Catéchèse

PROCATÉCHÈSE, OU DISCOURS PRÉLIMINAIRE ADRESSÉ AUX CATÉCHUMÈNES APPELÉS AU BAPTÊME.

Lavamini, mundi efficimini, auferte malitiam ab animabus vestris coram oculis meis. (Esaïe 1.16.)
Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez de dessous mes yeux la malice de vos âmes[1].

[1] Lavez-vous, purifiez-vous.
L’usage de lire l’Ecriture avant de prêcher nous est venu de l’ancienne synagogue. C’est ainsi que Jésus-Christ, entrant dans une synagogue, lut un passage du prophète Isaïe. Il se leva pour lire : Surrexit legere ; après avoir lu il ferma le livre, le rendit et s’assit pour l’expliquer. Cùm plicuisset librum, reddidit ministro, et sedit.
L’Eglise a de tout temps suivi la même pratique. De là l’usage de faire le prône ou instruction familière, ou catéchèse immédiatement après la lecture des Epîtres et Evangiles.

I.

Bonheur du nouvel état où vont entrer les fidèles ou catéchumènes inscrits pour le baptême. Une forte volonté est un signe de vocation.

Déjà vous arrive un parfum de béatitude, ô Illuminés, déjà vous cueillez les fleurs mystiques pour en tresser des couronnes célestes ; déjà l’Esprit Saint a soufflé la douce odeur. Déjà vous avez atteint le vestibule du palais royal ; que ce soit pour être introduits pas le roi ! Sous nos yeux désormais, les arbres sont en fleurs ; que ce soit le présage d’une récolte à point ! Jusqu’à présent ont eu lieu la conscription, l’appel au service : (vous avez reçu) les lampes du cortège nuptial, vous désirez être citoyens du ciel, vous avez l’intention droite et l’espérance l’accompagne, car il n’y a pas de mensonge chez celui qui a dit : « avec ceux qu’il aime, Dieu collabore en tout pour leur bien. »[2] Dieu, dans sa bienfaisance, est large assurément, mais il attend de chacun un choix sincère, aussi l’Apôtre précise-t-il : « … à ceux qui ont été appelés d’après (leur) choix »[3]. C’est ton choix, par sa sincérité, qui te rend susceptible d’être appelé ; car ici la présence de ton corps, sans celle de ton intelligence, ne servirait à rien.

[2] Romains 8.28

[3] Romains 8.28

II.

Simon le Magicien fut baptisé , mais sans aucun profit pour lui. Danger de s'insinuer dans l'assemblée des fidèles par pur esprit de curiosité

Un jour, Simon le Magicien se présenta, lui aussi, au baptême[4]. Il fut immergé mais non illuminé. Il plongea son corps dans l’eau, mais n’assura point à son cœur la lumière de l’Esprit. Son corps descendit et remonta, mais son âme ne faut pas mise au tombeau avec le Christ ni ne ressuscita avec lui. Je te cite des exemples de chute pour t’empêcher de tomber. Ceci arrivait en effet à ces personnages pour servir d’exemple, et a été écrit pour l’instruction de ceux qui jusqu’à nos jours se présentent au baptême. Que nul d’entre vous ne se fasse prendre à tenter la grâce ! Et qu’il s’évite ainsi de voir pousser une amère racine qui le tourmenterait. Que nul d’entre vous n’entre en disant : « Laisse, voyons ce que font les fidèles, une fois entré je verrai et je saurai ainsi ce qui se passe. » Tu t’attends à voir et tu ne t’attends pas à être vu, et tandis que tu te mêles de ce qui se passe, Dieu, lui, penses-tu, ne se mêle pas de ton cœur ?

[4] Actes 8.13

III.

Celui qui s'était furtivement introduit dans la salle du festin en fut exclus. Jésus-Christ est un juge sévère , mais généreux

