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La première prière de saint Paul

Car voilà, il prie.

(Actes 9.11)

Le Seigneur a bien des manières d’éteindre la persécution. Jamais il ne souffrira que son Église soit vaincue par ses ennemis ou anéantie par ses adversaires ; et les moyens ne lui manquent pas pour détourner les coups des méchants, ou même, au besoin, pour renverser leurs desseins de fond en comble. Parmi ces moyens, il en est deux qu’il emploie d’ordinaire : il confond le persécuteur, ou bien, dans sa miséricorde, il le convertit. Tantôt le Dieu fort sème le trouble et la confusion dans le camp de ses ennemis ; il frappe de vertige les enchanteurs et d’impuissance les magiciens ; à celui qui ose lui faire la guerre, il permet de courir à sa perte ; puis il jette un regard de triomphante dérision sur le misérable insensé qui avait espéré de dire Aha ! à l’Église de Dieu (Psaumes 35.21). Mais parfois aussi il convertit le persécuteur ; d’un antagoniste déclaré, il se fait un ami ; d’un fougueux adversaire de l’Évangile, il fait un ardent soldat de la croix. Du sein des ténèbres, il tire la lumière ; de celui qui dévorait, il fait sortir le miel ; des cœurs les plus durs, il suscite des enfants à Abraham. Tel fut le cas de Saul, de Tarse. Un fanatique plus exalté ne saurait se concevoir. Le sang du fidèle Etienne avait rejailli sur lui ; car si complaisante, si officieuse était sa cruauté, que tandis qu’on lapidait le premier martyr, il gardait les vêtements de ses bourreaux. Vivant à Jérusalem, élève dans la savante école de Gamaliel, Saul se trouvait journellement en contact avec les disciples de l’Homme de Nazareth. En rencontrait-il dans les rues, il les insultait et les couvrait d’injures ; bien plus : il obtint contre eux des mandats d’arrêt et les fit mettre à mort. Et maintenant, pareil à une bête féroce qui a goûté le sang, le jeune Pharisien ne respire plus que carnage ; sa fureur est à son comble ; et, pour couronner dignement son œuvre homicide, il part pour Damas, afin de se saisir de tous les chrétiens, soit hommes, soit femmes, qu’il trouvera dans cette ville ; il les amènera liés à Jérusalem, et assouvira la soif sanguinaire qui le dévore, en leur faisant subir la peine due, suivant lui, à leur abominable hérésie. Mais, ô merveille de la puissance de Dieu ! Jésus arrête ce forcené dans sa course insensée. Juste au moment où, la lance en arrêt, il va fondre sur Christ, Christ le rencontre, le terrasse, le renverse, puis lui adresse cette question : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » Ensuite, ce charitable Sauveur daigne lui ôter son cœur rebelle ; il lui donne un nouveau cœur et un esprit droit, — change complètement ses vues et ses projets, — le conduit à Damas, — le tient prosterné à ses pieds pendant trois nuits et trois jours, — parle à son âme, — lui fait entendre des sons mystiques, des paroles ineffables, — embrase son cœur tout entier de la sainte flamme de l’amour ; et lorsque enfin le futur Apôtre des Gentils, sortant de sa longue extase, commence à prier, Jésus descend aussitôt du ciel, apparaît en vision à Ananias, et lui dit : « Lève-toi, et t’en va dans la rue appelée la Droite, et cherche dans la maison de Judas, un nommé Saul de Tarse ; car voila, il prie. »

Ces dernières paroles, mes frères, sont d’abord l’annonce d’un fait de haute importance : « Voilà, il prie ! et, en second lieu, un argument présenté par le Seigneur à Ananias : « Car voilà, il prie. — Je me propose de considérer tour-à-tour mon texte sous ces deux aspects ; ensuite j’essaierai d’en faire L’application à vos cœurs : il est vrai, qu’à bien parler, Dieu seul peut accomplir cette dernière tâche ; toutefois, j’ose espérer qu’il voudra bien se servir de la prédication de ce jour, pour vous disposer à recevoir les instructions que sa Parole va vous donner.

