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Le lit et la couverture

Car le lit sera trop court et on ne pourra pas s’y étendre, et la couverture trop étroite quand on voudra s’envelopper.

(Esaïe 28.20)

Dieu a créé l’homme de telle sorte que deux choses sont nécessaires à son bien-être, pour ne pas dire à son existence ; savoir : le sommeil et le vêtement. S’il l’avait voulu, Dieu eût pu faire que l’homme ne dormît jamais, et empêcher que jamais les ombres de la nuit ne vinssent appesantir ses yeux, ni les doigts du sommeil fermer ses paupières. Les esprits célestes, qui sait ? ne connaissent point le sommeil. Pendant des jours perpétuels et qui se succèdent sans interruption, ils entourent de leurs phalanges le trône de Dieu, en chantant ses louanges éternelles. Leurs ailes infatigables sont toujours déployées pour l’accomplissement de ses saintes volontés, tandis que leurs voix vibrantes et pures entonnent sans cesse les célestes hymnes.

Mais l’homme est autrement partagé. Notre nature a besoin d’être restaurée par ce suave repos que le sommeil lui apporte. S’il venait à nous être refusé, nous irions peut-être jusqu’à désirer la mort. Si ce baume précieux nous était ravi, et alors même que nous n’éprouverions pas d’autre souffrance, notre vigueur serait condamnée à déchoir et la flamme de notre vie à s’éteindre. Le sommeil nous est donc nécessaire ; il est indispensable à notre existence terrestre. Toutefois, on peut dire que le vêtement est tout aussi nécessaire à notre corps, et que dans certains climats il nous est absolument indispensable pour résister à l’action des frimas. Dieu a créé les animaux de telle manière qu’ils portent sur eux-mêmes la couverture destinée à protéger leur vie. Point de travail de tissage, ni pour le cheval, ni pour la brebis ; pour eux il n’est nul besoin que la navette vole sur le métier. La toile qui les couvre, c’est leur toison, et leur habillement grandit sur leur propre corps, comme pour nous enseigner que l’homme seul est imparfait et a seul besoin de secours étrangers. Les créatures inintelligentes peuvent se pourvoir elles-mêmes d’une enveloppe tutélaire qu’elles produisent naturellement ; mais l’homme sent sa nudité, et en est réduit ou bien à recourir aux feuilles de figuier de sa propre justice, ou bien à recevoir de Dieu même les vêtements de peau qui peuvent le couvrir et lui permettre de se voiler devant la face de son Créateur. Deux choses donc sont nécessaires, je le répète, à la vie de l’homme, savoir : le sommeil et l’habillement.

Or, tout le monde m’accordera, je pense, que le corps de l’homme n’est, après tout, qu’une image de son être intérieur. Ce dont le corps a besoin matériellement, l’âme en a besoin spirituellement ; l’âme a donc besoin, elle aussi, de deux choses. Elle a d’abord besoin de repos, ce qui correspond à l’image du sommeil. L’âme, dis-je, a besoin d’une couche sur laquelle elle puisse se reposer paisiblement et prendre ses aises. De plus, elle a besoin d’une couverture ; car, de même que la nudité serait pour le corps quelque chose de désagréable, d’inconvenant et de dangereux, de même l’âme qui ne serait point revêtue éprouverait un malaise extrême, serait odieuse aux yeux de Dieu et complètement malheureuse pour toujours.

Notre texte nous dit que les hommes ont cherché le repos et le vêtement là où ils ne pouvaient les trouver, qu’ils se sont tourmentés pour se construire un lit dans lequel ils ne peuvent pas s’étendre, parce qu’il est trop court, et pour se faire des couvertures qui ne pouvaient pas les envelopper, parce qu’elles sont trop étroites. Nous parlerons donc d’abord de ce que l’homme a fait et de ses inutiles et vaines tentatives pour procurer à son âme du repos et des vêtements ; après cela, nous essaierons de montrer brièvement comment Dieu a accompli cette œuvre en donnant au croyant une couche sur laquelle il peut s’étendre tout à l’aise et qu’il trouve toujours de longueur suffisante, et en le pourvoyant d’un vêtement dans lequel il peut grandir et qu’il trouvera toujours, quel que soit l’accroissement de son expérience chrétienne ou de son péché, assez ample pour s’en couvrir parfaitement.

I

Prenons d’abord la première image du texte : « Le lit est trop court et on ne pourra pas s’y étendre. » Les hommes cherchent donc à se faire des lits sur lesquels leur âme puisse se reposer. Un lit trop étroit et dans lequel on n’aurait pas assez de place pour s’étendre, serait, j’imagine, la chose la plus inconfortable qui puisse être. J’ai peine à concevoir la souffrance d’un malheureux condamné à s’étendre sur une couche plus courte que son corps, et à y chercher un repos qui n’est qu’un surcroît de fatigue, et un délassement qui se transforme en torture. Telle est cependant la condition de tout homme qui cherche la paix ailleurs que dans ce « repos qui reste pour le peuple de Dieu. » Il sera facile de montrer que tout ce que l’homme recherche et parvient à s’approprier dans le siècle présent — tout ce qu’il pourra jamais trouver sur cette terre — n’est et ne peut être pour lui qu’un lit trop court, dans lequel il ne pourra pas s’étendre. Nous verrons également que, pour le monde à venir, tout ce qu’un homme aura pu faire est, si on le considère de près, insuffisant pour donner la paix à son âme.

