Le Pédagogue

LIVRE PREMIER

CHAPITRE IX

Il appartient à la même puissance de faire du bien et de punir justement. – De la méthode qu’emploie le Verbe pour nous conduire.

Notre Pédagogue emploie toutes ses forces ; notre Verbe divin, toute sa sagesse, pour nous conserver. Il avertit, il réprimande, il blâme, il accuse, il menace, il guérit, il promet, il donne, ne négligeant rien pour enchaîner et détruire le désordre de nos désirs. Pour tout dire, en un mot, le Seigneur agit envers nous comme nous agissons nous-mêmes envers nos enfants. « As-tu des fils, dit la sagesse, instruis-les avec soin et accoutume-les au joug dès leur enfance. As-tu des filles ? conserve la pureté de leur corps et ne leur montre pas un visage trop riant. » Celui qui ne reprend pas ses enfants dans leurs fautes, de peur de les affliger, ne les aime point. Celui, au contraire, qui les reprend avec sévérité leur bâtit un long bonheur sur un chagrin d’un moment. Le Seigneur ne nous désire point la volupté de la terre, qui passe si vite, mais la béatitude du ciel, qui ne passe point.

Étudions donc avec soin les leçons du Verbe, et cherchons dans les livres saints sa méthode de nous instruire qu’il y a gravée lui-même. Il avertit d’abord, et ses premiers avertissements sont comme mêlés d’un tendre blâme, bien propre à faire revivre la sagesse dans les cœurs qui l’ont oubliée. Écoutez-le lui-même dans l’Évangile : « Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et lapides ceux qui sont envoyés vers toi, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses petits sous ses ailes, et tu ne l’as pas voulu ! » Écoutez-le dans Jérémie : « Ils ont adoré le bois et la pierre, ils ont brûlé leur encens devant Baal. » C’est ici une des plus grandes preuves de la bonté de Dieu, qui, connaissant tout l’orgueil, toute l’insolence du peuple révolté contre lui et contre sa loi, ne laisse pas d’en avoir pitié et de l’exhorter à la pénitence par la bouche d’Ézéchiel : « Fils de l’homme, tu habites au milieu des scorpions, parle-leur cependant, peut-être t’écouteront-ils. » Écoutez-le dire à Moïse : « Va, et dis à Pharaon de laisser mon peuple ; mais je sais qu’il ne le laissera point aller. » Le Seigneur, vous le voyez, connaît l’avenir ; mais il nous laisse toute notre liberté, afin de nous offrir l’occasion d’une pénitence volontaire. Ne se lassant jamais d’avertir, il dit à son peuple, par la bouche d’Isaïe : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. » Il fait suivre ses avertissements répétés d’un blâme accusateur : « Ils m’honorent sans raison, enseignant les doctrines et les commandements des hommes. » Ce blâme montre à la fois le péché, et le remède qu’il faut employer pour en effacer la souillure. Le blâme est un reproche jeté aux actions honteuses. En voici un exemple dans Jérémie : « Ils sont devenus comme des chevaux qui courent et qui hennissent après les cavales : chacun d’eux a poursuivi la femme de son voisin. » « Ne visiterai-je donc point ces crimes, dit le Seigneur ; et mon âme ne se vengera-t-elle pas de cette nation ? » Il joint partout aux reproches un motif de crainte, parce que la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse. « Ne les visiterai-je point, dit-il encore, par la bouche d’Osée ; eux qui se sont mêlés à d’impudiques courtisanes et aux sacrifices des initiés, eux qui, comprenant toute l’horreur de leurs crimes n’ont pas laissé de les commettre ? » Leur crime est bien plus grand, puisqu’ils le connaissaient et qu’ils l’ont commis volontairement et avec réflexion. L’intelligence est l’œil de l’âme. Le nom d’Israël, donné au peuple choisi, signifie qui voit Dieu, c’est-à-dire qui le connaît. La plainte est un blâme adressé à la négligence et au mépris. Le Pédagogue l’emploie dans ce passage d’Isaïe : « Cieux, écoutez ; terre, prête l’oreille, le Seigneur a parlé. J’ai nourri des enfants, je les ai élevés, et ils se sont révoltés contre moi. Le taureau connaît son maître ; l’âne, son étable ; Israël m’a méconnu. » N’est-ce pas une indignité que celui qui a connu Dieu ne connaisse pas son maître ? que le bœuf et l’âne, qui sont des animaux pesants et stupides, connaissent la main qui les nourrit et qu’Israël ne la connaisse point ? Après plusieurs plaintes semblables, il ajoute, par la bouche de Jérémie : « Et ils m’ont abandonné, dit le Seigneur. » Le blâme se change ensuite en une accusation véhémente. C’est de ce remède que se sert le Pédagogue dans ce passage d’Isaïe : « Malheur aux enfants déserteurs ! Vous ne m’avez pas appelé dans vos conseils, vos traités n’ont pas été scellés de mon esprit. » Il se sert de la crainte pour resserrer les cœurs, de la menace pour les ouvrir. C’est ainsi qu’on serre fortement les laines qu’on veut teindre, afin que la couleur les pénètre mieux. Lorsque la foi s’affaiblit et semble prête à s’éteindre, il jette au milieu des pécheurs l’horrible image de leurs péchés. « Vous avez, leur dit-il, dans Isaïe, vous avez abandonné le Seigneur et excité l’indignation du Saint d’Israël. » « Leur crime, dit Jérémie, a rempli le ciel de stupeur et frappé la terre d’épouvante. Mon peuple a fait deux maux : il m’a abandonné, moi, source d’eau vive, pour se creuser des citernes, fosses entr’ouvertes, qui ne peuvent retenir l’eau. Jérusalem, dit-il encore, s’est enfoncée dans son péché ; c’est pourquoi elle est devenue chancelante : tous ceux qui l’honoraient l’ont méprisée, parce qu’ils ont vu son ignominie. » Lorsque l’image de leur crime a rempli d’horreur les coupables, le Pédagogue les console et les encourage comme il le fait dans ces paroles de Salomon, où brille sa tendresse pour ses enfants : « Mon fils, ne repousse point les instructions du Seigneur et ne t’irrite point contre ses reproches : le Seigneur châtie celui qu’il aime, il punit le fils qu’il reçoit en grâce, mais le pécheur fuit le reproche et le châtiment. » L’Esprit saint fait dire au prophète : « Que le juste me frappe, je reconnais sa miséricorde : ses reproches sont un parfum exquis. »

