Catéchèse

QUATRIÈME CATÉCHÈSE, DU BAPTÊME.

SOMMAIRE

S. Cyrille, selon la coutume de l’Eglise de Jérusalem, avant d’aborder l’explication du symbole, donne une exposition sommaire de toute la doctrine chrétienne. Il commence aujourd’hui par inculquer fortement dans l’esprit de ses auditeurs la double nécessité pour le salut de la bonne doctrine et des bonnes œuvres, et le danger qu’il y a pour eux de puiser la science du salut dans des sources impures. De là il passe aux principaux articles de la foi. Il traite, 1° de Dieu, 2° du Christ, 3° de son incarnation, 4° de sa mort, de sa sépulture, de sa descente aux enfers, 5° de sa résurrection, de son ascension, 6° de son avènement futur, 7° du Saint-Esprit, 8° de la nature de l’homme considérée dans son âme et son corps, 9º de la virginité, du mariage, de la viduité, des secondes noces, de la nature et du choix des aliments et des vêtements, 10° enfin de la résurrection générale et du jugement. C’est pourquoi dans tous les anciens manuscrits cette quatrième Catéchèse porte le titre des Dix dogmes. Après cet exposé rapide, il indique la source de tous ces dogmes, qui est l’Ecriture sainte, c’est-à-dire les livres tant de l’Ancien que du Nouveau Testament. Cette Catéchèse fut improvisée sur la fin de la première semaine du carême.

Videte ne quis vos deprædetur per philosophiam et inanemfallaciam, secundùm traditionem hominum, secundùm elementa mundi, et non secundùm Christum. (Colossiens 2.8.)

Prenez garde de vous laisser surprendre par la philosophie, par des raisonnements vains et trompeurs, selon les traditions des hommes, les éléments du monde et non selon Jésus-Christ.

I.

Le vice se revêt des couleurs de la vertu ; l’ivraie s’efforce de passer pour du blé en en prenant la forme extérieure, mais le goût la découvre bientôt. C’est ainsi que l’ange de ténèbres se transforme en Ange de lumière, non pas pour revenir au point d’où il est parti, mais pour séduire les hommes et les égarer. Car, semblable à une enclume, son cœur est indomptable dans sa perversité et inaccessible au repentir. C’est pourquoi il travaille avec une infatigable activité à envelopper de ténèbres ceux-là même qui ont embrassé une vie angélique, à éteindre en eux le flambeau de la foi, et à ne laisser dans leur âme que le poison de l’incrédulité. Le monde est plein de loups qui, sous la peau de brebis, ne cessent de rôder autour du troupeau, mais qui n’en ont ni les dents ni les ongles.

Sous ce masque ils affectent une douceur, une simplicité, une bonne foi, une innocence angélique ; mais de leurs dents découle le venin le plus actif de l’impiété. Nous avons donc un besoin urgent de la grâce de Dieu, d’une grande vigilance, d’une grande pénétration d’esprit, pour ne pas confondre l’ivraie avec le froment, pour ne pas nous laisser empoisonner ou enlever par un loup déguisé sous une toison de brebis, pour ne pas confondre un ange de ténèbres avec un Ange de lumière, un esprit impur avec un esprit céleste. Rappelons-nous ces paroles du Prince des Apôtres Le démon tourne autour de vous comme un lion rugissant qui cherche qui il pourra dévorer. (1 Pierre 5.8.)

C’est pour vous prémunir contre ces dangers que l’Église, dans l’épître de ce jour, vous avertit de vous tenir sur vos gardes, et qu’elle a institué ces instructions et ces lectures.

II.

Deux choses essentielles constituent le service de Dieu : une foi inébranlable dans les dogmes que l’Eglise nous prescrit, et la pratique des bonnes œuvres. Car la foi sans les œuvres n’est rien aux yeux de Dieu, et Dieu n’a aucun égard pour les œuvres dénuées de la foi dans ses dogmes.

Que sert, en effet, à l’homme de connaître parfaitement tous les dogmes qui concernent Dieu, s’il s’abandonne aux plus honteuses passions ? Que lui sert-il d’être tempérant, régulier, dans sa vie privée et publique, s’il blasphème le nom de Dieu ?

Il est donc pour nous de la plus urgente nécessité de bien connaître les dogmes que nous tenons de Dieu, et pour cela de veiller sur notre esprit, de le tenir en bride, puisque nous sommes environnés d’une foule de séducteurs qui cherchent à nous prendre dans les filets d’une philosophie mensongère et de l’imposture cachée sous les dehors d’une vaine science. (Colossiens 2.8.) Ici ce sont des écoles qui retentissent de tous les charmes de l’éloquence païenne. Car c’est des lèvres d’une prostituée que distille le miel. (Proverbes 5.3.) Ailleurs, ce sont des circoncis qui passent leur vie à torturer le sens des Livres saints qu’ils colportent avec eux, qui trompent ceux qui les abordent, qui depuis leur enfance jusqu’à leur vieillesse courent toujours à la poursuite de la vérité (Esaïe 46.3 ; 2 Timothée 3.7) mais qui finissent par croupir et vieillir dans une honteuse et crasse ignorance.

Derrière eux, je vois les apôtres de l’hérésie qui courent après les esprits simples, les séduisent au nom du Christ (Romains 16.18) par un langage doux, flatteur, insinuant, hypocrite ; qui couvrent leur poison, c’est-à-dire leurs dogmes impies, leurs blasphèmes, du nom adorable de Jésus-Christ, s’en servent comme d’un miel qui contient le venin le plus actif. C’est de tous ces esprits séducteurs que le Seigneur a dit : Prenez garde de vous laisser tromper. Plusieurs viendront en mon nom, disant : Je suis le Christ ; et ils en séduiront plusieurs. (Matthieu 24.4.) Voilà pourquoi l’Eglise prend tant de peines pour nous exposer et nous expliquer sa doctrine.

III.

Mais avant de nous occuper des articles de notre foi, j’ai pensé qu’il serait très-bien de repasser sommairement les principaux points de doctrine nécessaires au salut, pour que l’abondance des matières que nous aurons à traiter, et les jours d’intervalle qui se trouveront entre nos instructions dans le cours de cette sainte quarantaine, ne vous fassent pas oublier, surtout à ceux qui ont la mémoire moins exercée, ces mêmes points de doctrine que nous traiterons dans la suite avec plus de détail et de développement.

Que ceux-là nous écoutent avec patience, dont l’intelligence est plus formée (Heb. V, 14) dont les sens sont déjà tout exercés dans la distinction du bien et du mal, en entendant ici répéter les premiers éléments de la doctrine chrétienne, et si, comme à des nourrissons, nous la leur présentons encore sous la forme de lait. Ceux qui ont besoin d’être ainsi nourris en profiteront ; la mémoire de ceux qui sont plus instruits se réveillera comme un feu couvert, en écoutant encore les choses qu’ils ont déjà apprises.

DE DIEU.
1er Dogme.

IV.

Le premier de tous les dogmes qu’il faut inculquer dans votre âme, comme le fondement de tous les autres, est celui d’un seul Dieu, non engendré[1], sans commencement et sans fin, immuable, invariable, sans successeur, sans antécédent, qui est tout à la fois bon et juste ; afin que si vous entendiez jamais un hérétique qui vous dise qu’autre chose est le Dieu bon, autre chose est le Dieu juste, vous reconnaissiez aussitôt le trait empoisonné de l’hérésie. Oui, il est des hommes assez téméraires, assez impies, pour diviser la divinité qui est une, et pour dire qu’il y avait un Dieu créateur et Seigneur de l’âme, puis un autre créateur des corps : doctrine aussi folle, aussi absurde qu’impie.

[1] Non engendré.
Ce mot paraît dirigé contre les gnostiques qui attribuaient la création du monde à un de ces Anges qu’ils appelaient Eons, c’est-à-dire siècles, produits médiatement ou immédiatement par Bythos, c’est-à-dire l’abîme. Quoique ce mot non engendré signifie celui qui n’a point de père selon la chair, Cyrille lui donne ici un sens plus étendu ; il signifie celui qui n’a ni père ni créateur. S. Ignace a dit, en parlant de Jésus-Christ (Epist. ad Ephes. 7) yévntos et ȧyévvntos, comme s’il eût dit genitus et increatus, engendré et incréé, en raison de sa double nature divine et humaine. Encore ce passage de S. Ignace que cite le Père Touttée est très-douteux. (Voy. Cottel. t. 1, p. 13 et la note ; Voyez la note A, xie Catech., sur le mot sans commencement.

Comment le même homme pourrait-il appartenir à deux maîtres, puisque le Seigneur a dit : Nul ne peut servir deux maîtres ? (Matthieu 6.24.)

Il n’y a donc qu’un seul Dieu, créateur unique des âmes et des corps, du ciel et de la terre, des Anges et des Archanges et de tout ce qui est ; Père avant tous les siècles d’un Fils unique Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui il a tout fait, ce qui est visible (Jean 1.3) comme ce qui est invisible. (Colossiens 1.16.)

V.

Le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ n’est circonscrit par aucun lieu[2], ni même par la vaste étendue du ciel ; mais les cieux sont l’œuvre de ses doigts. (Psaumes 8.4.) Il tient dans le creux de sa main toute la terre. (Esaïe 40.12.) Il est dans tout et hors de tout. Gardez-vous de le comparer en plus ou en moins avec l’astre du jour. Car celui qui a créé le soleil doit être en grandeur et en éclat incomparablement au-dessus de l’objet créé. L’avenir est toujours présent à ses yeux ; il est en puissance au-dessus de toutes les puissances, voyant et faisant tout comme il le veut, sans être assujetti à aucune conséquence, à aucune influence des astres sur les naissances, à aucun destin, à aucune fatalité ; il est en tout parfait, possédant également toutes les vertus sans accroissement ni décroissement, sans vicissitude quelconque.

