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Achetez !

Venez, dis-je, achetez sans argent et sans aucun prix, du vin et du lait.

(Esaïe 55.1)

Sermon prêché à Epsom pendant les courses de chevaux.

Vous le voyez, j’ai, moi aussi, quelque chose à vendre aujourd’hui. J’ai à vous presser d’acheter ce que je vais vous offrir dans l’Évangile. Or, il est d’habitude que lorsqu’un homme a quelque chose à vendre, il fasse mousser sa marchandise, c’est-à-dire qu’il la fasse connaître et qu’il en expose l’excellence ; car, si les acheteurs ne sont pas mis au courant de ce qu’on leur présente, ils ne sauraient en désirer l’acquisition. C’est donc par là que je vais commencer.

Quiconque a quelque chose à vendre cherche en second lieu à faire monter l’acheteur jusqu’au prix de l’article mis en vente. C’est ce que je ferai ensuite ; seulement, en sens contraire. Je chercherai à vous faire descendre jusqu’au prix auquel je vends. « Venez, achetez sans argent et sans aucun prix ! »

En terminant, j’adresserai quelques paroles pressantes à ceux qui méprisent ce salut glorieux que j’ai le privilège d’annoncer, et qui repoussent les généreuses conditions auxquelles je l’offre : « sans argent et sans aucun prix. »

I

En premier lieu, donc, je viens vous offrir aujourd’hui du vin et du lait. « . Venez, achetez du vin et du lait. Ces paroles décrivent la véritable nature de l’Évangile. Le vin est ce qui « réjouit le cœur de l’homme » ; le lait est le seul de tous les aliments connus qui contienne toutes les substances essentielles à la vie. L’homme le plus robuste peut vivre de lait, car ce breuvage contient tout ce dont le corps a besoin, — tout ce qui est nécessaire à la nutrition des os, des muscles, des nerfs, des chairs et de tout le reste. Tout est contenu dans le lait. Nous avons par conséquent ici une double définition de l’Évangile. L’Évangile, comme le vin, rend le cœur de l’homme joyeux. Dès qu’un homme parvient à la connaissance de la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ, cet homme est heureux, et plus il se pénètre de l’Esprit de Christ, plus il est heureux. Une religion qui prêche que le chagrin et la tristesse sont un devoir est une flagrante imposture, car lorsque Dieu créa le monde, il le calcula pour la félicité de ses créatures. Quand vous contemplez ce qui vous entoure, vous ne pouvez vous empêcher de voir que Dieu a recherché avec sollicitude, avec une attention persévérante, tout ce qui pouvait être pour l’homme une source de jouissance. Il ne s’est pas contenté de satisfaire nos besoins les plus impérieux ; Il nous a accordé plus que l’indispensable. Il ne s’est pas contenté de nous donner ce qui est utile, mais Il nous a traités avec luxe. Ces fleurs de nos campagnes, ces étoiles dans les cieux, ces beautés de la nature, ces coteaux, ces vallons, toutes ces choses ont été créées, non parce que nous en avions besoin, mais parce que Dieu voulait nous montrer combien Il nous aimait et combien Il tenait à ce que nous fussions heureux. Est-il donc probable qu’un Dieu qui nous a donné une si belle et si riche demeure, nous ait envoyé un si misérable salut ? Non ! non ! Celui qui a voulu être généreux en créant veut aussi être généreux en rachetant, et tous ceux qui ont goûté combien le Seigneur est bon témoigneront que les voies de la piété ne sont que joie et paix. Alors même que tout serait fini après la mort, et alors même que la tombe serait le terme de toute existence pour nous, — quand le linceul serait la dernière enveloppe de notre éternité, les convictions du chrétien seraient encore une belle et précieuse chose ; car, avec la foi, cette vallée de larmes devient lumineuse et les puits de Baca se remplissent et débordent en fleuves d’amour et de félicité.

L’Évangile, en ce sens, est semblable au vin et il est en même temps semblable au lait, car il contient tout ce qui est nécessaire à l’homme. Avez-vous besoin de quelque chose qui vous soutienne au milieu des épreuves ? l’Évangile vous la donnera ; il vous donnera un prompt secours au jour de l’affliction. — Avez-vous besoin de quelque chose qui vous encourage dans l’accomplissement du devoir ? vous la trouverez dans l’Évangile, car il contient les grâces indispensables pour tout ce que vous avez à surmonter ou accomplir. — Avez-vous besoin d’une lumière qui vienne raviver vos espérances ? ah ! de l’Évangile s’échappent des éclairs de félicité qui feront briller vos yeux d’un éclat et d’un feu immortel. — Avez-vous besoin de quelque chose qui vous fasse résister et demeurer inébranlable au sein des tentations ? l’Évangile peut vous rendre victorieux de toutes choses et vous faire abonder dans l’œuvre du Seigneur. Il n’est point d’émotion, d’affection, de pensée, de désir, d’ardeur, que l’Évangile ne puisse satisfaire pleinement. L’Évangile est fait pour rendre l’homme complètement heureux ; il est admirablement adapté à sa nature dans toutes ses parties. Il contient des trésors de connaissance pour la tête, des trésors d’amour pour le cœur, des trésors de sagesse et de lumière pour nous diriger dans notre marche. Il contient, en un mot, « le vin et le lait », — tout ce dont nous pouvons avoir besoin.

Mais je crois que ce « vin » et ce « lait » signifient encore autre chose. Le vin, comme vous le savez, est un produit précieux et qui demande beaucoup de temps pour devenir buvable. Il faut une vendange, une fermentation et un temps de repos avant qu’il puisse développer ses parfums. Or, l’Évangile possède toutes ces qualités ; il est une chose extraordinaire pour les jours de grande fête. Il communique à l’homme toute une vendange de pensées, toute une fermentation d’activité, tout un réservoir d’expériences entassées en silence ; tellement que bientôt la piété de cet homme jaillira comme un vin étincelant qui fait bondir le cœur de joie. Voilà, je le répète, ce qui fait de la religion une chose extraordinaire, une chose qui sert dans les grandes occasions et que l’on met sur la table quand on traite les princes. — Le lait, à son tour, est un breuvage qu’on peut se procurer chaque jour et en tous lieux. Vous n’avez pour en trouver qu’à descendre dans la cour de votre ferme. Il n’a besoin d’aucune préparation, il est tout préparé par la nature ; c’est un aliment ordinaire. Il en est de même de l’Évangile ; il est d’un usage journalier. J’aime l’Évangile le dimanche, mais, béni soit Dieu ! il est tout aussi bon le lundi. L’Évangile va bien dans une chapelle ; il convient également dans un temple ; en cela il est comme le vin. Mais il convient tout aussi bien pour la ferme ; on peut le cultiver en conduisant la charrue ou le méditer derrière son comptoir. La religion de Jésus-Christ est une chose qui peut vous suivre dans votre boutique, à la bourse, au marché, partout. Elle est, comme le lait, un plat pour tous les repas, que l’on peut toujours porter avec soi et dont on peut se régaler sans cesse. Oh ! grâce au ciel ! nous avons là un vin précieux pour ce grand jour où nous verrons le Seigneur face à face ; — un vin précieux pour ce jour terrible où nous traverserons à gué le fleuve du Jourdain ; — un vin qui chassera nos terreurs à l’approche de la mort et nous donnera la force de chanter au sein de la sombre vallée. Mais, grâces en soient rendues à Dieu ! ce vin est aussi un lait non moins précieux, un lait pour tous les instants, pour les actes de chaque jour, un lait dont nous pourrons boire pendant toute notre vie et qui nous fortifiera jusqu’au moment où le grand jour poindra.