Il est un homme qui jadis se mêla à la noce dont parlent les Évangiles. En négligé, il entra, s’étendit et se mit à manger, car il avait eu l’accord de l’époux. Mais il aurait fallu que ce convive voyant que tout le monde portait des habits blancs, revêtit lui aussi un vêtement de cette couleur. Loin d’en agir ainsi, il prit sa part des plats tout comme les autres, alors que ni sa tenue ni ses dispositions ne l’assimilaient à eux. Cependant, libéral, l’époux n’est pas pour autant dépourvu de discernement. En faisant le tour des convives un à un, et en les regardant (non qu’il s’intéressât à leur manière de manger, mais bien à leur tenue), il vit un intrus qui n’avait pas la robe des noces et lui dit : « Mon ami, comment es-tu entré ici ? »[5] avec quelle couleur ? avec quelle conscience ? Je veux bien que le portier ne t’ait pas empêché d’entrer, tant est libéral l’intendant. Tu ignorais, soit, quel vêtement était de rigueur pour être admis au festin : tu es entré, tu as vu les vêtements pour ainsi dire fulgurants des convives : n’aurait-il pas fallu, du moins, tirer de ce qui frappait tes yeux, une leçon ? N’aurait-il pas fallu faire une honnête entrée, pour faire une honnête sortie ? Mais voici que ta fâcheuse entrée te vaut aussi une fâcheuse expulsion. » Et aux serviteurs, il ordonne : « Attachez-lui les pieds » – qui ont eu la témérité de l’introduire – « attachez-lui les mains » – qui ne l’ont pas revêtu d’un vêtement éclatant – « et jetez-le dans les ténèbres extérieures »[6] – car il est indigne des lampes de la noce. Tu as vu ce qui es arrivé à l’homme de ce jour-là : veille à ton propre cas.

[5] Matthieu 22.12

[6] Matthieu 22.13

IV.

Conduite que doit tenir celui qui s'est introduit par d'ignobles motifs . Ordre qui s'observe dans les assemblées chrétiennes. Pénitence de 40 jours pour se préparer au baptême

Nous, en effet, les ministres du Christ, nous avons accueilli chacun, et jouant en somme un rôle de portiers, nous avons laissé la porte libre. Il est possible que tu sois entré avec une âme maculée de péchés et avec une intention souillée. Tu es entré, tu as été jugé digne, ton nom a été inscrit. Vois-tu bien la belle discipline de l’Église ? Contemples-tu bien sa science de l’ordre, la lecture des Écritures, la présence des personnes régulières, le déroulement de l’enseignement ? Respecte ce lieu, et que ce spectacle t’instruise : fais aujourd’hui une honnête sortie, et demain une honnête rentrée. Si ton âme avait pour vêtement l’avarice, entre avec un autre. Dépouille le vêtement que tu as porté, ne mets rien par-dessus ; dépouille-moi fornication et impureté, et revêts-moi la très éclatante robe de la chasteté. Je te donne cet avis avant que n’entre l’Époux des âmes, Jésus, et qu’il ne voie tes vêtements. Tu disposes d’un long délai : tu as une pénitence de quarante jours, tu as une bonne occasion pour te dévêtir, te laver, te revêtir et entrer. Que si tu restes dans tes mauvaises dispositions, celui qui parle n’y est pour rien, mais toi, ne t’attends pas à recevoir la grâce : l’eau te recevra, certes, mais l’Esprit ne t’accueillera pas. Si quelqu’un sent sa blessure, qu’il y mette un emplâtre ; si quelqu’un est tombé, qu’il se relève. Qu’il n’y ait parmi vous nul Simon, nulle hypocrisie, nul essai déplacé du sacrement.

V.

Avis à ceux qui s'y présentent par des motifs purement humains. Ils peuvent être sauvés.

Il arrive aussi que l’on soit amené par un motif étranger. Il arrive même qu’un homme soit amené par le désir de plaire à une femme et que ce soit le motif de sa venue. Disons qu’en revanche la même chose arrive aussi aux femmes. Souvent aussi, un esclave a voulu faire plaisir à son maître, et un ami à son ami. J’accepte l’amorce de cet hameçon, et je t’accueille amené sans doute par un motif sans valeur, destiné néanmoins à la belle espérance du salut. Peut-être ne savais-tu pas où tu venais, ni quelle seine te prend ? Tu te trouves dans les filets de l’Église : laisse-toi prendre vivant, ne cherche pas à t’enfuir. Car si l’hameçon de Jésus te prend, ce n’est pas pour ta mort, mais pour, après ta mort, te faire vivre. Il faut en effet que tu meures et que tu ressuscites. Tu as entendu l’Apôtre dire : « Morts au péché, mais vivants pour la justice. »[7] Meurs au péché et vis pour la justice ; vis dès aujourd’hui.

[7] Romains 6.11-14

VI.