I

Je le répète, ces mots du Seigneur à Ananias : « Va et cherche un nommé Saul, de Tarse, car voilà, il prie ; » étaient l’annonce d’un fait de haute importance. Et remarquez, en premier lieu, que ce fait était connu de Dieu lui-même : Saul fut conduit par l’influence de l’Esprit saint à désirer la grâce divine ; et du moment qu’il commença à prier, Dieu commença à écouter sa voix. N’avez-vous point été frappés, mes chers amis, en lisant les paroles du Seigneur à Ananias, des détails si minutieux dans lesquels il entre relativement à Saul ? Evidemment celui-ci était l’objet de son intérêt tout particulier. Jésus connaît la rue où il loge : « Va dans la rue appelée la Droite. » Il connaît la maison où il habite : « Cherche dans la maison de Judas. » Il sait son nom, il sait même de quel pays il est originaire : « Cherche un nommé Saul, de Tarse. » Enfin, il sait qu’il est présentement en prière : « Voilà, il prie. — Oh ! qu’elle est réjouissante la pensée que Dieu s’occupe ainsi avec la plus tendre sollicitude de toute âme qui s’approche de lui ! Voici un pauvre pécheur, contrit et humilié ; il se retire dans la solitude de sa chambre, il fléchit le genou devant Dieu ; l’angoisse de son cœur brisé ne se traduit peut-être que par des larmes et des soupirs… Mais, ô prodige ! ces soupirs de contrition ont fait vibrer toutes les harpes du paradis ! ces larmes de repentir ont été recueillies par le Seigneur et seront conservées à toujours dans l’urne lacrymatoire du ciel ! Le plus humble suppliant, celui-là même qui n’ose formuler une requête, est compris par le très Haut. Il peut n’offrir à Dieu qu’une larme furtive, qu’une larme timide, mais qu’importe ? une larme n’est-elle pas souvent la plus éloquente des prières ? Les larmes d’une sincère pénitence sont les diamants du ciel. Les gémissements de cœurs humiliés viennent se joindre, comme autant de notes mélodieuses, à la sublime harmonie qui retentit nuit et jour devant le trône de Jéhovah. — Oh ! mes bien-aimés, ne comprenez-vous pas tout ce qu’il y a de doux et d’encourageant dans la pensée que Dieu prend garde aux prières des fils des hommes ? Peut-être quelques-uns de vous se sont-ils dit plus d’une fois : « Sûrement, je suis un être trop insignifiant, trop coupable et trop vil pour que Dieu daignât faire attention à moi, alors même que j’essaierais de chercher sa face. » Mes amis, chassez loin de vous des idées aussi impies, — aussi païennes, dirai-je. Notre Dieu n’est pas un Dieu qui vit plongé dans un songe perpétuel, ou qui s’enveloppe d’épaisses ténèbres, en sorte qu’il ne puisse voir. Il n’est pas comme Bahal, qui n’entend point. Il se peut, il est vrai, que les batailles, le tumulte de ce monde le laissent indifférent ; il ne se soucie ni de la pompe ni du fastueux étalage des rois ; il ne prête point l’oreille aux bruyantes fanfares de la musique guerrière, et détourne ses yeux des scènes de triomphe et de gloire humaine. Mais partout où un cœur souffre et gémit ; partout où un œil s’élève au ciel, voilé de pleurs ; partout où des lèvres tremblantes murmurent une prière ; partout où retentit un amer soupir ou un sanglot de componction, — là Jéhovah prend plaisir à regarder. Il s’approche ; il prête l’oreille ; il inscrit les prières de l’âme pénitente dans son registre ; il les dépose, comme des fleurs sèches, dans son livre de mémoire, et quand, au dernier jour, le livre sera ouvert, il s’en exhalera un suave parfum. — Aie donc bon courage, pauvre pécheur qui te repens ! Fusses-tu même le plus indigne, le plus vil des criminels, le Seigneur entend ta requête, et il dit de toi ce qu’autrefois il disait de Saul de Tarse : « Voilà, il prie ! » Où as-tu prié ce matin, mon frère ? Est-ce dans une grange ? ou dans ton cabinet ? ou à côté de ton lit ? ou bien peut-être dans ce lieu de culte ? Je ne sais, mais Dieu le sait ! — Et à présent encore ton œil humide ne s’élève-t-il pas vers le ciel ? Dis, pauvre cœur troublé, n’entends-je pas sortir de les lèvres, en cet instant même, ce cri d’angoisse : « O Dieu, sois apaisé envers moi qui suis pécheur ? » S’il en est ainsi, mon frère, sois en certain, Dieu a déjà ouï ta voix. — Qui n’admirerait la merveilleuse célérité avec laquelle le fluide électrique transmet les messages que l’homme lui confie ? Et pourtant la Parole de mon Dieu me fait connaître un moyen de communication qui dépasse infiniment en vitesse l’électricité même : c’est la prière. « Avant qu’ils crient, je les exaucerai, a dit l’Éternel, et lorsqu’ils parleront encore, je les aurai déjà entendus. » (Esaïe 65.24) Paul éprouva la vérité de cette glorieuse promesse ; et toi de même, n’en doute pas, ô pécheur, tu es entendu par Celui qui est assis sur le trône.

Mais le fait annoncé dans mon texte n’était pas seulement connu de Dieu ; il était encore, sans nul doute, le sujet d’une grande joie dans le ciel. « Voilà ! dit Jésus, il prie ! » Ne sent-on pas que cette parole du Sauveur était un cri d’allégresse ? Une seule fois nous lisons dans l’Évangile que Jésus tressaillit de joie dans son esprit ; ce fut lorsque, élevant les yeux, il dit : « Je te loue, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et que tu les as révélées aux enfants ! Oui, mon Père, cela est ainsi parce que tu l’as trouvé bon. » Et à présent encore rien ne réjouit le Pasteur de nos âmes comme de voir ses brebis entrer dans son paisible bercail ; il triomphe en esprit lorsqu’une pauvre âme égarée en franchit le seuil. Oh ! sûrement un sourire, tel qu’il n’en existe qu’en paradis, dut illuminer le visage de Jésus, quand il put dire à Ananias : « Voilà, — j’ai gagné le cœur de mon ennemi ; j’ai sauvé mon persécuteur ; dans ce moment même, il fléchit le genou devant mon marchepied : voilà, il prie ! Jésus avait plus de joie pour cette brebis perdue et retrouvée, que pour quatre-vingt-dix-neuf autres qui ne s’étaient point égarées. — Mais il n’était pas le seul à se réjouir ; les anges partageaient son allégresse. Si la voix de Jésus dirigeait le chant, tous les esprits célestes s’y joignaient d’un même cœur. Lorsqu’un élu de Dieu naît sur la terre, incontinent les anges entourent son berceau. Il grandit, il se développe, et le péché se développe avec lui. Il s’engage dans les sentiers de l’iniquité ; son ange l’y suit ; il s’attache à ses pas ; il contemple avec tristesse ses égarements ; une larme brille dans son regard quand celui qu’il aime offense Dieu. Mais finalement cette âme est conduite à écouter l’Évangile. L’ange l’observe avec bonheur ; il veille, il attend. Bientôt la Parole de Dieu pénètre dans la conscience du pécheur ; le voilà qui pleure et qui enfin murmure : « Seigneur, prends pitié de moi ! » Et soudain, l’ange déploie ses ailes ; il remonte en hâte vers les cieux. « Anges frères, écoutez tous ! s’écrie-t-il avec transport ; je vous apporte une bonne nouvelle : Voilà, il prie, il prie ! » Alors l’armée céleste éclate en chants de louange ; il y a fête dans le séjour de la gloire ; les voûtes du ciel retentissent de cris de triomphe, car en vérité, je vous dis qu’il y a de la joie parmi les anges de Dieu pour un seul pécheur qui s’amende (Luc 15.10).

