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Ce que l’on doit haïr

Vous qui aimez l’Éternel, haïssez le mal.

(Psaumes 97.10)

La religion chrétienne est une chaîne d’or qui enlace le cœur de l’homme et le rend inaccessible à la haine. L’esprit de Christ est un esprit d’amour. Partout où Christ règne, là règne aussi l’amour. Il n’est permis au chrétien de haïr personne. « Vous avez entendu qu’il a été dit aux anciens : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Mais moi je vous dis : Aimez vos ennemis ; faites du bien à ceux qui vous maudissent, et priez pour ceux qui vous persécutent. Tel est le langage du Maître. A moins qu’il ne soit pris dans un sens unique, dans le sens que lui donnent les paroles de mon texte, le mot haïr doit être rayé du vocabulaire chrétien. Tu n’as le droit, ô disciple de Christ, de tolérer dans ton sein aucun sentiment d’inimitié, de rancune, de malice, d’aigreur ou de malveillance, envers aucune créature que la main de Dieu a formée. Tout en haïssant les péchés d’un homme, souviens-toi que tu ne dois point le haïr lui-même ; mais que comme Christ a aimé les pécheurs, ainsi tu dois les aimer. Tout en détestant les fausses doctrines, souviens-toi que tu dois aimer celui qui les professe ; bien plus : tu es tenu de haïr l’hérésie par amour pour l’âme de l’hérétique, et avec l’ardent désir qu’il revienne de son égarement. Non, tu n’as le droit de haïr personne, pas même les êtres les plus dégradés et les plus avilis, pas même ceux qui irritent ton humeur, nuisent à ta fortune ou portent atteinte à ta réputation. Et pourtant la haine, on ne saurait le nier, est une puissance de l’âme humaine ; or, pour ma part, je crois fermement que toutes les puissances de nos âmes nous ont été données par le Créateur, afin que nous les exercions, et qu’il n’en est aucune dont nous ne puissions faire un légitime usage. Il est possible de se mettre en colère, et cependant de ne point pécher (Ephésiens 4.26) ; il est possible également d’éprouver de la haine, non seulement sans offenser Dieu, mais en accomplissant un devoir positif. Oui, tu peux haïr, ô chrétien, à condition que ta haine se concentre sur un seul objet ; alors, bien loin d’être répréhensible, elle sera, au contraire, digne de louange : Vous qui aimez l’Éternel, haïssez le mal. Autant le vindicatif hait son ennemi, autant tu peux haïr la corruption de ton cœur. Autant de cruels despotes en guerre l’un contre l’autre se haïssent mutuellement, autant tu peux abhorrer tes ennemis spirituels. Autant l’enfer hait le ciel, et le ciel, l’enfer, autant il t’est permis de détester le mal. Cette passion de la haine, qui, dans son état de nature, ressemble à un lion furieux altéré de sang, tu dois la dompter et t’en rendre maître, jusqu’à ce qu’elle devienne à l’égard de tes semblables, comme un noble lion qui a perdu ses instincts féroces ; mais tu peux et tu dois la laisser assouvir toute sa fureur sur le grand ennemi de l’Éternel ton Dieu, c’est-à-dire, sur le péché. Montrez-moi un homme qui ne se mette jamais en colère : cet homme, je vous l’affirme, n’est point animé d’un zèle véritable pour le Seigneur. Il est bon que nous soyons parfois en colère contre le péché. Quand nous nous trouvons en présence du vice, nous devons être irrités contre lui, quoique pleins de charité envers ceux qui le commettent. L’iniquité, sous tous ses formes, doit toujours nous être odieuse. David ne s’écrie-t-il point, après avoir énuméré les crimes qu’il voyait autour de lui : « Je les ai haïs d’une parfaite haine ; je les tiens pour mes ennemis » ? (Psaumes 139.22) Nous devons aimer nos propres ennemis, mais haïr les ennemis de Dieu ; aimer l’âme pécheresse, mais haïr son péché. Autant qu’il est en la puissance de l’homme de haïr, ainsi devons-nous haïr le mal, quel qu’il soit et sous quelque aspect qu’il se présente à nous.

Ceci nous amène à observer le caractère absolu de mon texte. Il s’adresse à tous les enfants de Dieu, et il embrasse, non tels ou tels péchés particuliers, mais le mal dans son ensemble. On a dit, vous le savez, de certains prétendus dévots « qu’ils rachetaient leurs propres faiblesses en condamnant sans miséricorde celles du prochain. » Cela est vrai pour beaucoup de gens. Plus d’un de mes auditeurs, je n’en doute pas, considère les autres comme très coupables, parce qu’ils commettent des péchés que lui-même ne se soucie pas de commettre, tandis qu’il se montre plein d’indulgence à l’endroit de ses propres défauts. O chrétien, souviens-toi que nul mauvais penchant, nulle habitude coupable ne doit trouver grâce devant tes yeux. Ne tends jamais au mal une main bienveillante ; ne le touche qu’avec un gantelet d’acier. Ne parle jamais de lui avec ménagement, mais hais-le partout et toujours. S’il vient à toi comme un petit renard, tiens-toi sur tes gardes, autrement il gâtera tes raisins. S’il fond sur loi comme un lion rugissant, cherchant à te dévorer, ou s’il avance traîtreusement comme l’ours, feignant de vouloir t’embrasser, frappe-le, car son attouchement est la mort, et son étreinte la destruction. Tu dois combattre indistinctement tout péché de langue, de main ou de cœur. Qu’il soit doré par l’intérêt et le gain, ou voilé sous un semblant de moralité ; qu’il soit adulé par les grands ou encensé par la foule, le mal doit toujours être de ta part l’objet d’une haine implacable, d’une haine de tous les instants et de tous les lieux. Oui, guerre à outrance, guerre à mort contre le péché ! A toutes tes légions, ô enfer ! à tous tes rejetons, ô Satan ! nous devons jurer une inimitié éternelle ! Pas une seule convoitise ne doit être épargnée, mais contre le mal tout entier, nous devons poursuivre une guerre sans relâche, une guerre d’extermination. Vous qui aimez l’Éternel, haïssez le mal !