Le catéchumène est souvent rebuté par ce qu'on dit de nos mystères qu'il ne comprend pas. Ceux qui sont inscrits pour le baptême prennent le nom de fidèles

Vois un peu de quelle immense dignité Jésus te gratifie. On t’appelait ‘catéchumène’, lorsque tu étais seulement environné par l’écho. Tu entendais parler d’une espérance, mais sans la voir ; de mystères, mais sans les comprendre ; des Écritures, mais sans en voir la profondeur. L’écho, désormais, ne résonne plus autour de toi, l’écho résonne en toi : car l’Esprit qui t’habite fait désormais de ton intelligence une maison divine. Quand tu entendras parler de ce qui est écrit sur les mystères, alors tu comprendras ce que tu ne savais pas. Et ne pense pas que tu ne reçois pas grand-chose : homme misérable, tu prends un nom qui appartient à Dieu ! Écoute parler Paul : « Dieu est fidèle. »[8] Écoute un autre passage de l’Écriture : « Dieu est fidèle et juste. »[9] Le Psalmiste prévoyait cela quand, de la part de Dieu en personne, il disait (puisque les hommes doivent prendre un nom de Dieu), « Moi j’ai dit : vous êtes des dieux, et tous des fils du Très-Haut. »[10] Mais évite soigneusement que le nom soit celui d’un fidèle et l’intention celle d’un infidèle. Tu es venu pour combattre, donne-toi la peine de fournir ta course ; tu n’auras pas d’occasion comparable de le faire. Si tu étais dans l’attente des jours de tes noces, laisserais-tu pas tout le reste de côté pour te donner à la préparation du festin ? Or te voici sur le point de consacrer ton âme à l’Époux céleste : ne vas-tu pas négliger les intérêts du corps pour conquérir les biens spirituels ?

[8] 1 Corinthiens 1.9

[9] Deutéronome 32.4 ; 1 Jean 1.9

[10] Psaumes 81.6

VII.

Le baptême ne peut se réitérer. On rebaptise néanmoins les hérétiques et pourquoi ?

Il n’est pas permis de recevoir le baptême deux ou trois fois, car alors on pourrait dire : « J’ai une fois manqué mon coup, la seconde fois je vais redresser la situation. » En fait, si on manque son coup une fois, la situation est impossible à redresser. « Car il y a un seul Seigneur, une seule foi, et un seul baptême. »[11] On ne rebaptise que les hérétiques, parce que la première fois, il n’y a pas eu de baptême.

[11] Éphésiens 4.5

VIII.

La volonté et la foi sont les dispositions nécessaires au baptême.

Dieu en effet ne cherche chez nous rien d’autre que la bonne intention. Ne dis pas : « Comment mes péchés seront-ils effacés ? » Moi je te dis : « Par la volonté, par la foi. » Quel chemin plus court ? Mais tes lèvres exprimeraient-elles la volonté sans que l’exprimât ton cœur : le juge connaît les cœurs. Renonce dès aujourd’hui à tout œuvre mauvaise ; que ta langue ne prononce pas de paroles malséantes, que ton œil ne pèche pas, et que ton esprit ne rôde pas autour de la vanité.

IX.

Nécessité des exorcismes. Ils sont conçus en termes extraits des Livres saints. Ils purifient l'âme.

Hâte tes pas vers les catéchèses. Accueille avec empressement les exorcismes : sous les insufflations, sous les exorcismes s’opère ton salut. Dis-toi que tu es un or sans valeur, falsifié, mêlé de divers matériaux : airain, étain, fer, plomb. Nous poursuivons la possession de l’or sans alliage. L’or ne peut sans le feu être purifié des éléments étrangers. De même, sans les exorcismes, l’âme ne peut être purifiée ; ils sont des prières divines, tirées des divines Écritures. On t’a voilé le visage pour que ta pensée en soit plus fixée, pour éviter que ton œil ne divague et ne fasse aussi divaguer ton cœur. Mais tandis que tes yeux sont voilés, rien n’empêche tes oreilles d’accueillir la parole du salut. Les habiles orfèvres se servent d’instruments délicats pour souffler sur leur brasier et faire ainsi surgir les paillettes d’or cachées dans le creuset. C’est donc en attisant la flamme tout proche, qu’ils découvrent l’objet de leur recherche. Ainsi quand les exorcistes, par le ‘Souffle’ divin, jettent la crainte, et comme dans un creuset – en l’occurrence le corps –, rallument l’âme : alors le démon-ennemi s’enfuit : il reste le salut, il reste aussi l’espérance de la vie éternelle, et finalement, l’âme, purifiée de ses fautes, possède le salut. Restons donc attachés à l’espérance, frères, donnons-nous nous-mêmes et espérons, pour que le Dieu de l’univers, voyant notre disposition, nous purifie de nos fautes, nous invite à concevoir bon espoir au sujet de nos projets et nous donne la conversion qui sauve. Dieu a appelé ; toi, tu as été appelé.