J’ai suffisamment expliqué, je pense, la figure employée dans mon texte ; mais quelqu’un me demandera encore : « Qu’est-ce que l’Évangile ? » Hé bien ! tel que je le comprends, l’Évangile peut être considéré de diverses manières, mais je me propose aujourd’hui de vous le présenter ainsi : l’Évangile est la proclamation faite au pécheur d’un pardon complet, gratuit, immédiat et éternel, par le sang expiatoire de Jésus-Christ. Si je le comprends bien, il est bien autre chose encore ; mais ceci en est cependant la substance.

J’ai donc pour mission aujourd’hui de vous annoncer que tandis que tous les hommes ont péché, Christ est mort, et qu’Il offre, à quiconque confesse ses péchés avec repentance et met en Lui son unique espoir, un pardon complet et gratuit. Je dis gratuit, en ce sens que vous n’avez aucune œuvre à faire avant de l’obtenir. Le plus chétif pécheur convaincu de péché n’a qu’à répandre devant Dieu l’amertume de son cœur. C’est là tout ce que Dieu exige ; aucune autre préparation n’est nécessaire. Toute la préparation qu’Il requiert, c’est que vous sentiez le besoin de sa grâce ; et ce besoin Il vous le donne par les premières lueurs de son Esprit. Il n’est pas nécessaire que vous passiez des années à faire pénitence, à travailler rudement ou à traverser de grandes épreuves : l’Évangile est gratuit comme l’air que nous respirons. Vous ne payez pas pour avoir le droit de respirer ; vous ne payez pas pour contempler la lumière du soleil ; vous ne payez pas pour avoir le droit de vous baisser et d’étancher votre soif aux eaux du fleuve : il en est de même pour l’Évangile. Il n’y a rien à faire pour l’obtenir ; vous n’avez aucun mérite à fournir en compensation. Le plus grand des pécheurs y trouve son pardon gratuit par le sang de Jésus-Christ.

Je disais un pardon complet ; c’est qu’il l’est en effet. Quand Jésus fait quelque chose, Il ne le fait pas à demi. Il est disposé en ce moment à effacer jusqu’au dernier péché, à laver jusqu’à la dernière iniquité de tous ceux qui sont ici et qui sont désireux, par la grâce de Dieu, d’implorer sa miséricorde. — Pécheur, si en ce moment Dieu t’a mis au cœur de le chercher, le pardon qu’Il veut te donner est un pardon universel, un pardon qui ne s’étendra pas seulement à une partie de tes péchés, mais à leur totalité. « C’est le pardon de toutes tes transgressions passées, quelque noires qu’elles puissent être, et, ô spectacle inouï ! c’est aussi le pardon de toutes tes transgressions futures. »

Le pardon que je vous offre donc de la part de mon Maître, c’est le pardon de toutes vos ivrogneries, le pardon de tous vos jurements, le pardon de toutes vos souillures charnelles, le pardon de toutes vos rebellions. C’est le pardon des péchés de votre jeunesse et de ceux de votre vieillesse. C’est le pardon de tous vos péchés, car « le sang de Jésus-Christ nous purifie de tout péché. »

Je vous disais encore que le pardon que j’ai mission de vous annoncer est un pardon immédiat. Si vous sentez le besoin d’un Sauveur et si vous avez reçu la force de vous confier en Christ maintenant, vous serez pardonnés en ce moment même. Ceux qui se nourrissent de vaines espérances disent qu’ils espèrent être pardonnés quand ils mourront. Mais ce n’est pas là la religion que nous prêchons. Si vous voulez confesser vos péchés maintenant, chercher le Seigneur maintenant, c’est maintenant que vous serez pardonnés. Tel qui est venu ici aujourd’hui avec tous ses péchés suspendus à son cou comme une meule de moulin (plus qu’il n’en faut pour le faire descendre au plus bas des enfers), peut sortir de ce lieu en ayant l’assurance que tous ses péchés sont effacés et entièrement anéantis. S’il peut croire en Christ, il peut recevoir aujourd’hui même des mains de Dieu une complète amnistie. Le pardon d’un pécheur n’est pas une affaire qui se règle à la mort, mais pendant la vie, mais immédiatement, — et j’espère qu’il en est plusieurs ici — qu’il en est même beaucoup — qui pourront dès aujourd’hui se réjouir d’avoir reçu leur pardon. Oh ! dites-moi, n’est-ce pas une chose magnifique et glorieuse qu’un homme puisse fouler de son pied la terre du Seigneur avec ce cantique sur les lèvres : « Je suis pardonné ! je suis pardonné ! je suis pardonné ! Ces paroles sont un cantique — le plus beau cantique de ce monde, — aussi suave, aussi harmonieux que ceux dont les chérubins entourent le Trône suprême.

Oh ! qu’il m’est doux de contempler
Le sang expiatoire qui guérit mes souillures,
Et de savoir d’une manière certaine
Qu’il a fait venir sur moi
      La paix de mon Dieu !

Ah ! que ne donneriez-vous pas pour posséder un pareil salut, ô âmes en deuil ? Il vous est offert sans argent, sans aucun prix, et j’ai reçu l’ordre de crier : « Ah ! ah ! vous tous qui êtes altérés, si vous éprouvez le besoin d’un Sauveur, si vous êtes prêts en ce moment à confesser vos péchés, venez et prenez ce salut gratuitement, sans argent et sans aucun prix ! »

Mais le meilleur reste pour la fin. Le pardon que je proclame aujourd’hui est non seulement gratuit, complet et immédiat, mais éternel. Si l’autorité suprême d’un pays pardonne à quelqu’un — pardonne gratuitement, — il ne se peut pas faire que cet homme soit remis en cause pour ce même crime. Il arrive cependant souvent qu’on accorde une commutation ou un adoucissement de la peine, ce qui n’est pas un pardon complet. Il est des cas où la grâce accordée consiste en ce que le coupable ne sera pas décapité, mais demeurera emprisonné pour un temps prolongé. C’est là ce que Notre Seigneur ne fait jamais. Quand Il pardonne, Il fait maison nette, Il ne laisse pas subsister un seul péché. Quand Il nettoie une âme de ses souillures, Il la rend plus blanche que la neige. Dieu fait parfaitement tout ce qu’Il fait, et ce qu’Il fait une fois est fait pour toujours. C’est là la gloire de l’Évangile. Si aujourd’hui vous acceptez votre pardon, vous êtes pardonné incontinent et vous ne serez plus jamais condamné. Si un homme croit en Jésus-Christ, son pardon est assuré d’une façon irrévocable, et, selon moi, le plus précieux joyau de la couronne du salut, c’est qu’il est irrévocable. Si je confie mon âme au Seigneur pour qu’Il la sauve,

Sa gloire est intéressée à sauver
La moindre de ses brebis.
Ses mains protègent éternellement
Tous ceux que son Père lui a donnés.