En essayant de traiter ce sujet, mes chers auditeurs, je me propose de diviser mes exhortations en deux parties. Premièrement, je vous dirai : Haïssez le mal en vous-mêmes ; et en second lieu : Haïssez le mal chez autrui.

I

Et d’abord, occupons-nous de ce qui nous touche de plus près. Chrétien, ai-je dit, tu dois haïr le mal en toi-même.

Et en vérité, tu as de bonnes raisons pour le haïr, — des raisons bien autrement puissantes que celles dont jamais opprimé a pu se servir pour excuser sa haine contre son oppresseur. Considère quel immense préjudice le péché t’a déjà causé. Oh ! quel monde de misères n’a-t-il pas créé dans ton cœur ! C’est le péché qui avait plâtré tes yeux, en sorte que tu ne pouvais voir la beauté de ton Sauveur ; c’est lui qui avait bouché tes oreilles, en sorte que tu ne pouvais entendre les douces invitations de Jésus. C’est le péché qui a guidé tes pas dans le sentier du mal et qui a rempli tes mains de souillures ; c’est lui qui a empoisonné la source même de ta vie, qui a vicié ton cœur, et l’a rendu rusé et désespérément malin par-dessus toutes choses. O croyant, songe à ce que tu étais, alors que le péché régnait sur toi et que la grâce de Dieu ne t’avait pas encore renouvelé. Tu étais un enfant de colère comme les autres ; tu courais avec la multitude pour mal faire ; ta bouche était un sépulcre ouvert ; tu flattais de ta langue, et tout ce qu’on peut dire aujourd’hui de tes semblables qui vivent loin de Dieu, s’appliquait autrefois à toi. Chrétiens, mes frères en la foi, j’en appelle à votre expérience : n’est-il pas vrai que vous ne différiez en rien du reste des hommes ? Mais vous avez été lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés, au nom du Seigneur Jésus et par l’Esprit de notre Dieu (1 Corinthiens 6.11). Oh ! que de sujets n’avez-vous pas de haïr le mal, pour peu que vous regardiez au rocher duquel vous avez été taillés et au creux de la carrière dont vous avez été tirés (Esaïe 51.1) ! Si grands étaient les ravages que le péché avait faits dans vos âmes, que ces âmes eussent été éternellement perdues si un tout puissant amour n’était intervenu pour les racheter. Enfants de Dieu, haïssez donc le mal. Il a été votre meurtrier ; il a plongé le poignard dans votre cœur ; il a mis du poison dans votre bouche ; il a tout fait pour vous précipiter en enfer ; il vous a causé un tel dommage, qu’une ruine éternelle en eût été l’inévitable conséquence sans la grâce du Seigneur Jésus. Voilà une première raison qui doit vous porter à haïr le mal.

Vous devez encore le haïr, ô disciples de Christ, vu le rang élevé que vous occupez dans le monde. Dans les veines d’un chrétien coule le sang royal de l’univers. Que les fils de mendiants errent çà et là, déguenillés et les cheveux en désordre, à la bonne heure ; mais convient-il à des princes du sang de courir les rues comme de jeunes vagabonds ? Ne serait-ce pas, je le demande, un spectacle de la plus haute inconvenance que de voir les enfants d’un monarque vêtus de haillons et se vautrant dans la boue ? Et toi, chrétien, tu fais partie de l’aristocratie du ciel ; tu es un prince de sang royal, ami des anges que dis-je ? ami de Dieu lui-même ! Par respect pour ta haute position, aie donc le mal en horreur. Souviens-toi que noblesse oblige. Tu es un Nazaréen consacré à Dieu, mis à part pour son service. Or, tu sais que la loi de Moïse défendait au Nazaréen, sous peine d’être tenu pour souillé, non seulement de boire aucune liqueur faite avec du raisin, mais même de goûter à rien de tout ce que la vigne rapporte, depuis les pépins jusqu’à l’écorcea. Ainsi dois-tu agir à l’égard du péché. Tu es le Nazaréen du Seigneur : c’est pourquoi, balance soigneusement le chemin de tes pieds. Evite jusqu’à l’apparence du mal. Détourne-toi de tout sentier oblique : ce serait déroger à ta propre dignité que de marcher comme le commun des hommes. Tu n’es pas tel que les autres ; tu es de plus noble race. Ta généalogie remonte en ligne directe au Fils de Dieu, car celui-là même qui est le Prince de paix est ton Père de toute éternité. Je t’en conjure, ne déshonore donc pas le nom illustre que tu portes, et conduis-toi d’une manière digne de ta royale extraction. Tu fais partie de la race élue, du peuple acquis, de la nation sainte : comment pourrais-tu donc souiller tes vêtements dans la fange de ce monde ? Vous qui aimez l’Éternel, haïssez le mal !

a – Voir Nombres ch. 6.

