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Le piège de l’oiseleur

Certainement Il te délivrera du piège de l’oiseleur.

(Psaumes 91.3)

Si Moïse est l’auteur de ce psaume, l’oiseleur pourrait bien avoir été, dans sa pensée, ce roi d’Egypte qui cherchait à le tuer, ou ce peuple des Amalécites qui fondait sur Israël dans la plaine, au moment où il ne s’y attendait pas. Si c’est David qui l’a écrit, cet oiseleur pourrait bien être Saül ; car David dit avoir été traqué par lui « comme la perdrix que le chasseur poursuit sur les montagnes. » Mais, quoique ce verset puisse trouver ainsi son application dans les deux cas, nous croyons que le Psalmiste, quel qu’il soit, avait l’intention de l’appliquer, non pas à des circonstances personnelles, mais à tous les temps, et nous pensons qu’il a voulu désigner par l’oiseleur le grand ennemi des âmes, le grand trompeur — Satan, — celui dont il est dit dans un cantique :

Satan, l’oiseleur qui trahit
De mille manières les âmes distraites.

Le prince de la puissance de ce monde, cet esprit qui encore maintenant agit sur les enfants de rébellion, est en effet semblable à un oiseleur qui travaille sans cesse à nous détruire. Un auteur spirituel disait un jour que l’ancien diable était mort et que maintenant il y en avait un nouveau ; voulant dire par là que Satan agissait de nos jours autrement que par le passé. Quant à nous, nous croyons qu’il est bien toujours le même ; seulement, il a changé de moyens d’attaque. Le diable d’il y a cinq cents ans était une figure noire et grimaçante, assez semblable aux vieilles peintures qu’on en faisait alors. C’était un persécuteur qui jetait les hommes dans une fournaise, et les mettait à mort pour avoir servi Jésus-Christ. Le diable de nos jours est un homme parfaitement comme il faut, qui ne persécute pas, mais qui cherche plutôt à persuader et à séduire. Il n’est plus ce fanatique furieux d’autrefois, mais plutôt cet incrédule captivant, qui cherche à ruiner la religion, sous prétexte de la rendre un peu plus raisonnable, et par suite d’autant plus triomphante. Tout son désir serait de pouvoir réconcilier la mondanité avec la foi ; car, en y parvenant, il aurait ruiné cette dernière, tout en prétendant développer la puissance expansive du christianisme et trancher des questions profondes que nos pères comprenaient bien mal.

Mais Satan est toujours oiseleur ! Quelle que soit la tactique qu’il emploie, son but demeure le même : il veut prendre des hommes dans ses filets. Ces derniers sont comparés à des oiseaux dépourvus d’intelligence, qui ne savent pas voir ni éviter le piège ou qui n’ont pas la force de s’en dégager. Satan est l’oiseleur ; il n’a jamais été et ne sera jamais autre chose. S’il ne nous attaque plus, comme un lion rugissant, par la fureur des persécutions, il nous attaque comme la vipère qui se glisse silencieuse dans le sentier, cherchant à nous mordre de ses dents empoisonnées. Il essaie d’affaiblir en nous le pouvoir de la grâce et à ruiner notre vie intérieure.

Notre texte est très encourageant pour tout enfant de Dieu qui se voit sollicité par la tentation : « Certainement Il te délivrera du piège de l’oiseleur. »

Et d’abord, quelques mots sur le piège de l’oiseleur ; — secondement, sur la délivrance ; — troisièmement, sur sa certitude. Nous nous arrêterons surtout sur le mot certainement, car il est ici encadré comme un diamant dans cette précieuse promesse : « Certainement Il te délivrera du piège de l’oiseleur. »

I

Parlons donc avant tout du piège de l’oiseleur. L’image employée ici suggère trop de développements pour que je m’attende à épuiser le sujet. Je vous laisse donc le soin de la méditer dans vos demeures et de faire l’énumération complète de tous les pièges que l’oiseleur invente pour prendre des oiseaux. Ce travail vous indiquera successivement les moyens que Satan met en œuvre pour séduire les âmes. Permettez-moi, toutefois, de vous présenter quelques observations qui se rapportent en même temps à l’oiseleur et au Malin Esprit.

1° D’abord, le piège de l’oiseleur est toujours calculé de manière à être caché. En vain déroulerait-on un filet sous les yeux de l’oiseau ; aussi l’oiseleur a-t-il grand soin de cacher son piège, ou bien, si le piège ne peut être recouvert, il s’applique à tromper l’oiseau et à le laisser dans la plus complète ignorance sur son but, qui est de l’enferrer. La pauvre créature est loin de soupçonner que cette nourriture qu’on semble lui offrir généreusement pour lui procurer un joyeux repas, est destinée à l’attirer et à la faire mourir. Lorsqu’il s’en va à la chasse, l’oiseleur prend bien garde de ne pas être aperçu. Nous savons, par exemple, qu’à la chasse des canards sauvages, le braconnier a, dans certaines contrées, la précaution de tenir entre ses dents un peu de gazon, afin que ces oiseaux, qui sont très circonspects, ne sentent pas son haleine de loin. Les tentations que le monde présente aux chrétiens sont tout aussi bien dissimulées que celles de ces oiseleurs. Je dis : « celles qu’il présente aux chrétiens », parce que les méchants pèchent avec pleine connaissance de cause. Ils se ruent dans le filet, tout en sachant que c’est un piège, saisissant l’iniquité de leurs deux mains à la fois, et cela même en face d’une damnation évidente. Ils commettent des péchés qu’ils savent être punis par les lois humaines, et ils accomplissent des crimes sur la culpabilité desquels personne ne saurait avoir le moindre doute. Mais il n’en est pas ainsi du chrétien, qui ne saurait être pris que par surprise. « Ah ! dit l’un d’eux, si j’étais sûr que telle chose est mauvaise et si j’étais bien convaincu qu’elle est coupable aux yeux de Dieu, je m’en abstiendrais. » Mais c’est là justement qu’est le danger. L’oiseau aussi pourrait dire : « Si j’étais bien sûr que ceci est un piège ; si j’étais parfaitement persuadé que je risque d’être pris dans les mailles de ce filet, je ne volerais pas vers tel lieu, j’aurais garde d’en approcher ! »