Voyons d’abord, en ce qui concerne le siècle présent, combien il existe de lits d’invention humaine. Voici un homme qui s’est fait un lit dont les piliers sont en or et les ressorts en argent ; la couverture est de pourpre de Tyr, les coussins sont remplis de l’édredon le plus fin ; les rideaux en sont brodés d’or et d’argent, et les tentures sont suspendues à des anneaux d’ivoire. Bien plus ! cet homme a mis toute la création au pillage pour suffire à son luxe, et s’est épuisé en inventions pour s’entourer de délices et de somptuosités raffinées. Il s’est acquis de vastes propriétés ; il ajoute maison à maison, champ à champ ; il a acheté des contrées entières ; il creuse, il travaille, il se fatigue, pour accroître de jour en jour son extravagante opulence. A peine a-t-il achevé une spéculation qu’il en entame une plus considérable ; il emploie son argent tantôt dans une industrie, tantôt dans une autre ; en un mot, il cherche, par tous les moyens, à multiplier son or et à l’augmenter jusqu’à ce qu’on ne puisse plus le calculer. Le voilà devenu l’un des princes de la finance, un millionnaire ! et il se dit à lui-même : « Mon âme, repose-toi, mange, bois et te réjouis ; tu as des biens en abondance pour de longues années. » — N’enviez-vous pas le lit de cet homme ? N’en est-il point parmi vous dont l’unique pensée est de se préparer une couche semblable à la sienne ? Vous vous dites : « Il a su garnir son nid de bonnes plumes ; plût à Dieu que je pusse en faire autant pour moi-même ! » — Ah ! mais, ne voyez-vous pas que ce lit est trop court pour lui et qu’il ne peut pas s’y étendre ? Si vous vous y étendiez un instant, vous le trouveriez assez long pour vous, mais il ne l’est pas assez pour lui.

Souvent j’ai pensé que la richesse de bien des hommes me suffirait, et cependant cette richesse n’était pas suffisante pour eux. Dès qu’un homme se fait un dieu de son argent et en attend sa félicité, il ne trouve jamais ses biens assez considérables, ses terres assez étendues, son château assez vaste. Quand il essaie de s’étendre, il trouve qu’il y manque quelque chose. Il pense alors que si le lit pouvait être légèrement allongé, il pourrait s’y trouver à l’aise et s’y reposer en paix. Mais, une fois que le lit est allongé, il découvre que lui aussi s’est allongé d’autant, et quand ses richesses sont parvenues aux dimensions colossales du lit de Og, roi de Bassan, il s’y sent encore gêné et dans l’impossibilité de s’y étendre. Que dis-je ! nous connaissons l’histoire d’un homme qui s’était étendu sur le monde entier par ses conquêtes, et qui, trouvant ce lit trop étroit, se mit à verser des larmes de ce qu’il n’y avait pas d’autres mondes à conquérir. Tout autre que lui eût regardé telle petite province comme pouvant lui fournir un repos agréable. Mais, non ! l’homme est si grand quand il essaie de s’étendre de tout son long, que le monde entier ne peut pas le contenir. Quand Dieu donnerait aux avares toutes les mines du Pérou, tous les diamants éblouissants de Golconde, toute les richesses accumulées de plusieurs mondes, et quand, transformant ensuite les étoiles en globes d’or et d’argent, Il nous livrerait l’empire suprême de l’univers, de telle sorte que nous additionnions les constellations comme on additionne des centaines de francs, et que même nous supputions les univers comme on suppute des rentes sur l’état, encore alors le lit se trouverait trop court pour nous y étendre avec nos convoitises toujours croissantes. L’âme est plus vaste que la création, plus étendue en dimension que l’espace. Livrez-lui tout, elle ne sera pas satisfaite, et l’homme ne trouvera jamais le repos. C’est étrange ! dites-vous. Peu de chose de plus, et je serais satisfait. — Vous vous faites illusion. Si vous n’êtes pas content de ce que vous avez déjà, le double de cela ne vous suffirait pas. — Mais, que si ! s’écrie un autre. — Vous ne vous connaissez pas vous-même. Dès l’instant où vous avez placé vos affections dans les choses de ce monde, cet amour est semblable à une sangsue ; il crie : « Donne ! donne ! Il sucera, sucera, sucera éternellement, et criera toujours : « Donne ! donne ! » et quand vous lui aurez donné tout, il n’aura pas encore assez. Tant il est vrai que « le lit sera trop court, et qu’on ne pourra pas s’y étendre. »