[2] N’est circonscrit par aucun lieu.
L’auteur paraît avoir en vue les manichéens qui attribuaient à leurs deux divinités diverses localités, comme diverses fonctions. (Voy. Catech. VI, 13.) Il a pu aussi envisager ici les anthropomorphites dont il parlera (Catech. VI, 8) ou les valentiniens qui circonscrivaient le Dieu Pleroma, par Horus créateur du monde. (Voy. S. Irénée, lib. IV, cap. xix, 13.) Au reste, Cyrille combat ici tout à la fois les gentils, les manichéens, les astrologues qui faisaient des astres, des divinités plus ou moins importantes, les stoïciens qui rapportaient tout au destin, maître suprême de Dieu lui-même. (Vid. Cicer. de Nat. Deor., lib. 1.)

Il a de toute éternité préparé un supplice pour les méchants et une couronne pour les justes.

VI.

Mais, comme beaucoup se sont écartés de la connaissance d’un seul Dieu, et se sont fourvoyés dans mille erreurs ; comme quelques-uns ont fait un Dieu de l’astre du jour, de sorte qu’ils se trouvaient sans Dieu pendant la nuit ; que d’autres, pour suppléer à son absence, ont fait de la lune une divinité qui disparaissait au retour du soleil ; que d’autres ont vu autant de Dieux dans le monde qu’il avait de parties ; comme les uns ont trouvé un Dieu dans les arts, les autres dans les aliments ; comme ceux-ci en proie au feu de l’impudicité ont placé sur leurs autels l’image d’une femme nue sous le nom de Vénus ; comme dans le bois ou le marbre qui était sous leurs mains ils ont adoré leurs propres passions, tandis que ceux-là, séduits par l’éclat de l’or, ont vu dans ce métal leur divinité et en ont fait l’apothéose, on se garantira aisément de ces monstrueuses erreurs, si on se pénètre bien de l’unité de Dieu. Si on se grave profondément dans le cœur cette vérité fondamentale, on extirpera en soi tout principe d’idolâtrie avec tous ses maux, on fermera la porte de son cœur à toute espèce d’hérésie.

Voilà donc le premier dogme que vous devez croire et que vous devez fortement graver dans votre esprit et dans votre cœur.

DU CHRIST.
2° Dogme.

VII.

Vous devez croire aussi au Fils unique de Dieu Notre-Seigneur Jésus-Christ, Dieu né de Dieu, vie née de la vie, lumière née de la lumière, en tout semblable[3] à son Père, qui n’a point reçu l’être dans le temps, mais qui a été engendré par son Père de toute éternité d’une manière inaccessible à l’intelligence de l’homme, qui est tout à la fois la sagesse, la puissance, la justice substantielle de son Père, qui est assis à la droite de son Père avant tous les siècles. Car ce n’est ni après sa passion ni en récompense de sa patience, comme le prétendent quelques-uns[4], qu’il a été élevé à cette haute dignité ; mais c’est depuis qu’il est, c’est-à-dire de toute éternité, qu’il est en possession de la puissance royale, qu’il est assis sur le trône avec son Père dont il est, comme Dieu, la sagesse et la puissance, ainsi que nous l’avons dit. Il règne avec son Père, il a tout créé par son Père. Rien donc ne lui manque de ce qui constitue la dignité de Dieu. Il connaît son Père, comme il est connu de son père.

[3] En tout semblable à son Père.
Ces mots ont prêté aux ennemis de S. Cyrille le prétexte de l’accuser d’arianisme, ou tout au moins de semi-arianisme, pour n’avoir jamais employé le mot consubstantiel. Nous renvoyons le lecteur à ce que nous avons dit sur la doctrine du saint Patriarche, dans l’histoire de sa vie. Nous ferons seulement observer qu’ici il paraît avoir en vue de contredire directement ce blasphème d’Arius, cité par S. Athanase. (Orat. 1, cont. arian. 6.) Ο λόγος ἀλλότριος καὶ ἀνόμοιος κατὰ πάντα τῆς τοῦ πατρὸς οὐσίας καὶ ἰδιότητος ἐστι. Verbum alienum et dissimile est per omnia à Patris essentia et proprietate.
Quant aux semi-ariens, il faut encore remarquer qu’ils employaient, pour masquer leur erreur, le mot öpotos, similis, avec ces mots : κατὰ πάντα, in omnibus.

[4] Comme le prétendent quelques-uns.
C’est une erreur que S. Cyrille combat avec force, et sur laquelle il revient souvent. (Catech. XI,17 ; xiv, 27,29.) Il est de foi que le Fils Verbe ou le Fils comme homme, doit au mérite de sa passion son siège à la droite de Dieu son Père. (Paul, Heb. II, 9 ; X, 13 ; VI, 1.) Doctrine que va confirmer S. Cyrille, n. 14. Et c’est le vrai sens de cet article du symbole, Sedet ad dexteram Patris, comme l’a fort bien observé Ruffin dans son exposition du symbole. Ce n’est point cette doctrine que combat S. Cyrille, mais celle de ceux qui niaient que Jésus-Christ eût participé au royaume de son Père avant son incarnation, et qui soutenaient que son règne ne datait que de son ascension. Telle était l’erreur de Paul de Samosate, qu’Athanase (Orat. 11, cont. arian. 13) signale en ces termes : Si igitur existimant Salvatorem Dominum et regem non fuisse priusquam homo fieret et crucis supplicium pateretur, noverint se eadem quæ Samosatensis nunc apertė proferre. Cet hérésiarque s’appuyait sur ces paroles de l’Apôtre : Propter quod et Deus exaltavit illum, etc. (Philipp. II, 9.) Cette hérésie fit partie de celle d’Arius et de Marcel d’Ancyre, selon le témoignage d’Eusèbe. (Lib. 11, contra ipsum, ch. IV, p. 50.)

Et pour tout dire en un mot, souvenons-nous de ces paroles de l’Evangile Personne ne connaît le Père que. le Fils, et personne ne connaît le Fils que le Père. (Matthieu 11.27.)

VIII.

Ne séparez donc pas le Fils du Père, comme aussi ne les confondez pas[5] ; ne faites pas du Père et du Fils une seule et même personne ; mais croyez qu’il est le Fils unique d’un seul Dieu, Dieu et Verbe avant tous les siècles. Je dis Verbe, non pas qu’il est un mot qui s’échappe de la bouche et qui se dissipe dans les airs, ou qu’il a une ressemblance avec les verbes ou mots qui n’ont par eux-mêmes rien de réel, rien de substantiel[6]. Mais croyons qu’il est le Verbe Fils, qu’il est le créateur de tous les êtres qui usent de la parole ou de la raison, le Verbe qui entend son Père, et qui parle lui-même.

[5] Ne les confondez pas.
Il combat ici deux erreurs diamétralement opposées : celle des ariens, qui faisaient le Fils éternel, mais postérieur au Père, et pour réserver au Père l’honneur qui lui était dû, reléguaient le Fils au nombre des créatures ; celle des sabelliens qui ne distinguaient le Père et le Fils que de nom et les confondaient en réalité, de manière que le Fils se trouvait être le Père de lui-même. Les Pères grecs, pour signaler cette erreur, avaient inventé le mot vionaтopía, Filio paternitas : expression dont se sert S. Cyrille. (Catech. x1,16,17 ; IV, 9.) S. Grégoire de Nysse les signale aussi sous le nom de vionáTopes, Filio patriarii. (Lib. xIII, contr. Eunomium.)

[6] Avec les verbes qui n’ont rien de substantiel.
C’était encore une des erreurs de Sabellius et de Paul de Samosate.

Nous traiterons encore cette matière plus amplement, si Dieu le permet. Car nous ne devons pas sortir du plan que nous nous sommes tracé, celui de vous exposer sommairement les éléments de la foi.

DU CHRIST NE D’UNE VIERGE[7].
3° Dogme.

[7] Tout ce paragraphe a été cité par Théodoret, dans son second dialogue intitulé : Inconfusus, contre les eutychiens.

IX.

La foi nous enseigne que ce même Fils unique de Dieu est descendu du ciel sur la terre pour nos péchés, qu’il s’est revêtu de notre humanité et s’est soumis aux mêmes infirmités que les nôtres, qu’il est né d’une Vierge sainte et du Saint-Esprit, non pas d’une manière fantastique[8], mais réelle ; que le corps de la Vierge ne lui a pas seulement servi de lieu de passage comme un canal, mais qu’il s’est réellement incarné dans son sein, qu’elle l’a allaité, qu’il a mangé comme nous mangeons, bu comme nous buvons. Car si son incarnation n’avait été que simulée, fantastique, imaginaire, le salut des hommes ne serait aussi qu’une illusion.

Il y a donc deux natures en Jésus-Christ, la nature humaine qui était visible, et la nature divine qui était invisible. Dans son humanité il mangeait réellement comme nous, s’étant revêtu de toutes nos affections corporelles ; dans sa divinité il nourrissait cinq mille hommes avec cinq pains : dans son humanité il mourut réellement sur la croix ; dans sa divinité il fit sortir du tombeau un homme qui y reposait depuis quatre jours dans son humanité il dormait réellement sur la barque ; dans sa divinité il marchait réellement sur les eaux.

[8] D’une manière fantastique.
Ces mots sont dirigés contre divers hérétiques connus sous le nom générique de docètes, qui avaient pris naissance du temps des Apôtres. (Vid. Johan. lib. IV, 2 ; Ignat. Epist. ad Smyrnenses.) S. Cyrille attribue cette hérésie nommément à Simon le Magicien (Cat. VI, 14) aux manichéens. (Catech. XII, 26 ; XIV, 21.)

DE LA CROIX.
4° Dogme.

X.