Mais outre les anges, mes chers amis, il se peut qu’il y ait dans le ciel d’autres esprits qui se réjouissent de la conversion des pécheurs. Je veux parler des esprits des justes arrivés à la perfection, de ceux qui nous ont aimés ici-bas et qui nous ont devancés dans l’éternel repos. Pour ma part, je ne compte que peu de parents dans le ciel, mais j’y ai une vénérable aïeule que je chéris tendrement et qui m’entoura de soins et d’affection pendant une partie de mon enfance. Quand elle était sur la terre elle priait pour moi ; et il me semble que des demeures éternelles où elle fut soudainement introduite, elle a dû suivre du regard son petit-fils bien-aimé à mesure qu’il avançait dans la vie. Lorsqu’elle l’a vu cheminant dans les voies du péché et de la folie, assurément elle n’a pu éprouver de la douleur — car il n’y a point de larmes dans les yeux des saints glorifiés ; — ni même du regret — car un tel sentiment est inconnu devant le trône de Dieu : toutefois, quand vint l’heure bénie, où, par un effet de la grâce souveraine, je fus contraint à prier ; où, seul en face de Dieu, je me prosternai et luttai avec lui, alors, oh ! alors, ne passa-t-il pas sur son visage béatifié comme un éclair d’une joie nouvelle, et ne dut-elle pas, elle aussi, s’écrier avec ravissement : « Voilà, il prie, il prie ? » Il lui sembla en cet instant, j’imagine, qu’elle jouissait d’une double portion de félicité ; elle crut posséder deux ciels, — un en moi et un en elle-même. — Et toi, mon jeune auditeur, n’as-tu pas aussi un être aimé dans la gloire ? Ta mère peut-être parcourt à cette heure les rues pavées d’or du paradis ; peut-être te regarde-t-elle à l’instant où je te parle. Enfant, elle t’a nourri de son lait, elle t’a porté sur son sein, elle t’a consacré à Jésus-Christ. Du ciel où elle est maintenant, elle te contemple avec ce degré d’intense anxiété qui est compatible avec le bonheur. Parle, jeune homme, que se passe-t-il dans ton âme ? Entends-tu la voix de Christ, qui te dit au moyen de son Esprit : « Venez à moi ? » Verses-tu des larmes d’une vraie repentance ? Oh ! s’il en est ainsi, je me représente ta mère répétant, à son tour, le cœur débordant de béatitude : « Il prie, il prie ! » Je la vois qui s’incline une fois de plus devant le trône de Dieu, en lui disant, avec l’accent d’une indicible reconnaissance : « Je te rends grâces, ô toi, Être tout bon, de ce que l’enfant que tu m’avais donné sur la terre, est devenu ton enfant pour l’éternité ! »

Mais s’il est dans le ciel des saints glorifiés qui plus que tous les autres saluent avec joie la conversion des pécheurs, sans contredit ce doit être ceux qui furent ici-bas de fidèles, de véritables ministres du Seigneur. Oh ! mes chers amis, vous ne pouvez savoir combien un véritable ministre de Dieu aime vos âmes ! Peut-être pensez-vous que c’est chose facile de monter en chaire et de prononcer un sermon. Si c’était là tout, Dieu sait qu’en effet notre tâche nous semblerait bien aisée ; mais lorsque nous vous voyons devant nous et que nous songeons que de nos paroles dépendent en quelque mesure votre salut ou votre perdition éternelle ; — lorsque nous réfléchissons que si nous sommes des sentinelles infidèles, Dieu redemandera votre sang de nos mains ; — lorsque nous pensons aux centaines, aux milliers d’âmes qui nous ont déjà entendu et auxquelles peut-être nous avons souvent parlé comme nous n’aurions pas dû le faire ; — quand, dis-je, nous nous souvenons de ces choses, oh ! bon Dieu ! notre âme est saisie de frayeur, nous frémissons et nous tremblons !…

Luther avait coutume de dire qu’il pouvait affronter sans crainte ses ennemis, mais que jamais il ne montait en chaire sans que ses genoux se heurtassent l’un contre l’autre. Ah ! mes frères, sachez-le, la prédication de l’Évangile n’est pas un jeu d’enfant. Ce n’est point une chose qui se puisse accomplir sans préparation ou sans anxiété : c’est au contraire une tâche solennelle, une tâche terrible, lorsqu’on l’envisage dans ses rapports avec l’éternité. Si vous saviez comme le serviteur de Christ prie pour vous ! Allez écouter le dimanche soir sous la fenêtre de son cabinet ; vous l’entendrez gémir amèrement, parce que sa parole n’a pas été plus fidèle ; vous l’entendrez criant à Dieu, dans l’angoisse de son cœur : « Qui a cru à notre prédication, et à qui le bras de l’Éternel a-t-il été révélé ?… » Mes bien-aimés, quand nous voyons une âme parvenir à la connaissance du Seigneur, nous éprouvons un sentiment que je ne saurais mieux comparer qu’à celui d’une personne qui aurait sauvé un de ses semblables sur le point de se noyer. Voyez ce malheureux qui se débat contre les flots ; il enfonce, il disparaît, il va périr ! Mais à ce moment, je m’élance à son secours, je le saisis d’une main ferme, je nage avec lui vers la terre, je le dépose sur le rivage. Le médecin arrive ; il l’examine, le touche, mais il secoue la tête et dit : « Je crains qu’il n’ait cessé de vivre. » Oh ! alors avec quelle anxiété je me penche sur cet homme que j’ai essayé d’arracher à la mort ! Comme mon cœur bat avec force tandis que je place mon oreille sur sa poitrine et devant sa bouche !… A la fin, je m’écrie : « Il respire ! il respire ! il est sauvé ! » Quelle douceur dans cette pensée ! Combien je me sens heureux ! Ainsi en est-il de tout fidèle ministre de Christ. Dès qu’il s’aperçoit qu’une âme de son troupeau commence à prier, il se dit avec une sainte émotion : « Elle respire, elle n’est pas morte, elle est vivante ! » Et il peut tenir ce langage en toute assurance, car une âme qui prie réellement, montre par là qu’elle n’est plus morte dans ses fautes et dans ses péchés, mais qu’elle a été vivifiée par la puissance de l’Esprit. Or, si le salut des pécheurs cause dès ici-bas au prédicateur de l’Évangile une joie à nulle autre pareille, que sera-ce, je le demande, si des tabernacles célestes il lui est donné de voir une âme qu’il a disputée à la mort éternelle, prosternée devant Dieu ? oh ! sûrement son cœur bondira au-dedans de lui ; il frappera des mains en signe de réjouissance quand il pourra s’écrier : « Voilà, le Seigneur me donne un fils ! Voilà, il prie ! »