Autre chose. Certaines gens disent : « Peu m’importent l’or et l’argent ; je ne suis pas avare. » Mais ils sont ambitieux. — « Ah ! dit l’un, si je pouvais acquérir une grande réputation, que ne ferais-je pas ! Oh ! si mon nom pouvait parvenir à la postérité, par suite de quelque œuvre éclatante ! Oh ! si je pouvais jouer quelque rôle saillant, quel bonheur que le mien ! » Et cet homme a si bien travaillé qu’il a fini par se faire un lit de gloire ; il est devenu fameux. Tous les journaux s’occupent de lui ; son nom est parvenu jusque dans la bouche des enfants au foyer domestique. Quand il parle, les nations écoutent attentivement ses paroles, et des milliers de trompettes proclament ses moindres actions. Il est homme, le monde le sait et lui imprime sur le front l’adjectif grand ; on l’appelle un grand homme. Quel lit délicieux, n’est-ce pas ? que ne donneriez-vous pas, peut-être, pour pouvoir vous y étendre ! A son chevet, la renommée l’endort en agitant sur sa tête l’éventail de la gloire, et dans sa chambre fume l’encens des universelles louanges. Le monde attend en silence son prochain réveil pour le combler de nouvelles flatteries. Ah ! ne donneriez-vous pas vos yeux et vos oreilles pour pouvoir vous reposer sur une pareille couche ? Mais, avez-vous jamais lu l’histoire des hommes fameux, ou les avez-vous entendus raconter leurs pensées intimes ? « La tête qui porte une couronne ne repose pas à l’aise », alors même que cette couronne ne serait que de verts lauriers. Quand un homme est connu, cet honneur ne lui suffit pas ; il aspire à de plus grands éloges. Un temps fut pour lui où l’approbation de quelques vieilles femmes ignorantes lui paraissait une renommée ; aujourd’hui, l’approbation de dix mille personnes ne le réjouit plus. Il parle des hommes comme de troupeaux d’ânes sauvages, et ce qu’il regardait jadis comme le pinacle se trouve maintenant bien au-dessous de ses pieds. Il lui faut monter, monter, monter, et quoique la tête lui en tourne, quoique le vertige ébranle son cerveau, quoique ses pieds glissent, il faut qu’il monte encore plus haut. Il a fait de grandes choses, mais il lui faut en faire de plus grandes encore. Il ne marche plus, il court, il vole à travers le monde ; mais il lui faut atteindre encore plus loin, car le monde ne continue à regarder comme grands que les hommes qui se surpassent sans cesse eux-mêmes. Non seulement il doit faire une grande chose aujourd’hui, mais il faut qu’il en fasse une plus grande demain, après-demain une plus grande encore, et ainsi de suite, ajoutant montagne sur montagne, jusqu’à ce qu’il ait gravi jusqu’au sommet de cet olympe et pris rang parmi les demi-dieux. Mais, supposons qu’il parvienne à cette hauteur inaccessible ; que va-t-il dire ? « Ah ! que ne puis-je retourner dans ma chaumière et y vivre ignoré de tous ! Que ne puis-je aller au sein de ma famille et m’y reposer en paix ! La popularité est un souci que je ne connaissais pas, un tourment que je ne puis plus supporter. Combien je voudrais la perdre et rentrer dans ma modeste obscurité ! — Vous le voyez : il en est fatigué, écœuré ; car, en définitive, l’homme ne peut être satisfait que par l’approbation du Ciel, et aussi longtemps que cette approbation manque à sa conscience, les applaudissements des sénats et l’attention de tout un public de rois ne seront qu’un lit trop court où il ne pourra pas s’étendre.

Parlons d’un autre lit sur lequel l’homme pense trouver le repos. Il est certaine sorcière — certaine femme de mauvaise vie, au visage fardé, qui porte à ses oreilles les plus riches pierreries et dont le collier est de perles fines. C’est une vieille séductrice. Elle était déjà vieille et ridée au temps de Bunyan. Elle se fardait alors, elle se farde aujourd’hui, et elle se fardera éternellement, tant que durera le monde. Elle s’en va rôdant, et les hommes la croient jeune et belle, aimable et charmante. Son nom est Madame Impudicité. Elle tient maison ouverte et elle accueille somptueusement les hommes qu’elle enivre du vin des plaisirs — vin qui paraît doux comme le miel au palais, mais qui est un poison mortel pour l’âme. Cette mégère, quand elle peut, séduit les hommes et les invite à se reposer dans sa couche. — « Voyez, dit-elle, comme je l’ai préparée avec art ! Les piliers de cette couche sont les plaisirs ; au-dessus est suspendue la pourpre du ravissement, et sous cette pourpre on goûte le doux repos d’une luxurieuse ivresse.

Ah ! quel lit que celui-là ! Salomon s’y coucha jadis, et après lui des multitudes y ont cherché leur repos. Ces hommes se sont dit : « Périsse votre or et votre argent ! laissez-moi le répandre à pleines mains, afin que je puisse manger, boire et me réjouir, car demain je mourrai. Ne me parlez pas de la renommée. Que m’importe la gloire ! J’aime mieux les plaisirs de ce monde ou les joies de l’ivresse que les plus belles couronnes de lauriers. Laissez-moi me rassasier des plus vives jouissances et me noyer dans le bourgogne et le Champagne des terrestres félicités ! » — Avez-vous jamais rencontré de tels hommes ? J’en ai vu en grand nombre, et j’ai pleuré sur eux. J’en connais en ce moment même. Ils cherchent à s’étendre sur ce lit et à y trouver le bonheur. Byron en était un — le plus insensé de tous, — et quel lit que le sien ! Fut-il jamais libertin plus dissolu dans ses vices, ou pécheur plus hardi dans ses blasphèmes ? Quel poète a jamais franchi comme lui toutes les bornes par ses folles pensées ? Quel homme a jamais fait autant de mal que lui à ses semblables ? Et cependant qu’a dit Byron ? Il a déposé sa pensée la plus intime dans l’un de ses vers. Cet homme avait tout ce qu’il pouvait désirer pour assouvir sa soif de plaisirs ; mais voici sa confession :