Un autre motif qui doit porter le croyant à haïr le péché, c’est que le péché l’affaiblit. En voulez-vous des preuves ? Allez, quand vous avez commis quelque acte de désobéissance envers Dieu, allez dans votre cabinet, et mettez-vous à genoux. Avant d’avoir péché, votre prière s’élevait, joyeuse et facile, vers le Seigneur, et les bénédictions que vous lui demandiez, descendaient sur vous, rapides comme l’éclair. Mais maintenant vos genoux sont relâchés et vos mains sont languissantes ; votre cœur est impuissant à désirer et votre langue se refuse à exprimer les faibles désirs que vous essayez de former. Vous cherchez la face de Dieu, mais en vain ; vous gémissez, mais le ciel semble fermé à votre cri ; vous pleurez, mais vous sentez que vos larmes ne tombent point sur le sein de Dieu. Vous portez vos besoins devant le Trône de Grâce, mais, hélas ! vous les remportez avec vous. Au lieu d’être pour vous le plus excellent, le plus doux des privilèges, la prière devient un pénible devoir. Tel est le résultat du péché. De deux choses l’une : ou le péché vous fera abandonner la prière, ou la prière vous fera abandonner le péché. Jamais, non, jamais, ô croyant, tu ne pourras être à la fois vaillant dans la prière et vaillant dans le péché. Aussi longtemps que tu caresseras un mauvais penchant, un interdit, une convoitise quelconque, la puissance de la prière te sera ôtée, et quand tu chercheras à t’approcher de Dieu, tes lèvres seront fermées. — Il en est de même pour l’activité extérieure. Après que tu as volontairement offensé ton Père céleste, va au milieu du monde et essaie de faire du bien. Tu n’en feras aucun, absolument aucun, te dis-je ! Tu as perdu tout pouvoir d’aider les autres à se purifier, étant toi-même impur. Eh quoi ? Je pourrais, avec des doigts souillés, laver le visage de mon prochain ? J’irais labourer le champ d’autrui, tandis que le mien est en jachères, et que les chardons et les ronces le couvrent ? Non, c’est impossible ! La première condition pour faire du bien aux autres, c’est de ne pas souffrir de mal en soi. Un pasteur peu diligent à travailler à sa propre sanctification, sera toujours un pasteur peu béni dans son ministère, et un chrétien infidèle sera toujours un chrétien stérile. C’est pourquoi, mon cher auditeur, à moins que tu ne souhaites que tes nerfs ne se relâchent et que la moelle de tes os ne se dessèche au dedans de toi ; à moins que tu ne désires que la sève de ta vie spirituelle ne tarisse dans sa source, je t’en supplie, hais le péché, car le péché peut tellement te débiliter et t’affaiblir, que ton âme deviendra un vrai squelette spirituel, et qu’elle traînera une misérable existence, au lieu de fleurir, joyeuse et prospère, dans les sentiers du Seigneur. Vous qui aimez l’Éternel, haïssez le mal.

Haïssez-le encore, par la raison que si vous vous y complaisez, vous aurez à en porter la peine. Jamais Dieu ne mettra à mort ses enfants ; il a déposé pour toujours, en ce qui les concerne, l’épée de sa justice, depuis l’heure mémorable où cette épée vengeresse s’enfonça tout entière dans le sein de Jésus. Mais Dieu a une verge, et il frappe de cette verge ses enfants rebelles, tellement que parfois les oreilles leur en tintent. Le Seigneur ne sera jamais courroucé contre ses élus au point de les rejeter, mais il peut l’être assez pour qu’ils aient lieu de s’écrier, tout éperdus : « Guéris-moi, ô Éternel ! et que les os que tu as brisés se réjouissent. » Ah ! vous connaissez sûrement la verge du Seigneur, chrétiens déchus, chrétiens infidèles, qui m’écoutez ; car lorsque les brebis de Christ s’enfuient loin du berger, le berger ne les laisse point périr, mais il permet à l’épreuve et à la douleur de fondre sur elles, afin que, meurtries et haletantes, elles retournent se réfugier dans son sein. Un véritable croyant, je le répète, ne sera jamais détruit, mais il peut tomber si bas qu’il se croira lui-même aux portes de l’enfer. La vie divine ne s’éteindra jamais complètement dans son âme, mais il peut se sentir tellement brisé et défaillant, qu’il saura à peine s’il respire encore. Oh ! chrétien, je te le dis, à moins que tu ne recherches l’affliction, hais le mal. Si tu veux semer de ronces ton sentier et garnir d’épines ton lit de mort, alors, vis dans le péché ; mais si, au contraire, tu désires que ton âme habite dès ici-bas les lieux célestes et que ton cœur retentisse par avance des mélodies éternelles du paradis, alors marche jusqu’à la fin dans les voies de la sainteté. — Oui, chrétiens, mes frères, dans votre propre intérêt, haïssez le mal.

Mais jusqu’à présent je ne vous ai présenté, pour ainsi dire, que des considérations égoïstes. Je vous ai exhortés à haïr le péché en vous signalant quelques-unes des funestes conséquences qui en résulteront pour vous. Maintenant j’arrive à un argument d’un ordre plus relevé. Chrétiens, vous dirai-je, haïssez le mal ; haïssez-le en vous-mêmes, parce qu’il fait du mal aux autres. Et d’abord, il en fait aux enfants de Dieu. Les infidélités d’un seul croyant nuisent à tout le corps de Christ. Les douleurs les plus cruelles qui aient assailli l’Église de Dieu lui sont venues de ses propres enfants. Je la vois, l’Épouse de l’Agneau, je la vois qui s’avance, couverte de boue et les vêtements déchirés. Ses mains sont ensanglantées et ses épaules couvertes de cicatrices. O Église du Dieu vivant, toi la plus belle des femmes, comment es-tu réduite à un si triste état ? D’où te viennent ces blessures ? qui t’a fait subir ces indignes traitements ? Est-ce l’incrédule qui t’a craché au visage ? Est-ce l’Arien qui a lacéré ta robe ? Est-ce le Socinien qui a souillé de fange a blancheur de tes vêlements ? Sûrement c’est l’impie ou le profane qui a ainsi meurtri tes mains ?… J’entends sa réponse. « Non, ces blessures m’ont été faites dans la maison de mes amis. Une secrète armure me met à l’abri des coups de mes adversaires, mais contre mes amis, je suis sans défense ; leurs traits pénètrent jusqu’à mon cœur… » Ah ! malheur à vous, prétendus chefs des armées de l’Éternel, indignes pasteurs des troupeaux de Christ, disciples infidèles du Rédempteur ! Malheur à vous, car vous faites plus de mal à l’Église que ne lui en ont jamais fait ses ennemis déclarés ! Si le christianisme n’était point une religion divine, protégée par la puissance de Dieu, sans contredit, il aurait cessé d’exister, simplement à cause des misères et des inconséquences de ceux qui se réclament de son nom. Je ne m’étonne nullement, pour ma part, que l’Église de Dieu ait survécu à la persécution et au martyre ; mais ce qui m’étonne, je l’avoue, c’est qu’elle ait survécu aux criantes infidélités, aux chutes scandaleuses de ses fils et de ses filles. Oh ! chrétiens, vous ne savez pas combien le nom de Dieu est blasphémé, combien vous affligez son corps et déshonorez son étendard, lorsque vous commettez l’iniquité ! Vous qui aimez l’Éternel, haïssez donc le mal !

