Vingt-quatre sermons

Un cœur pur

O Dieu ! crée en moi un cœur pur.

(Psaumes 51.12)

Un cœur pur, qu’est-ce que cela ? qui le connaît ? qui le possède ? qui a droit d’en parler ? Et à supposer qu’il en faille parler quelque part, est-ce bien ici le lieu ? Ne faudrait-il pas réserver un tel sujet pour quelque conventicule de gens convertis et aux trois quarts sanctifiés ? A ces objections, qui se sont présentées à notre esprit, et qui peuvent aussi venir à la pensée de plusieurs d’entre vous, un fait répond : c’est que notre texte est pris dans le Psaume 51, c’est-à-dire dans une page de l’Écriture sainte qui renferme la confession de péchés la plus douloureuse et la plus complète, l’acte d’accusation le plus sévère qu’un homme ait jamais prononcé contre lui-même. C’est l’adultère et meurtrier David qui, élevant vers le ciel des mains souillées et sanglantes, ose demander à Dieu de lui donner un cœur pur. Assurément nous pouvons, sans trop de témérité, nous approprier la requête, nous associer aux espérances religieuses et aux ambitions morales de ce grand criminel. Pour se relever, quand on est à terre, aussi bien que pour s’élever, quand on est déjà debout, il est bon de viser haut. La recherche d’un cœur pur n’est pas seulement un moyen de sanctification pour le chrétien ; ce peut être aussi un moyen de conversion pour telle âme incroyante, mais généreuse, qui jusqu’à présent, jugeant du christianisme par ce qu’elle voit ou entend chez beaucoup de chrétiens de profession, n’a pas été fort tentée de leur devenir semblable, mais qui ne pourra voir étinceler à ses yeux cette perle précieuse de la pureté du cœur, sans être enflammée du noble désir de la posséder. Que Dieu daigne en effet se servir de notre méditation de ce jour pour faire naître ou pour fortifier, dans le cœur de chacun de nous, ce désir, ce besoin, cette espérance, cette prière !

I

Je reprends la question que je faisais en commençant : « Qu’est-ce qu’un cœur pur ? » Ici nous nous trouvons en présence d’une question difficile et souvent agitée aujourd’hui, celle de savoir si la pureté de cœur, mentionnée dans notre texte, implique la parfaite sainteté et se confond avec elle. Plusieurs l’affirment. Ils disent, non sans quelque apparence de raison : Un cœur pur, c’est un cœur pur, c’est-à-dire exempt de tout mélange de mal, de tout reste de souillure et de convoitise, pareil à une onde dont le lit ne recèle aucune parcelle de fange, à un cristal si transparent que la lumière du soleil, en le traversant de part en part, ne rencontre rien de terne ni d’opaque. L’homme dont le cœur est ainsi purifié fait encore des progrès, sans doute, mais comme Jésus-Christ, qui marcha d’obéissance en obéissance et de sainteté en sainteté ; il peut même être tenté, mais comme Jésus-Christ encore, qui ne fut tenté que du dehors, et qui pouvait dire : « Le Prince de ce monde n’a rien en moim. » A l’appui de cette assertion, on apporte, d’une part, beaucoup de préceptes et de promesses de l’Écriture sainte, d’autre part, le témoignage de l’expérience ; un témoignage tel que celui-ci, par exemple : « En tel temps, dans telles circonstances, j’ai reçu de Dieu cette grâce d’un cœur pur, et depuis lors je puis dire, à sa gloire, que j’ai été complètement délivré et constamment gardé du péché. » Un beaucoup plus grand nombre de gens – la plupart d’entre nous probablement – n’accueillent jamais de pareilles déclarations qu’avec un sourire d’incrédulité ou un murmure d’impatience. Pourquoi ? Est-ce toujours par un zèle désintéressé pour la pureté de la doctrine et la sublimité de la morale évangéliques, par souci de la gloire de Dieu ? N’est-ce pas souvent par des motifs d’un ordre beaucoup moins élevé : jalousie à l’égard de chrétiens plus avancés et plus conséquents que nous, défaut de foi en la puissance de Dieu et en la grâce de Jésus-Christ ; peut-être secret éloignement pour la vraie sainteté, pour l’entier renoncement à nous-mêmes, résolution plus ou moins consciente de continuer à pécher, afin que la grâce abonde, ou parce que la grâce abonde ? Si tels étaient nos sentiments, nous serions bien éloignés de posséder, non seulement la pureté absolue, mais même la pureté relative du cœur, qui à tout le moins est visée dans notre texte ; on pourrait même douter, à bon droit, de notre christianisme ; car partout où il y a un chrétien, il y a l’amour et le désir de la perfection.

mJean 15.30.