Observez encore, mes frères, que l’événement dont parle mon texte, — sujet de joie auprès de Dieu, — était un sujet d’étonnement sur la terre. Je me représente Ananias élevant ses mains jointes vers le ciel, au comble de la stupéfaction. « Oh ! mon Seigneur, dut-il dire, est-ce bien possible ? Saul, de Tarse, serait-il en prière ? Il n’est pas un homme dans le monde que je me fusse moins attendu à voir invoquer ton nom. » Je ne sais ce qui en est de mes collègues dans le ministère, mais quant à moi, je l’avoue, j’éprouve fort souvent des impressions analogues à celles que ressentit Ananias dans cette circonstance. Ainsi, par exemple, il m’arrive quelquefois de regarder avec satisfaction tels ou tels de mes auditeurs et de me dire : « Voilà des personnes bien disposées ; je crois que je les gagnerai ; certainement une bonne œuvre se poursuit en elles, et bientôt je les entendrai raconter ce que le Seigneur a fait pour leurs âmes. Toutefois, au bout de quelque temps, je ne vois plus ces personnes ; elles disparaissent de nos saintes assemblées, elles retournent vers le monde. Que fait alors mon bon Maître ? Au lieu de ces âmes sur lesquelles je comptais, il m’en envoie dont je n’espérais rien ; il convertit un homme perdu de mœurs, un pécheur scandaleux peut-être, à la louange de la gloire de sa grâce. Alors c’est à mon tour de lever mes mains en haut, disant comme Ananias : « Seigneur, est-il bien possible ?… »

Je me rappelle un fait de cette nature qui s’est accompli il y a peu de temps. Un marin d’une soixantaine d’années entra un dimanche dans une chapelle. C’était un homme qui avait vieilli dans le vice ; il était adonné à la boisson et semblait trouver une jouissance particulière à prononcer des imprécations et des blasphèmes. Le prédicateur avait choisi pour texte de son discours cette portion de l’Évangile qui nous montre Jésus pleurant sur Jérusalem. Le marin écoute, et bientôt il se demande : « Quoi ! se pourrait-il que Jésus-Christ eût pleuré sur un misérable tel que moi ? » Il se sentait si indigne qu’il n’osait croire à tant d’amour. Cependant, à l’issue du service, il va trouver le ministre : « — Monsieur, lui dit-il, voilà soixante ans que je navigue sous le pavillon du diable : il est temps que je change de patron. Je voudrais couler bas le vieux navire et m’embarquer à bord d’un nouveau, où j’arborerai pour toujours les couleurs du Prince Emmanuel. » Et à partir de ce moment, cet homme devint un homme de prières, marchant en toute intégrité devant Dieu ! — C’est ainsi, mes frères, que Dieu choisit souvent les derniers des pécheurs pour en faire des monuments de sa grâce. Il semble se plaire à déjouer nos prévisions. Parfois, il passe à côté d’un diamant sans y prendre garde, et il ramasse le caillou du chemin. De pierres de nulle valeur, il fait naître des enfants à Abraham. Le Seigneur est plus habile que le plus habile chimiste ; car non seulement il sait raffiner l’or, mais il transforme en or fin un vil métal. Il prend les êtres les plus souillés, les plus méprisables, et les façonne en héritiers du ciel. Ils sont pécheurs et il les nettoie ; ils sont impurs et il les sanctifie.

Oui, étonnante, merveilleuse, était la conversion de Saul, de Tarse ; mais, à tout prendre, mes bien-aimés, votre conversion ou la mienne sont-elles donc moins étonnantes ? Si on vous eût dit, il y a quelques années, que vous vous joindriez à une Église et que vous seriez comptés au nombre des enfants de Dieu, qu’auriez-vous répondu, je vous le demande ? « Impossible ! absurde ! vous seriez-vous écriés ; nous devenir méthodistes ? non Jamais ! Qu’avons-nous à faire de la religion ? Nous voulons continuer à penser et à agir comme bon nous semble. » N’est-ce pas là, mes amis, le langage que vous et moi aurions tenu ? Comment donc se fait-il que nous soyons aujourd’hui ce que nous sommes ? Lorsque nous réfléchissons à la transformation complète qui s’est opérée en nous, ne nous paraît-il pas que nous rêvons ? Dieu a laissé bien des membres de nos familles qui valaient mieux que nous, et pourquoi nous a-t-il choisis ? Oh ! n’est-ce pas une chose étrange, une chose inouïe ? Et ne pourrions-nous pas, comme Ananias, nous écrier, avec un geste d’étonnement : « Voilà, c’est un miracle sur la terre ! c’est un prodige dans le ciel ! »

Enfin remarquez, mes chers auditeurs, que le fait exprimé par ces simples mots : « Voilà, il prie, » était sans précédent dans la vie de saint Paul. Il est vrai que le jeune Pharisien avait eu coutume de monter régulièrement au temple deux fois le jour, à l’heure de la prière. L’y eussiez-vous accompagné, vous l’auriez entendu très certainement prononcer d’éloquentes oraisons, dans le genre de celles-ci : « O Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes ; je ne suis ni un ravisseur ni un péager ; je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tout ce que je possède (Luc.18.11-12). » Oh ! oui, sans nul doute, vous l’auriez entendu haranguer le Seigneur en termes pompeux et magnifiques. Néanmoins, il est dit expressément dans mon texte : « Voilà, il prie. » Eh quoi ! Saul n’avait-il donc jamais prié auparavant ? Non, mes frères, jamais. Le culte qu’il avait offert à Dieu pendant toute sa vie ne comptait pour rien : par le fait, ce n’était pas un culte. J’ai ouï raconter qu’un vieillard auquel on avait enseigné dans son enfance à dire à Dieu : « Seigneur, je te prie de bénir mon père et ma mère, » continua à répéter machinalement ces mêmes paroles pendant soixante-dix années de sa vie, c’est-à-dire bien longtemps après que ses parents furent morts. Au bout de ce temps, il plut à Dieu, dans son infinie miséricorde, de toucher le cœur de ce vieillard ; il reconnut son inconcevable aveuglement ; il comprit que malgré son attachement routinier à certaines formes, il ne s’était jamais sérieusement approché de Dieu : il avait récité prières sur prières, mais jamais il n’avait prié. — Il en était de même de Saul. Le culte qu’il avait rendu à Dieu n’avait été qu’une dérision ; ses longues prières, que vaines redites. Mais enfin, de son cœur humilié s’échappe une sincère invocation, et c’est alors que Jésus lui rend ce témoignage : « Voilà, il prie ! »