Ni la mort, ni l’enfer ne sauraient le séparer
De ceux qui en Lui se confient ;
Dans son sein pour jamais
Ils se reposent en paix.

Dieu ne vous appelle pas ses enfants aujourd’hui pour vous mettre à la porte demain. Il ne vous pardonne pas un jour pour vous punir plus tard. Aussi vrai que l’Éternel est Dieu, ô homme ! si aujourd’hui tu obtiens ton pardon, la terre pourra se fondre et s’évanouir comme l’écume qui retombe dans la mer en tourmente ; l’immense univers pourra disparaître comme la blanche rosée à l’aurore, mais tu ne pourras plus être frappé de condamnation. Aussi longtemps que l’Éternel sera Dieu, celui qui aura reçu de sa main les gages de son pardon sera à jamais abrité contre tout danger. Je ne pourrais, je n’oserais même prêcher un autre pardon. Tout autre pardon ne vaudrait pas la peine d’être accepté, ne vaudrait pas la peine que je l’annonce. Mais le pardon de Dieu, le pardon éternel et irrévocable est un placement à bon intérêt et mérite qu’on s’empresse de le posséder. Quiconque se jette dans les bras de Christ, a qui peut le garder d’une manière certaine, quoi qu’il arrive. Viennent après cela les fortes tentations, viennent les affections ardentes, viennent les douleurs profondes, les devoirs difficiles… Celui qui nous a pris à Lui nous portera nous et notre fardeau, et nous rendra même plus que vainqueurs en Lui. Oh ! être pardonnés une fois, avec la ferme assurance que nous le sommes pour toujours, avec la certitude que rien ne pourra plus nous séparer de l’amour que Dieu nous manifeste en Christ, quelle pensée ! quelle espérance !

Voilà donc le salut que je vous prêche. C’est là ce vin et ce lait que je vous propose d’acquérir sans argent, sans aucun prix. Oui, chers auditeurs, et tout cela doit être obtenu par la foi en Christ. — Quiconque croit en Celui qui est mort sur la croix et qui a répandu son âme en offrande, ne sera jamais sujet à la condamnation : il est passé de la mort à la vie, et l’amour de Dieu est répandu dans son cœur.

II

A présent que je vous ai fait connaître mon article, mon affaire va être de le vendre et d’amener les miseurs à me faire leurs offres. Mais la difficulté sera d’obtenir de votre part des offres assez basses. Le vieux Rowland Hill, prêchant un jour dans une foire, entendit la voix d’un marchand qui criait sa marchandise. « Ah ! dit-il, pour ces gens-là la difficulté est d’amener leur monde à miser le plus haut possible, tandis que, pour moi, la difficulté est d’obtenir de mes gens la mise la plus basse. »

Tel est donc mon Évangile. Je le prêche dans toute sa plénitude et je l’offre à tous « sans argent, sans aucun prix. » — Voici quelqu’un qui s’approche de la chaire (transformée pour le moment en tréteau d’encan), et qui s’écrie : Je veux l’acheter ! — Et que m’en offrez-vous ? — Je le vois qui avance les mains pleines de diverses choses, et il en tire encore d’énormes poignées de son sein ; il en apporte une si grande charge, que c’est tout ce qu’il peut faire que de ne pas succomber sous le faix de ses bonnes œuvres. Il présente des Ave Maria, des Pater sans nombre et une multitude de croix faites avec l’eau bénite sur sa poitrine, puis des génuflexions, des prosternations devant l’autel, des saluts à l’hostie, des messes entendues, et ainsi de suite. — Singulier fatras que tout cela, pensez-vous ; mais, en attendant, bien des gens y attachent un grand prix et ne manquent pas de l’offrir à Dieu comme un titre à son ciel.

Ainsi donc, monsieur le catholique, vous venez ici pour acquérir le salut, n’est-ce pas ? et vous avez pris la peine d’apporter toutes ces belles choses ! Mon ami, j’en suis affligé pour vous ; mais il faudra vous en retourner comme vous êtes venu, avec toutes vos belles œuvres, car mon salut s’acquiert « sans argent et sans aucun prix », et aussi longtemps que vous ne vous présenterez pas ici les mains vides, vous ne pourrez jamais l’obtenir. Si tu crois avoir quelque chose en propre, tu ne peux pas le recevoir. — Mais, dit-il, suis-je donc un hérétique ? Ne suis-je pas fidèle au pape ? Ne vais-je pas me confesser et ne reçois-je pas l’absolution en payant mes vingt sous ? — Vraiment, mon ami ! Hé bien ! précisément parce que vous donnez vingt sous pour l’avoir, c’est preuve qu’elle ne vous sert de rien, car ce qui est réellement bon vous pouvez l’obtenir « sans argent et sans aucun prix. » La lumière que nous achetons à prix d’argent n’est qu’une bien pauvre lumière, tandis que celle que le soleil nous donne pour rien est la belle et riche lumière du Bon Dieu ; elle réjouit le cœur. Il en est de même du pardon que Jésus donne ; on l’obtient « sans argent et sans aucun prix. »

