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On ne se joue point de Christ

Mais eux, n’en tenant compte, s’en allèrent, l’un à sa métairie et l’autre à son trafic.

(Matthieu 22.5)

L’homme n’a point changé depuis les jours d’Adam. Dans sa conformation physique, il est absolument le même, comme le prouvent les squelettes humains qu’on retrouve après des siècles et qui offrent une identité parfaite avec ceux de notre époque. Son être moral n’a subi non plus que de très légères modifications, en sorte que ce qui est écrit de l’homme dans les annales du passé, pourrait s’écrire de l’homme d’aujourd’hui. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. A part quelques différences extérieures et superficielles, on retrouve les mêmes types, les mêmes caractères que ceux qui existaient dans les âges les plus reculés. C’est ainsi qu’il y a encore des hommes exactement semblables à ceux dont le Sauveur nous a tracé le portrait dans les paroles de mon texte : ils s’en vont, l’un à sa métairie et l’autre à son trafic, ne tenant aucun compte des glorieuses réalités de l’Évangile. C’est de ce grave sujet, mes bien-aimés, que j’ai à cœur de vous entretenir aujourd’hui. A mon avis, l’indifférence pour les choses spirituelles, le mépris de Christ et de son œuvre, constitue le péché le plus énorme dont l’âme humaine puisse se rendre coupable ; c’est pourquoi, dussé-je être accusé par ceux qui veulent être plus sages que la Parole écrite, d’exalter outre mesure la liberté de l’homme et de me placer sur le terrain de la légalité, je désire vous mettre en garde contre ce péché, et vous avertir, avec toute l’énergie dont je suis capable, que nul ne saurait impunément se jouer de Christ et de sa grâce.

J’ai devant moi en cet instant, je n’en saurais douter, beaucoup d’âmes auxquelles s’appliquent les paroles de mon texte : puissé-je m’adresser à elles d’une manière incisive et pénétrante ! Et vous tous, mes frères en Jésus, qui connaissez l’art céleste de la prière, joignez-vous à moi, je vous en supplie, pour demander au Seigneur de donner efficacité à mes paroles, en sorte qu’elles puissent porter des fruits de justice, pour le salut de beaucoup d’âmes.

Relisons notre texte : Mais eux, n’en tenant compte, s’en allèrent, l’un à sa métairie, et l’autre à son trafic.

I

Et d’abord, demandons-nous de quoi le pécheur ne tient pas compte ?

Les sujets du Roi ne tinrent compte ni de la gracieuse invitation de leur Souverain, ni du festin qu’il avait préparé en l’honneur des noces de son fils, ni des mets délicats qui leur étaient offerts et dont ils se privaient volontairement. Le sens spirituel de cette parabole est aisé à découvrir. Les âmes qui ne répondent pas aux appels de Christ, qui ne profitent pas du salut accompli par lui, méprisent ouvertement le glorieux banquet de la grâce auquel le Père Céleste les convie. Nous touchons, je le sais, à des questions brûlantes : puisse le Saint-Esprit être lui-même notre Guide !

Prenant la parabole pour base de nos remarques, observons en premier lieu que les pécheurs ne tiennent pas compte du messager qui vient leur dire de la part de son Maître : « Venez, car tout est prêt. » Ceux qui avaient été conviés aux noces méprisèrent les serviteurs du Roi, puisque au lieu de les suivre avec empressement, ils s’en allèrent l’un à sa métairie, et l’autre à son trafic. De même, tout homme qui néglige le grand salut apporté au monde par Jésus-Christ, méprise le ministre de l’Évangile chargé de lui annoncer ce salut : or, mes chers auditeurs, ce n’est pas là, sachez-le, une légère offense aux yeux de Dieu. Notre grande nation se considérerait à bon droit comme insultée si l’on manquait de déférence envers l’un de ses ambassadeurs ; et de même, soyez-en sûrs, le Roi du ciel se tient pour insulté chaque fois que vous traitez avec dédain les ambassadeurs qu’il vous envoie. Mais, après tout, ceci est comparativement de peu d’importance. Les ambassadeurs sont des hommes comme vous, et si vos dédains et vos injures n’atteignaient que leurs personnes, ils vous pardonneraient de grand cœur, et le mal ne serait pas grand.

Mais les invités de notre parabole méprisèrent aussi le festin. Quelques-uns s’imaginèrent apparemment que les bêtes grasses et les autres mets de la table royale ne seraient pas meilleurs que les provisions qu’ils avaient chez eux. « Bien insensés serions-nous, se dirent-ils sans doute, si, pour un souper, nous suspendions les affaires de notre négoce ou les travaux de nos champs ! » Et toi, pécheur, quand tu négliges le grand salut de Dieu, sais-tu bien ce que tu fais ? Tu outrages l’Évangile du salut, tu tiens pour une chose vaine la foi qui justifie, tu foules aux pieds le sang de Jésus, tu repousses le Saint-Esprit, tu te détournes du chemin du ciel. Promesses de l’alliance éternelle, douceurs de la communion de Christ, biens ineffables que Dieu a préparés pour ceux qui l’aiment, rassasiements de joie réservés à ceux qui seront venus au banquet des noces de l’Agneau, rien de tout cela ne vaut dans ton estime un seul désir, un seul effort, un seul renoncement ! Ah ! c’est une chose grave, c’est une chose sérieuse que de se jouer ainsi de l’Évangile ; car dans cette bonne Nouvelle, dans ce Testament de Dieu est concentré tout ce dont la nature humaine a besoin, tout ce que les âmes glorifiées elles-mêmes sont susceptibles de recevoir. Eh quoi ? mépriser le saint Évangile de notre grand Dieu : quelle aberration ! quel acte de démence ! Méprise les étoiles que la main de l’Éternel a semées dans l’espace, et je plaindrai ta folie. Méprise cette terre que Dieu a créée, ses belles montagnes, ses limpides ruisseaux, ses prairies verdoyantes, et je t’appellerai un pauvre insensé. Mais si tu méprises l’Évangile de Christ, si tu ne tiens aucun compte des invitations de la grâce, en vérité, je te le dis, tu es plus insensé mille fois que celui qui ne saurait voir aucun éclat dans le soleil, aucun charme dans l’astre des nuits, aucune splendeur dans le firmament étoilé. Oui, foule aux pieds, si tu le veux, les magnificences de la création ; mais souviens-toi, je t’en conjure, qu’en méprisant le salut de l’Évangile tu méprises le chef-d’œuvre du Créateur : ce qui a coûté plus de travail à son âme que de créer des myriades de mondes, ce qu’il n’a pu accomplir qu’au prix du sang de son Fils !