Voyez-vous cet homme qui essaie d’obtenir une audience de son Créateur ? Il dépose une pétition en vers latins au pied du trône du Tout-Puissant ; mais Dieu reste impassible ; il s’enveloppe dans une calme indifférence. Alors le suppliant s’y prend d’une autre manière ; il se procure un livre, et, s’agenouillant de nouveau, il lit la plus belle, la plus vénérable, la meilleure des prières qui ait jamais été composée ; mais le Très-Haut ne prend point garde à ce froid et creux formalisme. A la fin, le pauvre pécheur jette le livre de côté, oublie son latin, et s’écrie avec larmes : « O Seigneur, écoute-moi pour l’amour de Christ ! » Aussitôt Dieu répond : « Je t’écoute, pauvre âme angoissée ; j’ai entendu ta voix ; voilà la grâce que tu cherchais. » — Ah ! mes frères, croyez-le, mieux vaut une seule prière sentie que dix mille prières formalistes ; mieux vaut un simple élan de l’âme que les plus sublimes formules des livres. Toute prière qui ne part que des lèvres ou de l’intelligence est en abomination devant Dieu ; celles-là seules qui jaillissent du plus profond du cœur lui sont agréables. Hélas ! mes chers auditeurs, vous le dirai-je, au risque de vous scandaliser ? Je crains qu’il n’y ait parmi vous des centaines d’âmes qui n’ont pas réellement prié une seule fois dans leur vie.… Et que comptez-vous faire, je vous le demande, quand il vous faudra mourir ? Pensez-vous entrer au ciel sans prière ? Funeste illusion ! On l’a dit : « La prière est le mot d’ordre du chrétien mourant » ; si donc, ce mot d’ordre, vous ne le possédez pas, vous serez bannis pour toujours de la présence de Dieu.

II

Mais, comme je l’ai dit en commençant, si mon texte est l’annonce d’une grande nouvelle, il est aussi un argument présenté par le Seigneur à Ananias. — Et d’abord c’était un argument bien propre à rassurer Ananias. Naturellement, la mission qui lui était confiée inspirait à celui-ci des inquiétudes pour sa sûreté personnelle ; il lui semblait qu’en allant vers Saul, il se jetait, pour ainsi dire, dans la caverne d’un lion. « Certainement, pensait-il, puisque je suis un disciple de Christ, Saul, de Tarse, se saisira de moi et m’amènera à Jérusalem. » Mais voici, le Seigneur lui dit : « Il prie ! et à l’instant toute appréhension s’évanouit de son cœur. « Cela suffit, Seigneur, répond-il avec joie ; si Saul prie, je n’ai rien à craindre. » — Et vous de même, mes chers auditeurs, soyez assurés que vous n’avez rien à craindre d’un homme de prières. Je ne sais comment expliquer ce fait, mais il est positif que les incrédules mêmes entourent le fidèle chrétien d’une certaine vénération. Un maître impie aime pourtant à avoir à son service un domestique pieux ; tout en méprisant la religion pour lui-même, il l’estime dans son serviteur, et, s’il prie, il lui accordera une confiance particulière. Il est vrai que de nos jours, hélas ! il est des gens qui se font passer pour des hommes de prière et dont la conduite prouve que leurs prétentions ne sont que feinte et mensonge. Il va sans dire que je ne parle point de ceux-là : mais quant aux âmes qui prient dans le vrai sens du mot, ne craignez pas, je le répète, de placer en elles une confiance sans bornes. Qui s’entretient avec Dieu en secret, se conduit droitement en public. Qui s’approche souvent du trône de la grâce, offre toute garantie. Il me souvient d’avoir entendu raconter un fait qui confirme ce que j’avance d’une manière bien remarquable. Deux touristes parcouraient ensemble les montagnes de la Suisse. A la nuit tombante, ils se trouvèrent au milieu d’une forêt, où ils ne tardèrent pas à apercevoir une petite hôtellerie, d’assez triste apparence. L’un des voyageurs, incrédule déclaré, dit à son compagnon qui était chrétien : — « L’aspect de cette maison ne me plaît pas ; je crois qu’il serait imprudent de nous y arrêter. — Entrons toujours, répliqua l’autre ; nous verrons mieux ce qui en est. » Ils y entrèrent en effet ; mais l’intérieur de la maison leur sembla non moins suspect que l’extérieur. Leur malaise allait croissant, quand tout-à-coup le maître du logis leur dit : « Messieurs, j’ai l’habitude de lire la Bible et de prier chaque soir avec ma famille ; me permettez-vous d’accomplir aujourd’hui cet acte de dévotion en votre présence ? — Certainement, avec le plus grand plaisir ! » s’écrièrent les voyageurs. Après le culte, chacun gagna sa chambre. « Je suis complètement rassuré, dit tout bas l’incrédule à son compagnon. — Pourquoi cela ? demanda celui-ci. — Parce que notre hôte a prié. — Ah ! il paraît, repartit le chrétien, qu’après tout vous faites quelque cas de la religion : parce qu’un homme prie, vous pouvez dormir tranquille chez lui. » — Et bien doux fut cette nuit-là le sommeil des deux voyageurs ; car ils sentaient que dans une maison qui avait pour toit la prière et pour murailles la piété, aucun être humain ne pouvait songer à leur nuire. — Vous le voyez, mes frères, il n’était pas d’argument plus propre à apaiser les craintes d’Ananias que celui exprimé par ces simples mots : Voilà, il prie.