Mais ne le haïssez pas seulement par amour pour l’Église, haïssez-le aussi par amour pour les pauvres pécheurs. Hélas ! qui pourrait dire combien d’âmes inconverties sont éloignées chaque année de toute pensée sérieuse par la conduite des chrétiens ? Et n’avez-vous pas remarqué, mes chers auditeurs, quelle vive jouissance le monde éprouve à enregistrer les manquements de ceux qui font profession de piété ? Pas plus tard qu’hier je lisais sur un journal quelques lignes relatives à un misérable, traduit devant les tribunaux pour cause d’adultère, et le rédacteur de l’article remarquait plaisamment que cet homme « avait un air de haute sainteté. » Voilà bien, pensai-je, un de ces coups détournés que la presse incrédule aime tant à nous lancer. Je ne sais trop, soit dit en passant, si, en matière de sainteté, l’opinion des journalistes mérite une grande confiance ; en tous cas, j’imagine que ces messieurs auraient longtemps à chercher dans leurs rangs avant de pouvoir nous montrer un saint … Quoi qu’il en soit, au dire de l’un d’entre eux, le vil criminel dont je viens de parler, avait « un air de haute sainteté, » et il va sans dire que ces paroles étaient un trait dirigé contre tous les chrétiens, puisqu’elles semblaient donner à entendre que cet homme était un des leurs. Mais tout en protestant contre de semblables attaques, nous devons reconnaître, mes chers amis, que le monde a bien des sujets de mal parler de nous. Que de chrétiens de profession ne voit-on pas, en effet, tous les jours, déshonorer le christianisme de la manière la plus grave ? Il s’accomplit des choses au nom de Jésus-Christ qu’il serait honteux de faire, je ne crains pas de le dire, au nom de Béelzébul ; il y a des actes si abominables commis par des gens qui se disent membres de l’Église de Dieu, qu’en vérité je me demande si les démons eux-mêmes n’en rougiraient point ! Oui, les gens du dehors ont eu de graves motifs pour attaquer l’Église. Enfants de Dieu, soyez donc sur vos gardes. Le monde a un œil de lynx. Quoi que vous fassiez, il apercevra vos chutes ; bien plus, il les grossira, et s’il ne peut vous surprendre en faute, il aura recours à la calomnie. Mais puisque vous ne pouvez espérer d’échapper à sa malice, efforcez-vous du moins de ne point y donner prise. Que vos vêtements soient blancs en tout temps (Ecclésiaste 9.8). Marchez dans la crainte de l’Éternel, et que la prière du Psalmiste devienne votre prière de chaque jour : « Soutiens-moi, et je serai en sûreté (Psaumes 119.117).

Enfin, j’ai à vous présenter un dernier argument, qui ne peut manquer, ce me semble, de toucher vos cœurs et de vous inspirer une haine profonde à l’égard du péché. Vous avez un ami, le meilleur ami que vous ayez jamais eu. Je le connais, je l’ai aimé et il m’a aimé. Un jour que j’errais, seul et pensif, dans la campagne, je me trouvai tout à coup dans un endroit qui restera pour toujours gravé dans mon souvenir, car là je vis cet ami — mon meilleur, mon unique ami — étendu mort à mes pieds ! Le cœur plein d’un douloureux effroi, je me baissai et le regardai… Il avait été lâchement assassiné ! Je vis que ses mains et ses pieds avaient été percés de clous. Sur son visage glacé par la mort, était empreinte une angoisse si terrible, que je pouvais à peine en supporter la vue. Son corps était amaigri par le jeûne, son dos était sillonné de plaies sanglantes. Une ligne de blessures ceignait son front : évidemment de cruelles épines l’avaient meurtri. Je frémis d’indignation, car je savais tout ce que valait cet ami. Jamais il ne s’était trouvé aucun mal en lui. Il était pur parmi les purs, saint parmi les saints. Qui donc avait osé lever la main sur lui ? Il n’avait jamais nui à personne. Pendant toute sa vie, il était allé de lieu en lieu en faisant le bien ; il avait guéri les malades, rassasié les affamés, ressuscité les morts : pour laquelle de ces œuvres lui avait-on ôté la vie ? Son existence tout entière n’avait été qu’amour. Et tout en considérant ce pâle et morne visage, si plein à la fois de poignante douleur et d’ineffable amour, je me demandais avec étonnement quels pouvaient être les misérables assez vils pour avoir osé le frapper ? « Où demeurent ces traîtres ? m’écriai-je ; « qui me dira où je pourrai les trouver ? Où se cachent-ils les infâmes qui ont percé les mains d’un être tel que celui-là ? Eussent-ils mis à mort un tyran, on aurait pu leur pardonner. Eussent-ils tué un de ces êtres dégradés qui se plongent dans le vice et l’infamie, on aurait pu avoir quelque indulgence pour leur forfait. Eussent-ils choisi pour leur victime un meurtrier, un rebelle, un conspirateur, on aurait pu dire : « Enterrez son corps : justice a été faite ! » Mais lorsque tu fus mis à mort, toi, mon plus cher, mon unique ami, oh ! quel attentat ! quel crime sans pareil !… Où sont-ils les monstres qui ont fait couler ton sang ? Que ne puis-je m’emparer d’eux et leur faire expier leur forfait ! Oh ! quelle jalousie, quelle indignation, quelle colère je ressentais ! Mais voici, comme je me penchais de nouveau sur ce corps inanimé, un bruit de pas frappe mon oreille. Etonné, je me relève, j’écoute : le même bruit se fait entendre… Plus de doute, le meurtrier est près ! J’avançai en tâtonnant (car il faisait sombre), espérant à tout moment mettre la main sur le traître. Mais, chose étrange ! quoique je distinguasse toujours le son des pas, de quelque côté que j’étendisse la main, je ne rencontrais que le vide… Alors la vérité se fit jour dans mon âme ; mes yeux se dessillèrent, et plaçant la main sur ma propre poitrine : « Ah ! je te tiens enfin ! » m’écriai-je avec amertume, car je venais de découvrir, hélas ! que le meurtrier était dans mon cœur, qu’il habitait les replis les plus secrets de mon être ! Oh ! alors, comme je pleurai ! comme je me frappai la poitrine en contemplant les restes sanglants de mon Maître et en songeant que son bourreau c’était moi, c’était mon péché ! Quels remords, quelle profonde componction n’éprouvai-je pas lorsque, agenouillé près de son corps, je chantai cette hymne plaintive :