Comme l’oiseau qui fend les airs,
Je vole à la recherche d’un abri et d’un lieu de repos,
A la recherche d’un baume contre l’inquiétude et l’ennui,
A la recherche de cette paix qui manque à mon âme désolée.

Cette paix, il ne la trouva pas, parce qu’elle ne se trouve qu’en Dieu. Il épuisa la coupe des plaisirs, jusqu’à en avoir les yeux injectés de sang ; il se livra à tous les vices, jusqu’à ce que son corps en fût épuisé de maladie, et décrépit avant l’âge, il descendit prématurément dans la tombe. Si vous le lui aviez demandé et s’il avait répondu en toute sincérité, il vous aurait dit que son lit était trop court et qu’il n’avait pas pu s’y étendre.

Non, non ! jeune homme, vous aurez beau vous livrer à tous les excès et savourer tous les plaisirs que la terre peut offrir, même ceux que je ne saurais nommer ici et qui sont en si grand nombre ; quand vous les aurez épuisés tous, vous verrez qu’ils n’auront point répondu à votre attente ni apaisé vos convoitises. Quand le démon vous aura présenté une coupe de vin épicé, vous lui demanderez de vous la remplir la prochaine fois d’un liquide encore plus violent. Il complaira à vos désirs, mais vous ne serez pas davantage satisfait ; si bien qu’alors même qu’il vous apporterait un jour une liqueur aussi brûlante que la damnation, vous n’y trouveriez aucune saveur en la buvant. Vous vous écrieriez : « Ceci n’a plus aucun goût pour moi ; seulement, l’odeur de ce fiel et le feu de cette absinthe me brûlent toujours davantage ! — Ainsi en est-il de tous les plaisirs de la terre. Jamais ils ne rassasient, et la soif qu’ils donnent est toujours plus dévorante. Voyez l’homme qui boit de l’opium : il n’en prend qu’une faible quantité et il rêve de si étranges choses ! puis il s’éveille et tout a disparu. Quand ils s’éveillent, ces faiseurs de rêves ressemblent à des cadavres ; ils ont à peine assez de vie pour se traîner d’un lieu à l’autre. Afin de rentrer dans leurs champs-élysées, il leur faudra une plus forte dose que précédemment, puis davantage encore, et toujours ainsi ; mais à chaque fois aussi ils se plongent plus avant dans l’abrutissement et glissent plus rapidement vers le sépulcre. Tel est toujours l’effet des plaisirs et des joies sensuelles de ce monde : ils détruisent l’homme, et, pendant leur durée, ils ne sont pas assez vastes pour apaiser ses appétits grossiers, ni assez larges pour répondre à son espérance. — Le lit est trop court et on ne peut pas s’y étendre.

Contemplez maintenant le chrétien, et vous verrez que tout est renversé. Je veux prendre le chrétien dans son état le plus défavorable, quoique rien ne m’y oblige. Le chrétien n’est pas nécessairement pauvre ; il peut être riche. Mais supposons-le pauvre, sans un pouce de terrain qui lui appartienne et vivant au jour le jour. Il ne possède absolument sur cette terre que les promesses de son Dieu. Il vit, toutefois, et il vit bien, car son Maître se charge de ses approvisionnements et ne le laisse manquer de rien. L’homme du monde se moque des promesses et prétend qu’elles ne sont que folie. Mais écoutez ce que dit le chrétien :

Il n’est rien dans ce vaste univers
Qui satisfasse mes désirs.
Ton serviteur aspire, ô Seigneur !
A de meilleures et plus pures joies.

Eh quoi ! pauvre homme, es-tu donc parfaitement satisfait ? — « Oui, répond-il ; la volonté de mon Père est que je vive pauvre, et je suis parfaitement content. — Mais ne désires-tu absolument rien ? — Rien, dit-il, J’ai la présence de Dieu ; ma joie est dans la communion de Jésus. Je sais qu’une couronne d’immortalité m’est réservée, et qu’elle ne saurait se flétrir. Que puis-je désirer de plus ? Je suis parfaitement heureux ; mon âme se repose en paix. »