Mais un autre s’approche et dit : « Je suis heureux que vous ayez renvoyé de la sorte ce catholique. Je hais l’Église romaine ; je suis un véritable protestant et je désire être sauvé. — Et que m’apportez-vous là ? — Oh ! soyez sans inquiétude ; je ne vous présente ni Ave Maria, ni Pater ; ces noms seuls me font horreur. Ce n’est certes pas moi qui prendrai plaisir à tout ce vilain latin. Je lis chaque dimanche ma Bible, je dis mes prières avec une grande attention. Je vais à l’église aussitôt que les portes s’ouvrent », — ou (s’il est dissident) : « Je me rends à la chapelle trois fois par dimanche et je ne manque pas une seule réunion de prière. En outre, je paie exactement tout ce que je dois ; j’aimerais mieux donner trop que trop peu. Je ne veux faire aucun tort à qui que ce soit ; je ne marcherais pas volontairement sur un ver de terre. Je suis toujours généreux et j’assiste les pauvres quand je le puis. Il peut m’arriver quelquefois de faire par-ci par-là quelque faute ; je puis m’écarter tant soit peu de la ligne ; mais, malgré cela, si je n’étais pas sauvé, je ne vois pas trop qui pourrait l’être. Je vaux bien autant que mes voisins, et je ne doute pas d’obtenir le salut, car je n’ai commis, après tout, que peu de péchés, et encore sont-ce des péchés qui ne causent aucun préjudice à personne, — qui n’en causent qu’à moi seul. Et d’ailleurs, ce ne sont que des peccadilles ; il peut m’arriver une ou deux fois par an, tout au plus, de prendre un peu de liberté, et tout homme, vous en conviendrez, a besoin de quelque amusement. Je puis vous certifier, Monsieur, que je suis un des hommes les plus rangés, les plus honorables, les plus sobres et les plus pieux qu’il y ait dans ce monde. »

Mon ami, je suis attristé de vous voir en mésintelligence avec ce catholique qui était là tout à l’heure, car je n’aime pas que la désharmonie règne entre deux frères jumeaux. Oui, vous êtes frères ; vous vous valez, vous appartenez à la-même famille, croyez-le ; car l’essence même du catholicisme, c’est le salut par les œuvres et par les cérémonies. Vous ne faites pas, à la vérité, les mêmes œuvres et vous ne pratiquez pas les mêmes cérémonies ; mais vous espérez être sauvé par les vôtres, tout comme il espère être sauvé par les siennes ; en sorte que vous ne valez pas mieux l’un que l’autre. Je suis donc forcé de vous renvoyer aussi. Mon salut ne fait pas pour vous, puisqu’on l’acquiert « sans argent et sans aucun prix », et aussi longtemps que vous voudrez m’offrir en échange toutes ces belles œuvres, vous ne sauriez l’obtenir. Faites bien attention que je ne blâme pas vos bonnes œuvres ; elles sont excellentes, pourvu qu’on les laisse à leur place ; mais elles ne peuvent vous servir de rien en ce moment et elles ne vous seront d’aucun secours au dernier jour. Faites des bonnes œuvres ; faites-en le plus que vous pourrez : rien de meilleur. Mais, quand il s’agit du salut, laissez tout cela de côté et venez comme de pauvres pécheurs coupables, les mains vides ; recevez le salut comme un don, « sans argent et sans aucun prix. »

« Eh ! quoi, s’écrie quelqu’un, vous trouvez donc ces œuvres mauvaises ? — Pas du tout. Supposez que je voie un homme bâtir une maison, et, par une étrange folie, en construire les fondements avec des tuiles. Si je m’approche et si je lui dis : « Mon ami, je n’aime pas vous voir mettre ces tuiles dans la fondation », me reprocherez-vous de trouver les tuiles mauvaises ? Non. Vous penserez que si je blâme quelque chose, c’est la place où cet homme les a mises. En effet, que cet homme fasse ses fondations en belle et bonne maçonnerie, et, quand sa maison sera achevée, qu’il la couvre de tuiles tant qu’il voudra, et tout ira bien. Il en est de même des bonnes œuvres ; elles ne valent rien pour les fondations. Il faut que la base de votre édifice, que le fondement de votre salut soit construit de matériaux tout autrement solides. Il faut, ni plus ni moins, que notre espérance repose sur le sang de Jésus et sur sa justice. Après que nous aurons posé ce fondement, nous pourrons ajouter autant de bonnes œuvres que nous voudrons, et plus il y en aura, mieux cela vaudra. Mais, comme fondement, nos bonnes œuvres ne valent rien, et quiconque voudra s’en servir pour asseoir son salut verra certainement son édifice s’écrouler.

Mais voici un autre acheteur qui se tient là-bas, très éloigné, et qui n’ose approcher. — « Ah ! Monsieur, s’écrie-t-il, je n’ose me présenter. A quoi sert que j’essaie de miser votre salut. Je suis ignorant, moi ; je suis sans éducation ; je ne sais pas lire. Plût à Dieu qu’on me l’eût appris ! Mes enfants vont à l’école du dimanche ; de mon temps, on ne connaissait pas cela. Comme je ne sais pas même lire, il est donc impossible que j’aille jamais au ciel. Je vais quelquefois à l’église, mais, hélas ! c’est inutile ; celui qui prêche prononce de si grands mots que je n’y comprends rien. Je vais aussi à la chapelle, de temps en temps, mais je ne comprends pas davantage. Je sais quelque peu certaines hymnes que mes enfants chantent entr’eux, et où il est dit : Bon Jésus, humble et doux Sauveur ! etc. Oh ! le beau jour que celui où nous nous rencontrerons pour ne plus nous séparer ! etc. Ah ! si l’on prêchait toujours ainsi, peut-être y comprendrais-je quelque chose ; mais, ignorant comme je le suis, je ne suppose pas que je puisse être sauvé. »

Cher ami, ne restez donc pas là-bas, approchez-vous sans crainte. Il n’est pas besoin d’être savant pour aller au ciel. En ce monde, plus on sait, mieux cela vaut ; mais tout le savoir imaginable sera de peu de secours dans le monde avenir. Pourvu que vous sachiez lire dans les cieux le nom du lieu de votre demeure, pourvu que vous en sachiez assez pour sentir que vous êtes un pauvre pécheur perdu et pour savoir que Jésus est un puissant Sauveur, cela vous suffit pour aller au ciel. Il y a déjà dans le paradis de Dieu bien des hommes qui n’ont jamais connu les lettres de l’alphabet pendant leur vie terrestre, et qui n’auraient pas pu, même pour sauver leur vie, écrire leur propre nom, mais qui en étaient réduits à faire une croix. Malgré cela, ils sont là-haut, parmi les plus élevés en éclat et en beauté. Saint Pierre lui-même n’occupera pas une place supérieure à celle de tel ou tel pauvre ignorant déshérité qui a regardé à Jésus et qui a reçu de Lui la lumière. Ecoutez : j’ai à vous annoncer quelque chose de consolant. Ne savez-vous pas que Jésus disait : « L’Évangile est prêché aux pauvres ? » et qu’Il a dit aussi : « Si un homme ne se convertit et ne devient comme un petit enfant, il ne peut entrer dans le royaume des cieux ? » Que signifient ces paroles, sinon que nous devons croire l’Évangile comme de petits enfants ? Un petit enfant n’a pas beaucoup de science ; il croit tout simplement ce qu’on lui dit, et c’est là tout ce que Dieu demande de vous. Vous n’avez qu’à croire ce que Dieu vous dit. Il dit que Jésus-Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs. Ce n’est pas bien difficile à comprendre, n’est-ce pas ? Vous pouvez bien croire cela ; et si vous pouvez le croire, quelque grande que soit votre ignorance, vous en saurez toujours assez pour être sauvé, et plus tard vous apprendrez dans les cieux tout ce que vous ne savez-pas.