X.

Utilité des catéchèses. Elles fournissent des armes pour combattre les puissances des ténèbres.

Sois assidu aux catéchèses. Dussent nos paroles vous retenir longuement, ne relâche jamais ton attention. Elles te fournissent des armes contre la puissance ennemie, elles te fournissent des armes contre les hérésies, contre les Juifs, les Samaritains et les païens. Tu as beaucoup d’ennemis, arme-toi abondamment. De nombreuses cibles s’offrent à tes traits, et c’est pour toi une nécessité que d’apprendre comment tu transperceras le Grec, comment tu combattras contre l’hérétique, contre le Juif et le Samaritain. Les armes, assurément, sont prêtes et tout prêt le glaive de l’Esprit, mais il faut, par la bonne intention, les brandir sur la droite, pour combattre le combat du Seigneur, pour vaincre la puissance adverse, pour devenir invincible à toutes les entreprises de l’hérésie.

XI.

Il faut les retenir dans leur entier. Différence entre les catéchèses et les homélies. C'est un corps de doctrine.

Voici encore un avis à respecter : apprends ce qui est dit et retiens-le définitivement. Ne pense pas qu’il s’agisse de nos réunions ordinaires. Non ; ces dernières aussi sont bonnes, elles méritent notre créance, mais si aujourd’hui nous avons été distraits nous apprendrons demain. Au contraire, les enseignements qui nous sont dispensés progressivement sur le bain de la nouvelle naissance, s’ils étaient négligés aujourd’hui, quand les reprendrait-on ? Dis-toi que c’est le temps de la plantation des arbres : si nous ne creusons, et profondément, est-ce que notre plantation une fois manquée, pourra en un autre temps être réussie ? Dis-toi que la catéchèse est un édifice : si nous ne creusons pas pour les fondations, si nous n’assurons pas les joints de la construction, la cohésion de la maison, pour qu’elle ne comporte aucune malfaçon qui rendrait caduque la construction, absolument inutile sera lui-même le premier travail. Il faut au contraire joindre successivement pierre à pierre et accorder angle à angle, en arasant le superflu : c’est ainsi qu’il faut aboutir à élever une construction impeccable. De même, nous t’apportons, pour ainsi dire, les pierres de la science. Il faut écouter ce qui concerne le Dieu vivant ; écouter ce qui concerne le jugement ; écouter ce qui concerne le Christ ; écouter ce qui concerne la Résurrection. Il y a quantité d’enseignements successifs, actuellement donnés sans lien, mais qui, le moment venu, le seront d’une manière systématique. Mais si tu ne les relies pas en leur ensemble et si ta mémoire ne retient pas les premiers, puis les suivants, l’architecte aura beau bâtir, tu n’auras qu’un édifice fragile.

XII.

Secret que le fidèle doit garder sur tout ce qui lui est dit dans le cours des catéchèses.

Donc, lorsqu’on te donne la catéchèse, si un catéchumène cherche à savoir de toi ce qu’ont dit les maîtres, ne dis rien à quelqu’un de l’extérieur. Car nous te transmettons un mystère et une espérance du siècle à venir. Garde le mystère pour Celui qui en retour donne la récompense ! Que nul jamais ne te dise : « Quel inconvénient pour toi si je suis moi aussi au courant ? » – Les malades aussi réclament le vin ; mais si on leur en donne à contretemps, il produit la folie, et voici un double malheur : mort du malade et perte de la réputation du médecin. Ainsi en est-il également dans le cas du catéchumène qui s’instruit de la bouche d’un fidèle : le catéchumène délire car il ne comprend pas ce qu’il a entendu, discute et tourne en dérision ce qui lui a été dit, et le fidèle est condamné comme traître. Te voici désormais debout sur la frontière : vois à ne rien divulguer. Non pas que ce qui te sera dit ne mérite pas d’être divulgué, mais parce que l’oreille n’est pas digne de l’entendre. Toi aussi, naguère, tu as été catéchumène, et je ne t’exposais pas ce qui est maintenant à ta disposition. Quand l’expérience t’aura fait comprendre la sublimité de ce qu’on t’enseigne, alors tu comprendras que les catéchumènes ne sont pas dignes de l’entendre.