Oui, il existe dans la foi chrétienne une joie qui ne se trouve pas ailleurs. Oh ! je puis le dire devant la face de Dieu, mon âme est parfaitement heureuse. « Je sais que mon Rédempteur est vivant, et qu’au dernier jour Il reviendra sur la terre ; et, quoique les vers doivent ronger mon corps, je verrai Dieu ; ma chair le verra. » Je sais que mes péchés sont pardonnés et que je suis adopté dans le Bien-Aimé. Je sais que je possède déjà tout ce que je pourrai désirer jamais, car Christ est tout, et il est même plus que cela. Que pourrait ambitionner mon âme ? Mes besoins temporels ?… Je puis les laisser entre les mains de mon Père ; je puis lui abandonner aussi mes besoins spirituels. Mon âme est comme l’enfant fatigué qui se repose sur le sein de sa mère. Je ne puis rien demander de plus ; je puis m’étendre sur un pareil lit. Si je songe aux plus vastes désirs qu’un cœur sanctifié puisse avoir, je ne les trouve pas plus grands que ma couche. Car, que demandé-je ? Je demande l’immortalité ; je l’y trouve. Quel désir ardent éprouvé-je ? J’ai faim et soif de béatitude infinie et éternelle ; je l’y trouve aussi. J’ai besoin d’être enfant de Dieu ; je le suis. Je désire être riche en toute sorte de bénédictions ; j’en possède la promesse et j’en obtiendrai la réalisation ci-après. J’ai soif de perfection, et n’est-ce pas là un désir immense, une ambition inouïe ? mais, cette perfection, je la possède, car je suis « parfait en Jésus » ; j’ai la promesse que le Seigneur perfectionnera ce qui me concerne.

Oh ! je voudrais que, pour un moment au moins, vous essayassiez de vous étendre. Venez ; que votre esprit s’étire et se déploie dans toute sa vaste étendue. Etendez vos bras jusqu’à ce que vos mains saisissent l’orient et l’occident, que vos pieds touchent à l’un des pôles et que votre tête se repose sur l’autre, et dites-moi : la place manque-t-elle dans les promesses ? manque-t-elle dans l’Évangile ? Faites plus, pénétrez jusque dans les profondeurs de l’éternité, et que votre âme désire tout ce qu’elle peut concevoir de plus grand : le lit est, malgré cela, de longueur suffisante, Dieu peut faire bien au-delà de tout ce que vous pouvez demander ou même penser. Voyons, cherchez à imaginer tout ce que vous pourrez : Dieu peut encore le dépasser. Venez, demandez le plus possible : Dieu vous en accordera encore davantage. O sommeil béni que celui du chrétien ! Il dort dans un lit que le Seigneur Jésus porte sur ses bras éternels ; il dort sous le souffle sanctifiant du Saint-Esprit, et il sait qu’à son réveil il se relèvera transformé à l’image de son Sauveur — à l’image de son Dieu !

Je crois vous avoir donné ainsi quelqu’idée du sens de ce texte : « Le lit sera trop court et on ne pourra pas s’y étendre. » Maintenant, considérez un instant ce lit par rapport au monde à venir, et c’est ici surtout que vous verrez combien l’on peut dire de toutes les espérances trompeuses du pécheur que « le lit est trop court et qu’on ne pourra pas s’y étendre. » — Pécheur, tu es sans Dieu et sans Christ ! Pose-toi la question que voici : « Quel sera mon lit pour l’éternité ? Quel sera, en effet, ton repos ? Tu ne t’es peut-être jamais demandé cela. Demande-le-toi aujourd’hui. « Oh ! dit l’un, je ne suis pas pire que mes voisins. — Ce lit est-il assez long pour l’éternité ? Non, bien certainement non ! — Peu m’importe comment cela ira plus tard, dit un autre, j’en prends mon parti. — Et celui-ci, est-il assez long pour l’éternité ? Il ne vous fournira aucune consolation quand vous comparaîtrez devant le tribunal de Dieu. — Tant pis ! réplique un autre, je ne veux pas m’en tourmenter l’esprit. — Mais encore, celui-ci sera-t-il de longueur suffisante pour l’éternité ? — Ah ! s’écrie encore un autre, je vais au temple, à la chapelle, ainsi de suite, et cela suffira. » — Et sera-ce assez long pour l’éternité ? Prenez garde ! vous aurez à vous y étendre. Vienne le moment où votre conscience vous pressera, où la mort viendra vous mettre sur la roue et vous étirer tant soit peu, et le lit ne sera plus assez long pour votre taille. Vous ne pouvez vous dissimuler que vous n’êtes pas à l’aise. Il n’est pas un homme étranger à Christ qui, tôt ou tard, ne se sente malheureux. Endurcissez bien fort votre conscience ; parfois encore elle vous bouleversera. Logez-la, cette dame conscience, sur l’arrière-cour de votre maison, en un lieu où la lumière du jour ne puisse plus l’atteindre ; malgré cela, elle ne se taira pas. Elle a une voix plus forte que le tonnerre, et de temps à autre elle vous réveillera en sursaut. Que m’importe l’état d’un incrédule, ou ce qu’il dit ? Ses paroles ne sont que pure fanfaronnade et ne signifient absolument rien pour moi. Les hommes sans courage sont les plus rodomonts avant la bataille. Tel est le cas des incrédules, des athées et des sociniens. Quand ils nous parlent, ce sont des géants ; mais ils sentent qu’ils ne possèdent pas la force ni la bravoure auxquelles ils prétendent. Ils n’ont aucun pouvoir, parce que leur conscience n’a pas où se reposer. Je l’affirme encore : aucun homme ne saurait avoir une paix solide, un esprit heureux et tranquille, sauf celui qui croit au Seigneur Jésus-Christ, qui se confie uniquement en son sacrifice pour le salut de son âme et qui place en lui seul son espérance et son attente. Quand un tel homme serait aussi élevé que les étoiles et aussi large que la terre, il trouvera toujours son lit assez vaste pour le contenir.