Combien de gens qui, tout en professant d’être chrétiens, vous demandent : « Puis-je aller dans tel endroit ? » Quelqu’un des nôtres répondra : Non ! et aussitôt on le taxe de puritanisme et d’exagération. Que ceux qui ont cherché à conserver intacte leur pureté au milieu des plaisirs du monde, viennent confesser ici avec honte que la piété et la mondanité ne sauraient coexister. Ou bien nous servirons Dieu complètement, ou bien nous servirons complètement le Malin. « Si l’Éternel est Dieu, servez-le, mais si Baal est dieu, servez-le. » Choisissez l’un ou l’autre.

Combien est grand le nombre de ceux qui se sont laissé prendre dans les pièges de Satan, en ignorant qu’ils faisaient mal ! En matière de commerce, par exemple, quelqu’un leur aura suggéré de faire certaine chose « Vous pouvez le faire sans danger, leur a-t-on dit, tous les négociants de cette rue l’ont fait ; ce n’est pas absolument déshonnête ; cela donne meilleure apparence à la marchandise, je vous assure ; et comme vous pourrez par ce moyen vendre l’article plus cher qu’il ne le faudrait rigoureusement, il n’y a pas besoin d’en informer le public ; ça ne le regarde pas. Si l’article n’en est que meilleur, qu’importe qu’on le frelate un peu ! » Et voilà le bonhomme qui s’y laisse prendre ; il n’ouvre qu’un œil et cligne l’autre, comme s’il avait peur d’y voir trop clair et de ne pouvoir plus remplir son gousset dans l’ombre ; puis, peu à peu il découvre que par l’acte qu’il a accompli il s’est laissé prendre dans le filet de l’oiseleur, car il a péché contre son Dieu, et son Dieu l’en punit en le frappant de ses verges et en appesantissant sa main sur lui.

Un chrétien se laisse bien plus difficilement entraîner dans un péché palpable que dans tel péché habilement déguisé et secret. Si je vois venir le diable à ma porte avec ses cornes sur la tête, jamais je ne le laisserai entrer ; mais s’il se présente coiffé comme un homme respectable, je lui ouvre aussitôt ma porte. La métaphore est un peu risquée, mais elle est juste. Bien des gens se laissent aller à quelque mauvaise action, uniquement parce qu’elle était recouverte à leurs yeux d’un certain vernis ou accompagnée d’une certaine interprétation qui lui ôtait son vrai caractère. Ils se sont dit intérieurement : « Il n’y a pas grand mal à cela », et ils ont laissé passer ce petit ruisseau, qui est bientôt devenu comme une trombe et comme un torrent irrésistible. Ce petit commencement a enfanté une fin effroyable. Chrétien ! prends garde aux petites choses que tu caches ! prends garde aux choses que le monde approuve si légèrement et qui peuvent bien convenir pour lui, et encore ! Nous ne saurions leur arracher leurs jouissances, puisqu’ils n’en possèdent pas d’autres ; mais elles ne valent rien pour vous, car vous possédez une vie meilleure, une vie d’un ordre trop élevé et d’une nature trop délicate pour qu’elle puisse s’accommoder des immondes joies de la terre. Rappelez-vous de ne pas vous appliquer la mesure dont se mesurent les autres. Les personnes inconverties peuvent, sans se laisser aller au péché, se livrer à bien des distractions et des divertissements. Le chrétien ressemble à l’anglais, qui ne peut éviter d’être victime de certaines fièvres de l’Inde. Les indigènes n’en meurent pas ; les étrangers y succombent. Il en est de même pour vous qui êtes nés deux fois ; votre piété succombera infailliblement là où un homme du monde ne tombera dans aucune aggravation de mal et demeurera tel qu’il était. Vous devez être infiniment plus sévères envers vous-mêmes que ne le sont les autres, et être bien plus rigides dans votre piété que les hommes du monde ne le jugent nécessaire ; car le péché est presque toujours déguisé et le piège n’est jamais apparent. « Certainement Il te délivrera du piège de l’oiseleur. »