Mais il y a plus. Les invités de la parabole ne tinrent pas compte du Fils du Roi. C’étaient ses noces qu’on célébrait, et leur refus de participer au souper était une injure adressée à celui en l’honneur duquel le souper était préparé. Ils n’eurent ni égard ni respect pour le Fils bien-aimé du Père. Et toi, pécheur, en repoussant l’Évangile, tu te joues également du Fils du Roi ; tu te joues de Christ : de ce Christ devant qui les chérubins se prosternent avec adoration, — de ce Christ aux pieds duquel l’archange lui-même considère comme un honneur de jeter sa couronne, —de ce Christ dont les louanges font retentir continuellement les voûtes des cieux, — de ce Christ que son Père honore au-dessus de toute créature puisqu’il l’appelle Dieu sur toutes choses, béni éternellement. Ah ! si c’est une chose sérieuse que de se jouer de l’Évangile, c’est une chose terrible que de se jouer de Christ ! Outrage le fils d’un monarque de la. terre, et tu sentiras les effets de la colère du roi ; outrage le Fils du Monarque du ciel, et le Père saura bien venger sur un vermisseau tel que toi l’insulte faite à son Fils. Pour ma part, mes chers auditeurs, il me semble que c’est un péché, non pas irrémissible sans doute, mais plus monstrueux qu’on ne saurait dire, de traiter le Seigneur Jésus-Christ avec une dédaigneuse indifférence. Jésus ! cher Sauveur de mon âme, lorsque je te vois luttant en Gethsémané, suant des grumeaux de sang, je me prosterne et je m’écrie : « O divin Rédempteur, navré pour nos forfaits, se peut-il bien qu’il y ait au monde un pécheur assez vil pour ne pas tenir compte de toi ? » Quand je te contemple, meurtri et sanglant, sous les fouets maudits des soldats de Pilate, je me demande : « Est-il une âme assez endurcie pour mépriser un tel Sauveur ? » Et lorsque tu m’apparais sur le Calvaire, cloué au bois, mourant dans les tortures et poussant ce cri lugubre : « Eloï, Eloï, lamma sabachtani ! » je me dis encore : « Est-il possible, ô sainte victime, de se jouer de ta croix !… » Hélas ! oui, cela est possible ; mais malheur à ceux qui méprisent ainsi le Prince de Paix, le Fils du Roi de gloire ! Oui, malheur à eux : car n’eussent-ils commis d’autre crime que celui-là, il suffirait, à lui seul, pour attirer sur leurs têtes la condamnation éternelle. O contempteur de Jésus, considère tes voies, je t’en supplie. Songe que tu insultes le seul Être qui puisse te sauver, le seul qui puisse te soutenir au milieu des flots du Jourdain, le seul qui puisse ouvrir devant toi les portes du paradis et t’accueillir dans son ciel. Que nul prédicateur commode, que nul diseur de choses agréables. ne te persuade qu’on peut sans crime se jouer de Christ. Tremble, pécheur, tremble, te dis-je ! car, si tu ne te repens, tu seras enveloppé dans la terrible destruction réservée aux ennemis du Fils unique de Dieu.

Mais il y a plus encore. Les invités de la parabole ne tinrent pas compte du Roi qui les conviait au souper. Et toi, pécheur, quand tu refuses les invitations de la grâce, sache que tu fais injure à Dieu lui-même. Il y a dans le monde beaucoup de gens qui disent : « Nous ne croyons pas en Christ, mais nous vénérons le Dieu, créateur et conservateur de l’humanité. Nous faisons peu de cas de l’Évangile. Nous ne tenons pas, il est vrai, à être lavés dans le sang de Jésus, ni sauvés à la façon des disciples de la grâce ; mais nous sommes loin de mépriser Dieu. Nous sommes déistes : notre religion est la religion naturelle. » Ma réponse à ces hommes est celle-ci : En tant que vous niez le Fils, vous insultez le Père. Qui méprise l’enfant, méprise celui dont il est issu : qui méprise le Fils unique de Dieu, méprise l’Éternel lui-même. Hors de Christ, il n’y a point de religion digne de ce nom. Votre prétendue religion naturelle est une illusion et un mensonge. C’est le refuge de l’homme qui n’est pas assez loyal pour avouer qu’il hait Dieu ; mais c’est un refuge de néant, car celui qui ne reconnaît pas en Christ le Fils de Dieu et le Sauveur des hommes, insulte le très Haut et se ferme la porte du ciel. On ne peut aimer le Père que par le Fils, et on ne peut rendre au Père un culte qui lui soit agréable, si ce n’est par Jésus-Christ, le grand Médiateur de la nouvelle Alliance. Vous donc qui avez méprisé l’Évangile, vous avez méprisé du même coup le Dieu de l’Évangile. Vous qui vous êtes raillés des doctrines de la Révélation, vous avez raillé l’Auteur de cette Révélation. Vous qui avez dénigré le message du salut, vous vous êtes insurgés contre le Roi du ciel. Vos blasphèmes et vos sarcasmes ne sont pas tombés seulement Sur l’Église de Christ : ils sont tombés sur Dieu lui-même. Oh ! souvenez-vous, pauvres insensés, souvenez-vous que Dieu est un Dieu puissant, que Dieu est un Dieu jaloux ! Il peut punir, il veut punir ses adversaires. Ne pas tenir compte de lui, c’est être le meurtrier de sa propre âme, c’est signer son arrêt de mort, c’est se précipiter tête baissée vers la perdition… O déplorable aveuglement des âmes qui vivent et meurent sans tenir compte de Dieu, et qui préfèrent leur métairie et leur trafic aux trésors de l’Évangile !