II

Venons maintenant à la seconde partie de mon texte : L’homme a besoin aussi d’une couverture. Ce passage nous apprend que certains hommes se font une couverture trop étroite, dont ils ne peuvent pas s’envelopper. Chers amis, il est un vêtement qui ne sera jamais trop étroit, alors même que celui qui l’endosserait serait le pécheur le plus volumineux que la terre ait porté. Je veux parler de la parfaite justice de Christ. Mais, à part ce vêtement-là, aucun des autres n’est ni de la largeur ni de la longueur voulue.

En effet, il est certains pécheurs qui s’imaginent s’être vêtus quand ils sont parvenus tout au plus à se pourvoir d’un bonnet de nuit. N’en souriez pas ; c’est un fait. On peut se procurer des bonnets de nuit spirituels. — Que veut-il dire par là ? se demande quelqu’un. — C’est un bonnet fait d’un tissu de calvinisme exagéré. On détache de la Parole de Dieu une importante doctrine, on la sépare de son contexte ; on l’emprunte à cette partie des Saintes Écritures qui nous intéresse le plus, nous pauvres pécheurs, et l’on s’en compose un antidote contre tous les murmures de la conscience, un breuvage soporifique, moyennant lequel on endort son âme, en attendant qu’elle se réveillé dans les bras de Satan. Les hommes se font une doctrine à eux et se la clouent dans le cerveau. — Cette doctrine est bonne, vraie, juste. Je la prêcherai moi-même le tout premier envers et contre qui que ce soit. — Mais les hommes oublient un point, savoir : que les doctrines ne sont pas une preuve que l’on est sauvé, aussi longtemps que la conduite n’est pas en règle. Ils liront, par exemple, un passage comme celui-ci : « Il n’y a donc aucune condamnation pour ceux qui sont en Christ. » — Voilà ! disent-ils ; je suis en Christ, donc il n’y a point de condamnation pour moi. Ils plantent cette pensée dans leur esprit, ils s’en coiffent, et là-dessus ils s’endorment paisiblement. Ils se croient revêtus, parce qu’ils se sont simplement couvert la tête de cette toque. Ils ont un bandeau autour des yeux qui leur cache leur nudité, et ils concluent qu’ils sont habillés.

Le cœur me saigne en pensant qu’il y a des hommes qui caressent ainsi les plus coupables aspirations de leur nature corrompue, en leur présentant autre chose que le salut par Christ. Vous pouvez perdre tout aussi facilement votre âme en vous confiant en vos bonnes doctrines, qu’en vous confiant en vos bonnes œuvres. L’acte de bien croire (si par croire on entend accepter des dogmes ne peut pas davantage vous sauver que l’acte de bien faire. Le seul salut qui puisse être à l’épreuve du jugement dernier, est celui qui consiste à croire au Seigneur Jésus, en recevant son Esprit et en lui devenant semblable. Je me rappelle un homme qui, dans une autre enceinte que celle-ci, avait l’habitude de s’asseoir en face de moi sur les tribunes et d’accompagner mon discours de signes de tête approbatifs chaque fois que je prêchais un dogme. Une fois, je me promis de guérir cet auditeur de son habitude, car il menait la vie la plus dévergondée qu’il soit possible. Toutes les fois que je prêchais sur la justification, sa tête allait et venait avec ferveur. Quand je parlais de la justice imputée, elle allait et venait encore plus fort. J’étais un bien excellent homme à ses yeux, j’en suis sûr ! Je pris donc le parti de le guérir et d’arrêter une fois pour toutes le mouvement de cette tête. Je me mis à dire, un jour, qu’il y avait une grande différence entre être élu de Dieu ou s’élire soi-même, — une différence immense entre être justifié par Dieu au moyen de son Esprit ou se justifier soi-même en croyant que l’on est justifié, quand on ne l’est réellement pas. « Et voici la différence », ajouté-je pour mon homme, qui en ce moment me classait sans doute parmi les arminiens renforcés, « c’est que vous étant élus et justifiés vous-mêmes, vous ne portez aucune des marques de l’Esprit. Votre piété ne porte aucune preuve de son authenticité ; votre vie n’est pas sanctifiée. Vous vous adonnez au péché ; vous marchez selon le train des gens du monde ; vous portez l’image du diable, tout en vous croyant enfant de Dieu. » — Et aujourd’hui je m’adresse à vous qui êtes ici présents et qui vous livrez à cette abominable hypocrisie, et je vous déclare que votre foi n’est qu’une horrible illusion spirituelle par laquelle vous croyez au mensonge, et que le moment vient où les ministres de la vérité auront à élever leur voix contre ceux qui prêchent la doctrine sans la vie, tout aussi fortement que nous l’élevons aujourd’hui contre ceux qui passent sous silence la doctrine de la libre et souveraine grâce de Dieu. Les plus belles croyances dogmatiques ne suffiront pas à vous couvrir ; elles ne couvriront guère que votre tête. Le couvre-chef est bon en soi, il est fait de l’étoffe voulue-, mais il ne couvre que la tête ; il ne peut pas couvrir la nudité du pécheur.