Le châtiment est un blâme qui rend l’intelligence à ceux qui l’avaient perdue. C’est un remède que le Pédagogue connaît et qu’il met souvent en usage. « Combien de temps crierai-je sans être écouté ? Leurs oreilles sont comme celles des incirconcis ; semblable aux nations infidèles, ce peuple est incirconcis de cœur. Il n’y a plus d’obéissance dans mon peuple, il n’y a plus de foi dans mes fils. » Il attend encore cependant, il attend leur retour. Quelle admirable patience ! Mais enfin il se montre, et sa parole devient plus forte et plus incisive. C’est alors qu’il s’écrie : « Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et lapides ceux qui sont envoyés vers toi. » Cette répétition redouble l’horreur du crime et la gravité du reproche. Comment, en effet, celui qui connaît Dieu en peut-il persécuter les ministres ? « À cause de vos crimes, leur dit-il, votre maison deviendra déserte. Je vous dis : vous ne me verrez plus jusqu’à ce que vous disiez : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Si, en effet, vous n’êtes point touché de ma bonté ; si vous ne la reconnaissez point, vous reconnaîtrez mon pouvoir. »

Il maudit quelquefois ceux qu’il veut ramener. La malédiction est un discours énergique et un remède violent. En voici deux exemples : « Malheur, dit Isaïe, à la nation perverse, au peuple chargé de crimes, à la race d’iniquité, à ces enfants corrupteurs ! » « Serpents, race de vipères, dit l’évangéliste saint Jean. » L’accusation, dans la bouche de Dieu, est un blâme dirigé contre ceux qui commettent l’injustice. C’est encore un autre genre de remède que le roi David et le prophète Jérémie emploient dans les passages suivants : « Un peuple que je ne connaissais point, dit le saint roi, m’a servi ; il a prêté une oreille attentive à ma voix. Mes enfants, devenus rebelles, ont menti contre moi ; ils se sont écoulés, ils ont rompu leurs digues. » « J’ai donné à Israël l’écrit de répudiation, dit Jérémie, et la perfide Juda n’a pas craint. La maison d’Israël m’a méprisé, et la maison de Juda a menti envers le Seigneur. » Quelquefois, par un artifice tendre et secourable, il rappelle et déplore les châtiments terribles dont les pécheurs endurcis deviennent la proie. Entendez les plaintes de Jérémie : « Comment est-elle assise solitaire, la ville pleine de peuple ? Elle est devenue comme veuve, la maîtresse des nations. La reine des cités est tributaire ; elle a été vue pleurant dans la nuit. » Quelquefois il ajoute au blâme de cruelles injures. Écoutez encore le prophète Jérémie : « Tu t’es montrée comme une courtisane frappante de beauté et de vices. Tu ne m’as point appelée dans ta demeure, moi ton père, et le gardien de ta virginité, courtisane, dis-je, impudente et empoisonneuse. » Il n’insulte à ses débauches que pour la rappeler à la pudeur. Quelquefois il s’indigne contre ses fils mêmes, que ses faveurs enorgueillissent outre mesure. Nous reconnaissons l’emploi de ce remède, dans les deux passages suivants de Moïse et d’Isaïe. « Fils coupables, dit le premier, race dépravée et perverse ; c’est donc là ce que tu rends au Seigneur, peuple fou et stupide ? N’est-ce pas lui qui est ton père, qui t’a possédé, qui t’a fait et qui t’a créé ? » Tes princes, dit Isaïe, sont rebelles et les compagnons des brigands ; ils aiment les présents, et recherchent un salaire. Ils ne rendent point justice à l’orphelin. » Pour tout dire, en un mot, ces divers artifices qu’il emploie pour nous effrayer, sont comme une source et une fontaine de salut. Comme sa nature est d’être bon, sa volonté est de nous sauver. Sa miséricorde s’étend sur toute chair. Il nous menace, il nous châtie pour nous conduire, comme un bon pasteur son troupeau. Il aime et secourt tous ceux qui s’attachent à sa doctrine ; mais il s’affectionne plus tendrement à ceux qui s’y livrent avec plus d’ardeur. C’est ainsi qu’il conduit à travers le désert les six cents mille hommes qu’il a rassemblés. Tantôt il les frappe dans la dureté de leur cœur ; tantôt il les avertit avec une douceur toute divine. Sa bonté patiente ne se lasse jamais ni de punir, ni de pardonner, et il les environne jusqu’à la fin, de sa miséricorde et de sa justice comme d’un rempart. Comme ses miséricordes sont sans mesure, ses reproches le sont aussi. Il est beau, sans doute, de ne pas pécher ; mais il est bon aussi, quand on a péché, de se repentir et de faire pénitence. Il en est de même de la santé qui est préférable, sans doute, à la convalescence, sans que pour cela la convalescence soit à mépriser. « N’éloigne pas le châtiment de l’enfant, disait Salomon ; car si tu le frappes de la verge, il ne mourra point ; tu le frapperas de la verge et tu délivreras son âme de la mort. »