Songe aussi, je te prie, mon malheureux auditeur, qu’en ne tenant compte ni de Dieu, ni de Christ, ni de l’Évangile, tu prouves, par cela même, que les solennelles réalités du monde à venir sont pour toi comme si elles n’existaient pas. Celui qui se joue de Christ se joue de l’enfer : il croit que ses flammes ne sont qu’un mot, et ses tourments qu’une métaphore. Il se rit des larmes brûlantes qui sillonnent à jamais le visage des réprouvés ; il se moque des cris et des malédictions, des pleurs et des grincements de dents : lugubre et dissonnante harmonie, seule musique des âmes perdues… Ne pas tenir compte de l’enfer ? Oh ! n’est-ce pas le comble de la folie, en même temps que le comble de l’endurcissement ?

De plus, considère, pauvre pécheur, qu’en fermant l’oreille aux appels divins tu méprises le ciel : le ciel, objet des aspirations des enfants de Dieu, le ciel où règnent une gloire que n’obscurcit aucun nuage, et un bonheur que ne trouble aucun soupir ! Tu repousses avec dédain la couronne de vie ; tu foules d’un pied profane les palmes du triomphe ; tu tiens peu à être sauvé, peu à être glorifié. Ah ! quand tu seras en enfer, et que les verrous d’une inflexible destinée auront été tirés sur toi, alors tu trouveras qu’il n’est pas si facile de rire des peines éternelles. Et quand lu auras perdu le ciel et sa félicité ; quand les chants des bienheureux, comme un écho affaibli et lointain, parviendront à ton oreille, augmentant s’il est possible ton désespoir, alors tu reconnaîtras, mais trop tard, que le ciel vaut la peine qu’on y pense… Voilà ce dont il ne tient pas compte, l’homme qui méprise la religion de l’Évangile ; il méconnaît la valeur de son âme, et l’importance de sa destinée éternelle.

« Mais, diront peut-être, quelques-uns, prédicateur, tu nous fais injure ! Nous ne sommes point hostiles à la religion de Christ ; nous ne blasphémons point contre Dieu ; nous respectons ses ministres ; nous observons ses sabbats. » C’est possible, mes amis ; je veux croire qu’il en est ainsi ; mais, au nom de mon Maître, je ne vous en accuse pas moins d’avoir commis le grand péché que nous venons d’étudier ensemble, c’est-à-dire de n’avoir tenu compte ni de Christ ni de son Évangile. Ecoutez !

II

Comment témoigne-t-on qu’on ne tient pas compte de Christ ?

On peut le faire de bien des manières.

En premier lieu, et dans le sens le plus simple, on ne tient pas compte des choses du salut quand on assiste à la prédication de l’Évangile, mais qu’on ne l’écoute pas. Que de gens qui semblent fréquenter nos temples et nos chapelles dans le seul but de se livrer aux douceurs d’une agréable sieste ! Quelle insulte envers le Roi des rois ! Oseraient-ils entrer dans le palais d’un monarque terrestre, lui demander une audience, et puis s’endormir en sa présence ? Et ce qu’ils rougiraient de faire à l’égard d’un roi de la terre, ils le font, sans le moindre scrupule, quand il s’agit du Roi du ciel ! — D’autres ne dorment point, il est vrai, mais ils ne font pas mieux, car ils écoutent le serviteur de Dieu avec distraction et indifférence, comme si ses paroles ne les concernaient en rien. Ce qui frappe leurs oreilles n’atteint point leurs consciences ; ce qui pénètre dans leur cerveau n’arrive point jusqu’à leur cœur. Chaque fois que vous écoutez l’Évangile sans attention et sans recueillement, dites-vous bien, mes chers auditeurs, que vous vous jouez de Christ. Hélas ! que ne donneraient pas les âmes perdues pour entendre une fois encore les appels de la miséricorde divine ! Que ne donnerait pas ce moribond, parvenu au bord du sépulcre, pour voir luire de nouveau un de ces dimanches dont il faisait-autrefois un si mauvais usage ! Que ne donnerais-tu pas loi-même, pauvre pécheur, quand tu seras sur le bord du Jourdain, pour recevoir encore une invitation de la grâce, pour entendre une dernière fois le ministre de Dieu te parler d’espérance et de pardon !…

Mais quelques-uns diront peut-être qu’ils écoutent avec sérieux, quelquefois même avec émotion. Je l’admets ; mais autre chose est de prêter une certaine attention à l’Évangile, autre chose est d’en tenir réellement compte. J’ai vu des hommes trembler à l’ouïe d’une puissante prédication, comme si les foudres du Sinaï eussent grondé à leurs oreilles ; j’ai vu les larmes se succéder rapides et abondantes sur leurs visages : larmes bénies qui trahissaient les vives émotions de leurs cœurs. Alors, tout étonné, je me suis dit à moi-même : « O merveilleux effet de la Parole de Dieu sur les âmes ! » Mais il est une chose qui m’a souvent étonné plus encore que de voir pleurer mes auditeurs : c’est de voir avec quelle promptitude le plus grand nombre sèchent leurs larmes et les oublient… Si donc, mon frère, tu étouffes les solennelles impressions que tu peux avoir reçues dans la maison de Dieu, sache, que tu te joues de Christ et de son Évangile, tout autant que le moqueur et que l’impie. Songes-y, je l’en conjure, de peur que tes propres vêtements ne soient teints du sang de ton âme, et qu’au dernier jour il ne soit dit à ton sujet : Tu t’es perdu toi-même, ô Israël ! »