O Jésus, mon ami fidèle,
C’est moi qui te brisai le cœur !
C’est moi qui d’une main cruelle
Perçai la main de mon Sauveur !…

Vengeance ! vengeance ! O vous tous qui craignez l’Éternel et qui aimez son nom, vengez-vous du péché et haïssez le mal !

Et maintenant, mes chers auditeurs, je désire vous donner quelques avis relativement à cette lutte constante que le chrétien est appelé à soutenir contre le mal. Il s’agit, vous le savez, de faire mourir en nous le vieil homme et ses convoitises : mais quel moyen employer pour atteindre ce but ? Voici le glaive de la loi : aurons-nous recours à lui ? Hélas ! les coups de Moïse seront toujours impuissants pour mettre à mort le péché. La loi et ses terreurs, bien loin d’amollir l’âme, ne font, en général, que l’endurcir. J’ai souvent essayé, pour ma part, de triompher du péché en pensant au châtiment qui en est la suite ; mais je déclare que cette considération n’a pu que très rarement m’arrêter dans la voie du mal. Je suis persuadé que les menaces de la loi, toutes formidables qu’elles sont, ne possèdent que fort peu de puissance pour dompter le cœur et le faire renoncer à ses convoitises. Il y a plus : j’affirme que trop souvent ces menaces ont pour effet de cautériser la conscience, et que le pécheur finit par trouver je ne sais quelle âpre volupté à braver le châtiment. Aussi, ne conseillerai-je jamais à une âme qui désire être délivrée de ses péchés, de méditer continuellement sur la peine qui leur est due. Qu’elle essaie plutôt d’une autre méthode. Qu’elle aille s’asseoir au pied de la croix et qu’elle puise dans la contemplation du sacrifice expiatoire que Christ a accompli pour elle, une repentance selon l’Évangile. Je ne connais point d’autre remède contre le péché qu’une communion habituelle avec Jésus. Vivez avec lui, et il vous sera impossible de vivre avec le mal. Quoi ! mon Seigneur Jésus, se pourrait-il que je me prosternasse au pied de l’arbre maudit, que je visse ton sang couler goutte à goutte pour expier mes transgressions, et qu’ensuite j’allasse de nouveau me plonger dans l’iniquité ? Hélas ! oui, cela se pourrait, car il n’est aucune énormité dont une créature aussi vile que moi ne soit capable ; toutefois, s’il est un moyen par lequel je puisse arriver à surmonter les tentations, s’il est une entrave que je puisse opposer efficacement dans mon âme au courant fatal du péché, c’est de me nourrir constamment de cette pensée : Jésus a vécu et il est mort pour moi.

Un second avis que je vous donnerai, est celui-ci : Si vous voulez combattre victorieusement le péché, ne craignez point que le grand jour règne dans votre cœur. Quand la ménagère nettoie sa maison, si les rideaux sont baissés, elle croit que tout est propre autour d’elle ; mais si elle entr’ouvre la fenêtre et qu’un rayon de soleil se glisse dans la chambre, aussitôt elle voit dix mille grains de poussière tourbillonner çà et là. « Ah ! pense alors la maîtresse du logis, ma chambre n’est point aussi propre que je l’imaginais ; voici de la poussière que je n’avais pas vue ; et elle se remet au travail avec une nouvelle ardeur. Faites de même, mes bien-aimés. Ne vous contentez pas d’être éclairés par le misérable lumignon de votre propre jugement, mais ouvrez votre cœur au brillant soleil du Saint-Esprit, afin qu’à sa vive lumière vous puissiez découvrir tous vos péchés. Souvenez-vous qu’un péché connu est un péché à moitié vaincu. Recherchez donc le grand jour, et faites en sorte qu’aucune des taches de votre âme ne reste dans l’ombre.

Observons, en outre, que celui qui désire être débarrassé du mal, ne doit pas se borner à le contenir dans certaines limites, mais qu’il doit aspirer à ce que le Saint-Esprit l’extirpe entièrement de son cœur. Vous savez que les simples moralistes s’efforcent de réprimer leurs passions, absolument comme on interrompt le cours d’une rivière à l’aide de digues et de chaussées : l’eau est refoulée pendant quelque temps, il est vrai, mais elle grossit, grossit toujours jusqu’à ce qu’enfin elle déborde avec furie. Je le répète, ne vous bornez pas à comprimer votre corruption naturelle, car, quoique vaincue en apparence, elle pourrait tout à coup éclater avec une nouvelle force ; mais plutôt demandez à Dieu de la tarir dans sa source. Et quoique, hélas ! de ce côté-ci de la tombe, le lit de ce torrent dévastateur qui a nom le péché restera toujours creusé dans votre âme, cependant le torrent lui-même peut être desséché, comme les eaux de l’Euphrate, devant la face de l’Éternel notre Dieu.

