Stromates

LIVRE QUATRIÈME

CHAPITRE XVII

Passages de l’épître de saint Clément, pape, aux Corinthiens, cités à l’appui de ce qui précède.

L’apôtre Clément, dans son épître aux Corinthiens, nous trace aussi une sorte de portrait du Gnostique.

« De tant d’étrangers qui se rendaient en foule dans vos murs, qui ne se sentait frappé de cette foi vive, inébranlable et ornée de toutes les vertus qui étaient en vous ? qui n’admirait cette piété envers Jésus-Christ si pleine de douceur et de sagesse ? qui ne louait ces mœurs libérales et magnifiques que vous faisiez éclater dans l’exercice de l’hospitalité ? qui enfin ne « publiait partout que vous étiez heureux par l’étendue et la certitude inébranlable de vos connaissances ? En effet, vous vous conduisiez en toutes choses sans aucun égard à la qualité des personnes, et vous marchiez avec fidélité dans les voies du Seigneur, etc. »

L’apôtre ajoute en termes encore plus formels :

« Ayons toujours les yeux fixés sur ces hommes qui lui ont rendu un culte digne de sa gloire et de sa magnificence. Considérons Énoch, qui ayant plu à Dieu par son obéissance, a été transporté au ciel ; Noé qui, pour avoir cru, fut sauvé du déluge, et Abraham, qui, pour récompense de sa foi et de son hospitalité, fut appelé ami de Dieu et père d’Isaac. Ce n’est pas tout ; Loth, recevant le prix de sa foi et de l’hospitalité qu’il exerça, sort de Sodome sans aucun mal. La courtisane Rahab est garantie de l’anathème général à cause de sa foi et de son hospitalité. Soyons les imitateurs de ceux qui, revêtus de peaux de chèvres et de brebis, allaient partout, prédisant le règne de Jésus-Christ. Tels furent les saints prophètes Élie, Élizée, Ézéchiel et Jean. Abraham qui reçut un glorieux témoignage, et fut appelé l’ami de Dieu, à cause de la générosité de sa foi, loin de s’enorgueillir de sa gloire, s’écrie dans les sentiments d’une humilité profonde : Je ne suis que cendre et que poussière. Voici ce que l’Écriture dit de Job : Job était un homme juste, simple, droit de cœur, servant Dieu et fuyant le mal. »

Toutefois celui qui, par l’héroïsme de sa patience, triompha du tentateur; celui qui rendit témoignage à Dieu et auquel Dieu rendit témoignage à son tour, s’accuse lui-même avec humilité :

« Personne n’est exempt de souillures, n’eût-il vécu qu’un seul jour. »

Moïse, qui a été trouvé fidèle dans toute la maison de Dieu, répondit à la voix qui lui parlait du milieu du buisson ardent :

« Qui suis-je, pour que vous m’envoyiez ? J’ai la langue trop faible et la voix trop tardive, pour qu’une bouche humaine soit l’interprète de la parole divine. »

Il ajoute :

« Je suis la vapeur de l’eau qui bout. Dieu résiste aux superbes et donne sa grâce aux humbles. »

Mais que dirons-nous de David, à qui Dieu rend un si illustre témoignage :

« J’ai trouvé un homme selon mon cœur, David, fils de Jessé ; je l’ai sacré roi pour l’éternité ? »

Et lui-même parle ainsi à Dieu :

« Ayez pitié de moi, mon Dieu, selon la grandeur de votre miséricorde, et selon la multitude de vos bontés, effacez mon iniquité. Lavez-moi de plus en plus de mes souillures et purifiez-moi de mon péché. Car je connais mon iniquité, et mon crime est toujours devant moi. »

Puis, faisant allusion au péché qui n’est point soumis à la vindicte de la loi, il ajoute, avec l’humilité d’un Gnostique :

« J’ai péché contre vous seul ; j’ai fait le mal en votre présence. »

L’Écriture ne dit-elle pas quelque part :

« L’esprit de Dieu est un flambeau qui pénètre les cœurs, »

et plus nous nous élevons vers la connaissance, en marchant dans les sentiers de la justice, plus l’esprit de lumière est près de nous. C’est ainsi que le Seigneur s’approche des justes, et que rien ne lui est caché de nos pensées et de nos plus secrètes réflexions. Et quel est cet esprit de lumière ? Jésus-Christ notre Seigneur qui, par sa toute-puissante volonté, scrute nos cœurs, et dont le sang a été notre sanctification. Respectons donc ceux qui nous sont préposés ; honorons les vieillards ; élevons les jeunes gens dans la crainte de Dieu.