Mais il y a des personnes qui écoutent la Parole ; elles paraissent même la recevoir ; mais hélas ! leur cœur est partagé. Or, quiconque ne place pas Christ au centre même de son cœur, témoigne évidemment qu’il ne tient pas compte de lui. Celui qui ne donne à Christ qu’une petite partie de ses affections, le méprise et l’offense, car Christ veut tout ou rien. Celui qui partage son cœur entre Christ et le monde, insulte Christ de la manière la plus grave, car il prouve qu’à son avis, Christ n’est pas digne d’avoir le tout. O toi, homme charnel, toi qui es à moitié religieux et à moitié profane ; toi qui es quelquefois sérieux, mais plus souvent frivole, qui parais quelquefois pieux, mais plus souvent mondain, homme charnel, je te le dis, tu te joues de Christ ! Et toi, qui pleures le dimanche, et qui le lundi retournes à tes péchés ; toi qui fais passer le monde et ses plaisirs avant Christ et sa loi sainte, que fais-tu, je te le demande, si ce n’est outrager le Seigneur de gloire ? Mes chers auditeurs, j’adjure en cet instant chacun de vous de se demander comme en présence de Dieu : « Ne suis-je point cet homme-là ? Ai-je tenu compte de Christ ?… » — Quant à l’homme à propre justice, qui prétend se mettre de compte à demi avec le Seigneur dans la grande affaire du salut, je n’en dirai qu’un mot. Malgré toutes ses vertus de clinquant, malgré tous ses oripeaux de bonnes œuvres, je le regarde comme le contempteur par excellence de l’Évangile, et je dis à tous ceux qui lui ressemblent : Tremblez ! car Dieu ne tiendra point pour innocent celui qui aura tenté d’amoindrir l’œuvre de son Fils.

On ne tient pas compte non plus du Seigneur Jésus quand on fait profession de piété, et que par sa conduite on déshonore cette profession. Membres de nos Églises, vous avez grand besoin d’être criblés comme on crible le blé, car il y a beaucoup de balle parmi vous… Que dis-je ? il y a pis que cela, et en vérité l’on ferait trop d’honneur à certains membres de nos Églises en les comparant à de la balle, car ils n’ont jamais eu rien de commun avec le froment : ils ne sont autre chose que de l’ivraie. Ils font partie d’une assemblée chrétienne comme ils feraient partie d’une association commerciale, parce qu’ils espèrent en retirer quelque profit. Ils s’acquittent avec zèle des devoirs extérieurs de la religion afin d’être vus des hommes. Ils communient, afin de gagner la considération générale. Ils paraissent suivre Jésus-Christ, mais en réalité ils n’ont en vue que les pains et les poissons. Ah ! hypocrite, tu te joues de Christ si tu ne vois en lui qu’un moyen de t’élever dans le monde. Tu te séduis étrangement si tu t’imagines pouvoir te servir du Fils de Dieu comme d’un instrument pour améliorer ta position ou arriver à la fortune. Christ ne s’est jamais chargé de faire parvenir ses disciples ailleurs qu’au ciel. La religion est destinée à nous procurer le bonheur, non pour le temps, mais pour l’éternité ; à faire du bien, non au corps, mais à l’âme. Tous ceux donc qui veulent s’en servir dans des vues charnelles et utilitaires, ravalent honteusement l’œuvre de Christ. Aussi, quand au dernier jour le Roi du ciel enverra ses armées pour punir ses ennemis, qui ont foulé aux pieds son autorité souveraine, seront-ils mis en pièces comme les autres.

III

Mais il est temps, mes chers auditeurs, que nous nous posions une troisième question : pourquoi les invités de la parabole ne tinrent-ils aucun compte du message du roi ?

Ils agirent ainsi par divers motifs.

