) qui travaillèrent avec saint Paul pour Jésus-Christ, et à qui toutes les Eglises des gentils étaient obligées ; (Romains 16.3, 4) — qui prirent auprès d’eux Apollos, cet éloquent Johannite, et l’instruisirent plus exactement dans la voie de Dieu ; (Actes 18.2, 3, 26) — et dont les deux noms ne sont jamais séparés par saint Paul. (2 Timothée 4.19 ; 1 Corinthiens 16.19)

[d] Voir le discours intitulé Aquilas et Priscille, dans les Méditations évangéliques de M. Vinet. (Editeurs.)

La femme du ministre lui est nécessairement ou un obstacle ou une aide : il n’y a pas de milieu.

Cela fait une loi d’avoir en vue son ministère dans le choix que l’on fait d’une compagne. Il est peut-être assez rare qu’on le fasse. On s’engage avant d’être bien sérieux, et le fût-on, la passion l’emporte et fait voir ce qui n’est pas.

Epoque du mariage. — C’est peut-être beaucoup d’épouser à la fois une paroisse et une femme. Ne vaudrait-il pas mieux ne pas faire rencontrer, ne pas même rapprocher trop ces deux actes, non opposés, mais différents ?[e]

[e] Sur la manière d’entrer dans l’état du mariage, voir l’Histoire de Lavater, par Gessner. tome 1, pages 303 à 305. L’histoire du jeune Tobie n’est pas plus belle.

2.2. Gouvernement de la famille

Que l’évêque gouverne bien sa propre famille, tenant ses enfants dans la soumission et dans toute honnêteté, car si quelqu’un ne sait pas gouverner sa propre famille, comment pourra-t-il gouverner l’Eglise de Dieu ? (1 Timothée 3.4, 5)

Il n’est guère naturel, et il ne se verra guère qu’un ministre soit zélé pour sa paroisse (jaloux pour elle d’une jalousie de Dieu), et qu’il néglige sa famille. Comment pourrait-on être mauvais père et bon pasteur, ce qui n’est qu’une paternité plus étendue ? Comment le principe de charité qui fait le bon pasteur existerait-il dans l’absence du principe d’affection qui fait le bon père ? Comment la charité qui s’inquiète des étrangers serait-elle sans souci de ceux de la maison ? Comment le pasteur ne serait-il pas d’abord pasteur de sa famille ? Comment supposer le zèle du pasteur et l’indifférence du père, quand il est dit que celui qui n’a pas soin des siens est pire qu’un infidèle ? (1 Timothée 5.8.)

Il faut convenir cependant, quelque étrange que cela puisse être, qu’on peut déployer un certain zèle pour sa paroisse et n’avoir pas pour sa famille une sollicitude proportionnée, se laisser absorber par les détails de ses fonctions, aimer peut-être plus cette activité extérieure que les soins de l’intérieur domestique. Il y a beaucoup d’enfants mal élevés dans les familles sacerdotales, et les pères de ces enfants ne sont pas toujours, tant s’en faut, de mauvais pasteurs.

C’est une grave erreur de croire que la paroisse doive aller avant la famille. Pour le pasteur, comme pour tout autre homme, la famille est le premier intérêt. Si l’on ne veut pas admettre ceci, il est plus simple de ne pas se marier. Ce que la famille gagne par nos soins profite à la paroisse même ; d’abord, parce que la famille, comme dit Quesnel, est un petit diocèse, où se font les essais du zèle, de la piété et de la prudence épiscopale et ecclésiastique ; — ensuite, parce que la paroisse gagne à ces soins domestiques par l’exemple édifiant qui en résulte pour elle, et par l’esprit pastoral répandu dans tous les membres de la famille.

Elle perd, dans la même proportion, par notre négligence domestique, quand bien même ce serait à elle que nous aurions sacrifié nos enfants : — d’abord, parce qu’il n’est pas naturel qu’une vraie bénédiction repose sur les soins d’un pasteur qui, n’ayant pas soin des siens, est pire qu’un infidèle ; — ensuite, à cause du scandale. — Exemple des enfants d’Héli. (1 Samuel 2) Malgré les représentations sages et graves d’Héli à ses enfants, (2.23-25) on voit, par les reproches qui lui sont faits, (2.29) qu’il était cause, par sa faiblesse, de leurs déportements, et déjà au chapitre 1, on s’aperçoit que ce n’était pas un homme spirituel.

Influence réunie de l’esprit politique du temps et de certaines idées du réveil, pour que les enfants, soient élevés dans un autre esprit que celui de soumission dont parle l’apôtre. — Se mettre en garde contre ces influences.