Toutefois, s’il y a contre les théories qu’on appelle perfectionnistes de mauvaises raisons, il y en a de bonnes aussi. Les expériences qu’on nous raconte, avec une sincérité que je ne révoque pas en doute, peuvent être mal comprises et interprétées par ceux-là même qui les ont faites ; quelquefois l’événement se charge de le démontrer, en ramenant dans la vallée de l’humiliation ceux qui pensaient avoir dressé pour toujours leur tente sur les hauteurs sereines de la perfection chrétienne. L’Écriture, à son tour, contient des déclarations apostoliques difficiles à éluder, qui semblent condamner sévèrement ceux qui pensent et disent être sans péchén. Et quant aux textes qu’invoquent les perfectionnistes, comme le nôtre par exemple, est-on sûr de n’en pas fausser le sens en les interprétant avec ce littéralisme excessif, avec cette logique rigoureuse ? Les Psaumes et les Proverbes parlent du juste comme d’un être très réel, auquel toutes sortes de bénédictions sont assurées, mais ils disent en même temps : « Qui peut dire : J’ai purifié mon cœur, je suis net de mon péchéo ? – Eternel ! n’entre pas en jugement avec ton serviteur (ton serviteur ! il s’agit donc bien d’un juste), car nul vivant n’est juste devant toip. » L’Évangéliste saint Luc affirme, touchant les parents de Jean-Baptiste, qu’ils étaient justes devant Dieu, observant d’une manière irréprochable tous les commandements et toutes les ordonnances du Seigneur (voilà un langage bien fort !), et, quelques lignes plus bas, il rapporte une circonstance où Zacharie manqua de foi et s’attira, de la part de l’ange, une juste répréhensionq. Quand Jésus dit : « Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu !r » il n’entend pas parler de personnages simplement abstraits, ou possibles, ou futurs ; il pense avoir devant lui des gens à qui s’applique plus ou moins cette béatitude, comme le montre la forme adoptée par Luc : « Vous êtes bienheureux, vous qui êtes pauvres », etc.s ; et pourtant, au cours de ce même discours, il enseigne et recommande à tous ses auditeurs, sans distinction (y compris les purs de cœurs, par conséquent), la prière où se trouvent ces mots : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnonst… » Il n’est donc nullement nécessaire d’entendre par pureté de cœur un état où cette prière n’est plus possible. Mais c’est assurément un état fort supérieur au niveau habituel de la grande majorité des chrétiens de profession. Les expériences et les témoignages que j’ai rappelés tout à l’heure, au lieu de nous irriter, doivent nous être bienvenus, comme nous encourageant à aspirer plus haut, et à attendre de la grâce de Dieu bien plus que nous n’avons obtenu jusqu’à cette heure. Si un cœur pur n’est pas tout de suite un cœur parfaitement sanctifié, d’où toutes les racines du mal sont pour jamais arrachées ; c’est assurément un cœur droit, qui ne consent pas au mal, qui ne pactise plus avec le péché ; un cœur où les saintes affections de l’esprit sont plus puissantes que les convoitises de la chair ; un cœur qui, dès qu’il trouve en lui-même quelque souillure, l’apporte à la lumière de Dieu, la confesse et en obtient la purification, par le sang de Jésus-Christ ; un cœur enfin qui tend vers la sainteté ou la pureté parfaite, et qui en approche journellement… jusqu’à quelle limite ? il n’y en a pas ; Dieu n’a pas fixé de limite ; il n’a pas dit à l’âme qui se sanctifie, comme au flot de la mer : Tu n’iras pas plus loin. Si nous ne croyons pas à la perfection absolue, nous croyons à la possibilité, pour le fidèle, d’un perfectionnement indéfini ici-bas.

n1 Jean 1.8, 10.

oProverbes 20.9.

pPsaumes 143.2.

qLuc 1.6, 20<.

rMatthieu 5.8.

sLuc 6.20.

tMatthieu 6.12.

II

Ayant essayé de dire en quoi consiste cette grâce de la purification du cœur, je n’aurai pas de peine à montrer à quel point elle est désirable et même indispensable. Si nous avions tous une conscience réveillée, comme celle de David ; si nous voyions comme lui ce que Dieu est et ce que nous sommes, chacun de nous s’écrierait du fond de son cœur : « O Dieu ! crée en moi un cœur pur ! » Nous voudrions obtenir, à tout prix, ce bienfait immense ; nous l’implorerions plus que le prisonnier ne soupire après la liberté, et le malade après la guérison.