Les uns le firent par ignorance. Ils ignoraient combien le souper était exquis ; ils ignoraient combien le roi était affable et le prince bienveillant ; l’eussent-ils sut leur conduite eût peut-être été différente. De même, il est dans le monde, il est sans doute dans cet auditoire une foule d’âmes qui ne tiennent pas compte de l’Évangile parce qu’elles ne le comprennent point. Beaucoup de gens se moquent de la religion, mais demandez à la plupart des moqueurs ce qu’est cette religion, et vous vous apercevrez bientôt qu’ils ne savent guère plus sur la matière que l’animal qui broute dans nos champs. Ils tournent l’Évangile en ridicule simplement parce qu’ils n’en connaissent pas le premier mot : c’est un sujet au-dessus de leur portée. — J’ai entendu parler d’un sot qui, chaque fois qu’on lisait du latin devant lui, riait de tout son cœur, prétendant que c’était un badinage, et que des sons aussi étranges ne pouvaient avoir aucun sens. C’est ainsi qu’agissent beaucoup d’hommes à l’égard de l’Évangile ; ils ne le comprennent point, c’est pourquoi ils en rient. « Les chrétiens sont des fous, » disent-ils. Des fous ? Pourquoi cela, je vous prie ? Serait-ce parce que vous ne les comprenez pas ? Seriez-vous donc assez infatués de voire propre mérite pour croire qu’en dehors de vous il ne peut y avoir ni sagesse ni science ? Prenez garde ! la folie pourrait bien être de votre côté. Que si, au contraire, vous me dites comme Festus à Paul : « Ton grand savoir te met hors de sens, » je vous ferai remarquer qu’il est tout aussi facile d’être hors de sens en ne sachant rien qu’en sachant beaucoup. Je le répète : l’ignorance en matière religieuse est une des causes principales de ce mépris pour l’Évangile qui ne règne que trop dans les masses. Oh ! chers amis, si vous saviez quel bon Maître est Jésus ; si vous saviez quelle douce chose est l’Évangile ; si vous compreniez que notre Dieu est un Dieu d’amour ; si vous pouviez goûter, ne fût-ce que pendant une heure, les ineffables jouissances de la vie chrétienne ; si une seule des promesses divines était appliquée à votre cœur par le Saint-Esprit, oh ! alors, je l’affirme, vous tiendriez compte de l’Évangile que nous prêchons ! Vous ne l’aimez pas, dites-vous ; mais l’avez-vous jamais goûté ? Est-il raisonnable de mépriser le breuvage dans lequel on n’a jamais trempé ses lèvres ? Il peut être plus doux qu’on ne pense. Oh ! goûtez, et voyez que l’Éternel est bon ! Goûtez, et aussi vrai que vous goûterez, aussi vrai vous savourerez d’inexprimables délices ! — Pour ma part, j’espère beaucoup de ces pauvres âmes qui ne tiennent pas compte de l’Évangile, simplement à cause de leur ignorance. Oui, j’espère que lorsque la vérité leur sera clairement annoncée, le Seigneur daignera dans son amour se révéler à elles. Mes bien-aimés, fuyez l’ignorance, recherchez l’instruction ; souvenez-vous qu’une âme sans prudence n’est pas un bien (Proverbes 19.2). Appliquez-vous à connaître Celui qui est la vie éternelle, et quand vous le connaîtrez, bien loin de le traiter avec indifférence ou dédain, vous le serrerez dans votre cœur comme votre plus cher trésor.

Mais probablement il y eut aussi des invités qui refusèrent de se rendre à l’appel du Roi par orgueil. Qu’avons-nous besoin du souper de ton Maître ? dirent-ils avec hauteur au messager. « Entre dans nos maisons et nous te ferons voir que la bonne chère ne nous manque pas. Regarde : nos tables sont aussi bien servies que celles de qui que ce soit. N’en déplaise à Sa Majesté, elle ne saurait nous offrir des mets plus savoureux que les nôtres. Pourquoi donc irions-nous chercher au dehors ce que nous avons chez nous ? » Ainsi l’orgueil les empêcha, d’accepter l’invitation royale. Il en est de même de quelques-uns d’entre vous. Quoi ! aller à Dieu pour être lavés de vos péchés ? Mais vous n’avez jamais été souillés, dites-vous. Quoi ! accepter des offres de pardon ? Mais vous n’avez rien à vous faire pardonner. Quoi ! rechercher la grâce de Dieu ? Mais n’est-ce pas une insulte que de parler de grâce à des hommes tels que vous ? A vous en croire, vous êtes doués d’une excellence si extraordinaire, qu’en vérité l’ange Gabriel lui-même aurait lieu de rougir en votre présence. « Allez vers l’intempérant ! vous écriez-vous avec dédain ; allez vers la femme de mauvaise vie ! Qu’ils acceptent un salut gratuit, rien de mieux : ils en ont grand besoin ; mais, pour moi, je suis un homme juste, intègre, honorable. Je suis riche, je n’ai besoin de rien (Apocalypse 3.17). Je m’acquitte scrupuleusement de mes devoirs religieux. Parfois, il est vrai, je me permets quelques écarts, mais j’ai soin de les réparer aussitôt. Parfois mon zèle se ralentit, mais je regagne le lendemain le terrain que j’ai perdu la veille. A tout prendre, je n’ai rien à me reprocher ; aussi, n’ai-je pas de doute que la porte du ciel ne soit grande ouverte pour me recevoir. En vérité, mon cher auditeur, je ne m’étonne pas que tu méprises l’Évangile, car ses doctrines sont en complet désaccord avec les pensées de ton cœur. L’Évangile t’enseigne que tu es entièrement perdu, que tes justices mêmes ne sont que souillure, en sorte qu’il te serait tout aussi impossible de parvenir au ciel à l’aide de tes mérites que de traverser l’Océan sur une feuille desséchée. Quant à te faire de tes bonnes œuvres un vêtement avec lequel tu puisses comparaître devant Dieu, autant vaudrait-il que tu te présentasses à la cour drapé dans une toile d’araignée. Pauvre âme ! je te le dis, c’est ton orgueil, ton déplorable orgueil qui fait que tu te joues de Christ. Puisse le Seigneur t’en dépouiller lui-même ! Autrement, cet orgueil, sache-le, deviendra le brandon fatal qui allumera pour toi le feu qui ne s’éteint point. Prends donc garde à l’orgueil, déteste-le, repousse-le de toutes les forces. Par l’orgueil tombèrent les anges ; par l’orgueil l’homme, créé à l’image de Dieu, tombera aussi dans l’abîme de perdition, réservé à ceux qui auront méprisé le Fils du Roi.