2.3. Maison et ménage du pasteur

Qu’en se mariant le ministre sache d’après quels principes généraux sa maison doit être gouvernée, et que la femme qu’il épouse (l’aide qu’il se donne) l’apprenne de lui, si elle a encore à l’apprendre.

Sans préjudice d’une honnête liberté, il faut que le train de sa maison et les habitudes de la vie extérieure de sa famille soient subordonnés à l’intérêt de son ministère. Ce n’est pas un joug qu’il impose à sa compagne, mais des principes qu’il faut qu’elle ait volontairement adoptés, en vertu d’un intérêt qu’elle partage avec lui.

S’il n’y a pas ce concert, ou si les principes ne sont observés qu’aux dépens de la liberté d’une des parties, tout ira mal.

Cela posé, nous croyons que l’intérieur matériel (le matériel de l’établissement domestique) doit satisfaire à la bienséance de deux manières : — par l’ordre et la propreté, si l’on est pauvre ; — par la simplicité, si l’on est riche ; — ce qui, certes, ne veut pas dire que l’ordre puisse manquer dans une maison riche, ou la simplicité dans une maison pauvre ; encore moins, qu’on ait de l’ordre par cela seul qu’on est riche, et de la simplicité par cela seul qu’on est pauvre, sans y tâcher autrement. L’ordre est l’ornement, la parure, le luxe de la pauvreté. Rien n’est triste comme des simulacres de richesse et des prétentions à l’élégance dans une maison pauvre. Mais, au contraire, l’ordre dans la pauvreté révèle une âme ferme, un caractère sérieux, un cœur paisible ; l’ordre et la propreté chez le pauvre sont presque de la vertu, inspirent un respect involontaire, et leur absence nuit beaucoup à la considération du pasteur pauvre.

La simplicité est le seul ornement qui puisse s’ajouter convenablement à la richesse ; elle est de bon goût partout, elle l’est surtout dans un presbytère. Le contraire fait trop contraste avec les fonctions du pasteur. Mais il y a plus. Le presbytère est une seconde maison commune dans la paroisse. Aucune n’est autant visitée par les malheureux. Il faut peu de chose pour offenser leurs regards. Ce que l’homme riche ou seulement aisé honore à peine du nom de confort, c’est pour eux mollesse et faste. Si, chez un pasteur opulent, l’opulence avait droit de paraître, il faudrait que ce fût sous une forme grave, et qu’on ne remarquât nulle part la fantaisie, le colifichet et la sensualité. Il y a un luxe qui parle aux sens, il y en a un autre qui parle à l’esprit et à l’imagination, et où la matière est mise au service de la pensée[f].

[f] Lutte entre le sérieux d’un mari et la vanité de sa femme, dans le Vicaire de Wakefield.

La fréquentation peu mesurée de la société (j’entends ce qu’on appelle assemblées, soirées, dîners, etc.) insulte à la pauvreté par le loisir qu’elle dissipe, et par les dépenses qu’elle entraîne ou du moins qu’elle suppose. La famille pastorale peut avoir des amis, les voir familièrement et souvent ; mais il ne lui convient pas de voir le monde. L’austérité personnelle du pasteur ne corrigerait pas l’impression qu’on aurait reçue de la mondanité de sa femme et de ses enfants. Nous ne recommandons pas une règle claustrale. Quelque abus qu’on ait fait du proverbe : Il faut que jeunesse se passe, il n’est pas sans vérité. Mais, sans vouloir forcer la nature, et en autorisant une honnête liberté, il faut pourtant que la maison du pasteur soit une maison bien réglée, et la vie dissipée de sa famille serait un véritable scandale.

Nous avons dit ailleurs qu’une des prérogatives du pasteur est de n’appartenir à aucune classe particulière de la société ; il ne faut pas que sa femme et ses enfants le dépouillent de cette prérogative par la recherche du commerce du beau monde.

Plus de scrupule à apporter au choix des domestiques que dans toute autre maison. — Non seulement des gens qui nous conviennent sous le rapport des services que nous en attendons, mais des gens de bonne réputation, et disposés à entrer dans l’esprit de notre maison.

Décence, dignité des manières dans l’intérieur, dans le langage, dans tous les rapports. — Se respecter vis-à-vis de soi-même, est le moyen.

Paix. — La maison du pasteur est une maison de paix, non de contestation et de bruit.

Simplicité de la table, sobriété. — Que le soupçon d’intempérance ou de sensualité n’approche pas des pasteurs. — Le monde leur cherche, d’instinct et de premier mouvement, tous les vices opposés aux vertus qui doivent les caractériser.