Sans doute, le premier besoin du pécheur que sa conscience condamne, c’est de recevoir le pardon du Dieu qu’il a offensé. Aussi le pardon est-il le premier objet de la supplication du psalmiste, aussi bien que du péager et de l’enfant prodigue : « O Dieu, aie pitié de moi selon ta miséricorde ! Selon la grandeur de tes compassions, efface mes forfaits ! » Encore une fois, le pardon des péchés est la première grâce de Dieu ; en chercher une autre auparavant et comme condition de celle-là, c’est un effort inutile et une erreur funeste. Mais à quoi servirait le pardon sans le changement du cœur ? A quoi bon me libérer de mes dettes si, dominé par de funestes habitudes de prodigalité et de dissipation, je suis sûr d’en faire demain de nouvelles ? A quoi bon me revêtir d’une robe blanche, si c’est pour qu’elle soit bientôt aussi souillée que les haillons qu’elle a remplacés ? Sans doute, il est bien précieux d’être délivré du châtiment extérieur et de la crainte de l’enfer ; mais cette loi des membres qui me contraint, en quelque sorte, de faire le mal que je ne voudrais pas ; ces pensées dont je rougis, et qui entrent dans mon esprit bien plus facilement qu’elles n’en sortent ; cette sensualité, cet égoïsme, lèpre qui empoisonne mon sang et corrompt les sources de ma vie ; ce cœur mauvais et impur enfin, voilà le tourment, voilà l’enfer intérieur dont il faut que je sois délivré pour être vraiment un enfant de Dieu. C’est trop peu de dire que le pardon sans la purification du cœur n’est qu’un salut incomplet ; ce n’est pas même un salut réel. Un péché qui n’est pas délaissé ne saurait être pardonné. Dieu ne peut pas justifier l’impie qui reste impie. « Il y a pardon par devers toi, afin que tu sois craintu. » Un prétendu pardon qui ne produit pas la crainte de Dieu, n’est qu’une illusion pire que tout le reste. O Dieu ! si vraiment tu veux me sauver, crée en moi un cœur pur ! autrement les plus riches promesses de ton Évangile et le sang versé de Jésus-Christ ne me serviraient de rien.

uPsaumes 130.4.

Il ne suffit pas non plus, pour que le pécheur soit réellement sauvé, qu’à la déclaration du pardon s’ajoute un certain amendement extérieur. Si quelque prophète eût dit à David : « Dieu ne punira pas ton double crime, et puis, par un effet de l’âge, qui refroidira ton sang, et des directions de la Providence qui t’épargneront de trop fortes tentations, tu n’en commettras plus de semblable ; mais ton cœur restera le même », pensez-vous qu’il se fût tenu pour exaucé ? Le véritable amendement de la conduite n’est pas possible sans celui du cœur ; car le mauvais arbre portera toujours de mauvais fruits ; si vous voulez qu’il en produise de bons, renouvelez sa sève. Et puis, que vaudrait une obéissance qui ne procéderait pas d’un cœur touché et changé par l’amour de Dieu ? Comment pourrait-elle être une joie pour celui qui obéirait de la sorte, une bénédiction pour ses semblables, un sujet de satisfaction pour le Seigneur ? Un homme qui a tous les dehors de la piété et de la moralité, mais dont le cœur est possédé et rongé par de mauvaises passions, n’est, après tout, qu’un hypocrite ; or, des hypocrites, vous savez ce que pensait Jésus-Christ.

Vous ne rassurerez pas non plus un pécheur vraiment repentant, en cherchant à lui persuader que cette purification après laquelle il soupire aura lieu après sa mort. Sur quoi se fonde cette espérance ? Comment la mort, qui est le salaire et comme le triomphe du péché, aurait-elle le pouvoir de délivrer du péché ? Si un homme a vécu et est demeuré jusqu’à la fin charnel, égoïste, avare, par quel coup de théâtre entrerait-il dans l’éternité paré de vertus tout opposées ? Quand Dieu, par impossible, consentirait à recevoir un tel homme dans le ciel, il n’y gagnerait rien. Le regard de Dieu le consumerait, les joies des saints n’auraient pour lui aucun attrait, leur compagnie lui serait à charge, le sentiment du contraste qui existe entre eux et lui le couvrirait de confusion. Le ciel n’est pas possible sans un cœur pur. Et ce cœur pur, c’est maintenant qu’il faut le recevoir. Sans doute, pour celui qui aura cherché, aimé, servi Dieu sur la terre, la mort, qui le séparera de la chair, sera une suprême délivrance ; mais pour celui qui, par sa faute, n’aura pas été sauvé du péché ici-bas, il n’y a pas de promesse de salut dans l’éternité.