Mais il y a plus. Ces paroles étaient encore un argument tout puissant en faveur de la sincérité de Paul. La prière particulière est, sans contredit, la meilleure pierre de touche d’une sincère piété. Si Jésus avait dit à Ananias : « Voilà, Saul prêche, » Ananias aurait été en droit de répondre : « Seigneur, il peut prêcher, tout en n’étant qu’un hypocrite. » Si Jésus avait dit : « Voilà, il assiste à une assemblée de l’Église, » Ananias aurait pu répliquer : « Seigneur, il peut s’y être glissé comme un loup en habits de brebis. » Mais au lieu de cela, que lui dit son Maître ? « Voilà, Saul prie. » Dès lors, Ananias est convaincu de la sincérité du nouveau converti. — Et aujourd’hui comme alors, mes chers amis, la prière secrète, la prière individuelle est la plus sûre garantie de la sincérité d’une âme. Pour ma part, lorsqu’un jeune chrétien vient me consulter au sujet de son état spirituel, et qu’il m’entretient de ce qu’il sent et de ce qu’il fait, le plus souvent je coupe court à la conversation en lui disant : « Agenouillez-vous et priez. » D’ordinaire il s’excuse, mais j’insiste. Enfin, il se prosterne, il gémit, il pleure ; les paroles lui manquent, et ce n’est qu’au bout d’un certain temps qu’il parvient à balbutier d’une voix tremblante : « Seigneur, aie pitié de moi, qui suis le plus grand des pécheurs ! » Les impressions religieuses de mon jeune frère m’inspirent déjà plus de confiance ; mais si je pouvais l’accompagner chez lui, s’il m’était donné de le voir prosterné dans la solitude et répandant son âme devant Dieu, oh ! c’est alors que je me sentirais sûr qu’une bonne œuvre est commencée en lui, — car celui-là est un vrai chrétien qui prie en particulier. Le fait seul que vous lisez chaque jour dans un livre de dévotion ne prouve pas le moins du monde que vous soyez un enfant de Dieu ; mais je le répète, si dans le secret de votre cabinet, vous priez de tout votre cœur, on peut dire, sans crainte de se tromper, que votre piété est sincère. Un peu de sincère piété vaut mieux que des montagnes de formalisme. La piété du chez soi est la meilleure piété ; la prière secrète est la meilleure prière. De deux choses l’une : ou la prière vous fera renoncer au péché, ou le péché vous fera renoncer à la prière. — Mais l’on peut se tromper soi-même, tout en étant sincère ; Paul ne se trompait pas, et la preuve, c’est que le Seigneur pouvait dire de lui : « Voilà, il prie. » La prière du cœur, en effet, témoigne de la réalité de notre conversion, aussi bien que de notre sincérité. S’il me fallait résumer toute la religion chrétienne en un seul mot, je n’en choisirais pas d’autre que celui-ci : La prière. Si l’on me demandait ce qui constitue, à mon avis, l’essence même de la vie chrétienne, je répondrais encore : La prière. Il faut nécessairement que l’âme ait été convaincue de son péché, avant d’avoir pu prier ; il faut qu’elle ait eu quelque espérance de pardon avant d’avoir osé s’approcher de Dieu. Par le fait, dans la prière sont renfermées toutes les expériences, toutes les vertus du chrétien. Dites-moi seulement, mon cher auditeur, que vous êtes un homme de prière, et je vous répondrai aussitôt : « Dans ce cas, je n’ai aucun doute ni sur la réalité ni sur la sincérité de votre religion. »

Une dernière remarque avant de quitter cette partie de notre sujet. Les paroles que nous méditons étaient encore un argument qui établissait de la manière la plus concluante l’élection de Paul. C’est ce que nous montrent clairement les paroles qui suivent celles de mon texte : « Cet homme est un instrument que j’ai choisia. » — Je connais beaucoup de personnes pour qui la doctrine de l’élection est un sujet de perpétuel tourment ; souvent même il m’arrive de recevoir des lettres où l’on me prend à partie, parce que je prêche cette doctrine. Voici la seule réponse que j’aie à faire à cet égard. L’élection est une vérité enseignée dans la Bible ; si elle vous déplaît, allez demander à mon Maître pourquoi il l’y a mise : quant à moi, je n’y puis rien. Je ne suis qu’un serviteur, et je ne fais que vous rapporter ce que j’ai reçu d’en haut. Si j’étais au service d’un maître de la terre, je n’oserais altérer le message qu’il m’aurait confié : il se trouve que je suis un ambassadeur du ciel, et malheur à moi si je ne vous transmettais pas fidèlement le message du Seigneur ! Que si vous trouvez à redire à ce message, encore une fois, je n’y puis rien : adressez-vous à qui de droit.

a – Ou, selon d’autres versions, un vaisseau d’élite.

« Mais, dira quelqu’un, comment puis-je savoir si j’ai été choisi de Dieu ? Je crains de ne pas être au nombre des élus. » — Pour te répondre, mon cher auditeur, permets-moi de te poser à mon tour quelques questions. Pries-tu ? Si l’on peut dire de toi : « Voilà, il prie, » certainement on peut aussi ajouter : « Voilà un instrument choisi de Dieu. » — As-tu la foi ? Si tu l’as, tu es un élu. Tels sont les signes de l’élection. Si tu ne possèdes ni foi ni esprit de prière, tu n’as aucune raison de penser que tu fais partie du peuple particulier de Dieu. Mais gémis-tu de ne pas croire encore ? Souhaites-tu d’aimer Christ ? Y a-t-il dans ton cœur — je ne dis pas un désir — mais la millième partie d’un désir de t’approcher de Jésus ? Et ce désir, tout faible qu’il est, te porte-t-il à crier à Dieu avec ferveur et avec larmes ? S’il en est ainsi, ô mon frère, rassure-toi ; ne crains pas de ne pas être un élu ; car de même que la prière de Paul était une marque certaine de son élection, de même quiconque s’adresse à Dieu avec sincérité, prouve par là qu’il a été élu avant la création du monde, afin qu’il fût saint et irrépréhensible devant Christ, par la charité (Ephésiens 1.14).