C’est ici que Jésus-Christ a été réellement crucifié pour nos péchés. Et si le plus léger doute pouvait s’en élever dans votre âme, il s’effacerait de suite à la vue de ce saint lieu où nous sommes réunis, de cet heureux Golgotha. C’est au nom de celui qui a été ici même crucifié, que nous sommes rassemblés. Au reste, tout l’univers est rempli des parcelles du bois de sa croix. Il a été vraiment crucifié ici[9], non pour ses propres iniquités, mais pour nous racheter des nôtres. Ce fut alors qu’il fut aux yeux des hommes un objet de mépris. Comme homme il fut frappé de verges et de soufflets ; mais il fut reconnu comme Dieu par la créature même inanimée car le soleil, à la vue des ignominies dont le maître de la nature était couvert, se cacha épouvanté et refusa sa lumière à cet horrible spectacle.

[9] Il a été vraiment crucifié ici.
Les anciens gnostiques, ou illuminés, parmi lesquels on distingue Basilides, à cause de ses rêveries, soutenaient que ce n’était pas Jésus-Christ qui avait, été crucifié, mais Simon le Cyrénéen ; que Jésus-Christ avait changé de forme avec lui, et que les Juifs s’étaient laissé tromper et avaient crucifié l’un pour l’autre. (Irenæus, lib. 1, c. XXIV, 4. Voyez Catech. X, 19, au sujet du bois de la vraie croix.)

DU SÉPULCRE.
5° Dogme.

XI.

Comme homme Jésus-Christ fut réellement renfermé dans un sépulcre creusé dans le roc (Matthieu 27.51) ; mais les rochers se fendirent d’épouvante : il descendit aux enfers[10] pour en racheter les justes. Car, dites-le-moi, voudriez-vous qu’il n’y eût eu que les seuls vivants qui eussent participé au bienfait de la rédemption, tandis que la majeure partie d’entre eux étaient encore bien loin d’être des saints, et que ceux qui avec Adam gémissaient dans la captivité depuis tant de siècles, n’eussent pas vu leurs fers se briser ? Quoi ! le prophète Isaïe aurait proclamé à si haute voix tant de belles choses sur le Roi futur, et vous ne voudriez pas que le Roi en descendant dans ces tristes lieux n’en eût pas délivré son héraut ! C’était là que soupiraient David, Samuel, tous les Prophètes, Jean lui-même qui avait fait dire par ses envoyés : Etes-vous celui qui doit venir, ou en devons-nous attendre un autre ? (Matthieu 11.3.) Ah ! vous ne voudriez pas que, descendant dans ces lieux d’attente et de soupirs, il n’eût pas brisé les fers de tant de grands hommes.

[10] Il descendit aux enfers.
Le texte grec dit : xxτax0óviα, subterranea. C’est le même mot que Cyrille emploie pour désigner le lieu destiné à Simon le Magicien, lorsque volant dans les airs à Rome, il tomba à terre. (Catech. VI, 15.) De ce mot il ne faut pas conclure que Cyrille ait voulu dire que Jésus-Christ descendit dans les lieux destinés au supplice des démons, mais seulement dans ces souterrains ou prisons où étaient retenues les âmes des justes, que nous appelons limbes.
S. Cyrille est ici tout à fait étranger aux diverses opinions qui régnaient alors. S. Clément d’Alexandrie (Strom. lib. vi, pag. 709. apud me, dit positivement que Jésus-Christ prêcha l’Evangile à toutes les âmes dans les enfers, que ceux qui y crurent, reconnurent la justice de leurs supplices et firent pénitence, furent délivrés et rachetés. Cette opinion était très-répandue. Elle se fondait sur la I Epître deS. Pierre, III, 19,20 ; IV, 6.

DE LA RÉSURRECTION.
6° Dogme.

XII.

Jésus, après être descendu aux enfers, en est remonté ; après avoir été enseveli, est ressuscité réellement le troisième jour. Et si jamais vous vous trouvez aux prises à ce sujet avec quelques juifs, demandez-leur aussitôt si Jonas n’est pas sorti du ventre de la baleine trois jours après y être entré, et pourquoi Jésus-Christ ne serait pas également sorti du tombeau trois jours après y avoir été mis ? Demandez-leur encore pourquoi, si un mort a été ressuscité par le seul contact des os d’Elisée, le Créateur de toutes choses n’a pu ressusciter plus aisément encore par la puissance de son Père ?

Oui, il est réellement sorti de son tombeau plein de vie ; il s’est fait voir à ses douze disciples qui ont ainsi été témoins oculaires de sa résurrection ; et leur témoignage n’a pas été un fait de pure complaisance, car ils l’ont scellé de leur sang au milieu des supplices. Or si, comme dit l’Ecriture, on doit croire à une parole confirmée par deux ou trois témoins (Matthieu 18.16 ; Deutéronome 19.5) que sera-ce de douze témoins qui sont unanimes sur ce fait ? Et vous resteriez encore incrédule sur le fait de la résurrection ?

DE L’ASCENSION.
7e Dogme.

XIII.

Jésus-Christ, après avoir parcouru sa laborieuse carrière, après avoir soldé à la justice de son Père la dette du genre humain, remonta dans les cieux en présence de ses disciples (Actes 1.9) et de la Cour céleste qui était venue à sa rencontre. Voilà un fait qui s’est passé à la vue des Apôtres qui le fixaient attentivement, jusqu’au moment où un nuage le déroba à leurs yeux. Cela paraît-il incroyable à quelqu’un ? Qu’il jette les yeux sur ce qui se passe autour de lui : tandis que tous les rois de la terre meurent et que leur puissance s’éteint avec eux, Jésus crucifié mort sur une croix est adoré dans tout l’univers.

Nous prêchons Jésus crucifié, et les démons frémissent et tremblent. Dans tous les temps on a vu des hommes subir le supplice de la croix ; mais quel est celui d’entre eux dont le seul nom invoqué ait mis en fuite les démons ?

XIV.

Ne rougissons donc point de la croix de Jésus-Christ, et si un autre la cache, marquez-en hautement votre front, pour mettre en fuite les démons frappés de terreur à la vue du signe redoutable de leur maître. Marquez-en toutes vos actions, soit que vous mangiez, soit que vous buviez, soit à votre lever, soit à votre coucher, soit en parlant, soit en vous promenant. Que ce signe auguste vous accompagne partout et en toutes circonstances, en toutes vos entreprises. Car, je vous le répète, celui qui a été crucifié ici sur ces lieux, habite au haut des cieux. Au reste, si après avoir été crucifié, mis dans le tombeau, il y était resté, nous aurions peut-être à en rougir. Mais celui qui sur ce Golgotha a été crucifié, après être descendu aux enfers, puis revenu au milieu de nous, est réellement remonté au ciel du haut de cette montagne des Oliviers que vous voyez d’ici située à l’orient, aux acclamations de son Père qui lui disait : Asseyez-vous à ma droite, tandis que je vous ferai de vos ennemis un marchepied. (Psaumes 109.1.)

DU JUGEMENT DERNIER.
6° Dogme.

XV.

Ce même Jésus-Christ qui est monté aux cieux en descendra encore alors ce ne sera pas de la terre qu’il viendra ; car c’est de la terre que sortiront beaucoup d’antéchrists. (1 Joh. II, 18.) Vous l’avez vu, déjà plusieurs ont dit : Je suis le Christ (Matthieux 24.5) ; et c’est alors qu’on verra l’abomination de la désolation (ibid. 15) qui usurpera le nom du Christ. Quant à vous, ne cherchez plus sur la terre le véritable Christ, le Fils unique de Dieu. C’est du haut des cieux qu’il faut l’attendre, c’est de là qu’il doit descendre à la vue de tout l’univers, enveloppé d’une immense lumière et précédé de la foudre et des éclairs, escorté de ses légions d’Anges, pour juger les vivants et les morts et établir son empire céleste et éternel qui n’aura plus de fin.

Voilà ce que vous devez vous inculquer fortement dans l’esprit, puisque déjà vous entendez dire autour de vous que le règne de Jésus-Christ touche à sa fin[11]. (Catech. XV, 2,27.)

[11] Le royaume de Jésus-Christ touche à sa fin.
Voyez les notes placées Catech. XV, 2,27.

DU SAINT-ESPRIT.
7° Dogme.

XVI.

Tout ce que nous avons dit du Père et du Fils doit être également tenu pour certain à l’égard du Saint-Esprit. Gardez-vous de prêter l’oreille à certains docteurs qui l’outragent dans leurs écoles. Sachez qu’il n’est qu’un seul Saint-Esprit tout-puissant, indivisible, même dans ses nombreuses opérations, quelque variées qu’elles soient, qui connaît tous les mystères, tous les secrets de Dieu, toutes les profondeurs de sa sagesse, qui scrute tout, qui est descendu en forme de colombe sur la personne de Jésus-Christ, qui a dicté la loi et inspiré les Prophètes, qui au moment du baptême marque de son sceau l’âme du catéchumène, et dont la sainteté est nécessaire à toute nature intellectuelle.

Celui-là n’a aucun pardon à espérer ni en ce monde ni en l’autre, qui est assez audacieux pour blasphémer (Matthieu 12.32) contre celui qui jouit de la divinité indivise avec le Père et le Fils, celui dont l’assistance est nécessaire aux Thrônes, aux Dominations, aux Principautés et aux. Puissances. (Colossiens 1.16.) Car il n’est qu’un Dieu Père du Christ ; il n’est qu’un seul Seigneur Jésus-Christ, Fils unique du Dieu unique ; il n’est qu’un Saint-Esprit qui sanctifie tout (1 Corinthiens 6.11) divinise tout, qui a parlé dans la loi, dans les Prophètes, dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament.

XVII.

