Le prince et le prophète

Testament spirituel

William Hechler – tu as quitté cette terre alors que nous étions petit garçon. Mais un même Seigneur nous appelle tous, au travers “des temps et des moments”, par delà les nations et les langues, les dogmes et les traditions.

Tu nous a précédés ; tu nous as montrés le chemin : tu es devenu un vieux maître, un ami. Nous te connaissons bien, par delà les textes. Nous sommes enrôlé dans un même combat, séduit par une même Jérusalem, amant d'une même Sion – et c'est un même Esprit qui nous guide.

Les flammes, il y a plus de trente ans, ont dévoré tes humbles écrits, tes touchantes études. Mais elles n'ont pas détruit ce qui était ton espérance et celle de ton Prince, elles n'ont pas détruit Israël. Elles n'ont pas effacé, elles n'effaceront pas, les frontières messianiques de la patrie de l'Israël de Dieu.

Vieux maître mort dans la solitude et dans la pauvreté des vrais serviteurs de Dieu, vingt-six années après ton Prince qui repose sur la plus haute colline de Jérusalem, et qui porte son nom – nous savons par cœur le texte de ton ultime message, à tes frères juifs. À tes frères chrétiens…

… Enfants d'Israël mes Frères !

De Bénarès à Jérusalem longue et passionnante fut ma route. Ma vie s'achève et bientôt vous m'aurez oublié.

Je n'en tire nulle amertume, car n'ai-je pas été ce simple signe sur votre interminable chemin de souffrances et d'Exil ? Un signe d'espoir, une main chrétienne qui vous montrait Jérusalem ; une voix qui vous exhortait au Retour.

Quand vous aurez votre patrie, demeurez unis comme tant des vôtres se sont unis autour de votre Prince, mon ami mort pour vous.

Beaucoup plus que votre courage, qui est grand, beaucoup plus que votre labeur ; qui est admirable, c'est le Saint-Esprit qui vous a ramenés à Sion. Il ne faudra pas l'oublier. Que les écrits de Moïse et des Prophètes soient à jamais au sein de votre nation, non pas seulement le Livre respecté de votre passé biblique, mais véritablement cette flamme qui brûlait jadis dans le désert du Sinaï, et qui guidait vos Pères…

Il faudra vous battre et combattre. Mais un Autre gagnera pour vous les batailles, et vous savez qu'un jour les armes seront jetées aux ordures, quand viendra Celui que nous devons attendre ensemble, et alors nous comprendrons toutes choses…

Vous serez seuls au sein des Nations indifférentes ou hostiles. N'oubliez jamais qu'en Dieu seul se fonde toute alliance.

Votre désert qui va fleurir et vos enfants qui déjà chantent dans la douceur du soir, que sont-ils mes amis, mes frères, sinon l'allégresse du Messie qui revient dans la gloire, cette fois, et la toute puissance… ?

Et si un jour vous le pouvez, je désire mes frères israéliens, que mon corps repose auprès de l'Ami, que j'ai tant aimé, et que j'ai vu mourir…

À mes frères chrétiens !

Mon nom importe peu. À l'heure de ma mort, qui parmi vous se souvient de moi ? Il n'est pas d'usage dans l'Église, de se souvenir et d'aimer, ceux qui aiment Sion et les siens…

J'ai fréquenté les Princes, et j'ai trouvé leur compagnie amère. Mais il fallait bien ouvrir quelques portes vers la Jérusalem nouvelle…

Vous avez oublié Israël votre frère aîné, et vous ne vous êtes pas réjouis de son retour vers la Maison du Père. Nous avons nous aussi, oublié Jérusalem et tout se qu'elle représente : notre espérance a tari, c'est pourquoi nous mettons notre espoir dans des puissances de mensonge et de mort.

Essayez de ne pas abandonner Israël lorsqu'il sera seul, entouré par l'ennemi, peinant sur son Désert, submergé par l'écrasant devoir d'accueillir ses enfants des quatre coins de l'horizon… Souvenez-vous que les Païens, autrefois à Babylone, firent des présents aux juifs retournant à Sion… Tâchez d'être d'aussi bons chrétiens pour Israël que ces païens-là…

Que ce ne soit pas seulement les noms de la Bible, et quelques ruines, qui vous émeuvent là-bas, quelques lieux-saints décevants et trompeurs… Ne laissez pas Israël seul, aplanir les sentiers du Seigneur !

Théologiens de l'Église, mes collègues, assez longtemps vous avez scruté les Textes, assez longtemps vous avez autopsié les Prophètes et traité leurs paroles de Vie comme vous l'avez voulu…

Comme si elle était une parole d'histoire profane, comme si elle n'appartenait pas toujours à Israël d'abord ! Il est temps pour vous de réclamer la paix de Jérusalem, pour le bonheur et la réconciliation de tous les enfants d'Abraham. Et si les pionniers d'Israël ne réalisent pas que le Saint-Esprit les rassemble et les protège – c'est à vous de le leur dire, au lieu de vainement chercher à les faire entrer sous vos clochers qui ne sont pas le Christ, au lieu de les introduire et de les emprisonner dans vos dogmatiques, dans vos traditions, qui ne sont pas les paroles du Christ.

Vous êtes et nous sommes, semblables à Ézéchiel qu'environnaient les ossements desséchés de l'Israël des tombeaux des Nations.

D'où viendra-t-il donc ce souffle de leur rétablissement messianique ?

Et qui annonce-t-il donc ?

FIN

Jérusalem.
Kibboutz Nezer-Sereni (anciennement “Buchenwald”) 
Juin 1962 – décembre 1964

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