Stromates

LIVRE PREMIER

CHAPITRE XXV

Comment Platon, dans son Traité des Lois, s’est inspiré de Moïse.

Le philosophe Platon, puisant ses principes de législation dans les écrits de Moïse, blâma Minos et Lycurgue de n’avoir eu que le courage guerrier en vue dans leurs institutions politiques. Mais il loua, comme plus élevées et plus utiles les institutions qui reposent sur un seul et unique principe, et qui toujours tendent vers un seul et unique but. Il nous dit, en effet, que la règle la plus sûre pour arriver à la force, à l’honnêteté, à la prudence, c’est, les yeux fixés sur la dignité du ciel, de persévérer invariablement et sans repentir dans les mêmes sentiments sur les mêmes choses. On le voit, quand Platon nous recommande d’élever nos regards vers le Dieu unique et de pratiquer la justice, ne semble-t-il pas être l’interprète de la loi ? Selon ce philosophe, la science politique est de deux sortes, l’une qu’il nomme légale, et l’autre à laquelle il conserve le nom de politique. Dans celui de ses ouvrages qui a pour titre le Politique, il donne à entendre clairement que ce mot signifie le Créateur de toutes choses. Il étend cette appellation à ceux qui élèvent leurs regards vers Dieu, choisissent une vie pleine de bonnes œuvres, adonnée à la justice et à la contemplation. Quant à la politique légale, il la partage en deux éléments, force d’intelligence pour s’élever à la contemplation de l’univers, talent d’organiser un état. Selon lui, il y a tempérament, équilibre, harmonie, lorsque les gouvernants conviennent aux gouvernés, et que les gouvernés obéissent aux gouvernants. C’est le but auquel tendent les écrits de Moïse. S’inspirant de ces écrits, Platon ajoute : La politique légale fonde la société ; l’autre politique y entretient l’amour et la concorde. C’est pour cela qu’il a joint à son traité des lois, l’Épinomide, où il introduit un philosophe qui connaît le cours de toutes les choses qui sont produites ici-bas par l’influence des planètes; c’est encore pour cela qu’il ajoute à sa république le Timée, dialogue où il introduit un autre philosophe de ce nom, versé dans la science des astres et de leurs révolutions, de leurs rapports sympathiques et des lois qui les unissent. Platon poursuit :

« Car, selon moi, la contemplation est la fin non-seulement du politique, mais encore de celui qui vit d’après la loi. »

Il est nécessaire de gouverner sagement l’état ; mais se livrer à la philosophie est ce qu’il y a de meilleur. Car l’homme sensé rapportera constamment toutes ses facultés à la connaissance, prenant le bien pour règle de sa vie, rejetant avec mépris les choses mauvaises, et l’attachant aux biens qui conduisent à la vérité. Ce que la loi décrète n’est pas la loi, comme ce que l’on voit n’est pas la vue. Toute opinion n’est pas non plus la loi ; car on ne donnera pas sans doute le nom de loi à l’erreur ; la doctrine droite et utile, voilà la loi. Elle est bonne, utile, si elle est vraie ; elle est vraie si elle a découvert et atteint ce qui est. Celui qui est m’a envoyé, dit Moïse. Conformément à cette définition qui veut que la loi soit une saine doctrine, certains philosophes ont caractérisé la loi, une droite raison, qui ordonne ce qu’il faut faire, et qui défend ce qu’il ne faut pas faire.

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