XIII.

Conduite que les fidèles doivent tenir , en attendant l'heure de l'instruction.

Vous êtes fils et filles d’une Mère unique, vous les inscrits. Quand, avant l’heure des exorcismes, vous serez entrés, que la piété préside aux propos de chacun d’entre vous ; et s’il y a quelque absent, qu’on aille le chercher. Si tu étais invité à un banquet, n’attendrais-tu pas celui qui est invité avec toi ? Si tu avais un frère, ne chercherais-tu pas le bien de ton frère ? Au reste, ne va pas te mêler de choses inutiles, à l’affût de ce que la cité a fait, de ce que le bourg a fait, de ce que le roi a fait, de ce que l’évêque a fait, de ce que le prêtre a fait. Porte en haut tes regards, la circonstance où tu te trouves l’exige : « Arrêtez-vous et sachez que je suis Dieu. »[12] Si tu vois les fidèles servir, tu vois aussi qu’ils le font en toute liberté d’esprit : ils sont en sécurité, ils savent ce qu’ils ont reçu, ils possèdent la grâce. Toi au contraire, tu es encore dans la balance : être reçu ? n’être pas reçu ? Ne te comporte pas comme ceux qui n’ont pas de préoccupations, mais de la crainte fais ta compagne.

[12] Psaumes 45.11

XIV.

Les femmes doivent être séparées des hommes. Les vierges doivent être isolées. Règle que tous doivent observer. Explication du mot Samuel.

Pendant les exorcismes, attendez le retour des autres qui reçoivent l’exorcisme ; que les hommes soient avec les hommes, les femmes avec les femmes. Il me faut ici recourir à l’arche de Noé[13]. Elle renfermait Noé avec ses fils, et la femme de Noé avec les femmes de ses fils. Car, s’il n’y avait qu’une seule arche, et dont la porte avait été fermée, un bel ordre y régnait néanmoins. Ainsi, bien que l’église soit fermée et vous tous à l’intérieur, il faut pourtant que la séparation existe : les hommes avec les hommes, et les femmes avec les femmes, pour que la base du salut ne soit pas une occasion de perdition. Sans doute est-ce une belle institution que de s’asseoir les uns à côté des autres, mais que les passions restent bien loin. Autre chose : que les hommes assis aient dans les mains quelque livre utile, que l’un y lise et que l’autre écoute. S’il n’y a pas de livre, que l’un prie et que l’autre dise quelque parole profitable. Quant au groupe des vierges, qu’il se tienne assemblé, chantant ou lisant, mais tout bas, de sorte que les lèvres parlent mais que les oreilles des autres n’entendent pas : « car je ne permets pas à la femme de prendre la parole dans l’assemblée. »[14] Que la femme mariée imite cet exemple : qu’elle prie, qu’elle remue les lèvres, mais qu’on n’entende pas de voix : afin que naisse Samuel, afin que ton âme stérile engendre le salut de Dieu qui exauce – ainsi s’interprète en effet ‘Samuel’.

[13] Cf. Genèse 7.7

[14] 1 Timothée 2.12

XV.

Excellence du jour de Pâques. Les anges assistent au baptême.

Je verrai l’application de chacun, je verrai la piété de chacune. Que l’intelligence s’enflamme pour la piété, que l’âme soit forgée, que la dureté de l’infidélité soit battue au marteau, que tombent les bavures superflues du fer, que reste ce qui est pur ; que tombe la rouille du fer, que reste sa substance originelle. Cette nuit-là, enfin, Dieu vous montrera ces ténèbres claires comme le jour, dont il est dit : « Les ténèbres ne sont pas obscures à tes yeux, et la nuit connaît la grande lumière du jour. »[15] Alors s’ouvrira devant chacun et chacune la porte du Paradis, alors vous jouirez des eaux porteuses du Christ exhalant un doux parfum, alors vous recevrez le nom du Christ et le pouvoir d’agir divinement. Dès maintenant, levez bien haut l’œil de votre intelligence ; dès maintenant représentez-vous les chœurs angéliques, et Dieu, Maître de toutes les créatures, siégeant, son Fils unique à sa droite, sur un même trône, et l’Esprit avec eux ; servis par les Trônes et les Dominations, chacun et chacune de vous, enfin, sauvé et sauvée. Que dès maintenant, d’une certaine manière, vos oreilles vous en tintent : aspirez à ce beau chant dont les anges acclameront l’accomplissement de votre salut : « Bienheureux ceux dont les iniquités ont été enlevées et dont les fautes ont été cachées »[16], lorsque comme des astres de l’Église, vous entrerez au ciel, corps resplendissant, âme rayonnante.