Bienheureux, en effet, celui qui enseigne et qui accomplit, comme il convient, les préceptes du Seigneur ! C’est la marque d’un esprit élevé et adonné à la contemplation de la vérité.

Instruisons nos femmes à pratiquer le bien, en se rendant aimables par la pureté de leurs mœurs; en montrant dans toute leur conduite une douceur parfaite ; en modérant par le silence l’excès de leurs paroles, en faisant voir envers tous ceux qui craignent Dieu véritablement, une charité toujours égale. Que nos enfants soient élevés selon les maximes de Jésus-Christ ; qu’ils apprennent combien l’humilité est puissante auprès de Dieu ; de quel prix est à ses yeux cette charité pure et sans tâche ; combien sa crainte est bonne, honorable et salutaire à tous ceux qui marchent devant lui dans la sainteté et dans la pureté. Je le répète, le Seigneur pénètre nos pensées et nos desseins ; car son esprit est en nous et il le retire quand il lui plait. La foi que nous avons en Jésus-Christ nous rend toutes ces vérités certaines.

« Venez mes enfants, écoutez-moi, dit-il, je vous enseignerai la crainte du Seigneur. Quel est l’homme qui veut la vie et qui soupire après les jours de bonheur ? »

Puis le Seigneur explique le mystère de la gnose, renfermé dans les nombres sept et huit.

« Préservez votre langue de la calomnie, et vos lèvres des discours artificieux. Éloignez-vous du mal et pratiquez le bien ; cherchez la paix et poursuivez-la sans relâche. »

En effet, quand le Seigneur nous recommande aussi de nous abstenir du mal et de faire le bien, il nous désigne la connaissance (gnose) dont la perfection réside dans les œuvres et dans les paroles.

« Les yeux du Seigneur sont ouverts sur les justes. Ses oreilles sont attentives à leurs cris ; mais le regard de sa colère est sur ceux qui font le mal, il efface de la terre jusqu’à leur souvenir. Le juste a poussé des cris, et le Seigneur l’a exaucé, et il l’a délivré de tous ses maux. La multitude des douleurs attend l’impie ; mais la miséricorde investira celui qui espère dans le Seigneur. »

Qu’est-ce à dire ? la multitude des miséricordes environnera celui dont l’espérance est pure et légitime. Car il est écrit dans l’épître aux Corinthiens :

« C’est par Jésus-Christ que notre esprit, doué d’intelligence et obscurci auparavant sous d’épaisses ténèbres, s’est comme renouvelé à la présence de cette lumière. C’est enfin par loi que Dieu a voulu nous donner ici-bas un avant-goût de l’immortalité. »

Clément, afin de nous montrer plus clairement encore la nature de cette gnose, ajoute :

« Puisque nous ne pouvons douter de toutes ces vérités, nous devons, les regards plongés dans les profondeurs de la divine sagesse, accomplir les commandements du maître selon la forme et le temps propres à chacun d’eux.
Que le sage fasse éclater sa sagesse, non par de vains discours, mais par de bonnes œuvres. Que celui qui est humble ne se rende point témoignage à lui-même, mais qu’il laisse aux autres le soin de le lui rendre. Que celui qui conserve son corps dans la pureté n’en soit pas plus vain pour cela, reconnaissant qu’il tient de Dieu seul le don de la continence.
Ainsi, mes frères, vous le voyez, plus est grande la science que nous avons reçue, plus le péril que nous courons est grand et manifeste. »

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