Le feu du réveil

V. LES ERREURS DANS LES MESSAGES DE REVEIL

Je vais à présent parler d’une autre erreur qui, je le crains, a souvent été commise quand on cherche à produire un réveil. Je veux parler d’une prédication qui s’adresse à l’intelligence des auditeurs et qui tend à les enfler d’orgueil, au lieu de les conduire à l’humiliation et à l’obéissance. C’est une prédication qui explique intellectuellement en quoi consiste la vie chrétienne, mais qui laisse de côté les grandes réalités de la révélation divine. Je suis certain que je suis moi-même souvent tombé dans cette erreur.

Quand la prédication devient très métaphysique et intellectuelle, on donne l’impression que l’on peut tout comprendre. On fait croire que rien ne peut être accepté sans avoir d’abord été expliqué, sans que sa nature théorique ait d’abord été comprise. Il en est résulté de grands maux.

Je ne vais pas jusqu’à dire que certains ont commis l’erreur de déclarer que l’on ne doit rien recevoir par la foi, sans que l’on ait d’abord pu le comprendre intellectuellement. Cependant, sauf erreur de ma part, cette impression a bien été donnée. L’intelligence humaine est désespérément pervertie, imbue d’elle-même et incrédule. Elle est extrêmement flattée et remplie d’orgueil de pouvoir se lancer dans des spéculations métaphysiques. Elle aime philosopher sur les grandes vérités de la religion, au point de finir par se croire capable de comprendre presque toutes les grandes vérités concernant Dieu et Son royaume.

Cette attitude entraîne directement deux conséquences funestes. Tout d’abord, on remplace la foi par nos propres raisonnements oiseux. L’homme philosophe ou spécule sur une doctrine, jusqu’à ce qu’il la considère comme une simple idée. Il est alors extrêmement enclin à se reposer sur sa propre démonstration, ou sur sa philosophie, plutôt que de faire confiance au témoignage de Dieu. Cela n’est pas la foi. Quand on a pris cette habitude, on rejettera complètement toute doctrine que l’on ne peut expliquer ni comprendre intellectuellement. Ou alors on l’acceptera, mais d’une manière tellement superficielle, qu’il sera évident qu’on n’y attache aucune confiance réelle.

Tant que les prédicateurs s’attacheront à faire appel à l’intelligence des hommes, en voulant tout leur faire comprendre intellectuellement, ils trouveront des gens pour les suivre. Mais, si ceux-ci les suivent, ce sera manifestement parce qu’ils auront été convaincus par des raisonnements et des spéculations. Ce ne sera absolument pas parce qu’ils auront résolument mis leur confiance dans la Parole de Dieu et les réalités de l’Evangile.

Vous vous rendrez compte que ces chrétiens superficiels rejettent absolument certaines des doctrines les plus importantes et les plus précieuses de l’Evangile, comme celles de la divinité et de l’humanité de Christ, de la Trinité, des desseins divins, et bien d’autres encore. S’ils les acceptent, ce n’est que d’une façon très superficielle. Une telle prédication n’aboutit pas à humilier l’orgueil de l’intelligence humaine. Elle ne transmet que la connaissance qui enfle, selon l’expression de Paul. J’ai souvent pensé à ce passage en observant l’esprit dont font preuve ces chrétiens dont je parle. Ils sont manifestement sages à leurs propres yeux et remplis de suffisance. Ils comprennent ce qu’ils croient. Ils se glorifient d’être des philosophes, et de ne pas être assez faibles et ignorants pour croire ce qu’ils ne comprennent pas.

J’ai pu observer d’une manière très claire que ces personnes n’ont aucune foi réelle. Ils ne mettent absolument pas leur confiance en Dieu, en la Bible, ni en aucune de ses affirmations, simplement parce que Dieu les a faites. Ils se complaisent et se confient en leurs propres spéculations. Bien entendu, ils n’ont que très peu de respect pour Dieu et très peu de respect pour Son autorité. Ils n’ont aucune confiance réelle en Sa Parole.