Une autre cause qui empêcha sans doute bon nombre des invités de la parabole, de tenir compte du message de leur Souverain, ce fut leur incrédulité. — « Que penser de tout ceci ? se demandèrent-ils les uns aux autres. Quoi ! le Roi a préparé un grand souper ? Franchement, c’est bien étrange. Quoi ! le jeune Prince se marie ? La chose est fort douteuse. Quoi ! nous sommes tous conviés à ses noces ? Messager tu te moques de nous : ton histoire est incroyable ! » C’est ainsi que trop d’âmes accueillent la bonne nouvelle de la grâce de Dieu. « Quoi ! s’écrient-ils à leur tour, Jésus-Christ est mort pour expier les péchés des hommes ? nous ne le croyons pas. Quoi ! Un ciel ? qui l’a jamais vu ? Un enfer ? qui peut être sûr de son existence ? Une éternité ? quelle âme revint jamais du monde des esprits ? Quoi ! La religion serait la source du bonheur ? nous affirmons, au contraire, qu’elle rend triste et morose. Quoi ! Les promesses de Dieu sont pleines de douceur ? Vain parlage que tout cela ! Nous croyons aux joies du monde : nous ne croyons point à celles que vous prétendez puiser aux sources de l’Évangile. » Et de la sorte, les homme repoussent dédaigneusement le salut de Dieu à cause de leur incrédulité. S’ils ajoutaient la moindre foi aux vérités que l’Écriture nous révèle, évidemment leur conduite serait tout autre. Du moment où je serai persuadé dans mon cœur que si je meurs inconverti je tomberai infailliblement dans l’abîme delà perdition, croyez-vous que je ne tremblerai pas et que je ne serai pas éperdu ? Dès le jour où je croirai de toute mon âme qu’il y a un ciel préparé pour ceux qui aiment le Seigneur Jésus, pensez-vous que je pourrai donner du sommeil à mes yeux et du repos à mes paupières jusqu’à ce que j’aie pleuré parce que ce ciel n’est pas à moi ? Oh ! mes amis, l’incrédulité peut vous empêcher maintenant de tenir compte de Christ, mais bientôt elle ne le pourra plus. En enfer il n’y a plus d’incrédules : il n’y a que des croyants. Beaucoup de réprouvés furent des incrédules pendant leur vie terrestre, mais ils ne le sont plus à présent. Le feu de l’enfer est trop ardent pour qu’on puisse mettre en doute sa réalité. Il serait difficile à un homme tourmenté par les flammes de nier l’existence du feu. Il serait malaisé pour le sceptique qui tremble sous le regard consumant de Jéhovah, de ne pas croire enfin qu’il y a un Dieu, Incrédules, convertissez-vous ! ou plutôt, Dieu veuille lui-même chasser l’incrédulité de votre cœur, car c’est elle qui vous fait mépriser Christ ; et qui méprise Christ perd son âme.

Une autre classe d’invités (et c’était peut-être la plus nombreuse), ne tinrent pas compte du souper royal, parce qu’ils étaient trop absorbés par leurs affaires. Au lieu de suivre le messager, ils s’en allèrent, qui à sa métairie et qui à son trafic. Il en est de même aujourd’hui à l’égard de l’Évangile. — On me parlait dernièrement d’un riche armateur qui reçut la visite d’un homme pieux. « Eh bien ! mon ami, lui dit celui-ci, où en êtes-vous quant à votre âme ? — Mon âme, vraiment ! s’écria l’armateur ; comme si j’avais le temps de penser à mon âme ! J’ai bien assez à faire de penser à mes vaisseaux ! » Une semaine environ après cet entretien, l’homme riche dut trouver le temps de mourir. Le Seigneur l’appela à comparaître devant lui, et le malheureux, nous le craignons, entendit ces solennelles paroles : Insensé, cette même nuit ton âme te sera redemandée ; et ce que tu as amassé, pour qui sera-t-il (Luc 12.20) ?… O commerçants, gens d’affaires, riches de ce monde ! combien parmi vous qui sont penchés jour après jour sur leur grand-livre, et qui ne lisent jamais la Bible ? On dit que le Dieu de l’Amérique est « le tout-puissant Dollar. » Je ne sais si je me trompe, mais je crois que de ce côté de l’Atlantique, les adorateurs de Mammon ne sont pas plus rares, et que beaucoup de gens rendent un culte assidu au tout-puissant billet de banque. Le livre qu’ils portent si religieusement à la main est, non leur livre de prières, mais leur livre de comptes. Même le dimanche, il est tels de mes auditeurs, dont la piété passe cependant pour exemplaire, qui, au lieu de se rendre dans la maison de Dieu, emploient volontiers leur matinée à calculer leurs bénéfices de la semaine ou à vaquer à leurs affaires. « Prier ? » disent-ils, sinon tout haut du moins en eux-mêmes ; « prier ? nous n’en avons pas le temps : il faut gagner avant tout. Quoi ! lire la Bible ? Non, c’est impossible : je dois vérifier ma caisse, examiner mes livres, aller à la Bourse. Je lis le journal, il est vrai ; mais lire la Bible, je ne le puis. » — Il est vraiment bien dommage, mes chers amis, que cet hôte inattendu qu’on appelle la mort puisse venir d’un moment à l’autre déranger tous vos calculs et tous vos projets. Si vous aviez passé un bail pour votre vie ; si Dieu s’était engagé, par exemple, à vous laisser sur la terre quatre-vingt dix-huit ans à partir de tel jour, vous seriez déjà fort répréhensibles de passer la moitié de ce temps sans songer à votre âme. Mais, considérant que vous pouvez, chaque jour et à chaque heure du jour, recevoir l’ordre de déloger, et que la durée de votre vie dépend entièrement du bon plaisir de Celui qui vous l’a donnée, n’est-ce pas, je vous le demande, faire preuve d’une inqualifiable ineptie, d’une folie sans pareille que de vivre uniquement en vue des misérables intérêts de la terre ? Qui pourrait dire le nombre d’âmes que le démon de la mondanité a tuées ? Dieu veuille que nous ne périssions point par notre mondanité !