2° En second lieu, le piège est d’ordinaire parfaitement adapté à la victime en vue de laquelle il est préparé. Jamais vous ne verrez un oiseleur tendre le même piège à des oiseaux d’espèces différentes. Il connaît les instincts de l’oiseau qu’il veut prendre, et il choisit son appât en conséquence. Le chasseur qui voudrait prendre au même piège l’alouette qui s’élève jusque dans les nues et le canard qui vole à la surface des eaux, serait en vérité un bien pauvre chasseur. Le vrai, le bon chasseur est plus rusé que cela ; il adapte son piège à la nature particulière de l’oiseau qu’il veut tromper. Satan, le grand braconnier, fait de même. — Voici un homme : celui-là, il va l’attirer par la boisson. Ce péché est celui auquel il se livrerait le plus volontiers, si la grâce de Dieu n’était pas dans son cœur. Sachant que c’est là son côté faible, Satan cherche à l’amorcer par l’ivrognerie et la gloutonnerie. — Voici un autre homme : celui-là est tout-à-fait inaccessible à des goûts si matériels, mais il est tel autre piège qui fera mieux son affaire ; ce sera, je suppose, celui de la luxure. Satan ne manque pas, dès-lors, de choisir son amorce, en ayant égard à ce tempérament bouillant et à ces prédispositions funestes. — Un autre peut-être aura en profond dégoût toute habitude souillée et sensuelle. En l’abordant, Satan le tentera par conséquent d’une autre manière : il tendra des pièges à son orgueil. — Un autre sera d’un caractère mélancolique, aimant la solitude. Satan s’affublera d’une dignité toute solitaire et viendra le visiter, en lui disant : « Je suis la sainteté ! » Seigneur, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme les autres hommes. ! — Si Satan a affaire à quelqu’un qui ne soit pas naturellement enclin à un orgueil extrême, il le prendra par la paresse. Celui-là préfère une vie facile : le tentateur adaptera son amorce à ce penchant particulier, il le poussera à se tenir tranquille, les bras croisés, et le fera périr à force d’indolence. Et remarquez que dans les régions glaciales celui qui s’assied tranquillement pendant qu’il gèle et tandis que la terre se couvre de neige, est voué à une mort tout aussi certaine que s’il se perçait la poitrine d’un coup de poignard. Satan, qui le sait fort bien, le prend par son côté faible.

Oh ! que de fois, mes bien-aimés, il nous arrive de condamner chez les autres ce que nous nous permettons à nous-mêmes, peut-être sans le savoir ! Nous disons à un tel qu’il est d’un orgueil insupportable. Hé bien ! notre orgueil, à nous, n’a pas précisément la même forme : ce n’est plus le même emballage, quoique ce soit la même marchandise ; il n’y a de changé que l’étiquette. Satan adapte l’orgueil à la tendance naturelle de chacun. Si nous sommes riches, il ne nous tentera pas précisément par l’orgueil des richesses, mais peut-être par celui de la prépotence, et nous fera ainsi devenir des maîtres durs envers nos domestiques. Si ce genre d’orgueil ne nous sourit pas, il nous charmera par l’orgueil de la générosité, et nous voilà disposés à nous vanter de notre bonté et à énumérer tout ce que nous avons donné. A chaque homme son piège ; à chaque oiseau son appât ! Il se garderait bien de vous tenter tous de la même façon que moi, ni de me tenter, moi, de la tentation qu’il présentera tout naturellement à tel autre.

« Le piège de l’oiseleur !… Quelle ruse que celle de cet ennemi-là ! Il connaît notre côté faible. Voilà six mille ans qu’il travaille les hommes et qu’il les étudie : il les sait par cœur. Intelligence d’une puissance extraordinaire, quoique déchue, il sait où se trouve le point critique de notre position, et nous attaque aussitôt du côté le plus mal défendu. Quand nous ne serions même, à l’instar d’Achille, vulnérables qu’au talon, c’est là qu’il finirait par diriger son dard, et c’est par là qu’il nous tuerait. Il voit instantanément quel est, de tous les péchés, celui qui nous surmonte le plus aisément, et c’est aussitôt en nous travaillant sur ce terrain délicat qu’il consommera, s’il le peut, notre ruine et notre destruction. Ah ! bénissons Dieu de ce qu’il est écrit : « Certainement Il te délivrera du filet de l’oiseleur ! »

3° Considérons aussi que le piège de l’oiseleur est presque toujours déguisé sous l’attrait du plaisir, du profit ou de quelque avantage. L’oiseau ne vole vers le filet que parce qu’il est attiré par le froment épars sur le sol. Cet appât est ce qui le leurre et l’entraîne à la mort. De même, le grand oiseleur, Satan, nous fascine par un appât trompeur. « Oh ! s’écrie l’un, je ne puis abandonner telle ou telle chose ; elle est si agréable ! Monsieur, si vous aviez connu le charme de tel ou tel plaisir, vous ne me presseriez pas de l’abandonner. » — Oui-da, mon ami !… Hé bien ! c’est précisément ce charme que vous y trouvez qui le rend d’autant plus dangereux pour vous. Satan ne vend pas ses poisons à découvert ; il les dore avant de les exposer à la vue. Il sait qu’à la faveur de cette simple dorure les hommes les lui achèteront et les avaleront sans défiance. Prenez garde aux plaisirs ! prenez garde à ce que vous faites en vous y livrant ! Il en est beaucoup d’innocents et de salutaires, mais il en est plus encore de mortels. On dit que là où croissent les plus beaux cactus se trouvent sous chaque plante les serpents les plus venimeux. Il en est de même du péché : vos plaisirs les plus vifs recouvrent vos péchés les plus noirs. Prenez garde ! oui, vous dis-je, prenez garde à vos plaisirs ! C’est dans une corbeille de fleurs que se trouvait l’aspic qui tua Cléopâtre ; c’est dans les brillantes joies d’une fête que Satan nous présente la coupe empoisonnée du péché. Au buveur, il présente les douceurs de cette ivresse qui le remplit de joie, lorsqu’il sent son cerveau pirouetter jusqu’à la folie et son âme se soulever dans l’orgueil de l’abrutissement. Il offre à l’homme efféminé les honteux plaisirs et les hideuses jouissances de la chair, l’entraînant dans l’abîme par une amorce séduisante sous laquelle se cache l’hameçon qui le déchirera plus tard. Il nous offre à chacun — à vous et à moi — les plaisirs que nous estimons le plus ; il chatouille nos désirs les plus vifs, pour nous saisir et nous maîtriser à son gré.