Voici quelqu’un autre qui s’approche et qui me dit : « Je veux obtenir, moi aussi, le salut, Monsieur. J’ai pris mes mesures afin de pourvoir à l’érection d’une ou deux églises et de plusieurs maisons de charité. Je consacre toujours une grande partie de mon bien à la cause de Dieu. Je fais sans cesse des sacrifices pour secourir les pauvres et le reste. L’argent ne me manque pas et je ne le laisse point croupir dans mes coffres. Je suis généreux et libéral ; je cherche à instituer partout des sociétés de secours, et ainsi de suite. Tout cela ne me méritera-t-il pas le ciel ? »

Je suis heureux de faire votre connaissance et je regrette que les hommes de votre trempe soient si rares. Rien n’est beau vraiment dans ce monde comme la générosité et la libéralité, quand elles s’exercent en faveur de malades et des pauvres, des êtres abandonnés et ignorants et surtout en vue de l’œuvre de Dieu. Mais, si vous m’apportez toutes ces bonnes choses comme un mérite qui doive vous valoir une place dans le ciel, mon cher ami, il faut que je vous détrompe. Impossible d’acheter le ciel avec de l’or. Ne savez-vous donc pas que les rues de la sainte cité en sont pavées ? Le livre de l’Apocalypse nous apprend que le pavé de la Jérusalem céleste est d’or pur, semblable au cristal le plus transparent. Vous possèderiez 800 000 livres sterling que vous ne paieriez pas avec cela une seule des dalles du paradis ! Quand le baron de Rothschid dépenserait toute sa fortune pour acheter un pied carré de terrain dans le ciel, il ne l’aurait pas. Ce lieu est trop précieux pour être payé à prix d’or ou d’argent. Quand on lancerait dans le ciel toutes les richesses des Indes à la fois, on ne paierait pas une minute de séjour dans les parvis du Saint des Saints. Tout l’or de la terre ne vaudrait pas un regard jeté à la dérobée dans ce lieu de délices. Le ciel se donne pour rien. Christ ne le vend pas, — ne le vendra Jamais, — jamais, entendez-vous ! parce que l’homme ne peut rien offrir qui le vaille, même de loin. Ce que Jésus a payé de son sang ne pourra jamais être payé avec de l’or. « Il nous a rachetés non avec des choses corruptibles, comme l’argent ou l’or, mais avec son sang précieux. » Voilà le prix qui a été payé pour le ciel, et jamais on ne l’obtiendra à moins. Ah ! mon riche ami, vous êtes devant Dieu sur le même pied que le moindre de vos fermiers. Vous pouvez vous revêtir d’étoffes fines, tandis qu’il s’habille de mauvaise bure, mais il est tout aussi bien placé que vous pour aller au ciel. — Madame, sachez-le bien, la soie ne fera pas meilleur effet en paradis que le calicot ou le coton. « Nul n’en sera exclus que ceux qui s’en excluront eux-mêmes. »

La richesse crée des différences dans ce monde, mais ces différences s’évanouissent devant la croix de Christ. Il faudra que vous veniez tous au pied de son trône de la même manière, sous peine d’être perdus.

Un pasteur me racontait qu’on l’avait appelé au lit de mort d’une femme de distinction. « Monsieur Baxter, lui dit-elle, croyez-vous que lorsque j’irai au ciel, ma servante Betzy y sera également ? — Quant à vous, Madame, répondit le pasteur, je ne sais trop, mais pour Betsy, elle y sera bien certainement, car s’il est une fille pieuse et chrétienne, c’est bien elle. — Fort bien, reprit la grande dame ; mais ne pensez-vous pas qu’il y aura pourtant une certaine différence ? car je n’aurai jamais le courage de m’asseoir à côté d’une fille de cette classe ? Elle est sans goût, sans éducation, et je ne saurais la supporter. Il me semble qu’il devrait y avoir quelque différence. — Ah ! Madame, reprit le pasteur, vous n’avez pas besoin de vous inquiéter à ce sujet, car la différence sera grande entre Betzy et vous, si vous mourez dans de pareilles dispositions ; seulement la différence sera du mauvais côté, car vous verrez votre servante dans le sein d’Abraham, tandis que vous resterez dehors. Tant que votre cœur sera rempli de ce maudit orgueil, vous ne pourrez point entrer dans le royaume des cieux. — Cette franchise offensa cruellement la pauvre clame, mais je crois qu’elle aura préféré demeurer exclue plutôt que de se trouver en compagnie de sa servante Betzy. Respectons le rang et les titres ici-bas, je vous en prie ; mais n’oublions pas qu’en prêchant l’Évangile toutes ces distinctions cessent. Si je devais prêcher à une congrégation de rois, je leur prêcherais le même Évangile qu’à une congrégation de laboureurs. Pour le roi sur son trône, pour la reine dans son palais, comme pour vous tous, l’Évangile est le même. Quelqu’humbles et obscurs que nous soyons, la porte du ciel est là devant nous, ouverte à deux battants. La voie royale qui nous y conduit est la même pour tous. Le riche et le pauvre y marcheront côte à côte. Tel est le royaume des cieux : on l’obtient « sans argent et sans aucun prix. »

J’entends là vis-à-vis mon ami le calviniste me dire : « Hé bien ! j’aime cela ; néanmoins je crois pouvoir me présenter ; car, quoique je puisse répéter avec vous :

Je n’apporte rien dans mes mains ;
Je m’appuie uniquement sur ta croix !

Cependant je puis dire que j’ai acquis une longue expérience, Monsieur, j’ai appris à connaître la malice de mon propre cœur et je l’ai sentie rudement. Quand je viens à Christ, je m’appuie beaucoup sur mes sentiments chrétiens. Je ne trouve pas que vous ayez entièrement raison d’appeler toute espèce de pécheurs à venir à Christ ; mais vous avez raison de m’appeler, moi, parce que je suis un pécheur de la bonne espèce. Je suis de l’espèce des publicains ; je suis assez pharisien pour le penser. Je crois que je suis invité d’une façon toute spéciale, car, avec l’expérience que j’ai acquise du christianisme, si j’écrivais ma biographie, vous seriez obligé de vous écrier : « Quelle expérience chrétienne ! cet homme est bien préparé pour recevoir le salut. »