Un autre conseil. Lorsque vous avez commis une faute quelconque, confessez-la à Dieu tout d’abord ; puis, que cette faute vous porte à vous examiner vous-mêmes et à rechercher tous vos autres manquements. Jamais David n’écrivit une confession aussi humble et aussi complète de ses transgressions qu’après sa lourde et mémorable chute (Psaume 51). Ce fut pour lui une occasion de sonder son cœur, et ayant reconnu à quel point ce cœur était vil, corrompu, misérable, il exhala ses sentiments d’humiliation en faisant un aveu général de ses iniquités. Quand tu découvres un péché en toi, mon cher auditeur, sois sûr que d’autres ne sont pas loin, car Satan n’envoie jamais ses émissaires que par bandes. Quand donc tu t’approcheras de Dieu pour lui confesser un péché spécial, n’oublie point de dérouler en même temps devant lui toutes les misères de ton âme, et tandis que tu regardes principalement à celui-ci, aie soin d’avoir aussi l’œil ouvert sur celles-là. Ne te contente pas de terrasser une convoitise ou une tentation, mais efforce-toi de blesser mortellement tous tes péchés et de les mettre en déroute.

C’est ici le lieu d’observer qu’il est certains péchés par lesquels le chrétien se laissera sûrement séduire, à moins qu’il n’ait le soin de les dépouiller de leurs déguisements. Quelquefois, le mal se présentera à vous enveloppé dans une robe de Scinhar, comme le lingot d’or dérobé par Achan : déployez cette riche enveloppe, et vous verrez l’interdit qui y était cachéb. D’autres fois, comme dans, le cas du roi Saül, il se déguisera habilement en respect pour le Seigneur et en zèle pour son service ; mais arrachez-lui son masque, et vous reconnaîtrez qu’aux yeux de Dieu la résistance est autant que les idoles, et la rébellion autant que le sortilègec. Le péché fait comme Jézabel : il oint sa tête et farde son visage, afin de trouver grâce auprès de nous. Que dis-je ? il se déguise parfois en ange de lumière. Chrétien, ne te laisse point prendre à ses artifices. Démasque-le, vois sa laideur, contemple sa difformité, méprise le salaire que peut-être il fait briller à tes yeux, dépouille-le de ses appas trompeurs, et lorsqu’il t’apparaîtra dans toute sa hideuse nudité, tu auras moins de peine à te défendre contre lui. Un mot encore à mes frères en la foi. Dans vos moments de plus haute spiritualité, de plus intime communion avec Dieu, leur dirai-je, essayez de vous faire une juste idée de toute l’énormité du péché. Ce n’est point lorsque vous êtes dans un état de relâchement et d’infidélité que vous pouvez juger sainement le mal. Un plongeur pourrait avoir mille tonnes d’eau au-dessus de sa tête qu’il n’en sentirait pas le poids, parce que l’eau l’environne ; mais qu’il revienne à terre et qu’on lui mette seulement quelques seaux d’eau sur les épaules, et il en sera écrasé. De même, si vous êtes, pour ainsi dire, plongés dans le péché, vous ne sauriez en sentir le poids ; mais quand vous serez sortis de cet élément impur, que le sang de l’aspersion aura purifié votre âme, et que l’Esprit de sainteté vous aura relevés de votre chute, alors efforcez-vous de réaliser le poids énorme de votre culpabilité. Cela vous aidera à haïr et à surmonter le mal.

b – Voir Josué ch. 7.

c – Voir 1 Samuel ch. 15.

A l’égard de péchés d’une certaine nature, le meilleur conseil que je puisse vous donner, est celui-ci : Si vous voulez les vaincre, fuyez-les. Les convoitises de la chair, entre autres, ne doivent jamais être combattues, si ce n’est à la manière de Joseph ; or, vous savez ce que fit Joseph : il s’enfuit. Un célèbre philosophe met dans la bouche de Mentor ces mots bien connus : « Fuis, fuis, Télémaque ! tu n’as d’autre salut que dans la fuite ! » A mon tour, je te dirai, mon cher auditeur : Fuis, fuis ! car dans le cas particulier qui nous occupe, la fuite est le premier des devoirs. Les vrais soldats de la croix lutteront corps à corps avec tout autre péché ; mais, en présence de celui-ci, ils tournent le dos et s’enfuient, en sorte qu’ils sont plus que vainqueurs. Fuyez la fornication, a dit la sagesse divine (1 Corinthiens 6.18). Si donc une tentation de ce genre t’assaille, ferme tes yeux, bouche tes oreilles, et t’enfuis au plus vite, car tu ne seras en sûreté que lorsque tu seras loin.

Enfin, vous qui aimez l’Éternel, si vous désirez être victorieux du mal, recherchez sans cesse une nouvelle onction du Saint-Esprit. Qu’un seul jour ne se passe pas sans que vous alliez puiser à la source des eaux vives la nouvelle mesure de grâces dont vous aurez besoin pour accomplir les devoirs de la vie active. Nous ne sommes jamais en sûreté qu’entre les mains du Seigneur. Il n’est pas un seul chrétien — si avancé qu’il soit dans la piété, ou si renommé qu’il puisse être par sa vigilance et son esprit de prière — non, je l’affirme, il n’est pas un seul chrétien dans le monde qui pût subsister un seul jour sans faire de lourdes chutes, à moins que l’Esprit de Dieu ne soit son protecteur. Un ancien écrivain a dit excellemment : « Ferme ton cœur tous les matins par la prière et remets-en la clef à ton Père céleste, en sorte que rien n’y puisse entrer ; puis, le soir venu, ouvre-le, et il s’en exhalera un doux parfum d’amour, de joie et de sainteté. » Croyant, retiens bien ceci : Ce n’est que par l’Esprit de Dieu que tu peux triompher du péché.