Je voudrais mettre chaque chrétien en garde contre la chose qui flatte le plus ses penchants naturels. Ma pensée ne serait pas de l’engager à fuir tout ce qui lui plaît, mais à se tenir sur ses gardes. J’agirais comme Job après que ses fils eurent festoyé chez eux. Il ne les empêcha pas de festoyer, mais il dit : « J’offrirai un sacrifice, de peur que mes fils n’aient péché dans leur cœur et n’aient blasphémé l’Éternel dans leur folie. » Il s’occupait de ses enfants plus spécialement pendant leurs moments de gaîté qu’en toute autre occasion. Imitons cet exemple. Souvenons-nous que le piège de l’oiseleur se rattache toujours à quelque jouissance ou à quelque profit, et que le but de Satan n’est pas de nous procurer des joies, mais de nous perdre.

4° Parfois l’oiseleur fait usage très habilement de la force de l’exemple. Tous connaissent le parti que l’on peut tirer d’un oiseau de leurre mis dans un filet pour y amener ses compagnons. Satan place presque toujours un oiseau de leurre dans son piège pour entraîner les enfants de Dieu dans le péché. Vous rencontrez un homme ; vous croyez qu’il est sincèrement chrétien ; son caractère vous inspire une certaine confiance ; il professe hautement sa foi à l’Évangile ; il peut parler religion aussi longtemps qu’il vous plaira et vous débiter autant de théologie que vous voudrez : vous lui voyez commettre un péché ; si vous avez une grande estime pour lui, je parie dix contre un que vous le commettrez avec lui et qu’il vous mènera en laisse. Et remarquez combien Satan est prudent dans le choix des hommes qu’il prend pour leurre. Ne craignez pas qu’il aille choisir un méchant pour surprendre un homme droit et honnête. Satan se servira rarement d’un caractère ouvertement impie pour séduire un chrétien. Non ; il choisit un personnage qui ait des prétentions à la piété et qui vous ressemble le plus possible, afin de vous attirer vers le piège. Qu’un fripon me rencontre dans la rue et m’invite à faire une mauvaise action ! jamais le diable ne sera assez bête pour l’employer à pareille œuvre, parce qu’il sait fort bien que je passerais droit mon chemin. S’il veut que sa commission me soit faite convenablement, il prendra pour son émissaire quelqu’un que j’appelle frère. A la faveur de cette fraternité chrétienne, mon estime lui sera acquise, je lui donnerai ma confiance, et, s’il s’égare, la puissance de son exemple m’entraînera probablement dans le piège avec lui. Prenez garde à vos meilleurs amis ! prenez garde à ceux que vous admettez dans votre intimité ! Choisissez-les le mieux que vous pourrez, et après cela ne les suivez qu’aussi longtemps qu’ils suivent Christ. Demeurez toujours indépendant de toute influence humaine. Dites comme Josué : « Que d’autres fassent ce qu’ils voudront ; mais, moi et ma maison, nous servirons le Seigneur. »

5° Remarquez enfin que lorsque l’oiseleur ne peut pas prendre l’oiseau par la ruse et la finesse, il lance sur lui son faucon, qui le poursuit et finit par l’abattre. Quand Satan ne peut pas entraîner un chrétien dans le péché, il déchaîne contre lui la calomnie, qui le mord, qui déchire sa bonne réputation et fait tous ses efforts pour l’abattre. Je vais vous donner un avis utile. Je connais un bon pasteur, aujourd’hui parvenu à un âge qui commande la vénération : un temps fut où il était calomnié et déchiré à belles dents par un malheureux qui le haïssait à cause de sa droiture et de son amour pour la vérité. Le pauvre pasteur était désolé ; il menaça le calomniateur des tribunaux s’il ne se rétractait pas. Il se rétracta. La calomnie et la rétractation parurent ensemble dans les journaux, et vous en devinez la conséquence : la calomnie obtint créance dans un cercle bien plus étendu que si l’on n’avait rien dit. J’en ai tiré cette excellente leçon : faire en présence du faucon de la calomnie ce que font les petits oiseaux quand ils sont poursuivis par l’épervier ; ils s’élèvent dans les airs. Le faucon ne peut pas les atteindre aussi longtemps qu’ils se tiennent au-dessus de lui. Ce n’est que lorsqu’ils descendent à son niveau qu’il peut leur faire du mal ; ce n’est qu’alors que, prenant le dessus, il peut fondre sur eux et en faire carnage. Si quelqu’un donc vous calomnie, laissez-le faire, mais ne descendez pas à son niveau. Dites ce que disait David concernant Simhi : « Si l’Éternel lui a commandé de me maudire, qu’il me maudisse ! » et si les fils de Seraja disent : « Allons trancher la tête de ce chien mort, dites : Qu’il me maudisse ! » et de la sorte vous resterez au-dessus de la calomnie. Si l’un de nous se retournait pour prêter l’oreille à chaque passereau qui se plaît à crier contre lui, il n’aurait bientôt d’autre occupation que celle de leur répondre. S’il me fallait combattre pour chaque doctrine que je prêche, je ne ferais qu’amuser le diable et satisfaire la démangeaison qu’ont certaines personnes pour les discussions religieuses. Par la grâce de mon Dieu, vous pouvez dire contre moi ce qui vous plaira, je ne vous répondrai jamais, mais je passerai outre. Tout finira bien, pourvu que la conscience reste pure. Plus on lancera de boue sur un caractère intègre, plus il brillera et plus son éclat sera pur. Ne vous êtes-vous pas senti crispé à l’approche d’un homme qui vous dénigre ? J’ai éprouvé cette sensation. Bien souvent je me suis dit : « Pour cette fois, je ne pourrai pas retenir ma langue ; il faut que je réponde à cet homme. » Mais j’ai demandé aussitôt à l’Éternel la force d’imiter Jésus qui « lorsqu’on l’outrageait ne répondait pas », et j’ai laissé cet homme passer son chemin. La meilleure manière de se débarrasser de la calomnie est précisément de la laisser faire et de ne rien dire ; car, si vous persécutez le malheureux qui la vomit, si vous le menacez des rigueurs de la loi ou si vous le forcez à vous faire des excuses, vous n’en serez pas plus avancé, et il restera toujours assez d’insensés et de méchants dans le monde pour y prêter foi. Laissez faire, ne vous en mêlez pas, et le Seigneur vous aidera par cette conduite prudente à réaliser sa promesse : « Certainement Il te délivrera du piège de l’oiseleur. »