Je suis désolé, mon ami, d’avoir à vous détromper aussi, mais je ne puis faire autrement. Si, en venant à Christ, vous lui apportez votre expérience chrétienne, vous êtes aussi loin de compte que le catholique avec ses Pater et ses Ave. J’apprécie fort votre expérience, si elle est l’œuvre de l’Esprit de Dieu dans votre cœur, mais si vous l’apportez au Sauveur, c’est une preuve que vous lui reconnaissez une plus grande valeur qu’à Jésus lui-même ; vous la mettez à la place de Christ, vous en faites un Anté-Christ. Laissez cela de côté ; laissez donc, vous dis-je ! Je crains bien que lorsque nous avons essayé de décrire aux pauvres pécheurs le triste état de leur cœur naturel et leurs mauvais sentiments, nous n’ayons travaillé sans le vouloir à engendrer en eux un esprit de propre justice et à leur faire croire qu’ils doivent commencer par éprouver de meilleurs sentiments avant de pouvoir venir au Sauveur. Ah ! laissez-moi prêcher l’Évangile à toute créature de la manière la plus large possible, car ainsi je suis sûr de le prêcher dans son sens le plus vrai. Christ n’a pas davantage besoin de vos sentiments et de votre expérience chrétienne qu’il n’a besoin de votre or. Il ne vous demande rien. Si vous voulez d’ailleurs acquérir une véritable expérience chrétienne, ne vous faut-il pas commencer par venir à Jésus, qui seul peut vous la donner.

Il ne vous demande, pour toute préparation,
Que de sentir que vous avez besoin de Lui.

Et puis attendez la fin :

Et cela, Il vous le donne aussi,
En faisant poindre en vos cœurs
L’aurore de son Esprit.

Il faut que vous veniez à Christ pour recevoir de Lui toutes choses : Vous ne devez pas dire : Je vais commencer par croire, et alors je viendrai. — Non, allez à Jésus pour recevoir la foi. La vue de la Croix peut seule vous faire sentir vos péchés. Si déjà nous nous sentons pécheurs, lorsque nous venons au Sauveur, ce n’est toutefois qu’en le contemplant que ce sentiment augmente et devient puissant. Nous commençons par regarder à Jésus, et après cela les fleuves de la repentance jaillissent de nos yeux. Rappelez-vous que toute autre route pour aller à Christ vous égarera inévitablement. Vouloir apporter au Seigneur quoi que ce soit, c’est, pour employer un proverbe vulgaire, « porter de l’eau à la rivière. » Il est riche ; Il n’a pas besoin de vos dons, et, ce qui est pire, c’est qu’au moment où il aperçoit quelque présent dans vos mains, Il s’éloigne incontinent de vous. Il ne veut avoir rien de commun avec vous jusqu’à ce que vous lui disiez :

Je n’apporte rien dans mes mains,
Et je m’appuie uniquement sur ta croix.

Je me rappelle l’histoire d’un esclave noir qui avait été convaincu de péché en même temps que son maître. Le noir trouva bientôt la paix, tandis que son maître resta fort longtemps à la chercher sans pouvoir la trouver. A la fin, il dit à son esclave : « Je n’y comprends rien ! je ne sais m’expliquer que tu aies été si promptement soulagé, et que je ne puisse trouver aucun repos ! » — Alors le noir répondit, en priant son maître de lui pardonner son langage grossier : « Voici ce que c’est, Massa ; je crois que lorsque Jésus nous dit : Allons ! viens à moi ! Il ajoute : Je te donnerai une justice qui te couvrira de la tête aux pieds. — Moi, pauvre esclave, je regarde et je me vois tout couvert de hideux haillons, et je lui réponds : Seigneur, habille-moi, je suis tout nu, — et aussitôt mes haillons disparaissent. Mais vous, Massa, vous n’êtes pas si mauvais que moi. Quand Il dit : Allons ! viens ! — vous regardez votre habit, et vous dites : C’est vrai, cet habit a besoin d’être réparé, mais je crois qu’il peut encore servir quelque temps ; il y a bien plus d’un trou çà et là, mais quelques pièces et un peu de raccommodage arrangeront tout. — Et alors, vous gardez votre vieil habit, Massa ; vous vous morfondez à le raccommoder et à le réparer, et vous ne trouvez ni paix, ni repos. Si vous vouliez tout bonnement le jeter loin, vous seriez tout de suite heureux. » — C’est bien là notre histoire : nous voulons acquérir quelque chose avant de venir à Christ, et nous demeurons hors de Lui.

Je suis sûr d’avoir devant moi, dans une assemblée comme celle-ci, plus de cent cinquante nuances différentes de cette même aberration humaine, de cette manie de vouloir apporter quelque chose à Jésus-Christ. — « Ah !dit l’un, je voudrais bien aller à Christ, mais j’ai été un trop grand pécheur. — La voilà encore ! — Vous avez été un grand pécheur ; mais qu’est-ce que cela change à l’affaire ? Christ est un grand Sauveur, et quelque grands que soient vos péchés, sa miséricorde est encore plus grande. Il vous invite en qualité de pécheur. Grand pécheur ou non, Il vous sollicite de venir et de recevoir son salut « sans argent et sans aucun prix. »

Un autre dit : « Ah ! mais je ne sens pas assez vivement. » — Voilà encore la manie ! — Il ne vous demande pas ce que vous sentez ; Il dit simplement : « Regardez à moi, vous tous les bouts de la terre, et soyez sauvés. »

« Mais, Monsieur, je ne puis pas prier. » — Encore la manie ! — Ce ne sont pas vos prières qui doivent vous sauver, c’est Christ, et, quant à vous, votre rôle est de regarder à Lui. Plus tard, il vous apprendra à prier ; pour le moment, commencez parle commencement, — commencez par vous appuyer sur sa Croix.

« Mais, dit un autre, si au moins j’éprouvais les mêmes sentiments que tel ou tel ! » — Toujours la même manie ! — Qu’avez-vous besoin de parler ainsi ? C’est à Christ que vous devez regarder et non à vous-même. — Oui, dites-vous, mais je pense qu’Il accepterait qui que ce soit plutôt que moi. — Je vous en prie : qui vous a chargé de penser et de décider en cette matière ? Ne vous dit-Il pas : « Je ne mettrai dehors aucun de ceux qui viennent à moi ? » Hé bien ! vous pensez que votre âme est vouée à une éternelle ruine. Cessez donc de penser et apprenez à Croire. Vos pensées sont-elles les pensées de Dieu ? N’oubliez pas qu’autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant ses pensées sont au-dessus des vôtres. — « Mais, dit encore quelqu’un, je l’ai cherché et ne l’ai point trouvé. » Cher ami, pouvez-vous dire réellement que vous êtes venu à Jésus-Christ les mains vides, vous confiant uniquement en Lui, et qu’Il vous a repoussé ? Osez-vous soutenir cela ? Non. Si la Parole de Dieu est vraie et si vous êtes sincère, vous ne pouvez pas le dire. — Ah ! je me souviens de l’impression profonde que ma mère fit sur moi lorsqu’elle me tint ce même langage. J’avais cherché le Seigneur depuis quelque temps et je ne pouvais me persuader qu’Il voulût me sauver. Elle me dit alors qu’elle avait entendu bien des gens jurer et blasphémer le Nom de Dieu, mais qu’elle n’avait jamais entendu aucun homme soutenir qu’il avait cherché Christ et que Christ l’avait rejeté. « Je ne crois pas, disait-elle, que Dieu permette jamais à qui que ce soit de dire cela. » — Il me semblait que je pouvais cependant le dire ; il me semblait que je l’avais cherché et qu’Il m’avait repoussé, et j’étais déterminé à le soutenir, alors même que ma condamnation en eût été la conséquence. A tout prix, je voulais demeurer fidèle à la vérité. Cependant je me dis : « Essayons encore une fois ! J’allai donc vers le Maître, sans avoir rien à lui présenter et m’en remettant simplement à sa grâce. Alors je crus qu’Il était mort pour moi, et voilà comment je n’ai jamais pu dire qu’Il m’ait rejeté ; voilà, grâces lui en soient rendues, comment je ne pourrai jamais le dire. Vous, non plus, vous ne le direz pas. Oh ! éprouvez-le.

