La puissance d'en haut

Chapitre 13: LA JUSTICE VERITABLE

Tout au long de ma vie chrétienne, beaucoup d’âmes anxieuses m’ont souvent demandé: "Quelles sont les opérations mentales intelligentes que Dieu demande de moi?" Confronté aux commandements de Dieu, il m’a semblé indispensable d’interroger ma conscience pour obtenir une réponse satisfaisante à cette question. J’y suis parvenu. Avec l’aide de Dieu, j’ai aidé beaucoup d’autres à y parvenir aussi. Je veux donc me faire bien comprendre. Qu’est-ce que je veux dire quand je parle de "justice véritable?" Je veux dire qu’il s’agit de la justice que l’on atteint quand on a effectué un certain nombre d’opérations mentales intelligentes. Je développerai mon argumentation dans l’ordre suivant, en montrant:

1. Ce que la justice n’est pas.

2. Ce qu’est la justice.

3. Comment savoir ce qu’est la justice.

4. Comment un pécheur peut obtenir cette justice.

1. Ce que la justice n’est pas.

A. La justice n’est pas un acte visible, extérieur, accompli par notre corps physique. Ces actes appartiennent au domaine des causes et des effets. Ils sont produits par une décision de notre volonté et ne comportent aucun caractère moral en euxmêmes.

B. La justice n’est pas le résultat d’une décision de notre volonté. Une décision de la volonté implique un choix et une intention. Elle est le moyen d’atteindre un objectif. Elle cherche à contrôler l’attention de notre intelligence, l’état de notre sensibilité, ou les mouvements de notre corps. Une décision de la volonté est à la fois un effet et une cause. Elle est l’effet d’un choix et d’une intention préalables. Elle est aussi la cause d’une action de notre corps, ou de changements ultérieurs dans notre intellect ou notre sensibilité. Vouloir, c’est faire. Tout ce que nous faisons, nous le faisons par une décision de notre volonté. Mais une décision volontaire, en elle-même, ne constitue pas un acte libre, parce qu’elle est causée par quelque chose d’autre. Elle n’a donc aucun caractère moral en soi. Il faut remonter à la cause première qui a motivé la décision, pour juger de son caractère moral.

C. La justice ne consiste pas à faire un choix secondaire. Quand je choisis un but ultime et suprême, je ne suis motivé que par ce but, et par rien d’autre. Je ne le choisis pas pour obtenir autre chose, mais parce que c’est ce but qui m’intéresse, et lui seul. C’est ce que j’appelle un choix ultime. Je peux faire d’autres choix pour m’aider à atteindre ce choix ultime. Ces autres choix ne seront que des choix secondaires, qui appartiennent au domaine des causes et des effets. Ils ne sont faits que parce qu’il existe un choix ultime. Ces choix secondaires ne sont donc pas réellement libres, parce qu’ils sont causés par un choix ultime dont ils dépendent. C’est en cela qu’ils n’ont aucun caractère moral en soi, parce qu’ils découlent de la cause première, ou du choix ultime.

D. La justice n’est pas une émotion, ni un état de la sensibilité. Par sensibilité, je veux parler des sentiments, des désirs, des peines et des joies. Tous les états de la sensibilité sont involontaires. Ils appartiennent au domaine des causes et des effets. La volonté ne peut pas les contrôler directement, ni parfois indirectement, et nous pouvons nous en rendre compte. Puisque ces états de la sensibilité sont provoqués par une cause, ils ne sont pas libres. Ils ne peuvent avoir aucun caractère moral en soi, tout comme nos pensées, nos décisions de la volonté, et nos choix secondaires, quand ils découlent d’une cause ultime.

2. Ce qu’est la justice.

La justice est la rectitude morale, la droiture morale, et la conformité à la loi morale de Dieu. Mais quelle opération mentale intelligence exige de nous la loi de Dieu? La loi est une règle d’action. La loi morale exige une action, une action intelligente, responsable, et donc libre. Quelle forme particulière d’action exige donc la loi morale?

Une action libre est une certaine forme d’action de la volonté. C’est la seule action que l’on puisse appeler libre, au sens strict. Par Son propre enseignement comme par celui de Ses prophètes et apôtres, Christ nous a enseigné que la loi morale de Dieu exige l’amour. Toute la loi est même comprise dans ce commandement. Mais qu’est-ce que l’amour? Il ne peut pas s’agir de l’amour involontaire de la sensibilité humaine. Ce n’est ni une émotion ni une affection. Ces états de la sensibilité appartiennent au domaine des causes et des effets. Ils n’ont rien à voir avec l’amour exigé par la loi de Dieu. La loi morale peut être définie comme la loi qui gouverne l’activité divine. C’est une règle de vie qui est toujours conforme à la manière dont Dieu Lui-même agit. Nous avons été créés à l’image de Dieu. Sa règle de vie doit donc être aussi la nôtre. Sa loi morale exige qu’Il manifeste le même amour que celui qu’Il exige aussi de nous. Si Dieu ne Se soumettait pas à une règle d’action, Il ne pourrait avoir aucun caractère moral. Il est notre Créateur. C’est Lui qui nous a donné une loi à observer. Il exige de nous la même perfection et le même amour que ceux qu’Il manifeste Lui-même. "Dieu est amour." Il aime de toute la puissance de Sa nature infinie. Il nous demande d’aimer de toute la puissance de notre nature limitée. C’est cela, être parfait comme Dieu est parfait.