Une dernière remarque. Evitez les prédicateurs qui s’efforceraient en quelque manière d’excuser ou de pallier le mal. Evitez soigneusement aussi toute conversation et toute lecture qui tendraient à vous présenter les péchés des enfants de Dieu comme étant de peu d’importance. Je connais de soi-disant chrétiens qui parlent de leurs chutes, de leurs infidélités, de leurs transgressions comme s’ils en étaient fiers, et qui semblent en vérité les considérer comme leurs expériences les plus bénies. Semblables à ce chien de la fable, auquel on avait mis une cloche au cou parce qu’il était dangereux et qui paraissait en tirer vanité, ces personnes s’enorgueillissent de ce qui est leur confusion. Les orties sont de trop partout, mais nulle part elles ne sont plus mal placées qu’au milieu d’un parterre ; de même, le péché est odieux partout, mais nulle part autant que chez le chrétien. Si, en rentrant aujourd’hui dans vos demeures, vous voyiez un enfant qui s’amusât à casser les vitres à coups de pierre, assurément vous lui adresseriez des remontrances ; mais si le jeune coupable était votre propre fils, n’est-il pas vrai que vous le châtiriez sévèrement, justement parce qu’il est votre fils ? Ainsi agit le Seigneur à l’égard de son peuple. Quand les mondains font le mal, il les reprend ; mais quand ses enfants pèchent, il les frappe. Il ne fermera jamais les yeux sur les fautes de sa propre famille ; il ne les laissera point impunies. O vous qui craignez l’Éternel, gardez-vous de tolérer le péché en vous-mêmes, car Dieu, lui, ne le tolérera point. Haïssez le mal, car il le hait, lui, d’une parfaite haine.

II

J’arrive à la seconde partie de mon sujet. Si le chrétien doit haïr le péché en lui-même, il doit aussi, avons-nous dit, le haïr chez les autres. Notez bien que je ne vous dis pas de haïr les autres, mais de haïr leurs péchés, ce qui est tout différent. Comme je me suis longuement étendu sur le premier point, je dois me borner à vous présenter sur celui-ci deux ou (rois réflexions pratiques.

Et d’abord, si vous haïssez le mal chez autrui, vous ne devez jamais le traiter légèrement, encore moins avoir l’air de l’approuver. Souvent un chrétien fait plus de mal qu’il ne pense par un simple sourire. Un jeune homme a peut-être raconté devant vous quelques incidents plus ou moins scandaleux de sa vie. Vous étiez en chemin de fer ou dans un lieu public : par conséquent vous ne pouviez éviter de l’entendre. Il a été fort spirituel, et vous avez souri à ses traits d’esprit. Ce jeune homme vous connaît ; il sait que vous faites profession de piété ; aussi pense-t-il avoir obtenu un beau triomphe : n’a-t-il pas réussi à faire rire un chrétien en lui parlant du péché ? — Ou bien, vous avez entendu des incrédules tenir des propos malséants, libres, profanes. Dans le secret de votre cœur, vous en avez été révolté ; ces discours ont blessé vos oreilles, mais vous êtes resté tranquillement à votre place, et les personnes présentes se sont dit entre elles : « Ah ! voilà bien ces prétendus dévots ! Avez-vous vu comme il écoutait ? Il ne perdait pas un mot de la conversation. Evidemment, il y prenait plaisir. Et, sur-le-champ, on place ces entretiens déshonnêtes sous, le sceau de votre approbation… Oh ! mes frères bien-aimés, je vous en supplie, veillez sur vous-mêmes à cet égard. Où que vous soyez, conduisez-vous de manière à faire comprendre à tous que non seulement vous n’aimez pas le péché, mais que vous l’avez en horreur. Que les mondains ne disent pas simplement à votre sujet : « Ils semblent ne pas avoir de goût pour nos entretiens et nos plaisirs, » mais qu’ils sachent positivement que vous les détestez, que vous les haïssez, que vous n’avez ni sourire, ni indulgence pour le mal, mais seulement de l’indignation. Au siècle dernier, il était de bon ton de se livrer à certains vices qu’aujourd’hui nous regardons avec dégoût, et dans cent ans, je l’espère, des actes dont on n’a pas honte aujourd’hui seront flétris par l’opinion publique comme étant souverainement odieux et méprisables. Mais, en attendant, montrez que vous du moins, enfants de Dieu, vous n’excusez aucun péché et que vous ne traitez légèrement aucune violation de la loi divine.

Mais là ne se borne pas votre devoir. Lorsque vous y serez appelés (et cela peut, arriver très souvent), ne manquez pas de protester ouvertement contre le mal. Un silence coupable vous fait participer en quelque mesure aux mauvaises actions des pécheurs. Si un soir, en rentrant chez moi, je voyais un malfaiteur forcer votre maison, et qu’au lieu de donner l’alarme, je m’esquivasse tout doucement, laissant le voleur exécuter en paix ses coupables desseins, ne serais-je point, en quelque sorte, complice de son crime ? De même, si vous trouvant dans une société où il se tient de mauvais discours et où l’on, blasphème le nom de Christ, vous ne dites pas un mot en faveur de votre Maître, je vous le demande, ne commettez-vous pas un péché des plus graves, et par votre silence, ne devenez-vous pas en réalité complices des blasphémateurs ? Croyants, qu’une telle lâcheté ne soit point la vôtre. Parlez hardiment pour votre Seigneur et Maître. Peut-être le monde vous traitera-t-il de Puritains ? Mais qu’importe, je vous prie ? C’est un grand et beau nom que celui-là : honneur à ceux qui le méritent ! — Peut-être dira-t-on que votre piété est trop rigide ? Et qu’importe encore ? Il est fort heureux, en vérité, qu’il y ait des chrétiens trop rigides, quand il y en a tant de trop relâchés. — Il se peut aussi que les mondains ne vous reçoivent plus dans leur société ; mais tout bien compté, au lieu d’être une perte, ne serait-ce pas un grand gain pour vous ? Et quand même on vous calomnierait, mes bien-aimés, quand même on vous abreuverait d’injures et d’outrages, ne savez-vous pas que nous devons nous réjouir et tressaillir de joie lorsqu’on dira faussement contre nous toute sorte de mal, à cause du Fils de l’Homme ? (Matthieu 5.11-12) Arrière donc toute lâche timidité ! Quand nous devons parler, parlons hardiment, et forçons le péché à rougir en notre présence.