Toutefois, il en est d’autres qui ne se contentent pas de cela. Leur tête n’est pas ce qu’ils tiennent le plus à couvrir, mais ils se sont procuré une paire de pantoufles et ils pensent avec cela pouvoir se couvrir entièrement. — Que voulez-vous dire ? me demande-t-on. — Je veux parler des bonnes œuvres. — Ah ! disent ceux-ci, les dogmatiseurs ne pensent qu’à se couvrir la tête. Nous ferons mieux, nous nous occuperons des pieds. Et les voilà tout attentifs à leurs pieds et finissant par paraître passablement propres au total. Ils respectent le dimanche, ils fréquentent la maison de Dieu, ils lisent la Bible, ils répètent leurs prières et font tous leurs efforts pour être braves et honnêtes, etc. Voilà qui est bien ! Je ne critique nullement les pantoufles, mais je prétends seulement qu’elles ne peuvent couvrir l’homme en entier. Je ne m’élève point contre les bonnes pantoufles ; les bonnes œuvres sont excellentes, seulement elles ne suffisent pas. Les bonnes œuvres sont semblables à une bonne paire de souliers ; mais que personne ne s’imagine qu’une paire de souliers puisse devenir assez vaste pour envelopper tout le corps. Ceux qui se l’imaginent se font illusion. Ils croient que, parce que leur conduite extérieure est bonne, juste et décente, leur nudité doit nécessairement se trouver couverte. Ah ! ne vous y trompez pas. Si, tout en marchant selon les commandements de Dieu et tout en étant irrépréhensibles devant les hommes, vous laissez le péché demeurer dans vos cœurs et vos transgressions passées rester sans repentance ni pardon, vous êtes devant Dieu sans protection ni défense ; votre âme est nue et sans vêtement à ses yeux, et votre couverture est trop étroite pour que vous puissiez vous en envelopper. J’ai vu des âmes essayer de se couvrir de bonnes œuvres, mais ces bonnes œuvres n’étaient jamais assez amples. — « Venez ici, dit l’un, je vais ajouter une petite pièce de drap à votre couverture », et le voilà qui apporte un mètre d’une bonne vieille étoffe qu’on appelle baptisme et se hâte de la faufiler au reste. —« Attendez, dit-il un peu plus tard, je vais vous apporter autre chose : une étoffe fabriquée par les évêques (anglicans) et qui se nomme confirmation », et il en faufile encore un mètre. — « Permettez, reprend encore notre homme, « je vais vous donner un mètre d’une étoffe encore meilleure. C’est un mètre de ce qu’on appelle communion ou sacrement. — Courage ! continue cet homme ; tenez bon ! Vous savez votre catéchisme et vous le récitez souvent ; c’est bien ! Vous savez par cœur les prières spéciales pour les épreuves, le voyage, le mariage, le baptême et le reste ; c’est à merveille ! De tout cela vous allez voir que nous finirons par composer un bel et bon vêtement bien chaud et qui vous enveloppera tout entier. » Que d’âmes n’ai-je pas vues tout occupées à tirer, à retirer et à étirer en tous sens leur misérable couverture, pour tâcher d’en ramener les deux bouts, sans pouvoir y réussir ! Je pourrais vous raconter l’expérience d’une chrétienne de cette église. « J’allais régulièrement, dit-elle, à la maison de Dieu et je tâchais d’établir ma propre justice ; mais je ne pou-vais pas. Enfin, je me mis à suivre des services journaliers dans une église puséïste. J’en fus bientôt la personne la plus surérogatoirement parfaite ; mais je n’étais cependant pas heureuse. J’essayai donc de l’usage des sacrements, des jeûnes, des prières privées… Rien ne me paraissait assez bon. Jamais je ne pouvais parvenir au point voulu ; jamais la couverture ne me semblait assez large pour me couvrir. » — Et jamais elle ne le sera ! Toutes les bonnes œuvres de la terre, toutes les cérémonies, toutes les louanges des hommes et toutes les aumônes ne parviendront pas à former une couverture assez grande pour vous envelopper. Voulez-vous savoir ce qu’il vous faut ? Il vous faut une robe d’une seule pièce et sans couture, un vêtement fait par les mains sanglantes de Jésus et teint dans son sang. Si par la foi vous pouvez vous envelopper de ce vêtement, il pourra, celui-là, vous couvrir tout entier. Quand vous seriez de la taille du géant Goliath et quand votre tête toucherait aux nues, il sera assez ample pour suffire à tous vos besoins.