Les conséquences funestes d’une telle prédication intellectuelle sont tout d’abord qu’elle ne crée pas la foi. Ensuite, même si la foi existait précédemment, elle ne tend nullement à la développer, à la fortifier et à la confirmer. Mais elle tend plutôt à la dessécher et à la détruire. C’est un fait remarquable que les auteurs inspirés ne font jamais de philosophie, mais tiennent comme acquise une juste philosophie. Ils affirment des faits dont la foi peut se saisir. Bien qu’ils ne fassent jamais de philosophie, il est évident que leur manière de présenter la vérité est parfaitement philosophique, quand on considère le but qu’ils ont en vue. Parmi toutes les méthodes possibles de présenter la vérité, il est clair que la méthode employée par l’Ecriture est la seule qui puisse permettre d’atteindre le but que Dieu recherche. Il sera toujours indispensable, dans notre monde comme dans l’autre, d’avoir foi dans le caractère et le témoignage de Dieu, pour Lui obéir de tout coeur. Certains prétendent que la foi ne sera plus nécessaire dans le ciel, parce qu’elle sera remplacée par la vue. Mais il n’en sera jamais ainsi. Il ne fait aucun doute que la confiance en Dieu, en Son caractère, en Sa sagesse, en Sa bonté, ainsi que dans l’universalité et la perfection de Sa bienveillance, sera tout aussi indispensable dans le ciel qu’elle l’est sur la terre, pour toute l’éternité.

Le gouvernement de Dieu est vaste, et Ses desseins nous sont impénétrables. Il est donc nécessaire qu’un grand nombre de dispensations divines, par leur nature même, nous soient profondément mystérieuses et difficiles à comprendre, à moins d’avoir la plus entière confiance en la bienveillance et en la sagesse de Dieu.

Dans notre monde, le grand objectif de Dieu est de restaurer la confiance en Lui-même et en Son gouvernement. Il veut créer et développer la foi jusqu’à sa perfection. Il présente donc des faits sans les expliquer. Le Seigneur n’entre absolument pas dans des raisonnements explicatifs, mais affirme simplement les faits qu’Il désire nous communiquer. Il nous demande de les saisir par la foi et de nous reposer sur eux. Nous ne pourrons jamais comprendre un grand nombre de ces faits. Nous pouvons comprendre qu’une chose est vraie, sans pouvoir expliquer sa philosophie. C’est certainement vrai d’une foule de faits que nous rencontrerons toujours dans le gouvernement de Dieu. Il est donc indispensable que nous soyons entraînés, dès le début de notre vie chrétienne, à ne pas hésiter à faire confiance à ces faits. Nous devons attendre qu’ils nous soient expliqués jusqu’à ce que nous soyons capables de recevoir ces explications. Je n’insisterai donc jamais assez sur la nécessité de présenter l’Evangile de telle manière que l’on permette un plein exercice de la foi. Je ne veux pas dire par là qu’il ne faut jamais expliquer les faits, s’ils admettent une explication philosophique. Mais je veux dire que nous ne devons pas prendre trop de peine à les expliquer, ni à en définir la philosophie.

Selon ma propre expérience, j’ai compris que j’ai porté gravement atteinte à ma piété en insistant trop sur le fait que nous devions comprendre toutes choses avant de les accepter. Cela signifie que, souvent, je ne me suis pas contenté d’accepter certaines choses qui m’étaient simplement présentées comme des faits, mais que je suis demeuré troublé, insatisfait et instable, tant que je n’avais pas compris et expliqué la logique de ces faits. Cela a certainement été mon expérience en ce qui concerne la doctrine de l’expiation. Je ne me contentais pas de la simple affirmation que Christ était mort à ma place, mais il me fallait comprendre le comment et le pourquoi. Je voulais que l’on m’explique les grands principes de la souveraineté divine et la politique du Royaume de Dieu, sur lesquels était fondée la grandiose transaction de mon rachat. Je suis satisfait de pouvoir m’expliquer la logique de cette transaction, et j’ai souvent réussi à l’expliquer aux esprits les plus sceptiques. Mais, après tout, et à la réflexion, je suis maintenant persuadé que si je leur avait présenté avec force les simples faits, et s’ils les avaient reçus comme des faits s’appuyant sur l’autorité du témoignage divin, cela aurait été plus profitable à leur âme.