Eprouvez son amour,
Cette expérience en décidera ;
Elle démontrera combien sont heureux
Ceux qui se confient en sa bonté.

Si vous voulez descendre à ce bas prix : « sans argent et sans aucun prix » ; si vous voulez consentir à accepter Christ pour rien, tel qu’Il est, vous ne trouverez pas en Lui un maître exigeant.

III

Et maintenant je vais terminer par quelques paroles pressantes, que je supplie le Seigneur d’appliquer à vos âmes.

Je voudrais d’abord m’adresser à ceux d’entre vous qui ne pensent jamais à ces choses. Vous êtes venus entendre la Parole aujourd’hui, parce qu’elle est prêchée dans un lieu inaccoutumé ; sans cela, vous ne seriez jamais allés l’écouter dans un temple. Vous ne vous tourmentez guère des questions religieuses ; vous ne vous examinez guère sur ce point, parce que de pareilles préoccupations cadreraient mal avec tout le reste de votre vie. Vous sentez qu’il vous faudrait aussitôt subir un changement complet, parce que la religion et vos habitudes ne pourraient pas exister paisiblement ensemble. Mes chers amis, supportez qu’en ce moment j’essaie de vous serrer de très près. Avez-vous jamais entendu parler de l’autruche ? Quand elle est poursuivie par le chasseur, cette pauvre bête, dépourvue d’intelligence, fuit aussi vite que ses jambes le lui permettent ; puis, quand elle se voit traquée et dans l’impossibilité d’échapper, quelle ressource pensez-vous qu’elle emploie ? Elle enfonce sa tête dans le sable et se croit en sûreté, parce qu’elle ne peut plus voir celui qui la poursuit. N’est-ce pas là exactement ce que vous faites ? Votre conscience ne vous laisse aucun repos et vous essayez de l’ensevelir. Vous enfoncez votre tête dans le sable ; vous ne voulez pas réfléchir à votre situation. Ah ! si nous pouvions forcer les hommes à réfléchir, quelles choses étonnantes nous accomplirions ! — Réfléchir, voilà, ô pécheur, ce que tu n’oses pas faire, aussi longtemps que tu restes étranger à Christ ! Réfléchissez-vous jamais ? Nous avons entendu parler de gens qui redoutaient de se trouver seuls pendant une courte demi-heure, parce que les pensées qui les assaillaient alors étaient trop terribles. Je défie qui que ce soit d’entre vous (si Dieu ne l’aide) de passer une heure sous cet arbre, sur ce balcon, ou chez vous, à retourner dans votre esprit, à ruminer, à digérer ces pensées : « Je suis un ennemi de Dieu ; mes péchés ne sont pas pardonnés : si je meurs ce soir, je serai damné pour toute l’éternité. Je n’ai jamais cherché Christ, et Il ne s’est pas encore déclaré mon Sauveur. » Je vous défie d’y employer une heure. Vous n’oseriez pas ; votre ombre vous ferait peur. Les pécheurs n’ont qu’une ressource pour échapper au malheur ; c’est l’insouciance. Ils se disent : « Couvrez cela, enterrez mon mort loin de ma vue. Ils écartent ces funestes pensées. » Mais est-ce sage ? La religion est-elle, oui ou non, quelque chose ? Si elle n’est rien, vous feriez mieux de la nier. Mais si cette Bible est la vérité, s’il est vrai que vous possédiez une âme immortelle, est-il raisonnable, logique, prudent de négliger votre âme ? Si vous étiez mourants de faim, faudrait-il de longs raisonnements pour vous persuader de manger ? Mais voici votre âme qui se meurt faute d’aliment spirituel, et il n’est pas de langue assez éloquente sur cette terre pour vous persuader de lui porter secours ! — Oh ! n’est-ce pas un spectacle étrange que de voir tous les hommes s’acheminer, comme ils le font, vers un avenir éternel, sans y penser, sans faire le nécessaire pour s’y préparer ?

Certain roi avait à sa cour un fou très spirituel, dont les bons mots le divertissaient beaucoup. Un jour, le roi lui donna un bâton, en lui disant : « Garde-le jusqu’à ce que tu aies trouvé un plus fou que toi. » Le roi tomba malade et s’en allait mourir ; alors le fou s’approcha et dit : « Maître, qu’est-ce qui vous arrive ? — Je vais mourir, dit le roi. — Vous allez ?… où allez-vous donc ? — Je te dis que je m’en vais mourir ; ce n’est pas le moment de te moquer. — Et pour combien de temps vous en allez-vous ? continue le fou. — Là où je vais, j’y vais pour l’éternité. — Avez-vous une maison à vous dans ce pays-là ? — Non. — Avez-vous fait vos préparatifs pour le voyage ? — Non. — Avez-vous au moins de bonnes provisions pour vivre, puisque vous y demeurerez si longtemps ? — Non — Tenez continua le fou ; voici le bâton, car tout fou que je sois, moi j’ai fait mes préparatifs. Je ne suis pourtant pas si stupide que de ne pas me pourvoir d’une maison dans un pays où je dois demeurer. » — Christ a préparé des demeures pour les siens, et le langage de ce fou était plein de sagesse. Permettez que je vous parle comme lui et dans le même langage, quoique bien plus sérieusement. Si les hommes sont appelés à vivre éternellement dans le ciel, n’est-il pas étrange, absurde, d’une folie ridicule et intolérable, qu’ils ne réfléchissent jamais à cette vie à venir ? Ils pensent au jour d’aujourd’hui, mais ils ne pensent nullement à l’éternité. Le temps présent, avec ses hochets, ses babioles, ses enfantillages, voilà ce qui remplit leur cœur ; mais l’éternité ! cette montagne sans sommet, — cet océan sans rivages, — ce fleuve qui n’a point de fin et sur lequel ils vont s’embarquer, ils n’y pensent pas ! Arrêtez-vous un instant et réfléchissez qu’il vous faudra naviguer éternellement, ou bien sur les ondes éclatantes de la félicité, ou bien sur les vagues brûlantes de l’enfer. Lequel des deux sera votre lot ?… Il faudra bien y penser un jour. D’ici à peu d’années, — à peu de mois, — à peu de jours peut-être, une voix vous criera : « Prépare-toi à la rencontre de ton » Dieu ! et peut-être cet appel viendra-t-il au moment où vous serez aux prises avec la mort, au moment où les eaux du Jourdain commenceront à refroidir votre sang et où votre cœur défaillera de terreur. Et que ferez-vous alors ? Que ferez-vous au milieu de vos péchés amoncelés, lorsque vous serez sur le point d’être dépouillés ? Que ferez-vous quand Dieu vous amènera en jugement ?