Il est une autre classe d’auditeurs de l’Évangile que je ne saurais mieux caractériser que par ces mots : ils sont la légèreté même. Si vous leur demandez ce qu’ils pensent de la religion, vous n’aurez pas de peine à reconnaître qu’ils n’y pensent pas du tout. Ils ne sont point hostiles à la vérité, ils ne s’en moquent pas ; mais jamais il ne leur vient à l’esprit de la prendre au sérieux. Mobiles et inconstants comme le papillon, ils consument leur vie à voleter ici et là, effleurant toutes choses, ne s’arrêtant à aucune, ne faisant jamais rien ni pour eux-mêmes ni pour les autres : leur existence est une sorte de tourbillon perpétuel. Et ces personnes, il faut en convenir, sont en général d’un aimable naturel ; elles souscrivent de bonne grâce aux œuvres de bienfaisance, et soit qu’on leur demande pour la construction d’une église ou pour une fête mondaine, elles donneront volontiers leur pièce d’or. — Pour ma part, je n’hésite pas à le dire, si je devais recommencer la vie, et qu’il me fût permis de choisir le caractère avec lequel je voudrais naître, le dernier que je choisirais serait celui que je viens de décrire. Je crois fermement que les natures légères et irréfléchies sont celles qui, humainement parlant, ont le moins de chances d’être sauvées. Il ne me déplaît point, je l’avoue, d’avoir affaire de temps à autre à un audacieux ennemi de l’Évangile, car son cœur est dur comme un caillou, et je sais qu’au premier choc, le puissant marteau de la Parole de Dieu peut faire voler ce caillou en éclats. Mais les personnes dont je parle semblent, en vérité, avoir un cœur de gomme élastique. Vous les touchez, et elles cèdent ; vous les touchez de nouveau, et elles cèdent encore : impossible de produire sur elles la moindre impression durable. Sont-elles malades, et allez-vous les visiter ? elles répondent : « Oui, » à toutes vos exhortations. Cherchez-vous à leur faire sentir l’importance de la piété ? elles disent : « Oui. » Leur parlez-vous de l’enfer qui les menace, du ciel qui leur est offert ? elles disent : « Oui. » Lorsqu’elles sont mieux, les engagez-vous à se souvenir des bonnes résolutions qu’elles peuvent avoir prises sur leur lit de maladie ? elles disent : « Oui, » toujours : « Oui. » Quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, leur réponse est invariablement la même. Elles écoutent le ministre de l’Évangile avec, politesse, et convenance, mais toutes ses paroles glissent sur leur cœur sans y laisser de trace. Essaie-t-il d’appeler leur attention sur leur propres travers, sur leurs péchés particuliers, elles acquiescent à tout, mais ne s’appliquent rien ; approuvent tout, mais restent insensibles. Ah ! je tremble pour de telles âmes. Je tremble plus pour elles, je le répète, que pour les incrédules déclarés eux-mêmes. Voici, par exemple, un rude matelot qui, de retour de ses lointains voyages, entre par curiosité dans un lieu de culte. Il a été jusqu’à présent un jureur, un blasphémateur, un impie, mais à peine l’amour de Christ lui a-t-il été annoncé, que le cœur de cet homme se réveille et se brise sous l’action puissante de l’Esprit de Dieu. A côté de lui, se trouve peut-être un jeune homme qui fréquente régulièrement le culte. Il passe pour religieux ; sa conduite est honnête, mais il dit en lui-même : « Je sais à l’avance tout ce que le ministre va nous dire. Ma mère m’a instruit, et mon vieux père m’a fait apprendre la moitié de la Bible par cœur. Si je viens ici, je l’avoue, c’est uniquement par respect pour leurs désirs ou leur mémoire. Sans doute, la religion est bonne : elle est bonne pour les malades, les mourants et les vieilles femmes ; elle est bonne pour les jours d’épreuves et les années de choléra ; mais à mon âge, on ne peut s’en occuper. J’ai du temps devant moi : plus tard, j’y songerai… » Malheur à vous, âmes frivoles et insouciantes, car les incrédules et les péagers vous devancent au royaume des cieux ! Je vous compare dans mon esprit à la réserve de l’armée de Satan ; vous êtes ses troupes d’élite, ses soldats de prédilection. Il vous ménage, il vous garde autour de sa personne. Il ne vous envoie pas, comme le blasphémateur, au fort de la bataille ; il vous dit : « Restez auprès de moi, et si l’ennemi vous menace, je vous revêtirai d’une impénétrable armure. » Aussi, les traits de l’Évangile ont beau siffler à vos oreilles ; ils ont beau vous heurter et vous atteindre : aucun ne pénètre la cuirasse de votre indifférence. Votre cœur est invulnérable… ou plutôt, il est absent. Vous ressemblez à une chrysalide que l’insecte a désertée ; et quand vous venez dans la maison de Dieu, quand les sons de la Bonne Nouvelle frappent les oreilles de votre corps, vous n’en tenez aucun compte, car votre esprit est trop léger pour tenir compte de rien.

Il faut aussi que je dise quelques mots d’une autre classe de personnes, non moins insensées que les précédentes. Il y a des hommes qui se jouent de l’Évangile, par esprit de bravade, par pure témérité. Ils ressemblent, non à l’homme bien avisé dont parle Salomon, qui prévoit le mal et se tient caché, mais aux malavisés, qui passent outre, et en souffrent le dommage (Proverbes 22.3). Ils marchent dans une voie périlleuse et obscure ; ils le savent, mais ils avancent toujours. Ici, leur pied pourra peut-être se poser : ils le posent. Là, le terrain leur paraît sûr : ils s’y hasardent. Plus loin un gouffre ténébreux s’ouvre devant eux : n’importe, ils font encore un pas. Et comme après ce pas ils se trouvent sains et saufs, ils ne voient pas pourquoi ils n’en tenteraient point un autre. Et comme leur sécurité a duré de longues années, ils supposent qu’elle durera toujours ! Et parce qu’ils vivent encore, ils se flattent qu’ils ne mourront jamais. C’est ainsi que par une témérité qui tient du vertige, croyant tous les hommes mortels excepté eux-mêmes, ils continuent de jour en jour, d’année en année, à jouer avec le péril et à repousser les invitations de la grâce. Tremblez, âmes présomptueuses ! car le jour vient où vous recueillerez les fruits de votre folie.