Et maintenant, avant d’en finir avec ce point, je veux encore vous faire remarquer que quand l’oiseleur est bien décidé à prendre l’oiseau, il met en usage tous les pièges à la fois et l’attaque simultanément de tous côtés. Il en agira de même vis-à-vis de vous, mes bien-aimés. Satan n’oubliera aucun effort pour ruiner et perdre votre âme.

Je demeure debout, au milieu de pièges sans nombre,
Gardé et soutenu, Seigneur, par ta main puissante.

Un vieil auteur a dit :

Les esprits qui traquent ton âme placent des pièges
jusque dans ton être.
Si tu as des besoins, ces besoins ont leurs pièges.
Si tu as du crédit, là encore sont des pièges.
Si tu es en opprobre, d’autres pièges t’attendent.
Si tu es en honneur parmi les hommes, ou s’ils te méprisent,
les pièges fourmillent sous tes pas.
Pièges à tes pieds, pièges autour de ta couche !
Pièges sur ta table, pièges dans chaque secrète pensée !
Pièges dans chaque parole que tu prononces !
Pièges dans tes heures de repos !
Pièges dans tes émotions de tout genre !
Pièges dans tes jeûnes, pièges dans tes prières !
Pièges dans tes résolutions, ainsi que dans tes doutes !
Pièges au dedans de ton cœur, pièges au dehors !
Pièges au dessus de la tête et pièges au dessous !
Pièges dans la maladie et jusque dans la mort !…

Il n’est pas, j’en suis assuré, un lieu ni un instant de la vie où le chrétien ne rencontre des pièges. Derrière chaque tronc d’arbre, on aperçoit un farouche indien, armé de sa flèche barbelée ; derrière chaque buisson se cache un lion rugissant qui guette sa proie ; sous chaque fleur se glisse la vipère venimeuse. Ces pièges sont partout. Soyons sur nos gardes ! ceignons nos reins de la toute-puissante protection du Seigneur, et alors le Saint-Esprit nous gardera. Avec lui nous marcherons sur la vipère, nous écraserons le lion ; nous mettrons sous nos pieds le jeune lion et le dragon ; nous serons « délivrés du piège de l’oiseleur. »

II

Abordons enfin le second point : la délivrance. Dieu délivre ses enfants du piège de l’oiseleur. Ici, deux pensées se présentent : Il les délivre du piège, premièrement en les empêchant d’y tomber, secondement en les en retirant quand ils s’y sont laissé prendre. L’une de ces deux promesses regardera plutôt les uns ; l’autre concernera les autres.

« Il te délivrera du piège » ; et comment cela ?

Souvent en envoyant l’épreuve. Oui, l’épreuve est un des moyens par lesquels Dieu nous arrache souvent. Vous connaissez l’histoire de ce peintre célèbre qui couvrait de fresques l’intérieur de Saint-Paul, et qui, pour regarder son travail, reculait peu à peu sur l’échafaudage où il était, afin de pouvoir l’embrasser d’un coup d’œil dans son ensemble et en juger les proportions. Il avait fini par atteindre ainsi le fin bord, et il reculait encore… Un pas de plus, et il tombait d’une hauteur prodigieuse sur les dalles de l’église ; un instant plus tard, il se serait infailliblement brisé, si, à ce moment suprême, l’un des ouvriers, voyant le danger qui menaçait son maître et voulant le sauver, n’avait imaginé un expédient qui réussit fort heureusement. Au lieu de lui crier : « Maître, vous allez vous précipiter ! ce qui aurait certainement fait faire au peintre un mouvement de recul fatal à ses jours, il prit un grand pinceau imbibé de couleurs et le lança contre la fresque. Furieux, à la vue de cet acte de vandalisme, le bon peintre fit un saut en avant pour châtier le maladroit. Mais lorsqu’on lui eut expliqué le motif, il vit clairement que cet homme venait de lui sauver la vie. Dieu fait de même. Nous avons souvent, vous et moi, travaillé à quelque peinture, et nous nous sommes reculés pour l’admirer à distance. Mais Dieu, voyant que nos mouvements rétrogrades nous rapprochaient de l’affreux précipice de la mort éternelle, a employé alors sa providence pour nous plonger dans l’adversité. Il a dérangé et renversé tous nos plans ; Il nous a enlevé nos enfants ; Il a enfermé dans une tombe la compagne de nos jours ; Il nous a ravi quelqu’objet trop tendrement aimé ! Alors nous nous sommes précipités en avant comme pour le retenir, nous écriant : « Seigneur, pourquoi ? » Et nous sommes bien loin de nous douter que, sans cette épreuve, nous allions être précipités et engloutis dans une ruine éternelle. Ah ! je suis bien sûr qu’un grand nombre d’entre vous doivent leur salut à leurs afflictions, à leurs douleurs, à leurs inquiétudes, à leur adversité, à leurs pertes ou à leurs croix ! Entre les mains de Dieu, ces épreuves ont été autant de coups de hache donnés sur le filet qui vous emprisonnait, et vous leur devez la liberté !