Mais en quoi l’amour de Dieu peut-il concerner l’exercice de notre intelligence? C’est parce que l’amour de Dieu nous demande de faire preuve de bienveillance, ou de bonne volonté. Dieu est un Etre moral. Il est infiniment important pour Lui de rechercher le bien de tout l’univers. Dieu y attache une valeur infinie. Il sait parfaitement ce que signifie le fait de choisir le bien pour le bien. Il a Lui-même fait ce choix de toute éternité. Il emploie toute Sa volonté pour l’accomplir. Il a promulgué une loi qui doit gouverner toutes nos actions. Il exige que nous soyons entièrement d’accord avec Ses choix. Il veut que nous soyons remplis de Sa bienveillance, et que nous choisissions le même objectif ultime que Lui, c’est-à-dire le bien pour le bien.

Dieu a choisi le bien de l’univers, et c’est cela qui constitue Sa Justice. C’est pour Lui un objectif ultime d’une valeur infinie, qui ne dépend d’aucune autre cause. C’est un choix qui est conforme à Sa nature propre, et au type de relations qu’Il a décidé d’avoir. C’est donc un choix nécessairement conforme à Sa conscience et à Son sens moral infiniment parfaits.

Pour Dieu, le fait d’être Juste, c’est donc Se conformer Lui-même aux lois de Son amour universel. C’est un choix ultime, suprême, immanent et efficace. C’est choisir le bien suprême de tout l’univers, y compris Son propre bien.

Ce choix est nécessairement ultime, car la recherche du bien universel est une raison qui se suffit en soi. Il est nécessairement suprême, car il est préféré à tout autre choix. Il est nécessairement immanent, car il résulte de la nature même de Dieu, et motive toutes Ses oeuvres. Il est nécessairement efficace, car Dieu met toute la puissance de Sa nature infinie pour atteindre le but qu’Il recherche. C’est un choix juste, une action morale juste.

On peut donc définir la justice comme étant une qualité morale. C’est la recherche volontaire et désintéressée du bien universel. Tous les autres choix et objectifs secondaires, qui découlent de ce choix immanent, ultime et suprême, n’ont de caractère moral que dans la mesure où ils découlent de cette bienveillance désintéressée. Un être moral poursuit toujours un objectif ultime. C’est ce qui motive toute son activité et toute sa vie spirituelle.

3. Comment savoir ce qu’est la justice.

Nous le savons par une prise de conscience.

A. C’est par une prise de conscience que nous savons que toute notre vie procède d’un choix ou d’une préférence ultime.

B. C’est par une prise de conscience que nous savons que notre conscience exige de nous un amour parfait, universel et désintéressé. Toutes nos pensées et nos actions doivent donc être motivées par cet amour parfait, qui doit agir comme une loi de notre nature.

C. C’est par une prise de conscience que nous savons que notre conscience est parfaitement satisfaite, qu’elle n’exige rien de plus, et ne se contente de rien de moins.

D. C’est par une prise de conscience que nous savons que notre conscience nous dit qu’une telle attitude est juste, et que c’est cela la justice.

E. C’est par une prise de conscience que nous savons qu’une telle attitude constitue l’obéissance à la loi de Dieu qui nous est révélée. Quand nous obéissons, nous sommes en accord avec la volonté de Dieu, et notre coeur est dans une paix parfaite. Nous sommes en communion avec Dieu. Nous sommes en paix avec Dieu et avec nous-mêmes. Sans cela, nous ne pouvons pas être en paix. C’est ce qu’enseignent à la fois notre nature et la Bible. Les limites de cet article ne me permettent pas de citer la Bible pour appuyer mon argument.

4. Comment un pécheur peut obtenir cette justice.

Un pécheur est un être moral, c’est-à-dire libre. Mais c’est un être moral égoïste. Puisqu’il est égoïste, il ne peut donc faire que des efforts égoïstes pour devenir juste. L’égoïsme peut être défini comme un engagement volontaire à se satisfaire personnellement. Tant qu’un individu est ainsi engagé à se satisfaire personnellement, il est incapable de la moindre action juste. Le seul acte juste que puisse accomplir un pécheur non régénéré est de changer son coeur, ou de modifier l’objectif ultime qu’il recherche. Sinon, il peut obéir en apparence à la lettre de la loi de Dieu, mais cela ne constitue pas la justice véritable. Il peut faire beaucoup de choses ou avoir beaucoup de pensées qu’il considère comme faisant partie de l’expérience chrétienne, mais cela ne constitue pas la justice véritable. Sa vie peut être jugée en apparence comme parfaitement morale ou religieuse, même si son coeur n’est pas changé. Mais il fait tout cela pour des raisons égoïstes. Cela ne constitue pas la justice véritable.

