Stromates

LIVRE QUATRIÈME

CHAPITRE XV

Fuyez le scandale.

« Nous savons, dit l’apôtre, que nous avons la science commune qui s’occupe des choses à la portée de tous, et qu’il n’y a pour nous qu’un seul Dieu. »

L’apôtre écrivait ces mots à des fidèles ; aussi, ajoute-t-il :

« Mais tous ne sont pas éclairés »

des lumières qui ne sont transmises qu’à un petit nombre. Suivant quelques interprètes, il ne faut pas divulguer à tous la connaissance des viandes immolées aux idoles,

« de peur que notre liberté ne soit aux faibles une occasion de faillir, car notre science perdrait notre frère encore faible. »

S’il en est qui disent :

« Il faut acheter tout ce qui se vend dans les marchés, »

ajoutant par voie d’interrogation ces mots :

« que vous demandiez ou que vous ne demandiez pas ; »

c’est donner au texte une interprétation ridicule. L’apôtre a dit :

« Mangez de toutes les viandes que l’on vend, sans vous informer de rien par scrupule de conscience, »

à l’exception toutefois des viandes qui sont nommées dans l’épître catholique des apôtres réunis. Cette épître catholique, revêtue de la sanction du Saint-Esprit, a été insérée dans les Actes des apôtres et portée aux fidèles par le ministère de Paul lui-même.

« Il est nécessaire que vous vous absteniez des victimes sacrifiées aux idoles, dit-elle, et du sang, et des chairs étouffées et de la fornication, toutes choses dont vous ferez bien de vous garder. »

Aussi Paul dément-il ainsi une pareille explication :

« N’avons-nous pas le droit de boire et de manger ? n’avons-nous pas le pouvoir de mener partout avec nous une femme qui soit notre sœur en Jésus-Christ, comme font les autres apôtres, et les frères du Seigneur, et Céphas ? Cependant nous n’avons point usé de ce pouvoir, et nous souffrons tout pour n’apporter à l’Evangile de Jésus-Christ aucun obstacle, »

ou bien, en transportant avec nous un fardeau embarrassant, lorsque nous devons être prêts à tout appel ; ou bien, parce que servant d’exemple à ceux qui veulent vivre dans la tempérance, nous ne sommes pas faits pour dédaigner ce qu’on nous sert, ou pour lier d’imprudentes relations avec une femme. Loin de là : il convient surtout à ceux qui sont chargés d’un ministère si relevé, de présenter à ceux qu’ils enseignent un modèle de pureté.

« Voilà pourquoi, poursuit l’apôtre, libre à l’égard de tous, je me suis fait le serviteur de tous, pour les gagner tous. Tous les athlètes vivent dans une grande continence, Mais la terre et tout ce qu’elle contient est au Seigneur. À cause de la conscience, il faut donc s’abstenir de toutes les choses dont l’abstinence est ordonnée. Quand je dis, la conscience, je ne parle pas de la vôtre ; »

elle a ses lumières et sa connaissance, je parle de celle du prochain. Abstenez-vous donc, de peur que votre frère ne soit mal édifié par ignorance, en imitant ce qu’il ne connaît pas, ou que le mépris ne prenne chez lui la place des sentiments élevés.

« Pourquoi m’exposerai-je à faire condamner par la conscience d’un autre cette liberté que j’ai de manger de tout ? Si je prends avec action de grâces ce que je mange, pourquoi ferai-je mal parler de moi pour une chose dont je rends grâces à Dieu ? Quelque chose que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu ; »

tout, c’est-à-dire les choses que permettent les règles de la foi.

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