Dans d’autres circonstances, Dieu préserve les siens des pièges de l’oiseleur en leur donnant un grand courage et un esprit de force extraordinaire ; de telle sorte qu’au moment où la tentation se présente, ils s’écrient résolument : « Comment pourrais-je commettre une si méchante action et un si grand péché contre Dieu ! » Ah ! quel noble courage que celui qui arracha Joseph à la tentation ! Avec quelle héroïque énergie son âme s’échappa des filets de l’oiseleur, lorsque la femme de Putiphar le prit par le pan de son manteau pour le retenir ! Et je suis sûr qu’il est encore de nos jours des chrétiens qui ont accompli des actes tout aussi dignes d’éloges que celui de Joseph, — qui ont reçu d’En-haut la force de détourner les yeux à la vue du mal, et qui, invités à commettre le péché, ont posé leur pied sur la gorge du tentateur, en disant : « Je ne puis pas ! je ne puis pas ! Je suis un enfant de Dieu ; je ne puis, ni ne dois le faire ! » Il ont su résister à l’attrait du plaisir et ils s’en sont refusé à eux-mêmes les coupables douceurs. Vous vous rappelez l’exemple d’Inébranlable dans le Voyage, du chrétien, par Bunyan. Dame Folie avait fortement sollicité Inébranlable par ses offres. Voici comment il raconte le fait : « Une femme élégamment vêtue, mais âgée, se présenta à moi et m’offrit trois choses, savoir : son corps, sa bourse et sa couche. Or, à vrai dire, j’étais las et j’avais sommeil ; de plus j’étais très pauvre, et la sorcière, sans doute, le savait bien. Je repoussai ses offres à plusieurs reprises ; mais elle souriait et revenait toujours à la charge, en essayant de dissiper mes scrupules Alors je me fâchai, mais elle n’en tint nul compte. Elle continua à me faire de nouvelles offres, disant que si je consentais à suivre ses conseils, elle me ferait devenir grand et heureux. Car je suis, dit-elle, maîtresse du monde, et c’est moi qui rends heureux tous les hommes. — Je lui demandai alors quel était son nom, et elle me dit qu’elle s’appelait Madame Folie. Cela augmenta ma défiance contre elle ; mais elle ne se relâchait point et me poursuivait de ses invitations. Alors je me jetai à genoux et, les mains levées vers le ciel, je me mis à prier et à crier à Celui, qui m’avait promis son secours. Et comme vous veniez à moi, la femme avait disparu. Voyant cela, je continuai à prier et à rendre grâce de cette grande délivrance, car je crois bien que cette femme avait quelque mauvais dessein et ne visait qu’à m’arrêter dans mon voyage. » Voilà comment Dieu délivre son peuple des filets de l’oiseleur. Il donne à ses enfants l’esprit de prière et de courage, en sorte qu’ils crient à leur Dieu au jour de leur détresse, et Il les délivre.

J’ai aussi observé une chose singulière. Quelquefois J’ai été délivré moi-même du piège de l’oiseleur de la manière suivante — je ne saurais trop vous expliquer comment, — mais voici le fait : j’ai eu le sentiment que si la tentation était venue une semaine plus tôt, elle m’eût trouvé dans une disposition telle que j’eusse été très certainement entraîné. Mais, au moment où elle s’est présentée, mon esprit avait passé par une certaine série de transformations qui le rendaient tout-à-fait inaccessible. Je me trouvais disposé de telle façon que ce qui eût pu me perdre à un certain moment donné, n’était plus une tentation pour moi. « Non ! me suis-je écrié dans ce cas ; si tu m’avais offert cela à telle époque, peut-être l’eussé-je accepté ; mais maintenant, par l’influence mystérieuse de son esprit, Dieu a tourné mon cœur vers d’autres préoccupations, et ce que tu m’offres ne fixe pas un seul instant ma pensée. » Voilà comment Dieu délivre les siens des pièges de l’oiseleur !