III

Venons-en maintenant à l’application. Je regrette, mes chers amis, de ne pouvoir traiter convenablement un sujet aussi sérieux ; toutefois je me console dans la pensée que mon glorieux Maître demande à chacun selon ce qu’il a et non selon ce qu’il n’a pas. Je suis profondément pénétré du sentiment de mon impuissance ; je sais que je ne pourrai parler à vos consciences d’une manière aussi solennelle que je devrais le faire ; quoi qu’il en soit, mon droit est auprès de l’Éternel, et mon œuvre est auprès de mon Dieu, et au dernier jour, il sera manifesté que si je n’ai pas mieux rempli les devoirs de mon ministère, j’ai failli par faiblesse ou par erreur, mais non par un manque de cordiale affection pour vos âmes.

Et d’abord je m’adresserai à mes frères dans la foi.

Ne voyez-vous pas, mes bien-aimés, leur dirai-je, qu’un esprit de véritable et fervente dévotion est le plus sûr indice que nous sommes des fils de Dieu ? Cela étant, ne s’ensuit-il pas tout naturellement que plus nous persévérerons dans la prière, plus nous jouirons de l’assurance de notre salut ? Peut-être quelques-uns de vous ont-ils perdu dernièrement cette glorieuse assurance et la paix qui’en découle ; ils ne savent plus s’ils sont, oui ou non, des enfants de Dieu ; leurs âmes sont remplies de ténèbres. Mes frères, voulez-vous savoir où vous avez perdu le témoignage de votre adoption ? je vais vous le dire : C’est dans votre cabinet. Toutes les fois qu’il y a affaiblissement de vie spirituelle chez un chrétien, soyez sûrs que le mal a commencé là, et pas ailleurs. Je vous parle, hélas ! d’après mon expérience. Souvent je me suis éloigné de Dieu ; j’ai perdu pour un temps cette douce saveur de son amour que j’avais goûtée autrefois ; j’ai eu à m’écrier dans la tristesse de mon âme : « Le Seigneur m’a-t-il rejeté pour toujours et ne continuera-t-il plus à m’avoir pour agréable ? » Je suis monté dans la chaire de vérité, mais j’ai prêché sans feu et sans énergie. J’ai ouvert la Bible, mais n’y ai point trouvé de lumière. J’ai voulu entrer en communion avec Dieu, mais tous mes efforts ont été vains. Et savez-vous quelle était la cause de ce déplorable état spirituel ? J’avais prié avec mollesse et langueur. Oui, mes frères, me voici devant vous, confessant mon péché ; je reconnais que lorsque mon âme a été en souffrance, j’avais à quelque degré négligé la prière. O chrétiens ! voulez-vous être heureux ? Priez beaucoup. Voulez-vous être victorieux du monde ? Priez toujours davantage. Qui cesse de prier, cesse de combattre. C’est la prière qui préserve de la rouille les armes de l’enfant de Dieu. — « Si les douze apôtres eux-mêmes revenaient à la vie, disait un chrétien éminent, et que pour jouir de leurs entretiens, vous négligeassiez vos dévotions particulières, ils auraient porté le plus grave préjudice à vos âmes. » La prière est le navire qui revient au port chargé du plus riche fret ; c’est le terrain qui rapporte à celui qui le cultive la plus abondante moisson. — Mon frère, tu te plains de ne pas jouir d’une communion plus intime avec Dieu ; mais à qui la faute, je te le demande, si ce n’est à toi, — à toi, qui le matin prends à peine le temps, avant de courir à tes affaires temporelles, de prononcer, à la hâte, deux ou trois mots de prière, et qui, rentrant le soir fatigué de corps et d’esprit, n’as, pour ainsi dire, à consacrer à Dieu que les instants de rebut de ta journée ? — Et ce que je dis aux individus, je le dis également aux Églises. Si aujourd’hui il y a si peu de vie dans nos troupeaux, c’est parce qu’il n’y a pas plus de prières. Pour mon compte, j’ai la plus triste opinion des Églises qui ne prient pas. Si je vais le dimanche de lieu de culte en lieu de culte, je vois partout des auditoires considérables, mais si je vais dans la semaine aux réunions de prières, je n’y trouve qu’une douzaine de personnes. Dieu peut-il nous bénir, Dieu peut-il répandre son Esprit sur nous, tant que les choses sont en cet état ? Sans doute, il pourrait le faire, mais ce ne serait pas selon l’ordre de ses dispensations, car il dit expressément à Sion qu’elle enfantera des fils quand elle sera en travail d’enfant (Esaïe 66.8).

Mes frères, emportez dans vos cœurs cette pensée, qu’il nous faut plus de prières. Allez et dites à votre pasteur que son troupeau ne prie pas assez. Engagez vos amis à prier avec vous. Dussiez-vous même être seul, établissez une assemblée de prière ; et si on vous demande combien de personnes y assistaient, répondez sans hésiter : « Nous étions quatre ; car avec moi il y avait Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit, et nous avons joui ensemble d’une riche et intime communion. — Si nos Églises ne répandent devant Dieu comme des flots de supplications, je ne sais en vérité ce qui adviendra d’elles. Oh ! puisse Dieu nous réveiller tous, et nous exciter à crier vers lui, car alors la victoire sera à nous. Plût à Dieu, mes bien-aimés, que je pusse en cet instant même ranimer dans vos cœurs, par ma parole, la flamme vacillante de la prière, en sorte, qu’en quittant ce lieu de culte, vous allassiez, chacun de votre côté, incendier pour ainsi dire vos familles, vos Églises, vos alentours, jusqu’à ce qu’enfin l’Église de Christ tout entière gagnée de proche en proche par ce saint embrasement, et s’offrant à Dieu en sacrifice vivant et saint, fit monter vers son trône comme une fumée d’adorations et de louanges !

En résumé, mes frères, voici ce que je vous dis : Si vous priez, vous avez dans ce fait même une preuve que vous êtes chrétiens ; moins vous priez, plus vous avez de raison de suspecter votre christianisme ; et si vous aviez eu le malheur de renoncer complètement à la prière, ce serait un signe que votre âme a cessé de respirer, ou plutôt qu’elle n’a jamais eu le souffle de la vie.