J’ai maintenant à remplir une tâche plus douce, en m’adressant à une tout autre classe de personnes. — Ah ! mon ami, vous n’êtes pas insouciant, vous ; vous pensez et vous réfléchissez beaucoup, mais ces pensées vous troublent. Vous voudriez parfois en être délivré, et d’autres fois vous le redouteriez. Vous pouvez dire : « Ah ! je sens que je serais pleinement heureux si je pouvais me réjouir en Christ, si je pouvais être réellement converti ! » — Mon ami, je suis très heureux de vous entendre parler de la sorte. Quand Dieu a commencé de toucher un cœur, je ne crois pas qu’Il laisse une telle œuvre inachevée. Mais il faut que je vous parle sérieusement aujourd’hui, pendant quelques minutes encore. Vous sentez que vous avez besoin d’un Sauveur. Souvenez-vous que Christ est mort pour vous. Croyez-le ! Le voici, Il se penche du haut de sa croix, Il expire… Observez son visage ; il est plein d’amour, plein des plus tendres compassions. Ses lèvres se meuvent… Il murmure : « Père, pardonne-leur ! Voulez-vous regarder à Lui ? Pourriez-vous supporter la vue de ce spectacle et vous en détourner ? Il ne vous demande qu’un regard, et ce regard sera votre salut. Vous sentez qu’il vous faut un Sauveur, vous sentez que vous êtes pécheur ; qu’attendez-vous ? — Ne me dites pas que vous êtes indigne. Rappelez-vous qu’Il est mort pour les indignes. — Ne me répondez pas qu’Il ne veut pas vous sauver. Rappelez-vous qu’Il est mort pour ceux que le diable rejette. Jésus est mort pour sauver la lie et le rebut de l’humanité. — Regardez à Lui ! Comment pourriez-vous le contempler sans croire en Lui ? Ne voyez-vous pas le sang qui ruisselle le long de ses épaules et qui dégoutte de ses mains et de son côté ? Comment ne croiriez-vous pas en Lui ?… Je vous conjure, au nom de Celui qui vit et qui a été mort, mais qui est vivant, de croire au Seigneur Jésus-Christ, car il est écrit : « Celui qui croit au Seigneur Jésus sera sauvé. »

Pendant l’une des prédications que Rowland Hill donnait en plein air, lady Ann Erskine se trouva passer en voiture de ce côté, et, voyant cette immense foule, elle demanda à son cocher ce qu’il y avait. Il répondit qu’on écoutait Rowland Hill. Comme elle avait entendu raconter bien des choses étranges de cet homme, qui passait pour le prédicateur le plus original, elle ordonna d’approcher. A peine Rowland Hill l’eut-il aperçue et reconnue qu’il s’écria : « Allons ! je m’en vais tenir une enchère ; je m’en vais vendre au plus offrant lady Ann Erskine. » — A l’ouïe de ces paroles, la grande dame fit arrêter sa voiture, fort curieuse de voir comment elle allait se trouver vendue. — « Qui veut l’acheter ? criait Rowland Hill. Voici le monde qui se présente. Que veux-tu m’en donner ? — Je lui donnerai, répond le monde, toutes les pompes et les vanités de cette vie présente. Elle sera la plus heureuse et la plus riche des femmes ; elle aura beaucoup d’admirateurs et elle traversera son existence terrestre au milieu des joies de tout genre. — Tu ne l’auras pas. Son âme est une chose immortelle et éternelle ; ce que tu m’en offres n’est qu’une misère, et quand tu me donnerais tout ce qui t’appartient, que lui servirait-il de gagner le monde entier, si elle vient à se perdre ?

Mais voici un autre acheteur, voici le diable qui s’avance. — Satan ! combien veux-tu en donner ? — Je lui ferai goûter, dit-il, les plaisirs du péché pendant un temps. Elle possèdera tout ce que son cœur pourra désirer, tout ce qui peut plaire aux yeux et aux oreilles ; elle pourra jouir de tous les vices et de tous les péchés qui lui procureront le moindre plaisir. — Ah ! Satan, et que lui assureras-tu ensuite pour l’éternité ?… Non, non ! tu ne l’auras pas, car je te connais, tu voudrais la payer à vil prix, afin de ruiner son âme pour toujours.

Encore un acheteur ! Celui-ci je le connais : c’est le Seigneur Jésus. — Que donnes-tu pour la posséder ? — Demande plutôt ce que j’ai déjà donné ? J’ai donné ma vie et mon sang pour elle. Je l’ai rachetée à grand prix et je veux lui ouvrir le ciel pour jamais. Je veux remplir son cœur de joie dans ce monde et la couronner de gloire pour l’éternité. — O Seigneur Jésus ! elle sera à toi Lady Ann Erskine, vous ratifiez, n’est-ce pas ?… » La grande dame était tout émue et ne put rien répondre.

« C’en est fait ! c’en est fait ! reprit Rowland Hill, vous êtes désormais à Christ ; je vous ai fiancée à Lui ; ne violez jamais ce contrat ! » Et elle ne le viola pas. Depuis lors, la volage et mondaine femme devint sérieuse ; elle fut l’un des soutiens de la cause de l’Évangile et mourut dans la parfaite et paisible espérance de posséder le royaume des cieux. Ah ! je serais bien heureux si je pouvais réussir auprès de quelqu’un de vous aujourd’hui, comme Rowland Hill auprès de lady Erskine ! Je serais bien réjoui si quelqu’un s’écriait : « Seigneur, je veux te posséder ! » Christ est prêt. S’il vous a préparés à venir à Lui, Il est prêt avant vous. S’il est quelqu’un qui désire le Sauveur, le Sauveur est également désireux de se donner à lui. — Qu’en dis-tu ? veux-tu aller avec Lui ? Si tu dis oui, que l’Éternel te bénisse du haut des cieux ! Le Seigneur, Lui aussi, dit oui, et tu es sauvé, — sauvé dès maintenant, — sauvé pour toujours !

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