Enfin, (chose étrange !) il est des gens qui n’apprécient pas l’Évangile, parce qu’il est à la portée de tout le monde. Il est prêché à peu près en tous lieux. Les occasions de l’entendre ne manquent pas. De nos jours, la Bible est largement répandue ; chacun peut la lire dans sa maison ; et c’est justement parce qu’elle est à leur portée, que plusieurs ne s’en soucient pas. S’il n’existait qu’un seul exemplaire de la Bible au monde, n’est-il pas vrai, mes chers amis, que vous seriez curieux de le lire ? Et s’il n’y avait dans le pays que vous habitez qu’un seul ministre de l’Évangile, n’est-il pas vrai que ce ministre n’aurait pas une sinécure, et qu’il devrait du matin au soir, annoncer le salut à des foules avides de l’entendre ? Mais, (ô inconséquence de l’esprit humain !) parce que vous avez des Bibles en abondance vous négligez de les lire ; parce que les traités religieux sont si communs, vous n’en faites aucun cas ; parce qu’on prêche l’Évangile de toutes parts, vous n’écoutez plus les sermons. Eh quoi ! Appréciez-vous moins le soleil, parce qu’il répand au loin ses rayons ? ou le pain, parce que c’est la nourriture que Dieu donne à tous ses enfants ? ou l’eau, parce que chaque source vous procure l’onde fraîche qui vous désaltère ? Ah ! si vous aviez soif de Christ, vous vous réjouiriez de ce que son Nom est proclamé par toute la terre, et bien loin de le mépriser à cause de cela, vous l’en aimeriez davantage.

Mais eux n’en tenant compte, s’en allèrent l’un à sa métairie et l’autre à son trafic.

Combien d’âmes ai-je en cet instant devant moi qui agissent comme les invités de la parabole ? Hélas ! leur nombre est grand, sans nul doute. Avant de nous séparer, qu’elles me permettent de leur adresser un dernier avertissement.

Pécheur, qui te joues de Christ, l’heure approche, sache-le, où tu maudiras ta folie. Quand tu seras sur ton lit de mort, quand le roi des épouvantements t’aura saisi de sa main glacée et te traînera près du sombre fleuve, que deviendras-tu, je te le demande ? Quand les fibres de tes yeux se briseront, quand les sueurs de la mort couvriront ton visage, que feras-tu ?… Souviens-toi de ta dernière maladie : comme tu tremblais alors à l’idée de comparaître devant Dieu ! Et lors du dernier orage, quel trouble, quelle terreur secrète agitait ton âme, tandis qu’éclair après éclair illuminait ta chambre, et que la grande voix de Dieu retentissait dans l’espace ! Ah ! pauvre âme, si tu as tremblé pour si peu, que sera-ce de toi quand tu verras la mort se dresser à Ion chevet, quand tu sentiras que tu ne saurais échapper à son étreinte ? Que sera-ce de toi, si tu n’as point de refuge pour l’abriter, point de Sauveur pour te protéger, point de sang expiatoire pour laver ton âme impure ?… De plus, songe, je te prie, qu’après la mort suit le jugement. Heure solennelle que celle-là, heure redoutable entre toutes, pour quiconque s’est joué de Christ ! — Vois cet ange qui vole d’un bout du ciel à l’autre : ses ailes sont de flamme, et dans sa main il porte une épée à deux tranchants. O dis, esprit céleste, où se dirige ton vol rapide ?… Ecoutez !… Un son se fait entendre, son plus éclatant et plus terrible que la langue humaine ne peut l’exprimer. C’est le son de la dernière trompette ! Voyez ! les morts s’élancent hors de leurs sépulcres. Sur les nuées, apparaît un char de triomphe, traîné par des chérubins ; et sur ce char est assis le Prince, le Roi… O dis, ange du ciel, que deviendra en ce jour terrible l’homme qui s’est joué de Christ, qui n’a point tenu compte de ses appels ?… Regardez : l’ange lève sa menaçante épée. « Comme la faucille coupe l’ivraie avec le froment, s’écrie-t-il, ainsi cette vaillante épée retranchera tous les ennemis de Christ. Et comme le moissonneur amasse l’ivraie et la lie en faisceaux pour être brûlée, ainsi ce bras robuste précipitera les contempteurs de l’Évangile dans ce lieu de ténèbres éternelles où le ver ne meurt point et où le feu ne s’éteint point ! »

Mes bien-aimés, je vous en supplie, prenez enfin ces choses au sérieux. Peut-être allez-vous, en sortant de ce temple, vous moquer des paroles du serviteur de Dieu, ou tout au moins les oublier… Hélas ! qu’y puis-je, si ce n’est vous avertir encore de votre danger ? Pécheur, je te le demande une dernière fois, que feras-tu au jour du jugement si tu es trouvé au nombre de ceux qui se seront joués de Christ ? Que feras-tu si le juste Juge l’adresse cette terrible sentence : « Retirez-vous, maudits ! » Que feras-tu si l’abîme du désespoir se referme sur ton âme, et que tu doives mêler tes gémissements aux épouvantables lamentations de la multitude des réprouvés ? O pensée accablante ! Se trouver en enfer, et savoir que l’on y est pour l’éternité !… Pécheur ! en ce moment encore, je viens l’annoncer l’Évangile du salut. Je viens t’inviter, de la part de mon Maître, au banquet d’amour qu’il a préparé pour les fils des hommes. Entends son appel, et Dieu veuille t’accorder la grâce de le recevoir, en sorte que tu sois sauvé ! Il est écrit : Celui qui croira — (qui se confiera en Jésus) — et qui sera baptisé sera sauvé ; celui qui ne croira point sera condamné (Marc 16.16). Oh ! puisses-tu ne jamais connaître par expérience le sens de ce dernier mot : condamné !

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