Vous conserverez toujours et précieusement dans votre âme le sceau dont vous aura marqué l’instruction que nous vous donnons ici sommairement, si toutefois Dieu nous fait la grâce de lui donner le développement, d’après les saintes Ecritures, aussi complet que nous le pourrons. Car il n’est aucun des divins mystères de notre foi, même le plus petit en apparence, qui ne doive être appuyé du témoignage des saintes Ecritures[12], qui puisse se fonder sur une simple probabilité ou sur le secours d’une éloquence humaine.

[12] Il n’est aucun des mystères, etc.
Ce passage et quelques autres semblables qu’on rencontre dans S. Cyrille, ont servi à Rivet d’armes pour attaquer l’autorité de la tradition et sa nécessité. Mais on répond à ce ministre protestant, que Cyrille se proposait ici de ne traiter que le symbole, et que le symbole n’étant qu’un sommaire très-succinct des Livres saints, il n’est point étonnant qu’il n’ait pas voulu apporter aux néophytes d’autres preuves que celles de l’Ecriture-Sainte ; il a même dû s’en contenter. Il parle à des néophytes qui, n’étant pas encore engagés par leur baptême à croire tout ce que l’Eglise croit, avaient droit d’exiger des preuves solides de tout ce qui leur était proposé de croire. Jusqu’ici il n’a exigé encore d’eux d’autre foi que celle due à l’Ecriture ; mais il l’a exigée ferme et inébranlable (Procat. 5,8, 17 ; Catech. I,2 ; I,2, 5 ; III, 3,15) avant même qu’il leur en fournisse les preuves. Dans cette même Catéchèse où il leur dit d’attendre des preuves, il commence l’explication de chacune des parties par ce mot je crois parce que chaque article est fondé sur l’Ecriture à laquelle ils doivent croire comme fidèles.

Ainsi donc, quoi que je vous dise, ne m’en croyez pas sur parole, mais seulement lorsque les divines Écritures viendront vous démontrer la vérité de ma doctrine. Car ce n’est pas à l’éloquence humaine, à des disputes d’école qu’est réservée la conservation de notre foi ; c’est à la seule démonstration qu’en feront les Livres saints.

DE L’AME.
8° Dogme.

XVIII.

Maintenant que nous vous avons fait connaître les principaux dogmes de cette foi aussi vénérable que majestueuse et sainte, il vous reste à faire un retour sur vous-même et à savoir qui vous êtes.

Comme homme vous êtes un être composé d’une double nature rationnelle et corporelle, d’une âme et d’un corps ; et comme nous l’avons dit il y a peu de temps, c’est Dieu lui-même qui est l’auteur et le créateur de cette âme et de ce corps.

Pénétrez-vous de cette vérité, c’est que vous avez une âme, libre de vouloir ou de ne pas vouloir, qui est le chef-d’œuvre du Créateur[13] et son image. Elle est immortelle, parce que Dieu lui a conféré l’immortalité.

[13] L’âme est le chef-d’œuvre du Créateur.
Le philosophisme païen avait dit que l’âme de l’homme était une émanation de la Divinité. Nous convenons que, même avec le secours de la révélation, les anciens ont été fort embarrassés pour expliquer l’origine de l’âme. Les uns, comme Origène, ont cru à la préexistence des âmes, c’est-à-dire créées toutes ensemble. Plusieurs ont imaginé que l’âme d’Adam fut tirée du néant, et que toutes les autres naissaient de celle-ci par voie de propagation, ex traduce. (Voy. Tertul. De Anima, cap. xxv, p. 282,2 or. S. Aug. lib. De Origine animæ.) La doctrine catholique enseigne que Dieu les crée à mesure que les corps humains sont engendrés. Quant au système d’émanation, Cicéron et Diogène Laërce nous apprennent que Phérécyde et Thalès en furent les premiers auteurs. Cette doctrine passa chez les platoniciens et les stoïciens, et de là chez presque tous les hérésiarques des premiers siècles. Nos philosophes voudraient la renouveler de nos jours, en faisant de la raison une émanation de la raison divine. Et c’est contre cette absurdité qui faisait partie des dogmes ébioniens, cerdoniens, marcionites, manichéens, priscillianistes, que Cyrille établit ce dogme que l’âme est l’œuvre, et non pas une émanation, de la substance de Dieu.

Elle est vivante[14], douée de raison, incorruptible ; et c’est de son auteur qu’elle tient toutes ces facultés. Elle a le pouvoir de faire ce qu’elle veut. Car ce ne sont point les astres, comme disent les astrologues, qui ont présidé à votre naissance[15] ; ce ne sont pas les astres qui nous entraînent au péché. Ce n’est point le hasard qui fait de vous un fornicateur. N’accusez point la conjonction des astres de vos désordres, sur la foi de quelques hommes en délire. Pourquoi, au lieu de vous reconnaître franchement coupable, rejetez-vous vos crimes sur les constellations qui en sont bien innocentes ? N’écoutez donc plus les vains propos de ces fous qui cherchent l’avenir dans les astres. Car c’est d’eux que le Saint-Esprit a dit : Que tous les astrologues se lèvent et viennent vous délivrer ; puis il ajoute « Tous seront brûlés comme la paille, et ils ne délivreront pas leur âme des flammes ardentes. » (Esaïe 47.13-14.)

[14] Elle est vivante.
Le grec dit : Gov loyixòv, animal ratione præditum. Je n’aipoint osé dire que l’âme fût un animal doué de raison. Cependant il est certain que ma traduction eût été plus exacte. S. Basile (in Isai. comment. cap. XII) appelle les Anges des animaux célestes, ¿ñovρáviaçãα. L’auteur du dialogue premier sur la Trinité, attribué à S. Athanase, introduit un orthodoxe qui dit : L’âme vous paraît donc être un animal ? A quoi Anomée répond : Oui, sans doute ; car l’Ange est animal, et tous les esprits. Et l’orthodoxe applaudit.
Cicéron lui-même (lib. de finibus) appelle animans, animal, toute substance qu’il supposait constantem solo animo.
Cyrille d’Alexandrie nous donne l’origine de ce mot (lib. iv, in Joh. ad cap. VI, 58) où il nous dit que tout est animal qui reçoit la vie d’un autre. Et cette définition lui sert à prouver que le Verbe Fils de Dieu est incréé, puisque s’il eût reçu d’un autre la vie par voie de création, il ne serait pas lui-même la vie, comme l’attestent les Livres saints, mais il ne serait qu’un animal. Aonòv xai Gov nµïv ô viòs, oùx αὐτὸ κατὰ φύσιν ζωή.

[15] Ce ne sont point les astres qui ont présidé à votre naissance.
L’astrologie judiciaire était alors une des erreurs les plus accréditées dans le monde et dans toutes les classes de la société. Elle était répandue même chez les juifs et les pharisiens. Le Christianisme a eu beaucoup de peines à l’extirper. Tous les gnostiques, les manichéens, lisaient l’avenir dans des tables de Nativité. (Vide Epiph. Hæres. 66,13.)

XIX.

Il faut que vous sachiez encore que l’âme avant de venir sur la terre n’avait pas péché[16], mais que, puisqu’elle est venue sans péché, nous ne péchons que volontairement et de plein gré.