Les reproches sont comme des coups qui pénètrent l’âme, et, la châtiant de ses crimes, l’empêchent de mourir. Ils inspirent la modération et la tempérance à ceux que la violence de leurs passions est au moment d’emporter. Platon était tellement persuadé de l’efficacité des reproches, pour empêcher le vice ou pour le guérir, qu’il assure que les plus criminels et les plus vicieux d’entre les hommes sont toujours ceux qui les ont repoussés ; les plus vertueux, au contraire, ceux qui les ont écoutés avec docilité et reconnaissance. Si les princes et les magistrats ne sont point un objet de crainte aux bons citoyens, comment Dieu le serait-il pour ceux qui ne l’offensent point ? « Si vous faites le mal, craignez, dit l’apôtre. » C’est pour cela que le même apôtre, imitant les discours de Dieu, fait aux Églises d’aigres reproches, certain qu’il est de sa force et de la faiblesse de ceux qui l’écoutent. C’est encore pour cela qu’il dit aux Galates : « Suis-je devenu votre ennemi pour avoir dit la vérité ? » Celui qui se porte bien n’a pas besoin de médecin, mais bien celui qui est malade. Nous donc, qui luttons en cette vie contre une multitude sans cesse renaissante de passions honteuses et de désirs criminels ; nous, que les flammes du vice, allumées dans notre âme, menacent à chaque instant de dévorer, ne sommes-nous pas malades, n’avons-nous pas besoin d’un médecin ? Ce médecin, c’est le Sauveur. Les remèdes qu’il nous donne ne sont pas toujours doux et agréables, ils sont quelquefois acres et violents, emploie la crainte, comme il ferait le suc d’une racine amère et bienfaisante, pour arrêter les envahissements du péché qui ronge notre cœur. L’amertume de ce remède n’en détruit pas la salutaire influence. Malades donc, nous avons besoin de ses secours pour guérir ; égarés, de sa main pour nous diriger ; aveugles, de sa lumière pour voir ; il désaltère ceux qui ont soif, et leur donne à boire des eaux d’une fontaine vivifiante, qui apaisent d’avance toute soif à venir. Il donne la vie à ceux qui sont morts ; il est le pasteur des brebis ; il est le maître des enfants.

La nature humaine tout entière a besoin de ses innombrables et divins secours. Sans lui nos péchés demeurent en nous, nous oppriment et nous condamnent ; avec lui nous sommes séparés de la paille et nous devenons le pur froment qui remplit les greniers célestes. Il tient le van dans sa main, et il nettoiera son aire ; il amassera son froment dans le grenier, et il brûlera la paille dans un feu qui ne s’éteindra point. Voulez-vous comprendre et sentir toute la sagesse avec laquelle le divin pasteur, le Pédagogue tout-puissant, le Verbe paternel, nous instruit et nous dirige, réfléchissez à l’allégorie sous laquelle il se présente à nous, disant de lui-même qu’il est le pasteur des brebis ; c’est-à-dire le Pédagogue des enfants. Voyez-le expliquant aux prêtres, par la bouche d’Ézéchiel, la tendre sollicitude dont il est animé pour son troupeau ; sollicitude admirable qu’ils doivent prendre pour modèle : « Je ferai paître mes brebis moi-même, je chercherai celles qui étaient perdues, je relèverai celles qui étaient tombées, je banderai les plaies de celles qui étaient blessées, et