Stromates

LIVRE SIXIÈME

CHAPITRE XIII

Il y a dans le ciel de hauts degrés de gloire réservé aux véritables Gnostiques et correspondant aux dignités d’évêque, de prêtre et de diacre dans l’Église terrestre.

L’homme qui, après avoir modéré d’abord ses passions, s’est ensuite exercé à l’impassibilité, puis est monté progressivement jusqu’à la pratique du bien qui constitue la perfection gnostique, devient sur la terre semblable aux anges. Revêtu de lumière et resplendissant comme le soleil par les actes de bonté qu’il produit, il marche par la connaissance qui s’appuie sur la justice et la charité, vers la sainte demeure, à l’exemple des apôtres. Ces derniers n’ont pas été investis de l’apostolat par un privilège inhérent à l’excellence de leur nature, ni par un droit d’élection antérieure ; car Judas fut choisi comme eux. Mais ils méritèrent l’apostolat aux yeux de celui qui connaît d’avance la fin de toutes choses. Aussi voyons-nous Mathias, qui n’avait pas été choisi dans le même temps qu’eux, substitué à Judas, parce qu’il s’était montré digne de cette mission. Il est donc permis, de nos jours encore, à ceux qui se sont exercés dans la pratique des commandements, et qui ont vécu dans la perfection et dans la connaissance, conformément à l’Évangile, d’entrer dans le collège des apôtres. On est véritablement prêtre de l’Église, on est diacre dans toute la rigueur de ce mot, c’est-à-dire, ministre de la volonté de Dieu, quand on exécute et que l’on enseigne ce que veut le Seigneur. L’ordination, le sacerdoce, ne font pas la justice. On n’est regardé comme prêtre que parce que l’on est juste. Et bien qu’ici-bas le simple prêtre n’occupe pas le siège d’honneur, « il prendra place sur un des vingt-quatre trônes, et jugera les peuples, » comme dit Jean dans l’Apocalypse. Car le Testament du salut, qui, depuis le commencement du monde, est arrivé jusqu’à nous, à travers les générations et les siècles, est Un, quoiqu’il diffère par le mode et l’application. Il suit de là que le don du salut est un et immuable, et qu’il émane d’un seul Dieu par l’intermédiaire d’un seul Seigneur, bien qu’il se soit manifesté de plusieurs manières. Ainsi tombe le mur mitoyen qui séparait te Grec d’avec le Juif pour faire de celui-ci un peuple privilégié. De la sorte, les deux peuples « se rencontrent dans une même foi » et se confondent dans un seul peuple d’élus. « Les premiers d’entre les élus, dit Jean, sont ceux qui se sont élevés jusqu’à la perfection de la connaissance, et qui, membres de l’Église, ont été honorés de la plus grande gloire. Juges et administrateurs, choisis indifféremment parmi les Juifs et parmi les Grecs, ils siègent au nombre de vingt-quatre parce que le bienfait de la grâce a été doublé. » La hiérarchie de l’Église terrestre avec son épiscopat, sa prêtrise, son diaconat, n’est sans doute qu’une image de la gloire angélique, et des rangs divers destinés, suivant les promesses de l’Écriture, à ceux qui, marchant sur les traces des apôtres, auront vécu dans la perfection de la justice, conformément à l’Évangile. L’apôtre les voit enlevés d’abord sur les nuages, puis investis du diaconat, puis franchissant un nouveau degré dans la gloire céleste (car la gloire diffère de la gloire.) promus à la prêtrise, et grandissant toujours jusqu’à ce qu’ils soient parvenus à la plus haute perfection.

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