Depuis un ou deux ans, j’ai été plus souvent conduit à respecter l’importance de la présentation des faits, jusqu’à ce qu’ils soient acceptés comme des faits, tout en expliquant occasionnellement leur logique. J’ai découvert que ceci était extrêmement profitable à mon âme, comme à l’âme de ceux qui ont d’abord cru les faits, sans qu’on leur en ait expliqué la logique. Ceci développe et fortifie la foi. Cela conduit les gens à ressentir la nécessité de faire confiance à Dieu, et à recevoir tout ce qu’Il dit, sur la seule autorité de ce qu’Il affirme.

Par la suite, quand on explique la logique de ces réalités, cela n’augmente pas la foi des auditeurs. Mais ils sont néanmoins très édifiés, et même ravis de comprendre les explications logiques apportées à des réalités qu’ils avaient d’abord crues sur l’autorité de Dieu. Je trouve cela excessivement profitable à mon intelligence, comme à l’intelligence des autres, autant que j’en aie l’expérience.

Il est aisé en vérité de constater que tout l’Evangile devrait être présenté et accepté de cette manière. C’est de cette manière que lae Bible est systématiquement écrite. Il faut tout d’abord recevoir les faits comme des faits, simplement parce que Dieu les affirme. On doit ensuite expliquer ceux qui peuvent être expliqués et compris, pour l’édification et le développement de la connaissance des enfants bien-aimés de Dieu. Mais si l’on inverse le processus, en commençant par expliquer toutes choses, il ne reste plus beaucoup de place pour la foi. Et s’il en reste, vous découvrirez que ceux qui se seront engagés dans la foi chrétienne n’ont aucune foi réelle. Ils rejettent entièrement, ou n’acceptent que très superficiellement, avec beaucoup de doutes, toute vérité ou toute doctrine de la Bible qui n’admet aucune analyse ni explication logique. Je suis certain que ceci est le résultat d’une tendance à faire des prédications qui s’appuient trop sur la philosophie et les spéculations métaphysiques.

Permettez-moi de répéter que cette sorte de prédication est très appréciée par certaines catégories d’auditeurs. Ceux qui sont vraiment spirituels se rendront vite compte qu’ils ne profitent guère d’un tel régime. Cependant, les assemblées en seront souvent enflées d’orgueil et remplies de satisfaction. Elles croiront être hautement édifiées et favorisées, à chaque sermon. Alors qu’il sera en général évident que leur ferveur dans la prière ne grandit nullement. Elles ne deviennent pas plus humbles, ni plus consacrées à Dieu. Elles ne croissent pas dans la douceur d’un enfant ni dans la patience de Jésus-Christ. Leur croissance n’est pas véritablement une croissance chrétienne. Il s’agit plutôt d’une croissance intellectuelle. L’orgueil et l’égoïsme sont souvent les traits les plus évidents d’une assemblée nourrie de philosophie et de métaphysique, et non des réalités humiliantes de l’Evangile. Je suis certain d’avoir moi-même été assez coupable dans ce domaine. Je ne suis sûrement pas le seul à mériter cette condamnation. Mais ceux qui ont commis les mêmes erreurs que moi n’ont peut-être pas compris, aussi profondément que j’ai été contraint de le comprendre, à quel point ils se trompaient.

Je veux que l’on me comprenne bien. Je ne cherche absolument pas à me faire l’avocat d’une présentation des réalités de l’Evangile qui ne laisserait aucune place aux explications. J’adopterais plutôt une position intermédiaire. Je souhaite d’une part ne pas encourager l’orgueil par un développement disproportionné de l’intelligence. Ceci ne laisserait presque aucune place à l’exercice de la foi dans la Parole de Dieu. D’autre part, je ne voudrais pas négliger tout appel à l’intelligence, en me contentant de ne présenter que les réalités sur lesquelles peut s’exercer la foi.

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