Mais ma seconde idée était que Dieu délivre les siens même alors qu’ils sont tombés dans le piège. Hélas ! mes chers auditeurs, nous connaissons, vous et moi, ce filet dont il s’agit ; nous y avons été enferrés plus d’une fois, n’est-ce pas ? Nous n’avons pas seulement vu ce filet de loin, mais nous avons séjourné dans ses mailles inextricables. Nous connaissons la cage autrement que par ouï-dire, car nous y sommes malheureusement entrés, même depuis que nous connaissons le Seigneur. La main de l’oiseleur s’est posée sur notre cou, et s’il ne nous a pas entièrement détruits, nous ne le devons qu’à la souveraine grâce de Dieu. Qu’il est réjouissant de savoir que si, en une heure mauvaise, le chrétien se laisse prendre dans le piège de l’oiseleur, Dieu l’en délivrera ! Chrétien et Plein-d’Espoir s’étaient bien laissé tomber dans le filet de l’oiseleur en entrant dans la grande forteresse du géant Désespoir ; mais la clef de la Promesse ouvrit la serrure et ils échappèrent. Ils étaient également pris dans le piège lorsque Flatteur jeta sur eux son filet et les laissa sur la place ; mais quelqu’un se présenta qui, après les avoir bien battus, enleva le filet, en sorte qu’ils poursuivirent leur route, mieux appris qu’avant d’entrer dans le filet.

Je sais quelqu’un qui est en ce moment dans le filet. C’est un oiseau infortuné, c’est même un enfant de Dieu ; il a été pris dans le piège, et maintenant il gémit, il crie, parce qu’il a péché : « Hélas ! hélas ! J’ai ici une personne — un excellent homme — qui fait profession d’être chrétien ; un homme vraiment respectable. Mais, hélas ! il a péché, et en ce moment ses yeux sont remplis de larmes et il s’écrie :

Ce tumulte de mes pensées
Ne fait qu’accroître ma douleur.
Mon esprit est abattu,
Mon cœur est désolé et humilié.
Oh ! retourne-toi vers moi !
Hâte ma délivrance et sauve-moi !
Quand viendras-tu délier mes pieds
Et me tirer de ce piège funeste ?

O toi qui es retourné en arrière ! sois humilié, oui ; mais ne désespère pas. Dieu te relèvera. Quelque loin que tu aies porté tes pas errants, écoute ce qu’Il te dit : « Revenez, ô enfants rebelles ! et j’aurai pitié de vous. » Mais vous dites que vous ne pouvez pas retourner vers Lui. Hé bien ! voici cependant une promesse : « Certainement Il te délivrera du piège de l’oiseleur. » Tu seras encore retiré de tout le mal dans lequel tu t’es plongé, et, alors même que tu devrais passer le reste de ta vie à déplorer tes péchés, Celui qui t’a aimé ne te rejettera point. Il te recevra auprès de Lui, dans les demeures célestes, et Il est déjà maintenant disposé à t’admettre au nombre de ses enfants et à te combler de paix et de félicité. « Certainement Il te délivrera du piège de l’oiseleur. »

Les exemples de délivrances éclatantes abondent pour prouver que Dieu délivre les siens des pièges de l’oiseleur. Ecoutez :

Une jeune dame, appartenant à l’une des églises de New-York, épousa un jeune homme qui n’était pas chrétien. Le jeune homme était négociant, attaché à un commerce très lucratif. Les fleuves dorés de la fortune coulèrent sur ses entreprises, si bien qu’il amassa des richesses considérables. Il se retira donc des affaires et s’en alla demeurer à la campagne. Il acheta une superbe habitation, autour de laquelle des forêts d’arbres magnifiques balançaient gracieusement dans les airs leur feuillage luxuriant. D’un côté, c’était un lac poissonneux ; plus loin, c’était le jardin planté des fruits les plus exquis et des fleurs les plus rares. L’intérieur de la maison était meublé avec une élégance et un luxe inouïs, et l’on peut dire que l’heureux couple possédait tout ce que la terre produit de plus désirable pour l’homme. Au sein de tant de prospérités et au milieu de tant de nouvelles relations avec les riches et les heureux selon le monde, la piété de la jeune dame pâlit et son cœur fut bientôt fiancé à Satan. Il ne faut pas s’étonner qu’en grandissant, ses trois enfants aient imité son exemple et suivi la même voie. « Aux grands maux, les grands remèdes », dit le proverbe. Dieu appliqua donc le grand remède. Un matin, on vint dire que le plus jeune enfant était tombé dans le lac poissonneux et s’y était noyé. Une cruelle affliction pénétra comme un poignard dans le cœur de la pauvre mère ; elle versa d’abondantes larmes et ses lèvres murmurèrent contre la Providence de Dieu. Peu après, sa fille, à l’âge le plus riant de la vie — à seize ans — est prise d’une cruelle fièvre qui la couche dans la tombe. Le cœur de l’infortunée mère semblait près de se briser ; mais ce nouveau coup de la verge paternelle du Seigneur, au lieu de la ramener à Lui, paraissait plutôt l’en avoir éloignée. Le seul fils qui lui restait, et qui avait dû revenir du collège pour assister à l’ensevelissement de sa sœur, sortit peu après dans les champs pour chasser. En voulant sauter une clôture, il posa son fusil du côté opposé pour s’en servir d’appui, et comme il prenait son élan, le coup partit et le tua. Pauvre cœur de mère !… Dans l’excès de sa douleur, elle tomba à la renverse, se tordant sur le parquet, s’arrachant les cheveux, et, dans son délire, maudissant comme une folle la Providence de Dieu. Le père, dont le chagrin était déjà insupportable, à la vue de ce spectacle affreux et à l’ouïe des cris frénétiques de sa femme, ne put supporter cette nouvelle catastrophe : le fer aigu de l’affliction avait atteint le principe de la vie, et il suivit de près dans la tombe le dernier de ses enfants. La pauvre femme avait donc tout perdu, ses enfants et son mari ! Peu à peu, le sens lui revint ; elle se mit à réfléchir. Elle aperçut alors sa profonde déchéance, son orgueil et sa révolte ; les larmes de sa douleur se changèrent insensiblement en larmes de repentance. La paix rentra dans son cœur et le moment vint bientôt où, levant les mains au ciel, elle s’écria : « Je te remercie, ô mon Père ! L’Éternel l’a donné ; l’Éternel l’a ôté ; que le nom de l’Éternel soit béni ! » Voilà comment les afflictions portèrent paisiblement dans son âme les fruits de justice, et comment son Père céleste la châtiait, non pour son plaisir, mais pour la relever et la rendre participante de sa sainteté.