[16] L’âme, avant de venir sur la terre, n’avait pas péché.
Cyrille ne nie pas la préexistence des âmes (Système d’Origène, voyez la note N) ; mais il nie seulement qu’elles aient péché avant de venir habiter un corps. Ce qui suffit pour mettre la foi à couvert, dit S. Augustin. (Epist. CLXIV, 2 ; CLXVI, 7.) Au reste, Cyrille ne paraît pas croire à cette préexistence. (Voyez ci-bas n. 20, et Cat. XVIII, 9.) C’est ce système sorti de l’école de Pythagore, qui donna naissance à une erreur commune à plusieurs sectes d’hérétiques, celle de croire que toute âme ne venait habiter un corps, que parce qu’elle avait péché auparavant. C’était chez les prêtres égyptiens que Pythagore l’avait puisé, comme nous le démontrons dans notre travail sur le Mercure Trismegiste. (Voy. Clément d’Alex. Strom. lib. 11,3 ; Aug. lib. Iv, Cont. Julian. cap. xv1,83.) Ce fut le nom d’Origène qui accrédita dans l’Orient cette opinion. Mais les conséquences qu’elle entraînait après elle, la fit bientôt rejeter par tous les Pères avec mépris comme une erreur dangereuse.
Au reste, cette erreur des pythagoriciens, puis des platoniciens, était originaire de l’Egypte où la tradition du péché d’Adam, et par conséquent du péché originel, avait été primitivement corrompue. On me demandera pourquoi le PC. de Jérusalem n’aborde pas ici la question du péché originel. Il a dit que le mal venait de nous-mêmes, de notre propre choix, que c’était le fruit de notre propre volonté, et que c’était en raison de cette libre et franche volonté que le Prophète avait dit, etc. (Cat. 11,1.)
Voilà qui détruit absolument le péché originel, dira-t-on. Telle était la définition du péché que S. Augustin en combattant les manichéens avait donnée, et que les pélagiens lui opposaient comme destructive de tout péché originel. La réponse que leur fit l’Evêque d’Hippone, suffira encore pour mettre aujourd’hui le PC. de Jérusalem à l’abri de toute critique. L’un et l’autre ont défini le péché en lui-même, mais non les conséquences du péché, mais non la peine due au péché ; l’un et l’autre ont considéré le péché principe et racine de tous les autres dans la personne de notre premier père qui était libre et qui n’était assujetti à aucune nécessité. (Vide fusiùs, lib. 1, Op. imperf. cap. cIv ; Retract. lib. 1, cap. XIII, 5 : XV, 2,3, 4.)
Le PC. de Jérusalem n’ayant devant lui d’autres adversaires que des manichéens ou des juifs, ou des philosophes pythagoriciens et platoniciens, se contente d’établir contre les premiers que le péché n’est point par lui-même un acte nécessité par la puissance du Dieu mauvais, mais un acte volontaire dans son principe, c’est-à-dire dans le premier homme.
Mais veut-on retrouver dans S. Cyrille la doctrine du péché originel, il ne faut que remonter à ce qu’il a dit (Cat. 11,2) et on la retrouvera dans ce mauvais germe que nous apportons en venant au monde, qui croit en nous et hors de nous, βλάστημα κακὸν αὔξανον ἀπὸ σοῦ. Nous demanderons aux critiques d’où provient ce mauvais germe qui est et croît en nous, puisque Dieu a créé l’homme à son image et ressemblance, si ce n’est pas le germe implanté en nous par la génération.
A cette preuve positive combien d’autres n’en pourrions-nous pas apporter par voie d’induction ! Par exemple (Catech. XIII, 1) ne dit-il pas en parlant de la croix et de ses merveilles : Que sera-ce si vous jetez les yeux sur nous tous qui gémissions dans les chaînes du péché ?…. Il a brisé les fers de Tous, il a racheté tout le genre humain.
Dans ces mots tous, dans ce genre humain, les enfants dans le sein de leur mère, à la mamelle, n’y sont-ils pas compris ?
Dans la même Catéchèse (n. 33) n’a-t-il pas dit qu’à cause du péché Dieu a condamné à mort tous les hommes ? il n’en excepte pas même les enfants ; et puisque personne n’est exempt de la mort, personne n’est donc exempt de péché, même les enfants dans le sein de leur mère.
Dans la même Catéchèse il dit : Jésus a racheté TOUT le genre. humain. (n. 4.) Jésus a souffert pour tous les hommes. (n. 6.) Cette mort universelle n’est pas la mort seulement du corps, car Jésus-Christ n’en a affranchi personne ; mais c’est la mort de l’homme tout entier, cette mort sans espoir, cette mort dont la colère de Dieu a frappé l’homme pécheur et sa race.
La doctrine du péché originel se retrouvera toute entière, si on y fait attention, dans ce qu’il a dit (Procat. 9) sur la nécessité et l’efficacité des exorcismes et des insufflations dans le but de chasser le démon du corps et de l’âme de celui qui se présente au baptême, dans les effets sur le démon qu’il attribue (Catech. XX, 3) à l’huile exorcisée dont on oignait les fidèles avant de les baptiser. Or, toutes ces cérémonies étaient communes aux enfants comme aux adultes sans distinction quelconque. Tous recevaient également la rémission du péché. Nous terminerons cette note par une réflexion de S. Jérôme, sur le défaut d’expressions claires et positives qu’on remarque dans beaucoup de Pères des premiers siècles de l’Eglise, lorsqu’ils parlent de certains dogmes que l’hérésie n’avait point encore attaqués. Ce sont les ariens qui ont forcé l’Eglise à énoncer sa doctrine en un seul mot : consubstantiel. Non erat curæEpiscopis de vocabulo, cùm res esset in tuto. (Advers. Lucifer. 34.) Les Evêques se mettaient peu en peine du mot, pourvu que la doctrine fût en sûreté. Car ce n’est pas, dit S. Grégoire de Nazianze, dans le son de tel ou tel mot, mais dans l’exposé de la doctrine que se trouve la vérité. (Epist. XXVI.) (Note du traducteur.)

N’écoutez pas ces docteurs qui donnent un sens erroné à ces paroles de l’Apôtre : Si je fais ce que je ne veux pas (Romains 7.16) ; mais rappelez-vous ce qu’a dit le Prophète : Si vous le voulez, si vous m’écoutez, vous jouirez des biens de la terre. Mais si votre volonté me résiste, si vous n’écoutez pas ma voix, l’épée vous dévorera. (Esaïe 1.19-20.) Pensez à ce qu’a dit l’Apôtre « Comme vous avez fait servir vos membres à l’impureté, à l’injustice, pour commettre l’iniquité, faites-les maintenant servir à la justice pour votre sanctification. » (Romains 6.19.)

Retenez ce que dit ailleurs l’Écriture : Comme ils n’ont pas voulu reconnaître Dieu…… (Romains 1.28) parce qu’ils ont connu ce qui peut se découvrir de Dieu. (Ibid. 19.) Puis ces mots : Ils ont fermé les yeux. (Matthieu 13.15.) Ecoutez encore les reproches que le Seigneur adresse à ceux qui résistent à sa grâce. Je vous avais plantée comme une vigne d’un plant exquis et fertile : comment êtes-vous devenue un plant bâtard, une vigne étrangère ? (Jérémie 2.21.)

XX.

L’âme est immortelle[17]. Il n’existe aucune différence entre celle de l’homme et celle de la femme[18]. Leurs corps seuls sont différemment organisés.

[17] L’âme est immortelle.
Ce dogme n’est pas ici en opposition seulement avec les épicuriens ou les matérialistes, mais encore avec presque tous les hérétiques des premiers siècles. L’auteur des Constitutions apostoliques en accuse tous les hérétiques. Simon le Magicien niait l’immortalité de l’âme, dit l’auteur des Récognitions. (Lib. II, 41.) Les valentiniens disaient qu’il n’y avait d’âmes immortelles que celles qui avaient trouvé le salut dans la foi. (Tert. Scorp. cap. 32.) L’auteur des Clémentines (Hom. III, 6) et, au grand étonnement du lecteur, que les impies finiront leur existence dans le supplice du feu ; qu’ayant péché contre le Dieu éternel, ils ne pouvaient être éternels eux-mêmes. On est d’autant plus forcé de croire que cette phrase est une interpolation des hérétiques, que dans la II homel. 13, et dans la xi, 11, l’éternité des peines y est positivement établie. (Voyez Cottel. t. 1, p. 635.) Arnobe paraît avoir partagé cette erreur. (Lib. 11, p. 67.) Eusèbe rapporte (lib. vi, cap. 37) qu’Origène étant venu dans l’Arabie, trouva une autre erreur très accréditée parmi les chrétiens de ces contrées, que les âmes mouraient avec le corps, mais devaient reprendre la vie et ressusciter avec le corps au jugement dernier.
Ayant assemblé un concile, il les instruisit et les ramena sans résistance à la saine doctrine. (Vid. xire Cat. n. 30 et la note.)

[18] Il n’existe aucune différence, etc.
Plusieurs hérétiques, entre autres Apelles, soutenaient que les âmes préexistantes au corps étaient de leur nature mâles ou femelles, et que les corps prenaient le sexe de l’âme qui leur était adjointe. (Voyez Tertull. De Anima, cap. XXXVI, pag. 292, etc.)

Il n’y a pas deux sortes d’âmes, des âmes justes par nature, et des âmes pécheresses par nature[19] puisque le bien et le mal naissent de la volonté et du libre arbitre d’un chacun, les âmes étant chez tous d’une substance égale et semblable.

[19] Il n’y a point de distinction de nature à faire entre les âmes justes, etc.
Les valentiniens distinguaient trois espèces d’hommes, des spirituels, des animaux, des matériels ; deux espèces d’âmes, des bonnes et des méchantes. (Irénée, lib. 1, cap. VII, 5.) Saturnin avait dit le premier que les Anges avaient créé deux espèces d’hommes, des bons et des méchants. (Ibid. lib. 1, cap. xxiv, 2.) Valentin, Basilide, Marcion, voyaient deux natures d’hommes, dont l’une ne pouvait jamais être sauvée, et l’autre ne pouvait infailliblement périr. (Lib. III, Princip. cap. x, Origène.) C’est la même doctrine qu’a réchauffée Calvin dans son livre de Eterna prædest. pag. 615. (Voyez aussi Regin. lib. III, cap. xvi, 631.)

Je m’aperçois que je m’étends beaucoup, et que déjà j’ai outre-passé le temps que je m’étais prescrit. Mais enfin qu’y a-t-il de plus précieux que le salut ? Votre intention n’est-elle pas, dût-il vous en coûter un peu, de trouver ici un viatique contre la peste de l’hérésie ? N’est-elle pas de connaître les sentiers qui vous détourneront des précipices où l’imprudence peut vous entraîner ? Si celui qui vous instruit croit avoir beaucoup fait en vous prémunissant ainsi, ne devez-vous pas, vous aussi, écouter avec quelque reconnaissance ses leçons, quelque longues qu’elles soient ?

XXI.

Continuons : l’âme est libre de sa nature. Elle est, il est vrai, exposée aux sollicitations, aux tentations du démon et à ses surprises. Mais il ne peut la forcer malgré elle. Il peut, sans doute, vous présenter une pensée d’impureté mais vous y adhérez, vous y consentez, si vous voulez ; vous la repoussez aussi, si vous voulez. Eh ! si vous étiez par nature dans l’absolue nécessité de vous abandonner à de honteuses voluptés, pour qui Dieu aurait-il allumé les feux de l’enfer ? Si vous êtes juste par nature, pourquoi Dieu aurait-il préparé des couronnes ineffables ?

La brebis est un être plein de douceur ; mais Dieu réserva-t-il jamais à cet être la couronne de mansuétude qu’il a tressée pour ceux qui se sont fait violence ? Et pourquoi cet être n’y a-t-il aucun droit ? C’est que sa mansuétude est de pure nature, que cette vertu n’est pas de son choix et de son libre arbitre.

DU CORPS.
9° Dogme.

XXII.

Ce que vous venez d’entendre sur la nature de l’âme vous suffit pour le moment. Mais donnez votre attention à ce que, en nous mettant à votre portée, nous allons dire relativement à votre corps.

Gardez-vous d’écouter celui qui vous dira que Dieu est étranger à sa formation[20]. Car ceux qui font profession de cette détestable doctrine, qui croient que leur âme habite un corps qui lui est étranger, le prostituent aisément et promptement aux vices les plus honteux, tels que l’adultère.