Comme vous le voyez donc, ces couvertures de fabrication humaine ne sont pas suffisantes. Mais il est des personnes qui ne se préoccupent pas tant de leur tête, ni de leurs pieds, et qui s’approchent davantage du point essentiel. Ceux-là ont pensé à leurs reins, et ils s’enveloppent d’un petit vêtement. Leur piété consiste à méditer. Ils aiment à s’asseoir dans leur maison et à méditer sur les Saintes Écritures, sur certains points de doctrine, etc. Ils méditent, par exemple, sur la constitution de telle église. Ils la quittent et vont se joindre à telle autre. Plus tard, ils s’aperçoivent que cette dernière ne vaut guère mieux ; on y paie la dîme de la menthe, mais non celle du cumin. Ils s’en vont dans une troisième, où l’on paie la dîme du cumin, mais où l’on ne jeûne pas six jours par semaine. La religion de ces gens consiste à trouver les défauts de celle des autres. — Mais, y a-t-il des gens de cette espèce ? demandez-vous. — Oui, j’en connais plusieurs ; ce sont de bonnes âmes, si l’on en juge d’après l’opinion qu’elles ont d’elles-mêmes ; mais, si vous les mesurez d’après les lois et les statuts de Dieu, ce sera tout différent. Il leur semble que, pourvu qu’ils soient consciencieux dans ce qu’ils font, tout ce qu’ils font doit être excellent. Qu’ils soient consciencieux, rien de meilleur. Ce n’est pas moi qui vais critiquer les vêtements dont on se ceint les reins ; ils sont très utiles. Je ne m’en prends qu’à la prétention qu’ils doivent suffire. Je ne fais la guerre ni aux bonnets de nuit, ni aux pantoufles, ni à aucun genre de vêtement quelconque : tout cela a sa place et son utilité. Je ne blâme que l’intention de les substituer au vêtement complet que Jésus nous offre. Vous aurez beau être baptisé, être rebaptisé, passer d’une dénomination dans une autre, vous séparer et vous reséparer encore ; vous n’en serez pas meilleurs, tant que vous ne serez pas revêtus de la parfaite et pure justice de Christ, qui seule est sans tache.

Voyons-la, maintenant, cette belle et précieuse robe de Jésus. Tout ce qu’il a fait, tout ce qu’il a souffert est devenu l’héritage et la propriété du croyant. Quelque grands que puissent être les péchés du chrétien, les souffrances de Jésus les couvriront toujours complètement. Quelque grands que puissent être ses besoins, la plénitude de Christ y pourvoira toujours parfaitement. Quelque souillé que le pécheur se sente, la bonté et la pureté de son Sauveur le rendront toujours beau à voir. Quelque abattu et découragé qu’il puisse être parfois, son Seigneur le fera asseoir auprès de Lui dans les lieux célestes. Il est un temps où l’homme convaincu de péché voit ses transgressions grandir d’une façon effrayante ; il se sent comme submergé, comme noyé dans ses iniquités ; mais, même alors, le vêtement de Jésus est assez ample pour le couvrir tout entier. Parfois il grandit tellement dans son péché qu’il se sent aussi exalté et aussi orgueilleux que Lucifer. Il lève alors le capuchon de sa robe de justice et y enfouit sa tête coupable. Parfois aussi ses pieds semblent atteindre jusqu’au fond de l’Océan ; mais les longs plis de la robe de Christ descendent jusque dans le fond des abîmes et vont les y recouvrir. Cette robe enfin est de toutes parts et plus longue et plus large que tout ce qu’il y a de plus élevé ou de plus profond, de plus large et de plus long dans nos rechutes, dans nos iniquités et dans nos péchés.

Qu’il est glorieux, par conséquent, d’être chrétien, d’avoir foi en Christ, de posséder dans nos cœurs cet Isaac nouveau-né, de recevoir cette nouvelle nature qui vient de Dieu ! O mon âme ! viens ici et te repose ; le souverain Sacrificateur a consommé l’expiation pour toi. Tu as des biens en abondance, non pas seulement pour beaucoup d’années, mais pour toute l’éternité. Réjouis-toi, nourris-toi de ces mets spirituels, abreuve-toi de ce vin généreux et t’égaie sans mesure ; car on ne pourra pas dire de toi : « Demain tu mourras. » Tu ne mourras jamais, attendu que « ta vie est cachée avec Christ en Dieu. » En te reposant en paix, tu ne fais pas un acte de folie, car ton repos est légitime ; c’est le repos que l’Éternel des armées a réservé pour son peuple. Avance donc avec courage, ô chrétien ! vers le fleuve de la mort ; présente-toi sans crainte devant le trône du jugement ; entre joyeusement et paisiblement dans la contrée promise que le Seigneur te donne en héritage, car ton armure est à l’épreuve des flèches de la mort, et ta robe te donne le droit d’entrer et de prendre part au banquet de l’Époux. Tu portes un manteau royal qui te met au rang de ceux qui accompagnent le Roi des rois. Il t’admettra dans la demeure secrète de son palais, et tu seras son confident intime et son ami. Je ne puis que citer ce verset de l’un de nos chants :

Revêtu de la robe de ton Maître,
Tu es saint comme le Saint des saints.

Cette parole résume tout. Reposons-nous donc sur ce lit, et que l’œuvre expiatoire de Christ devienne notre vêtement à perpétuité ! Nous le trouverons toujours assez long et assez large pour nous en envelopper.

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