Le renouvellement ou la purification du cœur est, en réalité, la substance même du salut. Aussi la prière que nous méditons est-elle comme le centre du psaume 51. Elle est précédée par la demande du pardon, qui, comme nous l’avons montré, n’a de permanence et de réalité que s’il conduit à l’affranchissement à l’égard du mal. Elle est suivie par d’autres requêtes qui se rapportent à la demande du cœur pur comme des conséquences au principe. « Rends-moi la joie de ton salut ! » Comment cette sainte joie serait-elle possible pour qui conserverait une mauvaise conscience et un cœur souillé ? – « J’enseignerai tes voies aux transgresseurs, et les pécheurs se convertiront à toi. » C’est seulement lorsque nous sommes nous-mêmes délivrés du mal que nous recevons de Dieu une véritable puissance pour lui amener d’autres âmes. – « Seigneur, ouvre mes lèvres, et ma bouche publiera ta louange. » Pour que ce cantique de louange soit agréable à Dieu, il faut qu’il procède d’un cœur purifié. Tout concourt donc à l’établir d’une manière invincible : sans purification du cœur, il n’y a point de salut.

III

Reste la question pratique, essentielle : comment pouvons-nous obtenir cette purification si nécessaire ? Notre texte répond : Elle est une création de Dieu en nous. Nous y devons concourir par notre prière.

Nous ne pouvons pas, de nous-même, nous donner un cœur pur. Où l’irions-nous prendre ? De quoi le ferions-nous ? Comme s’exprime un prophète : « L’Ethiopien changera-t-il sa peau, et le léopard ses tachesv ? » Les morts sortiront-ils d’eux-mêmes de leur tombeau ? Écartons la figure, toutefois, et évitons avec soin toute exagération. Nous avons sur nos sentiments, sur nos cœurs par conséquent, un pouvoir réel, mais indirect et limité. Nous pouvons, par l’attention, diriger notre pensée vers tel ou tel objet, propre à foire naître en nous tel ou tel sentiment. Nous pouvons aussi, par l’habitude, creuser à notre activité comme des canaux où celle-ci coule ensuite d’elle-même ; or l’action souvent répétée réagit sur le penchant et sur la volonté. Ce pouvoir que nous avons sur nous-mêmes et sur notre nature, est loin d’être sans portée ; Dieu même y fait appel dans des exhortations telles que celles-ci : « Faites-vous un cœur nouveau et un esprit nouveauw. – Vous dont l’âme est double, purifiez vos cœursx » ; il doit être tout entier dirigé du côté de Dieu et de la sainteté. Mais, je l’ai dit : ce pouvoir est limité. Il ne nous rend pas capables, par nous-mêmes, de nous changer à fond, de nous créer à nouveau. Quand il prononçait la prière de mon texte, le psalmiste avait évidemment en vue une œuvre plus complète, plus profonde, plus rapide aussi, que tout ce que des efforts soutenus de notre part, des attentions et des habitudes bien dirigées, peuvent produire ; sans compter que pour les diriger toujours bien, il faudrait être déjà pur. Ce qu’il désirait, il sentait que Dieu seul pouvait le lui donner.

vJérémie 13.23.

wÉzéchiel 18.31.

xJacques 4.8.