[20] Que Dieu est étranger à la formation de votre corps.
Les manichéens disaient que le corps était l’œuvre du Dieu mauvais, et que l’âme était l’œuvre du Dieu bon. Voyez la lettre de Manès à Marcellus, dans sa dispute avec Archélaüs. (S. Epiph. Hæres. 66,8)

D’où leur vient ce criminel mépris pour ce corps, chef-d’œuvre de la création ? Lui manque-t-il quelque chose en dignité, en majesté ? Sa conformation n’est-elle pas parfaite ? Ces esprits dédaigneux ont-ils jamais médité sur l’admirable structure de l’œil ? Ont-ils considéré l’oblique position de cette oreille pour percevoir les sons sans obstacle ? Ont-ils réfléchi sur cette précieuse faculté de l’odorat qui leur permet de discerner les diverses émanations des corps, sur cette double opération de la langue, celle de goûter, celle de parler ; sur le mécanisme intérieur et secret de nos poumons qui par un jeu merveilleux renouvellent sans cesse l’intérieur de notre corps ?

Qui est-ce qui a imprimé à votre cœur ce mouvement perpétuel et uniforme de palpitation ? Qui est-ce qui a divisé en veines et en artères ces nombreux canaux qui parcourent et arrosent votre machine ? Qui est-ce qui a si artistement adapté vos nerfs à vos os ? Qui est-ce qui a fait dans votre estomac cette habile division, et de ce qui est nécessaire à l’entretien de toute la machine, et de ce qui comme inutile doit être rejeté ? Qui est-ce qui en a assigné les parties les plus secrètes aux membres les plus honteux ? Qui a imprimé ce principe de vie et de mouvement à cette machine composée d’éléments si frêles destinés à tomber un jour en poussière ?

XXIII.

Ne venez pas me dire que ce corps est la cause immédiate du péché. S’il en est ainsi, pourquoi un cadavre ne pèche-t-il pas ? Armez sa main d’un glaive, il ne blessera personne. Présentez à un jeune homme mort tout ce que la beauté peut avoir d’attraits séducteurs, elle ne réveillera en lui aucune passion. Et pourquoi ? Parce que ce n’est pas le corps, ou la matière qui pèche par elle-même, mais parce que c’est l’âme qui pèche par le corps. Le corps n’est que l’instrument de l’âme, comme il n’en est que l’enveloppe et le vêtement. Si l’âme emploie l’instrument qui lui est confié à quelques actes honteux et criminels, elle le rend impur ; si au contraire le corps est habité et dominé par une âme sainte, il deviendra le temple du Saint-Esprit.

Cette doctrine n’est pas de moi ; c’est celle de l’Apôtre S. Paul Ignorez-vous que vos corps sont les temples du Saint-Esprit qui habite en vous ? (1 Corinthiens 6.19.)

Ayez donc pour votre corps le respect que doit vous inspirer un temple voué au Saint-Esprit. Gardez-vous de le souiller par quelques impudicités ; conservez-en la blancheur et la pureté dans tout leur éclat. Si vous l’avez terni, hâtez-vous de le purifier dans les larmes de la pénitence, tandis qu’il en est temps.

XXIV.

Puisque nous sommes à parler de la vertu de chasteté, je prie les solitaires et les vierges, qui au milieu de nous mènent sur la terre une vie tout angélique, de me prêter une oreille attentive. (Car le reste est le peuple de l’Eglise.) Une grande couronne, mes Frères, vous est réservée ; ah ! ne la compromettez pas pour quelques instants de volupté. Retenez ces paroles de l’Apôtre : Qu’il n’y ait point parmi vous de fornicateur ni de profane, qui, comme Esaü, vende son droit d’aînesse pour un seul mets. (Hébreux 12.16.) Votre nom a été inscrit au catalogue des Anges, du moment que vous prîtes la résolution de vivre dans la chasteté ; mais gardez-vous de l’en effacer à jamais par un acte quelconque d’impureté.

XXV.

Mais si vous êtes exact à remplir les devoirs de votre état, gardez-vous de cet excès d’orgueil qui vous porterait à critiquer et même à condamner ceux qui s’engagent dans les liens du mariage. Car, comme a dit l’Apôtre, le mariage est digne de respect, et la couche nuptiale doit être sans tache. (Hébreux 13.4.) Car vous qui vous faites de la chasteté la règle de votre vie, ne devez-vous pas au mariage votre existence[21] ? Est-ce une raison de mépriser l’argent, parce que vous avez de l’or ?

[21] N’est-ce pas au mariage que vous devez votre existence ?
S. Paul (1 Timothée 4.3) avait déjà signalé ces hypocrites qui condamnaient le mariage. Saturnin disait que se marier et engendrer était l’œuvre de Satan. (Irénée, lib. 1, cap. XXIV.) C’était aussi la doctrine de Tatien et de ses sectaires connus sous le nom d’encratites ou continents. (Voyez Catech. XII, 25.)

Ainsi donc que les époux qui remplissent les devoirs du mariage légitimement contracté, qui en jouissent avec modération et retenue, qui observent les temps de continence pour les consacrer à l’oraison, qui apportent dans nos temples des corps aussi purs que leurs vêtements, qui ne voient dans leur état que l’occasion d’avoir de la postérité plutôt que des jouissances voluptueuses, que ces époux sachent que de grandes récompenses leur sont réservées.

XXVI.

Nous dirons encore à ceux qui satisfaits d’avoir une fois subi le joug du mariage se vouent à la continence, de ne pas condamner ceux qui convolent à de secondes noces[22]. Car si la continence est une belle et admirable vertu, ceux-là sont dignes d’excuses qui dans de secondes cherchent un remède à leur faiblesse. Car, dit l’Apôtre, il leur serait avantageux de demeurer comme moi dans l’état où ils sont ; mais si la continence est au-dessus de leurs forces, qu’ils se marient ; car il vaut mieux se marier que de brûler. (1 Corinthiens 7.8-9.) Du reste, rejetez loin de vous la fornication, l’adultère, et toute espèce d’impudicité. Conservez au Seigneur votre corps dans sa pureté, pour que le Seigneur jette sur lui des regards de miséricorde. Nourrissez-le selon ses besoins, pour le maintenir dans un état de vie et de forces, et pour qu’il puisse remplir ses fonctions sans obstacle, sans cependant le livrer aux assauts de la volupté.

[22] Qui convolent à de secondes noces.
Les montanistes, les novatiens condamnaient les secondes noces. Tertullien nous a laissé un triste monument de leur rigorisme, dans son livre de la monogamie. Il est beaucoup de catholiques qui n’en ont pas parlé plus avantageusement, tels qu’Athénagore qui les appelle des adultères déguisés. (Leg. ante finem.) Tels que Théophile d’Antioche (lib. II, à Autolycus.) S. Irénée (lib. 1, cap. 19) qui compare à la Samaritaine ceux qui convolent aux secondes noces. On peut là-dessus consulter les notes de Cottelier, sur le 2e livre du pasteur Hermas. (Mandat. II, cap. iv, pag. 90,91, tom. 1.) S. Cyrille, moins sévère, veut qu’on les tolère.
Au reste, pour comprendre toute la sagesse des Pères et de la discipline de la primitive Eglise, il faut se reporter aux mœurs des païens, au milieu desquels vivaient les premiers chrétiens. Dans le paganisme, l’adultère était le premier gage des secondes noces. « Les fiançailles les plus honnêtes, dit Sénèque, sont l’adultère. Et dans le célibat du veuvage personne ne prend une femme qu’après l’avoir débauchée à son mari. (De benefic. lib. 1, cap. 9.) »
Un tel excès de corruption ne pouvait être corrigé que par une très grande sévérité. Si S. Cyrille paraît ici déjà moins sévère, c’est que la pureté des mœurs chrétiennes avait déjà acquis un grand empire dans la société.

DE L’USAGE DES VIANDES.

XXVII.

Quant aux aliments qui sont pour plusieurs un sujet de scandale, voici les règles que vous devez observer. Les uns mangent indifféremment de tout ce qui a été voué[23], consacré aux idoles. D’autres qui ont embrassé la vie ascétique s’en abstiennent, mais condamnent en même temps ceux qui en usent. (Romains 14.3.) C’est pourquoi dans l’ignorance où sont les uns et les autres des cas où l’on peut user, où l’on doit s’abstenir des viandes, ils pêchent tous également, les uns en condamnant l’usage, les autres en en usant. (Romains 14.3 ; 1 Corinthiens 8.7.)

[23] Les uns mangent indifféremment de tout.
La plupart des hérétiques de cette époque ne faisaient aucune distinction entre les viandes consacrées aux idoles et les autres viandes. Mais il en était aussi d’autres qui affectaient un absurde rigorisme et condamnaient l’usage du vin et de tout ce qui avait eu vie : tels étaient les encratites, les montanistes, les sévériens, etc. Les ébionites allaient plus loin ; ils excluaient le vin même du sacrifice. (Vid. S. Epiph. Hær. 30,16 et 15.) S. Augustin nous dit que les manichéens élus s’abstenaient, outre le vin qu’ils disaient être du fiel, de toute espèce de laitage. (Hæres. 46.) Philastrius dit que les manichéens occidentaux mettaient en principe que toute nourriture était l’œuvre de Satan, et non de Dieu. (Hæres. 36,3.)

D’abord nous jeûnons en nous abstenant du vin et de la viande, non pas que nous en condamnions l’usage et que nous les ayons en abomination ; mais c’est que nous attendons une récompense attachée à la mortification de nos sens, c’est que nous espérons nous rendre dignes de la table spirituelle et céleste en repoussant ce qui flatte nos goûts et nos sens ; nous espérons récolter un jour dans la joie, après avoir semé dans les larmes. (Psaumes 125.5.)