[15] Psaumes 138.12

[16] Psaumes 31.1 ; Romains 4.7

XVI.

Eloge du baptême. C'est un sceau indélébile. Pièges que le démon tend aux fidèles qui s'y préparent. Il faut qu'ils s'arment de foi et d'espérance. Tentations de la part des gentils.

C’est une grande chose que le baptême qui vous est proposé : rançon des captifs, rémission des fautes, mort du péché, nouvelle naissance de l’âme, vêtement de lumière, sceau sacré et indélébile, véhicule pour le ciel, célestes délices, droit d’hospitalité dans le royaume, don gratuit de l’adoption. Mais, le long de la route, le dragon guette les passants : attention à sa morsure, l’incrédulité. Il voit tous ceux qui sont sauvés et il cherche qui dévorer. Tu te rends chez le Père des esprits, mais ta route passe devant ce dragon. Comment donc franchiras-tu le pas ? Chausse tes pieds de « la préparation de l’Évangile de la paix »[17], afin que même s’il te mord, il ne te nuise pas. Aie une foi personnelle, une ferme espérance, une solide chaussure, afin de passer à travers l’ennemi et d’entrer auprès du Maître. Prépare ton cœur à recevoir l’enseignement, pour participer aux saints mystères. Prie plus intensément, pour que Dieu t’estime digne des mystères immortels de par-delà le ciel. Ne cesse ni jour ni nuit, mais quand le sommeil aura fui tes paupières, que ton intelligence alors vaque à la prière. Et si tu vois s’élever dans ton intelligence quelque pensée honteuse, recours à la pensée du jugement qui te rappellera le salut. Applique ton esprit à l’étude pour échapper à la vanité. Si tu vois qu’on te dit : « Alors, tu vas descendre dans l’eau ? Est-ce que la ville ne possède pas des bains tout neufs ? » sache que c’est le dragon de la mer qui te dresse cette embûche. Ne t’arrête pas aux lèvres de l’homme qui parle, mais à Dieu qui agit. Garde ton âme imprenable, pour qu’ayant persévéré dans l’espérance, tu sois héritier du salut éternel.

[17] Éphésiens 6.15

XVII.

Dieu peut faire d’un infidèle un fidèle si celui-ci donne son cœur.

Humbles hommes, voilà ce que nous annonçons et enseignons. Faites en sorte que notre édifice soit autre chose que foin, paille et chaume, de crainte que notre œuvre ne brûle et que nous soyons punis ; mais faites de l’œuvre, un édifice d’or, d’argent et de pierres précieuses. Mon rôle est en effet de parler, le tien d’acquiescer, celui de Dieu de mener à bonne fin. Affermissons nos intelligences, tendons nos âmes, préparons nos cœurs. Nous jouons notre âme, notre espérance a pour objet des bien éternels. Mais Dieu a la puissance – (il connaît nos cœurs et il sait qui est sincère et qui est hypocrite) –, de garder notre sincérité et de faire de l’hypocrite un fidèle. Car Dieu peut rendre fidèle l’infidèle lui-même, à la seule condition qu’il donne son cœur. Qu’il détruise ainsi l’écrit qui vous menace[18], et vous accorde le pardon de vos péchés passés. Qu’il vous plante dans l’Église et qu’il vous institue ses soldats en vous revêtant des armes de la justice. Qu’il vous comble des célestes biens du Nouveau Testament et vous donne pour les siècles le sceau indélébile de l’Esprit Saint, dans le Christ Jésus Notre-Seigneur, à qui soit la gloire dans les siècles des siècles. Amen.

[18] Colossiens 2.14

Appendice.

Encore une observation sur la nécessité du secret.

« Ces catéchèses des illuminés, si tu les donnes à lire, tant à ceux qui s’avancent vers le baptême qu’aux croyants qui l’ont déjà reçu, n’en donne l’ensemble ni aux catéchumènes ni à d’autres qui ne seraient pas chrétiens, car autrement, tu en rendras compte au Seigneur. Et si tu les recopies, écris sous le regard de Dieu. »

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