Que Dieu seul puisse nous donner un cœur pur, cela s’entend sans beaucoup de peine. Le mot saillant de notre texte, c’est le mot crée : « Crée en moi un cœur pur. » Je n’oublie pas ce que j’ai dit tout à l’heure sur l’inconvénient qu’il y a à prendre toujours à la grande rigueur les expressions et les métaphores bibliques. Créer n’est pas ici créer de rien ; autrement, sa prière exaucée, David aurait eu, à la lettre, deux cœurs, c’est-à-dire deux personnalités, dans sa poitrine. Dieu, qui s’est servi de la terre pour faire naître les plantes, se sert aussi de l’homme ancien pour produire l’homme nouveau. Mais, comme il a fallu une parole créatrice pour que la vie végétale ou animale commençât sur notre globe, il en a fallu une autre, et même plus d’une, pour que l’homme, mort dans ses fautes et dans ses péchés, vînt à la vie spirituelle. Nous savons, nous chrétiens, ce que Dieu a fait pour exaucer des prières comme celle du psalmiste, allant au delà, selon sa coutume, de ce que pensait et sollicitait le royal pénitent. Il a déployé son pouvoir créateur, d’abord en faisant naître, sur notre terre souillée, celui qui n’a point connu le péché ; puis en le ramenant d’entre les morts, lorsqu’il eut donné sa vie pour le monde coupable. Il déploie ce même pouvoir chaque fois qu’un pécheur humilié et repentant s’approche avec foi de Jésus-Christ pour recevoir de lui, avec l’assurance de son pardon, l’étincelle d’une nouvelle vie. « Si quelqu’un est en Christ », dit saint Paul, « c’est une nouvelle créationy. » Cette pensée doit nous remplir tout à la fois d’un saint tremblement et d’une vive espérance. D’un saint tremblement : car nous voyons que chaque fois qu’un pécheur se convertit, un mystère s’accomplit ; un acte créateur, c’est-à-dire un miracle s’opère, non moins réel et non moins admirable que celui qui eut lieu, le premier jour du monde, lorsque Dieu dit : « Que la lumière soit ! » et la lumière fut. D’une vive espérance : car, si désespéré que soit mon état, si profonde que soit ma misère, si complet que soit mon néant, il n’y a pas de bonne raison pour que je ne reçoive pas un cœur pur, du moment où cette œuvre n’est pas mienne, mais celle du Dieu créateur, qui est aussi le Dieu amour.

y2 Corinthiens 5.17.

Et pourtant, comme l’a dit un penseur chrétien, Dieu, qui nous a une première fois créés sans nous, ne veut pas sans nous nous créer une seconde fois, c’est-à-dire nous sauver. C’est à Dieu qu’il appartient de donner ou de créer le cœur pur, au pécheur de le demander. Rôle modeste sans doute, rôle sérieux pourtant, quand on y met, comme le Psalmiste, toute son âme. Quels accents que ceux de sa prière ! Comme elle est fervente ! on le sent au choix des expressions, à leur véhémence, à leur accumulation ; jamais requête plus saintement passionnée n’est montée vers le ciel. Comme cette prière est humble aussi ! Le royal coupable est bien éloigné de chercher des excuses, de plaider les circonstances atténuantes ; il ne voit rien de bon en lui-même, n’attend de lui-même rien de bon ; on dirait qu’il se plaît à se condamner, à se mettre plus bas que terre, à prendre contre son crime le parti de la justice éternelle. Mais (saisissant contraste !) la hardiesse de cette prière n’est pas moins admirable que son humilité. Du fond de l’abîme où il a roulé, le psalmiste aspire au ciel ; nulle grâce n’est trop haute pour lui ; il demande, non pas seulement que ses péchés soient pardonnés, mais qu’ils soient effacés ; non pas seulement que Dieu le nettoie de ses iniquités les plus grossières, mais qu’il le rende plus blanc que la neige ; non pas seulement qu’il lui accorde quelques consolations, mais qu’il lui rende la joie de son salut ; non pas seulement d’être personnellement sauvé, mais de devenir un moyen de salut pour d’autres pécheurs. C’est glorifier Dieu que d’attendre beaucoup de sa grâce, et la loi de son royaume est celle-ci : « Qu’il vous soit fait selon votre foiz. » Allez donc et faites de même, c’est-à dire priez de même. Faut-il ajouter que le suppliant chrétien, ou du moins désireux de le devenir, fixera le regard de sa foi sur Jésus-Christ, qui est la source, dans l’Église chrétienne, de toute pureté, comme de tout pardon, et que, voulant sincèrement être purifié de son péché, il fuira diligemment et autant qu’il dépend de lui, l’occasion d’y retomber ? Ceux qui cherchent et implorent ainsi la pureté de cœur, la trouveront, mes bien-aimés frères ; car Dieu, qui n’avait pas dit à la maison de Jacob : « Cherchez-moi en vaina », l’a dit encore moins à la maison de Jésus-Christ, qui est l’Église. Il y a maintenant, selon la prophétie de Zacharie, une fontaine ouverte à Jérusalem pour le péché et pour la souillureb ; et ce n’est pas depuis que le sang qui purifie a coulé sur la croix, qu’une âme sincèrement pénitente, fût-elle plus coupable encore que David, sera condamnée à soupirer sans écho et sans fruit après la délivrance du péché.

zMatthieu 9.29.

aÉsaïe 45.19.

bZacharie 13.1.

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