Ainsi délivrée du piège de l’oiseleur, elle recommença à vivre pour le Seigneur, à le servir avec zèle et ferveur, et à faire de nouveaux progrès dans son amour et dans sa crainte. Dieu est fidèle à sa promesse : soit par les épreuves, soit par d’autres moyens, Il délivre toujours les siens du piège de l’oiseleur, alors même qu’ils s’y sont laissé prendre.

III

En terminant, j’ai à m’arrêter quelques instants sur le mot « Certainement ». Cette certitude de toutes les vérités de l’Écriture est précisément ce qui en fait le prix infini. Si l’Écriture n’était pas certaine, elle ne serait plus précieuse. Elle n’est précieuse qu’à cause de sa certitude.

Or, l’Écriture dit ici : « Certainement Il te délivrera. » Pourquoi ? D’abord, parce qu’Il l’a promis ; et les promesses de Dieu sont des engagements auxquels Il a fait et fera toujours honneur. Secondement, parce que Jésus a fait serment de délivrer. Depuis dix-huit siècles, Jésus s’est constitué le berger et le sûr gardien des enfants de Dieu. « Si jamais ils périssent, a-t-Il dit, Tu les redemanderas de mes mains. » Il en est donc responsable ; Il est leur caution divine devant l’Éternel. Il faut qu’ils soient gardés, autrement les promesses de Christ seraient mensongères et son serment de nulle valeur. Il faut qu’ils soient gardés, autrement l’union qui existe entr’eux et celle qui les attache au Seigneur ne seraient point réelles. Christ est un avec son Église. Ils ne forment qu’un seul corps. Si un membre de mon corps est retranché, je suis estropié, et si le Christ pouvait perdre un seul de ses membres, nous n’aurions qu’un Christ estropié. « Nous sommes son corps et l’accomplissement de Celui qui accomplit tout en tous. » Si donc l’Église n’était pas sauvée tout entière, Christ ne serait plus qu’un Christ mutilé, incapable d’atteindre à la plénitude de sa vie. Ils doivent tous être sauvés, parce que le Père l’a ainsi déterminé, parce que le Fils s’en est porté garant, parce que le Saint-Esprit s’est chargé de l’accomplir. Aucun enfant de Dieu ne saurait être rejeté ; autrement l’Écriture ne serait plus la vérité. L’alliance que Dieu a faite avec les siens repose sur leur persévérance finale ; elle a pour base ceci :

Il présentera nos âmes,
Purifiées de toute tache et de toute ride,
Devant la gloire de sa face,
Au milieu des célestes alléluiahs.

Voilà pourquoi il faut qu’elles soient gardées des pièges de l’oiseleur. Sans cela, l’alliance de Dieu ne serait plus qu’un vain mot. Si une seule brebis venait à se perdre, le serment serait rompu. Il faut donc que tous soient gardés.

Son honneur et sa gloire sont engagés
Pour le salut de la plus faible brebis.
Ses mains gardent en sûreté
Tous ceux que le Père lui a donnés.

Je n’ai pas le temps de m’étendre sur ce sujet si glorieux pour le Seigneur notre Dieu, et qui pourrait fournir matière à bien des discours. Je termine en vous adressant cette question : Hommes-frères, cette promesse est-elle devenue vôtre : « Certainement Il te délivrera » ? Etes-vous cet homme auquel Il parle ? — Comment puis-je le savoir ? demandez-vous. — Croyez-vous au Seigneur Jésus ? Vous sentant pécheur, vous confiez-vous entièrement en la miséricorde et la mort expiatoire de Jésus, la victime sans tache ? Je ne vous demande pas si vous êtes wesleyen, baptiste, presbytérien, national ou dissident ; je ne vous demande qu’une chose : Etes-vous né de nouveau ? Etes-vous passé de la mort à la vie ? Etes-vous une « nouvelle créature » en Jésus ? Avez-vous mis toute votre espérance dans le Sauveur ? Sa vie est-elle devenue votre modèle et son Esprit habite-t-il dans votre corps mortel ? S’il en est ainsi, paix vous soit ! la promesse est à vous. Il se peut que vous ayez été le pire des hommes ; mais, si vous avez foi en Christ, vos péchés sont tous pardonnes et vous pouvez considérer cette promesse comme votre propriété pour jamais. Mais si vous êtes de ceux qui se rengorgent dans leur propre justice et dans l’orgueil de leur vie ; — de ceux qui vivent sans Dieu et sans espérance ; — de ceux qui se livrent à la mondanité et à l’indifférence, cette promesse n’est pas pour vous ; vous êtes dans le piège et vous y périrez, à moins que vous ne vous repentiez ; car il est écrit : « Si vous ne vous repentez, vous périrez tous semblablement. » Que Dieu vous sauve de la perdition en vous ouvrant les trésors du sang de Jésus, auquel, ainsi qu’au Père et au Saint-Esprit, soient l’honneur, la louange et la gloire, aux siècles des siècles !

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