Ne méprisez donc pas ceux qui, en raison de leur faiblesse corporelle, font usage des viandes (Romains 14.3) ; ne blâmez pas ceux qui usent d’un peu de vin à cause de leur estomac (1 Timothée 5.23) et de leurs infirmités journalières, ne les mettez pas au nombre des pécheurs ; ne regardez pas la viande comme une chose odieuse par elle-même, tels qu’étaient ceux dont parle l’Apôtre, qui condamnaient le mariage, qui interdisaient l’usage des viandes que Dieu a créées pour être prises par les fidèles avec action de grâces. (1 Timothée 4.3.)

Vous donc qui vous en abstenez, ne le faites pas avec mépris comme d’une chose abominable ; autrement vous perdrez le mérite de votre abstinence. Mais quoique ces choses soient bonnes en elles-mêmes, abstenez-vous-en pour aller au-devant d’autres biens spirituels, très supérieurs de leur nature, qui vous sont proposés en récompense.

XXVIII.

Mettez votre âme en sûreté, gardez-vous de toucher aux viandes offertes aux idoles : c’est au nom des Apôtres que je vous parle, de S. Jacques lui-même, le premier Evêque de cette ville. Voyez leur lettre catholique adressée à toutes les Eglises, qui enjoint à tous les fidèles de s’abstenir des viandes consacrées aux idoles, des chairs suffoquées et du sang[24]. Car on voit beaucoup d’hommes féroces, cruels, qui, comme des chiens, lèchent le sang, comme des animaux sauvages et carnassiers, dévorent gloutonnement des chairs encore palpitantes qu’ils viennent d’étouffer. Mais vous, serviteurs de Jésus-Christ, mangez avec retenue et reconnaissance. C’est assez dit sur les aliments.

[24] Des chairs suffoquées et du sang.
S. Cyrille paraît imposer encore aux néophytes la triple loi de l’abstinence des idolothytes, des viandes suffoquées et du sang. Quant aux deux dernières espèces, le précepte apostolique (Actes 15.28-29) était depuis longtemps tombé en désuétude dans les Eglises d’Occident, au point que du temps de S. Augustin on riait de ceux qui craignaient d’y toucher (Aug. lib. XXXII, cont. Faust. cap. 13) ; mais il n’en était pas ainsi des idolothytes que Cyrille proscrit ici formellement, parce qu’elles étaient souillées par l’invocation des démons. (Vide Catech, III, 3 ; XIX, 7.) Sur cet article les Eglises grecque et latine étaient parfaitement d’accord. Quant aux viandes suffoquées, l’Eglise d’Occident crut devoir se départir de ce point de discipline qui n’avait été statué au concile de Jérusalem qu’en faveur des Juifs convertis qui n’auraient jamais fraternisé avec des hommes qui auraient usé de ces sortes d’aliments.
Comme cette défense est jointe à celle de la fornication, mot qui signifie quelquefois idolatrie, certains critiques ont prétendu que toutes ces abstinences étaient d’une égale nécessité, puisque les Apôtres disent que tout cela est nécessaire. Mais ces dissertateurs n’ont pas fait attention que cette loi de discipline entraîna bientôt des inconvénients. Pendant les persécutions, les païens mettaient à l’épreuve les chrétiens, en ne leur laissant pour tout choix que des viandes suffoquées et du boudin. (Tertull. Apolog. cap. Ix.) L’empereur Julien fit offrir aux idoles toutes les viandes de la boucherie, et souiller les fontaines par le sang des victimes dans le même dessein. Voilà pourquoi S. Paul ne défendit aux chrétiens des viandes immolées ou idolothytes, que dans le cas où cela scandaliserait leurs frères. Mangez de tout ce qui se vend sur le marché sans vous enquérir d’où il vient, et cela pour le repos de votre CONSCIENCE. (1 Corinthiens 10.25-27.) Si quelqu’un vous dit : Ceci a été immolé aux idoles ; n’en mangez pas à cause de celui qui vous a donné, cet avis, et aussi afin de ne pas blesser, je ne dis pas votre conscience, mais celle d’un autre. (28.) Ne donnez pas occasion de scandale ni aux juifs, ni aux gentils, etc. (32.)

DU VÊTEMENT.

XXIX.

Quant à votre vêtement, il doit être simple, moins fait pour vous parer que pour vous couvrir, pour vous garantir des injures de l’air, pour cacher tout ce qui offense la pudeur. Mais sous prétexte de vous couvrir, gardez-vous d’une autre turpitude, celle d’une recherche ridicule et superflue.

DE LA RÉSURRECTION.
10° Dogme.

XXX.

Usez de votre corps avec modération ; car sachez que vous ressusciterez un jour avec lui pour être jugé avec lui. Si vous avez là-dessus le plus léger doute comme d’une chose impossible, considérez ce qui se passe en vous-même, et qui cependant ne tombe pas sous vos sens. Demandez-vous à vous-même où vous étiez il y a cent ans et plus, voyez quelle vile matière est le principe de votre existence, considérez le point d’où vous êtes sorti pour arriver à une aussi riche taille, à une forme aussi noble et aussi belle. Dites-moi, est-ce que celui qui a fait ce qui n’était pas, ne peut pas détruire ce qui est, et après l’avoir détruit, le reproduire ? Est-ce que celui qui tous les ans renouvelle pour nous le grain destiné à notre nourriture, aura peine à nous tirer du tombeau ? Vous voyez aujourd’hui, dans cette saison, les arbres dépourvus de feuilles et de fruits ; et ne les verrez-vous pas tous revivre au retour du printemps, sortir de cet état de mort pour reprendre une nouvelle vie ? Sera-t-il plus difficile au maître de la nature de nous rappeler à la vie ? Il changea la baguette de Moïse en une nature bien différente, celle de serpent ; et l’homme qui aura subi la loi du trépas ne pourra pas redevenir ce qu’il était ?

XXXI.

Ne vous arrêtez pas aux vains discours de ceux qui nient la résurrection des corps. Elle aura lieu, j’en prends à témoin le prophète Isaïe : Les morts ressusciteront, ceux qui sont dans les tombeaux se réveilleront. (Esaïe 26.19.) Et le prophète Daniel : Plusieurs de ceux qui sont dans les tombeaux en sortiront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour leur confusion éternelle. (Esaïe 12.2.)

Au reste, la résurrection sera le partage de tous les hommes[25] sans distinction. Mais elle sera bien différente dans ses effets ; nous recouvrerons tous des corps immortels, mais qui ne se ressembleront point entre eux. Les justes ressusciteront pour vivre avec les Anges dans une joie éternelle ; les pécheurs, au contraire, pour subir des supplices qui n’auront point de fin.

[25] Au reste, la résurrection sera le partage de tous les hommes.
Il est à croire que le dogme de la résurrection des corps ne s’était pas tout à fait éteint au milieu des ténèbres du paganisme, et qu’il faisait même partie des mystères d’Eleusis à Athènes. Voici ce que nous lisons dans Phocylide :
Nec tumulum mortuorum refodias, neque non aspectabilia Soli monstres, divinamque iram accersas. Inhonestum est hominis compagem resolvere. Et mox è terrà in lucem speramus prodituras Defunctorum reliquias. Postea verò dii erunt.
« Ne troublez pas les cendres des morts, et ne rendez pas à la lumière ce qu’elle ne doit plus éclairer ; craignez la colère divine. Il est indécent de disloquer la charpente de l’homme. Et nous espérons que « bientôt ces restes de l’humanité revivront et se reproduiront au grand jour. Alors ce seront des Dieux. » (Phocyl. Pœma nouthetic.)

DE LA PISCINE.

XXXII.

C’est pourquoi le Seigneur dans sa miséricorde a prévenu sa justice en nous offrant la piscine de la pénitence, pour y déposer tout le poids de nos iniquités, pour nous réintégrer dans l’héritage de la vie éternelle sous le sceau du Saint-Esprit. Mais comme nous nous sommes déjà suffisamment étendu sur ce qui concerne cette piscine de miséricorde, revenons à ce qui nous reste à vous apprendre de notre doctrine élémentaire.

DES SAINTES ÉCRITURES.
11° Dogme.

XXXIII.

Voici ce que nous apprennent l’Ancien et le Nouveau Testament dictés l’un et l’autre par le Saint-Esprit. C’est le même Dieu qui est l’auteur de ces deux Testaments[26] ; dans l’Ancien il annonce Jésus-Christ, dans le Nouveau il le manifeste. Par la loi et les Prophètes il nous conduit, comme par la main, à la connaissance du Christ. Car avant que la foi fût venue, nous étions sous l’empire de la loi, et la loi fut notre pédagogue, notre guide vers le Christ. (Galates 3.23-24.) Et si vous entendez quelques hérétiques blasphémer contre la loi et les Prophètes, ne leur répondez que par ces mots du Sauveur : Ne croyez pas que je sois venu détruire la loi ou les Prophètes, mais je suis venu les accomplir. (Matthieu 5.17.)

[26] C’est le même Dieu qui est l’auteur de ces deux Testaments.
Presque tous les anciens hérétiques mettaient en principes que la loi judaïque n’était pas l’œuvre de Dieu, mais de quelques sinistres génies (Epiph. Hæres. xx1,4) ; que les Prophètes avaient été inspirés par les Anges fabricateurs du monde. (Iren. lib. 1, cap. XXш.) D’autres ajoutaient à ces rêveries que Jésus-Christ n’était venu sur la terre que pour affranchir les siens du joug des Anges et des lois qu’ils leur avaient imposées. (Ibid.) Saturnin, Basilides, disaient que le Dieu des Juifs était un de ces Anges, que les prophéties étaient l’œuvre parlée de ces Anges architectes du monde, partie de Satan. Enfin, l’impie Manès disait que le Dieu de l’Ancien Testament était l’auteur de tous les maux, et que Jésus, comme fils du Dieu bon, en était le réparateur. (Voyez Catech. VI, 27.) A l’exception de Cérinthe, tous déclamaient, blasphémaient contre la loi et les Prophètes.