Hospitalité. — Elle est mise par saint Paul (Tite 1.8. – 1 Timothée 3.2) au nombre des vertus de l’évêque. L’hospitalité avait alors une importance qu’elle n’a pas aujourd’hui. Outre les circonstances générales bien connues, le christianisme était voyageur  ; le zèle, la persécution mobilisaient l’Eglise ; et d’ailleurs la position d’un voyageur, même riche, n’étant pas commode, celle du pauvre était pénible. Des chrétiens sont loués d’avoir exercé l’hospitalité, des veuves d’avoir lavé les pieds des saints. (1 Timothée 5.10)[g] — On peut citer plusieurs exemples de ce devoir rempli dans l’Eglise primitive ; Aquilas et Priscille prenant chez eux Apollos. (Actes 18.2-13)

[g] Voir la Vie de Martin Boos, page 230 de l’édition de Saint-Gall, 1836. — « Deux jeunes ecclésiastiques s’étaient rendus à Gallneukirchen, paroisse considérable dont Boos était alors pasteur (1811). Boos les voyait l’un et l’autre pour la première fois. A peine les eut-il introduits dans sa chambre et les eut-il fait asseoir, qu’il fit apporter un bassin rempli d’eau, et s’agenouillant devant les étrangers, détacha leurs souliers, et se mit à leur laver les pieds en disant : il est écrit Lavez les pieds des saints ; et, malgré tous nos refus et nos protestations (racontent-ils), il acheva ce qu’il avait commencé. »

S’il reste quelque chose de l’application générale du précepte, il reste quelque chose aussi de l’application particulière aux pasteurs. Plus l’hospitalité est négligée ou éludée, plus le pasteur en doit donner l’exemple, sans conniver d’ailleurs le moins du monde à l’inutile et pernicieux abus qu’on a quelquefois essayé d’en faire au nom du christianisme. Car décidément, la forme du moins en a changé. — J’aimerais à voir le pasteur l’exercer envers d’honorables pauvres de sa paroisse, avec discernement et prudence. — Pour le reste, je ne vois qu’un devoir général dont il doit donner l’exemple à son troupeau comme des autres vertus, mais non pas plus que des autres vertus.

Culte de famille. — Il est inutile de prouver que la maison pastorale en doit offrir l’exemple et le modèle. — Ne pas, à l’ordinaire, l’élargir de manière qu’il disparaisse dans un culte extra-domestique. — Distinguer les réunions d’édification qu’on peut, sous le toit du presbytère, ouvrir à des voisins, à des paroissiens, et le culte de famille, dont le caractère doit être conservé. — C’est en demeurant tel, qu’il peut réagir avec avantage sur le culte public.

Le gouvernement des intérêts matériels du presbytère (le ménage), est une des choses qui font sentir l’importance, pour le pasteur, d’avoir fait un bon choix dans la personne de sa femme. Car elle a, dans ce domaine, la plus grande influence ; et il importe que la maison pastorale soit bien gouvernée, que l’ordre, l’exactitude qui y règnent édifient tout le monde, qu’on se montre chrétien et qu’on le soit en petit comme en grand. L’exactitude, la ponctualité, si elles ne sont pas des vertus, peuvent le devenir par le principe dans lequel on les exerce, et dans tous les cas, elles sont la condition de plus d’une vertu, et leur absence en compromet plusieurs. En mal comme en bien, l’extérieur réagit sur l’intérieur. La négligence entraîne l’impatience, l’irritation, les procès, le mensonge, l’injustice ; et de plus, tentant les autres à nous tromper, elle les induit au péché. — Il n’est pas nécessaire, pour paraître bons, que nous passions pour dupes ; la bonté volontaire, libre, intelligente, est la vraie bonté ; et c’est celle-là surtout qui nous fait aimer : pourquoi nous tiendrait-on compte de l’autre ? — Il va sans dire que cette exactitude se concilie avec la largeur, qu’elle n’a rien de commun avec la finesse. — Nous désirons pour la dame du presbytère la réputation d’une femme d’ordre, mais non pas un renom d’industrie et d’habileté. Trop de savoir-faire ne lui va pas, et je voudrais que son idéal se composât de l’image de la femme forte des Proverbes, (31.10-31) et de celle des veuves chrétiennes dont parle saint Paul à Timothée, — ou du caractère de Marthe tempéré par celui de Marie. — Qu’elle sache aussi, et que son mari se soit bien dit en la choisissant, qu’il y a non seulement plus de bonheur, (Actes 20.35) mais plus de dignité et plus de prudence à donner qu’à recevoir.

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