elles paîtront dans de fertiles pâturages sur les montagnes d’Israël. » Tels sont les soins du bon pasteur. Paissez-nous, Seigneur, comme des brebis ; paissez-nous de votre miséricorde et de votre justice. Conduisez-nous sur votre montagne sainte, à cette Église qui est élevée au-dessus des nues et qui touche le ciel. « Je serai moi-même leur pasteur, je demeurerai auprès d’eux, les entourant comme la robe entoure le corps ; ils m’appelleront, et je leur dirai : Me voici. » Vos bontés, Seigneur, ont été plus rapides que mon espérance. « Ils marcheront, dit le Seigneur, et ils ne tomberont point. » Nous ne tomberons point parce que, pour arriver là où la chute n’est plus possible, il nous prête l’appui de son bras. Telle est sa bonté infinie. Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir. Aussi l’Évangile nous le montre accablé de fatigue, ne reculant devant aucune des souffrances qu’il s’est imposées pour notre salut, et promettant de donner son sang pour la rédemption de plusieurs. N’est-ce pas le véritable caractère du bon pasteur ? n’est-ce pas une libéralité magnifique, donner sa vie pour son troupeau ? De quelle utilité n’est-il pas aux hommes ? de quelle bienveillance ne fait-il pas preuve envers eux, lui qui, pouvant être leur maître, a mieux aimé se faire homme pour être leur frère, et mourir pour les sauver ? Il crie vers nous dans sa justice : « Si vous venez directement à moi, je viendrai directement à vous : si vous y venez par des chemins détournés, j’entrerai dans ces mêmes chemins. » Ces chemins détournés signifient les reproches qu’il fait aux pécheurs ; les chemins droits, sa bonté, qui est constante et inaltérable. « Parce que j’ai appelé et que vous vous êtes éloignés, dit le Seigneur ; parce que vous avez dédaigné mes conseils et négligé ma menace. » Les reproches qu’il nous fait nous sont donc de la plus grande utilité. « Race indocile et rebelle, dit David ; race dont le cœur n’a pas été droit et dont l’esprit n’a pas été fidèle au Seigneur. » Telles sont les causes qui appellent enfin le châtiment ; mais la bonté de Dieu retarde, autant qu’elle peut, l’heure de la justice, afin de laisser au coupable un dernier moment pour la désarmer et éviter la mort. Voyez la cause de ces menaces : ils ont oublié ses bienfaits et les miracles qu’il a manifestés. Quand il les frappait, alors ils le cherchaient, ils revenaient à lui, ils l’imploraient avec ardeur, ils se souvenaient que le Seigneur était leur force, et le Très-Haut leur appui. Ainsi la crainte seule les convertissait, et ils méprisaient sa bonté. On méprise la bonté parce qu’elle est toujours bienfaisante ; on respecte la bonté unie au pouvoir et à la justice. Il y a deux espèces de crainte. L’une, qui est mêlée de respect, c’est celle que les sujets ont de leurs princes et nous de Dieu ; celle que les fils sages et vertueux éprouvent devant leurs parents : « Un cheval indompté devient intraitable, et l’enfant abandonné à lui-même devient téméraire. » L’autre espèce de crainte est mêlée de haine ; c’est celle que les esclaves ont de leurs maîtres ; celle que les Hébreux avaient du Seigneur, qu’ils regardaient comme leur maître bien plus que comme leur père.