Apprenez de l’Eglise quels sont les livres de l’Ancien Testament et quels sont ceux du Nouveau, et ne perdez pas votre temps à lire des livres apocryphes (c’est-à-dire ceux dont l’Eglise n’a pas reconnu l’authenticité). Vous qui ne connaissez pas bien encore ceux-là qui sont reconnus et avoués de tout le monde, pourquoi vous tourmenter et vous fatiguer la tête sur des livres qui sont douteux ou controversés ? Sachez donc qu’il y a vingt-deux livres de l’Ancien Testament, traduits par septante-deux interprètes.

XXXIV.

L’empire d’Alexandre, roi de Macédoine, fut divisé après sa mort en quatre royaumes : celui de Babylone, celui de Macédoine, celui d’Asie et celui d’Egypte. Ptolémée Philadelphe, le deuxième de ces rois d’Egypte, amateur et protecteur des belles-lettres, qui avait à grands frais fait une immense collection de livres dont il avait confié la garde à Démétrius de Phalère, ayant ouï parler des livres de la loi et des Prophètes, pensa avec sagesse qu’il serait plus glorieux pour lui d’en faire l’acquisition par des voies de douceur que de rigueur, d’insinuation que de violence, par des largesses que par les armes ; n’ignorant pas d’ailleurs que tout ce qu’on obtient par des actes de tyrannie est ou falsifié ou très-incorrect, et que ce qu’on obtient de bonne grâce est toujours sincère, vrai et à l’abri de toute falsification. Il envoya donc au temple de Jérusalem beaucoup de présents ; puis il demanda et obtint d’Eléazar, alors grand prêtre, qu’on lui envoyât six interprètes par chaque tribu d’Israël, pour lui en faire la traduction. Voulant se convaincre de la divinité de ces livres, il prit la précaution de placer ces interprètes à Pharos, île située près d’Alexandrie, chacun séparément dans un logement particulier et isolé. Dès que ces soixante et douze interprètes eurent fini leur travail en soixante et douze jours, on compara leur traduction qui se trouva parfaitement unanime tant pour le sens que pour les mots. Car ce travail n’exigeait aucun de ces moyens que requièrent l’éloquence et la sagesse humaine. Mais celui-là même qui en avait été l’auteur primitif (c’est-à-dire le Saint-Esprit) présida également à leur traduction.

XXXV.

Ces livres sont au nombre de vingt-deux, ne les confondez pas avec les livres apocryphes. Ces vingt-deux sont les seuls que l’Eglise vous remet entre les mains pour méditer ; ce sont les seuls que nous lisons avec pleine sécurité dans nos temples. Les Apôtres, les anciens Evêques, les chefs de l’Eglise de qui nous les tenons, avaient plus de discernement que vous. Vous donc, enfants de l’Eglise, gardez-vous d’altérer ou de falsifier ce précieux dépôt de nos lois et de nos instituts. Lisez, méditez, comme je vous l’ai dit, ces vingt-deux livres, et si vous me prêtez quelque attention, vous en retiendrez aisément l’énumération telle que je vais vous la faire.

Le Pentateuque, ou les cinq livres de Moïse, contient : 1° La Genèse. 2° L’Exode. 3° Le Lévitique. 4° Les Nombres. 5° Le Deutéronome. 6° Le livre de Jésus fils de Navé. 7° Celui des Juges avec celui de Ruth. 8° Le premier et le deuxième livre des rois qui n’en font qu’un chez les Hébreux. 9° Le troisième et le quatrième, Idem. 10° Le premier et le deuxième des Paralipomènes, Id. 11° Le troisième et le quatrième, Idem. 12° Le livre d’Esther. Tels sont les livres historiques.

Il y en a cinq poétiques : 1° Job. 2° Le livre des Psaumes. 3° Les Proverbes. 4° L’Ecclésiaste. 5° Le Cantique des Cantiques.

Il y a en outre cinq livres des Prophètes. 1° Les douze petits Prophètes qui n’en font qu’un. 2° Isaïe. 3° Jérémie, Baruch, les Lamentations et la lettre. 4° Ezéchiel. 5° Daniel.

22 livres composent l’Ancien Testament[27].

[27] Vingt-deux livres du canon de l’Ancien Testament.
Quoique Cyrille ne place dans le canon des Livres saints que trois livres de Salomon, et ne fasse mention ni du livre de l’Ecclésiastique, que les Grecs appellent la Sagesse de Jésus, fils de Sirach, ou le Panarétos, c’est-à-dire le livre de toutes les vertus, ni du livre de la Sagesse, il n’en fait pas moins usage, surtout du dernier qu’il attribue à Salomon. (Catech. IX, 2,16.) Au reste, les Juifs ne les admettaient ni l’un ni l’autre dans leur canon. S. Jérôme dit en parlant de l’Ecclésiastique, que l’Eglise le reçoit pour l’édification et non pas pour autoriser les dogmes de la religion. (Hier. in præf. in lib. Salom.) L’on peut montrer par le témoignage de tous les siècles et la tradition de toutes les Eglises qu’il a toujours été révéré et cité comme inspiré du Saint-Esprit.
Il en est de même du livre de la Sagesse. C’est encore parce que les Juifs ne l’admettaient pas que plusieurs Pères l’ont rejeté de leur canon, tandis que d’autres l’ont connu et cité comme Ecriture-Sainte. Les conciles de Carthage en 397, de Sardique en 347, de CP. In Trullo en 692, le XI de Tolède en 675, celui de Florence en 1438, enfin celui de Trente, sess. Ive, l’ont expressément admis au nombre des Livres canoniques.

XXXVI.

Le Nouveau Testament se compose des quatre Evangiles. Tous les autres sont pseudonymes et pernicieux. Celui, dit de S. Thomas, est l’œuvre des manichéens, qui, sous le nom odorant mais perfide d’Evangile, l’ont fabriqué pour séduire et corrompre les simples.

A leur suite sont placés les Actes des douze Apôtres, sept lettres dites catholiques, de S. Jacques, de S. Pierre, de S. Jean et de S. Jude. Enfin ce qui termine ce catalogue sont les quatorze lettres de S. Paul. Tout le reste ne vient qu’en seconde ligne[28].

[28] Tout le reste est en seconde ligne.
Quant au livre de l’Apocalypse, il n’a pas toujours été reconnu pour canonique. S. Jérôme, Amphilochius, Sulpice Sévère, remarquent que de leur temps plusieurs Eglises de Grèce ne recevaient pas ce livre. Il n’est point en effet dans le catalogue du concile de Laodicée. Mais S. Justin, S. Irénée, Origène, S. Cyprien, S. Clément d’Alexandrie, Tertullien, et après eux tous les Pères des IVe et Ve siècles et suivants, citent l’Apocalypse comme un livre canonique. Le IIIe concile de Carthage, tenu en 397, l’inséra dans le canon des saintes Ecritures, et depuis ce temps l’Eglise d’Orient l’a constamment admis comme celle d’Occident, notamment le concile de Trente. Luther et quelques autres sectaires modernes l’ont rejeté, Mais les calvinistes ont en cela abandonné les luthériens. Bèze a fortement soutenu la canonicité de ce livre contre les objections de Luther.

Ne lisez rien en particulier de ce qu’on ne lit pas à l’église, comme je vous l’ai déjà dit. Voilà ce qui doit vous suffire pour le moment.

XXXVII.

Evitez soigneusement toute œuvre où s’immisce le démon ; gardez-vous de prêter l’oreille aux insinuations du serpent. C’est un apostat qui de lui-même a corrompu la nature angélique, qui peut persuader ceux qui l’écoutent, mais qui ne peut contraindre personne. Fuyez les astrologues, les augures, les devins ; n’écoutez pas leurs prophéties, leurs présages et tout ce fatras mensonger de divinations qui occupent les gentils. Soyez sourds aux enchantements, aux sortilèges, aux évocations des morts qu’ils appellent nécromancie. Fuyez toute espèce d’excès dans la table, dans les plaisirs ; montrez-vous inaccessible à l’avarice et aux usures ; gardez-vous d’assister aux spectacles des gentils de fréquenter leurs tavernes infectes[29], d’user de ligaments dans vos maladies, de tomber dans le judaïsme ou le samaritanisme, soit en observant le sabbat, soit en faisant, ainsi qu’eux, la distinction des viandes pures ou impures qui par elles-mêmes n’ont rien de profane ; car Jésus-Christ vous en a affranchis pour jamais.

[29] Gardez-vous de fréquenter leurs tavernes infectes.
Le concile de Laodicée (can. XXIV) défend aux clercs et aux ascètes (religieux) d’entrer dans les tavernes, parce que, dit le canon XXVI, c’était le repaire des astrologues, des devins ; parce que, dit Tertullien, les cabarets étaient remplis d’idoles auxquelles les ivrognes faisaient des libations. (De Spectac. cap. VIII, 79.) C’est dans les cabarets que l’idolâtrie, pourchassée de partout, s’était réfugiée avec tous les vices. Et encore aujourd’hui ce n’est pas là qu’on rencontre la tempérance et la gravité dont les chrétiens doivent faire profession.

Mais surtout fuyez tous les conventicules des hérétiques ; ne négligez aucun moyen pour vous fortifier dans la foi par le jeûne, l’aumône, la lecture des Livres saints, afin qu’après avoir sanctifié le reste de cette vie mortelle dans la tempérance et la pratique des vertus chrétiennes, vous jouissiez du salut attaché à votre baptême, et qu’admis dans la milice céleste par Dieu le Père, vous receviez la couronne en Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient la gloire dans les siècles des siècles.

Ainsi soit-il.

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