Je le répète, le premier acte juste d’un pécheur doit être de changer son coeur. S’il voulait changer son coeur pour une raison égoïste, ce serait encore de l’égoïsme, car un vrai changement de coeur implique de renoncer à tout égoïsme.

Comment donc un pécheur peut-il changer son coeur pour atteindre la justice? Ma réponse est la suivante: il doit comprendre le caractère et les exigences de Dieu. Cette compréhension doit le pousser à renoncer à son esprit égoïste pour se mettre en harmonie avec Dieu. Mais, pour cela, le pécheur doit absolument être illuminé par le Saint-Esprit. C’est la Bible qui révèle cette vérité, et c’est la conscience humaine qui l’atteste. Un pécheur ne peut atteindre la justice qu’en étant enseigné et inspiré par le Saint-Esprit.

Pour passer du péché à la justice, il faut donc les éléments suivants:

1. Il faut la foi, c’est-à-dire la confiance en Dieu. Sans cette confiance, le pécheur ne peut pas être convaincu qu’il doit changer son coeur, renoncer à lui-même, et entrer en communion avec Dieu.

2. Il faut la repentance. Par repentance, je veux dire un changement d’état d’esprit, qui consiste pour le pécheur à ne plus chercher à satisfaire ses intérêts personnels, pour accepter ceux de Dieu.

3. Il faut un changement radical d’attitude vis-à-vis de Dieu et du prochain.

Ces trois éléments définissent un véritable changement de coeur. Ils doivent être présents simultanément. La présence d’un seul élément implique la présence des autres. Le Saint-Esprit Se sert des vérités de l’Evangile pour pousser un pécheur à changer. Il révèle avec puissance l’amour de Dieu. C’est cet amour qui attire efficacement le pécheur.

Alors qu’un pécheur peut vivre une vie parfaitement morale et religieuse en apparence, nous pouvons comprendre, d’après ce que je viens de dire, qu’une âme réellement régénérée ne peut pas vivre dans le péché. Un coeur régénéré ne pèche pas. Il ne le peut même pas. C’est ce que l’apôtre Jean affirme clairement dans sa première épître. Quand on a, comme but ultime de sa vie, choisi de rechercher le bien universel, on ne peut pas s’engager immédiatement après sur la voie de l’égoïsme. Il est certes possible pour un chrétien de rétrograder. Sinon, la persévérance ne serait pas une vertu. S’il s’agissait d’un changement physique, ou d’un changement absolu dans la nature du pécheur, il lui serait impossible de rétrograder, et la persévérance ne serait pas une vertu. On a objecté que le fait de rétrograder consistait à retourner à un objectif ultime égoïste, et impliquait un nouveau changement de coeur, mais à l’envers cette fois. On retourne donc à l’état antérieur.

En quoi serait-ce extraordinaire? N’est-ce pas en réalité ce qui se passe? Adam et Eve n’ont-ils pas décidé de changer leur coeur pur en coeur de péché? Est-il possible qu’un homme change ainsi plusieurs fois de coeur? Je réponds: "Oui!" Sinon, Dieu ne demanderait pas à un pécheur de se faire un coeur nouveau. Sinon, il serait impossible à un chrétien de pécher, après être passé par la nouvelle naissance.

Mais il est absurde de dire qu’une même personne puisse avoir en même temps un coeur saint et un coeur impur. Ceci est contraire à la Bible et ouvre la porte aux tendances les plus pernicieuses. Quand une âme a rétrogradé, Christ lui demande de se repentir et de pratiquer à nouveau ses premières oeuvres.

Le seul moyen pour un homme de rester dans la justice est de garder Christ demeurant en lui, par la foi. On ne peut pas demeurer dans la justice par nos résolutions et nos propres efforts. On y demeure par l’action de l’Esprit de Christ. C’est par la foi que Christ devient le Seigneur d’un coeur humain. C’est par la foi qu’il peut rester son Seigneur et continuer à régner en Maître sur sa vie.

Il ne peut y avoir aucune justice en l’homme sans un engagement personnel venant de son coeur. Sinon, son engagement ne pourrait aucunement être volontaire. C’est pourquoi la nature humaine ne peut comporter aucune justice qui lui soit propre, car cela lui permettrait de s’en attribuer le mérite ou l’avantage.

Si nous obéissons à la loi et aux commandements de Dieu sans que notre coeur soit changé, cela ne vient pas de Christ. Une telle obéissance n’est pas produite dans notre âme par l’action du Saint-Esprit. Elle procède de la propre justice humaine. La véritable justice, par conséquent, est la justice reçue par la foi, ou la justice reçue de Christ par la foi en Lui.

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