Les respects volontaires et spontanés ont bien plus de prix devant le Seigneur que les hommages contraints et forcés. Dieu est miséricordieux, il aura pitié des pécheurs ; il les guérira, et ne les perdra point ; il retiendra sa colère, il n’allumera point toute son indignation. Vous le voyez, la justice du Fils brille dans ses reproches ; la bonté du Père, dans ses miséricordes. David, ou plutôt l’Esprit saint qui parle par sa bouche, réunit ainsi ces deux vertus dans un seul et même Dieu : « La justice et le jugement sont le fondement de votre trône ; la miséricorde et la vérité marchent devant votre face ». Le prophète avoue qu’il appartient au même pouvoir de juger et de faire du bien. Ce double pouvoir constitue la Divinité : il n’est pas plus possible de le diviser que de la diviser elle-même. Direz-vous au miroir qui vous montre votre laideur que c’est lui qui la cause ? Accuserez-vous le médecin qui vous annonce une maladie de l’avoir fait naître ? Non sans doute. Ne regardez donc pas comme votre ennemi celui qui vous reproche vos crimes ; car il le fait pour vous les faire haïr et pour vous empêcher d’en commettre de nouveaux. Dieu est bon par lui-même et juste à cause de nous. Sa justice naît de sa bonté. Il ne nous laisse donc point ignorer ce qui est juste, mais il envoie son propre fils pour nous l’apprendre. Avant d’être créateur, il était Dieu, il était bon. C’est parce qu’il est Dieu qu’il a voulu être créateur ; c’est parce qu’il est bon qu’il a voulu être père. L’amour est le principe de la justice. Leur réunion fait luire le soleil dans les cieux et descendre le Fils sur la terre. Le Fils lui-même nous annonce en ces termes cette inséparable union de la justice et de la bonté : « Personne n’a connu le Fils, si ce n’est le Père, et personne n’a connu le Père, si ce n’est le Fils. » Cette connaissance mutuelle que le Père et le Fils ont éternellement l’un de l’autre est le symbole de la justice primitive. La justice descend enfin elle-même au milieu des hommes, les excitant à la pénitence dans la personne du Verbe et dans les écrits des prophètes. Le Verbe est son corps, et la loi sa parole. Elle est donc bonne ; mais vous n’obéissez point à Dieu. À qui donc la faute ? Prenez-vous-en à vous seul des châtiments que vous vous attirez ; c’est vous qui appelez le juge.

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