Stromates

LIVRE TROISIÈME

CHAPITRE XV

Il explique plusieurs autres passages des saintes Écritures.

Lorsque l’apôtre dit encore :

« Il est avantageux à l’homme de ne s’approcher d’aucune femme ; mais, pour éviter la fornication, que chaque homme vive avec sa femme, »

il ajoute, comme pour expliquer ses paroles :

« De peur que Satan ne vous tente. »

Est-ce à ceux qui usent avec tempérance du mariage, et dans l’unique but de la génération, qu’il adresse ces mots :

« À cause de votre incontinence ? »

Non sans doute ; il les dit pour ceux qui veulent s’affranchir des œuvres de la génération elle-même. Il craint que le démon en les encourageant par son assentiment perfide, ne soulève en eux les flots de la concupiscence, pour les précipiter dans des voluptés étrangères. Peut-être aussi que jaloux et opiniâtre antagoniste de ceux qui pratiquent la justice, l’adversaire essaie de les attirer dans ses rangs par ce piège, et leur fournit une occasion de chute dans une continence pleine de labeurs. L’apôtre a donc raison de dire :

« Il vaut mieux se marier que de brûler, »

afin que le mari rendant a sa femme ce qu’il lui doit et la femme ce qu’elle doit à son mari, ils ne se frustrent ni l’un ni l’autre de ce divin secours donné pour la reproduction de l’homme.

— Mais le Seigneur a dit :

« Quiconque ne hait point son père et sa mère, ou sa femme et ses enfants, ne peut être mon disciple. »

Le Seigneur n’ordonne point par là de haïr sa propre famille. N’est-ce point lui qui a prononcé cet oracle ?

« Honore ton père et ta mère, afin que tout prospère pour toi. »

Il veut nous dire seulement : ne vous laissez point entraîner à des désirs contraires à la raison, et fuyez tout contact avec les mœurs étrangères ; car la famille se maintient par la race et la cité par la famille. C’est ainsi que Paul dit également,

« que ceux qui s’occupent des choses du mariage plaisent au monde. »

Il dit ailleurs :

« Si vous êtes marié, ne repoussez point votre épouse ; si vous ne l’êtes pas, ne vous mariez pas. »

C’est-à-dire, vous qui, dans un but de chasteté, avez fait vœu de ne point vous marier, persévérez dans le célibat. Le Seigneur vous fait à l’un et à l’autre des promesses analogues, par la bouche du prophète Isaïe :

« Eunuque, ne t’écrie plus : je ne suis qu’un bois aride ; car le Seigneur dit aux eunuques : si vous gardez le sabbat que j’ai établi, si vous accomplissez tout ce que j’ai commandé, je vous donnerai une place d’un plus grand prix que des fils et des filles. »

Qu’importe, en effet, la chasteté ? Qu’importe le sabbat de l’eunuque ? Il faut encore pour sa justification qu’il observe les commandements.

« Les élus ne travailleront pas en vain ; les femmes n’enfanteront plus dans la malédiction, parce que leur postérité a été bénie par le Seigneur. »

C’est qu’à l’homme qui, animé de l’esprit du Verbe, a procrée, instruit, élevé des enfants dans le Seigneur, comme aussi à celui qui a engendré spirituellement, par la parole et l’enseignement véritable, une récompense est promise, comme à une race de bénédiction et d’élection.

Selon quelques uns, le mot malédiction est ici le synonyme de procréation des enfants. Insensés qui ne comprennent pas que c’est à eux-mêmes que l’Écriture applique cet anathème ! En effet, les vrais élus du Seigneur n’engendrent ni dogmes, ni enfants de malédiction, à la manière de l’hérésie. Le mot eunuque, dans la bouche du Seigneur, ne signifie donc pas celui que le fer a mutilé par la violence, ni même celui qui persévère dans le célibat, mais l’esprit stérile qui ne peut enfanter la vérité. Tout à l’heure ce n’était qu’un bois aride ; voilà qu’il a prêté l’oreille au Verbe, qu’il a gardé le sabbat, en renonçant an péché ; qu’il a été fidèle aux commandements : il sera plus élevé en dignité que ceux qui se sont bornés à recevoir l’enseignement de la parole, sans y joindre la régularité de la vie.

« Mes petits enfants, dit le maître, encore un peu de temps je suis avec vous. »

Voilà pourquoi Paul, dans l’épître aux Galates, dit à son tour :

« Mes petits enfants, pour qui je sens de nouveau les douleurs de l’enfantement, jusqu’à ce que Jésus-Christ soit formé en vous. »

Puis, dans l’épître aux Corinthiens :

« Quand vous auriez dix mille maîtres en Jésus-Christ, vous n’avez pas néanmoins plusieurs pères, puisque c’est moi qui vous ai engendrés en Jésus-Christ par l’Évangile. »

Aussi l’eunuque n’entrera-t-il point dans l’assemblée du Seigneur, c’est-à-dire, celui dont la conduite et les discours ne portent point de fruits.

« Mais ceux qui se sont faits eunuques eux-mêmes »

de tout péché, à cause du royaume de Dieu, ceux-là sont les heureux qui jeûnent de toutes les choses de la terre.

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