Mes dernières paroles sont pour les inconvertis.

Oh ! pécheurs, que ne donnerais-je pas en cet instant, pour me trouver ailleurs que dans cette chaire ; car si c’est déjà une chose solennelle, pour un prédicateur de l’Évangile, que de s’adresser aux croyants, qu’est-ce donc que d’avoir à faire avec vous ?… D’un côté nous craignons de vous encourager par nos paroles à compter sur vos propres forces, et de l’autre, nous tremblons à l’idée de vous laisser dormir du fatal sommeil de l’indolence et d’une fausse sécurité. Je crois qu’il n’est pas de fidèle ministre du Seigneur qui ne se sente parfois embarrassé quant à la manière dont il convient de vous faire entendre la vérité ; — non pas que la nécessité de vous annoncer l’Évangile soit pour nous un sujet de doute, mais nous voudrions pouvoir vous l’annoncer de telle sorte que vos âmes fussent gagnées à Christ. Pour ce qui me regarde personnellement, je puis me comparer avec vérité à une sentinelle, qui, debout à son poste, est accablée de lassitude. Avec quelle énergie sa volonté se débat contre l’infirmité physique qui menace de la vaincre ! Le souvenir de sa responsabilité l’excite à de nouveaux efforts. Ce n’est pas le vouloir qui lui manque, c’est le pouvoir. Et moi de même, sentinelle du Seigneur, je souhaite ardemment d’être fidèle, mais en même temps le sentiment de mon incapacité pèse lourdement sur moi. Oh ! veuille le Saint-Esprit me venir en aide, et non seulement à moi, mais à tous mes collègues dans le ministère, afin que les uns et les autres nous nous appliquions à exalter, non point la liberté humaine ou la justice propre, mais uniquement la grâce qui est en Jésus !

Maintenant donc, ô pécheurs qui m’écoutez, je vous déclare hautement, solennellement, qu’une âme qui ne prie point est une âme qui n’a point Christ. Oui, j’en atteste le Dieu vivant, vous qui ne connaissez rien de la prière du cœur, êtes encore sans Dieu, sans espérance, étrangers à la république d’Israël ! Vous qui ne savez pas ce que c’est que de gémir sur vos péchés, êtes complètement dépourvus de la piété qui sauve ! Et souffrez que je vous demande si vous avez jamais sérieusement réfléchi à l’épouvantable état dans lequel vous vous trouvez. Vous êtes éloignés du Seigneur ; par conséquent le Seigneur est irrité contre vous, car sa Parole nous déclare que le Dieu fort s’irrite tous les jours contre le méchant. Oh ! pécheur, lève tes yeux en haut. Ne vois-tu pas le regard courroucé de l’Éternel qui te suit en tous lieux ? Oh ! je t’en supplie, pour l’amour de toi-même, songe au sort qui t’attend, si tu vis et meurs sans prière ! Et ne te persuade point que la misérable prière que tu comptes peut-être prononcer à ton lit de mort te sauvera. De telles prières, je ne crains pas de le dire, sont, pour la plupart, de lugubres comédies, et rien de plus ! c’est une monnaie qui n’a pas cours dans le ciel, car elle est marquée au coin de l’hypocrisie et faite de vil métal. — Mondains qui m’écoutez, prenez donc garde ! Que ferez-vous quand la fin viendra ? Il serait à désirer pour vous que la mort fût un éternel sommeil, — mais elle ne l’est point. L’enfer est une réalité, — réalité plus terrible qu’on ne saurait dire ! Je ne veux pas chercher à émouvoir vos imaginations en vous décrivant les tourments des damnés : Dieu veuille que vous ne les connaissiez jamais par expérience ! Oh ! qui pourrait concevoir les souffrances de cet infortuné, qui, du milieu de flammes dévorantes, s’écrie avec angoisse : « Que n’ai-je une goutte d’eau pour rafraîchir ma langue ! » Voyez ses lèvres brûlantes, son visage contracté par l’excès de sa douleur… Mais encore une fois, je ne veux point vous décrire cet horrible tableau. Qu’il me suffise de te dire, pauvre pécheur, que l’enfer des enfers sera pour toi la pensée de l’éternelle durée de ton supplice. Lorsque les damnés élèvent leurs regards vers le trône de Dieu, ils voient inscrite sur ce trône, cette irrévocable sentence : pour toujours ! Lorsqu’ils secouent les chaînes brûlantes de leurs tourments, ces chaînes mêmes leur crient : pour toujours ! Lorsqu’ils poussent des hurlements de désespoir, les échos infernaux leur répondent : pour toujours ! O lamentable pensée ! Etre en enfer, et y être pour l’éternité !…

Mes frères, voulez-vous échapper aux peines éternelles, voulez-vous être au nombre des bienheureux ? sachez que la route du ciel ne se trouve que par la prière. Invoquez le Seigneur Jésus, demandez le Saint-Esprit, approchez-vous du trône de la grâce. Retournez, retournez, et pourquoi mourriez-vous, ô maison d’Israël ? Je suis vivant, dit le Seigneur, l’Éternel, que je ne prends point plaisir à la mort du pécheur, mais plutôt qu’il se détourne de son mauvais train et qu’il vive. Le Seigneur est miséricordieux et plein de compassion. Allons donc à lui en disant : « Il guérira nos rébellions, il nous aimera de bon cœur, il nous pardonnera abondamment, pour l’amour de son Fils. »

Oh ! si je pouvais en ce jour gagner une seule âme, je serais satisfait. Si j’en gagnais vingt, quelle ne serait pas ma joie ! Plus j’attirerai d’âmes à Christ, plus nombreuses seront les couronnes qui ceindront mon front Mais qu’ai-je dit ? Non, Seigneur Jésus, elles ne ceindront point mon front, car je les jetterai toutes à tes pieds, en te disant : « Non point à moi, ô Éternel, non point à moi, mais qu’à ton nom soit la gloire, aux siècles des siècles ! »

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