Mais cette protestation ouverte et publique ne suffit pas ; nous devons aussi, quand l’occasion s’en présente, avertir en particulier le pécheur. On m’a raconté dernièrement un fait, bien digne de l’imitation de tous les chrétiens. Un homme pieux qui se trouvait dans un établissement public, entendit un étranger prendre le nom de Dieu en vain. Aussitôt il va l’accoster et lui demande poliment s’il pourrait lui dire quelques mots en particulier. « Certainement, répond l’étranger ; passons dans cette salle. » Dès qu’ils furent seuls, l’homme pieux dit à l’autre : « J’ai remarqué avec peine, cher monsieur, que vous prenez le saint nom de Dieu en vain. Je suis assuré à l’avance que vous excuserez mes remarques sur ce sujet. Je n’ai pas voulu les faire en présence de témoins, mais je tiens à vous dire que c’est un grand péché de prononcer ainsi le nom du Seigneur à la légère et que certainement il ne peut vous en arriver que du mal. Ne pourriez-vous pas dorénavant renoncer à cette coupable habitude ? » L’avertissement fut reçu avec reconnaissance. L’étranger remercia son interlocuteur, parla de sa première éducation qui avait été fort défectueuse, et exprima l’espoir que cette leçon lui serait utile. — Ne pensez-vous pas, mes frères, que si nous agissions tous comme le digne chrétien dont je viens de parler, nous pourrions faire beaucoup de bien ? Et ne croyez-vous pas qu’en négligeant le devoir de la répréhension individuelle, nous laissons échapper de précieuses occasions de témoigner notre haine contre le péché ? Ah ! si nous étions plus fidèles, Satan trouverait en nous de plus rudes adversaires, et partout où nous le découvririons, nous serions trop heureux de l’assaillir de nos traits.

Mais avant tout, mes chers amis, n’oubliez pas, comme je vous l’ai déjà dit dans une autre partie de ce discours, que si vous haïssez le mal chez les autres, vous devez prendre garde de ne point le chérir en vous-mêmes ; car à quoi bon, je le demande, signaler au prochain la paille qui est dans son œil, tandis qu’on a soi-même une poutre dans le sien ? Vous connaissez le vieux proverbe : « Médecin, guéris-toi toi-même. » Commencez tout d’abord par vous guérir de vos propres infirmités, après quoi vous pourrez chercher, tant qu’il vous plaira, à guérir les infirmités d’autrui. Reprenez votre prochain, rien de mieux ; mais efforcez-vous auparavant de régler votre conduite d’après la loi de l’Évangile.

Et maintenant, mes frères bien-aimés, vous tous qui aimez le Sauveur, laissez-moi vous exhorter en terminant à former contre le mal une sainte alliance et à travailler d’un commun accord au renversement de son empire. Pour cela, joignez-vous de cœur et de main à tout homme (sous quelque dénomination qu’il se range) qui hait et combat le péché. Encouragez toute société qui, d’une manière ou d’une autre, s’efforce de faire du bien. Que ce programme soit le vôtre : « Ne rien élever que Christ, ne rien abaisser que le mal. » Aidez tous chrétiens répandus sur tout le globe ; mais pour ma part, je crois en vérité que les cent vingt disciples, réunis dans la chambre haute de Jérusalem le jour de la première Pentecôte, valaient plus, à eux seuls, que la totalité des chrétiens de nos jours ! Oui, je dis ceci très sérieusement, je crois que dans ces cent vingt personnes, il y avait plus de sang divin et d’ardeur chrétienne, qu’il n’y en a chez cent vingt millions de pauvres créatures lâches et dégénérées, telles que nous. Ah ! qui nous rendra les jours bénis de la primitive Église ! Alors chaque chrétien était un missionnaire. Les femmes ne prêchaient pas, il est vrai, mais elles faisaient mieux : elles vivaient l’Évangile. Les hommes, eux, l’annonçaient en temps et hors de temps. Ils ne se déchargeaient pas comme vous, de ce soin, sur leur conducteur spirituel, et ne se bornaient pas à servir Dieu par procuration. Ils n’établissaient pas des diacres, afin de leur laisser faire toute l’œuvre de Dieu pendant qu’eux-mêmes se croisaient les bras. Ils ne choisissaient point dans leur nombre (comme cela se pratique aujourd’hui) un ou deux combattants qu’ils plaçaient au plus fort de la mêlée, laissant les autres se reposer pendant la lutte, et puis, se partager les dépouilles. Oh ! non ; tous les soldats de Christ marchaient au combat ; chacun faisait son devoir, et grande était la victoire. A l’œuvre donc, chrétiens, mes frères bien-aimés ! A l’œuvre en tout temps ! A l’œuvre jusqu’au dernier ! O Esprit du Dieu vivant ! Viens embraser les cœurs, en sorte que tous les soldats de la croix, pleins d’un saint zèle pour ton service, s’élancent à la victoire ! Quand les enfants de Sion sentiront la responsabilité qui pèse sur chacun d’eux, alors viendra pour elle le jour du triomphe. Alors les murs de Jéricho s’écrouleront et à tout soldat du Dieu vivant sera donnée la couronne des vainqueurs. O vous qui aimez l’Éternel, haïssez le mal, dès maintenant et à jamais !

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