Catéchèse

ONZIÈME CATÉCHÈSE, SUR CES MOTS : Fils unique de Dieu, qui est né du Père, vrai Dieu avant tous les siècles, par qui tout a été fait.

SOMMAIRE.

I. C’est par abus qu’on donne à plusieurs le nom de Christ. Il n’en est qu’un, qui est prêtre de toute éternité. – II. Le Christ est Fils de Dieu, non par adoption, mais par nature. – III. Pierre, chef et prince des Apôtres. (Voyez Catéch. VI, 13 ; XIV, 7 ; XVII, 27.) – IV. Le Fils est engendré de toute éternité et premier-né de Dieu, d’une manière qui surpasse l’intelligence humaine Il est engendré de toute éternité, semblable en tout à son Père. (Catéch. IV, 7.) – V. Il est Fils sans commencement. Le Christ a deux Pères : David selon la chair, et Dieu selon sa divinité. Le mot d’aujourd’hui, dans la génération du Fils, désigne l’éternité. – VI. Le Christ est Fils unique. – VII, VIII. La génération divine ne connaît aucune imperfection, aucune heure, aucun instant, aucune ignorance, aucun dessein prémédité. – IX. Le Fils est véritablement Dieu. – X. Différence entre le Verbe de Dieu et de verbe de l’homme. – XI. La génération du Verbe divin n’est connue que de Dieu. Les Anges occupent une place dans les cieux suivant leurs degrés de perfection. (Voyez la dissertation sur les Anges.) – XII. Une curiosité téméraire nous conduit à l’impiété. Le St-Esprit n’a rien révélé dans les Ecritures sur le mode de génération du Fils. – XIII. Nous ne devons pas rougir de notre ignorance à l’égard de ce mystère. – XIV. Le Christ est véritablement Dieu, quoiqu’il n’y ait qu’un principe qui est Dieu le Père. – XV. Preuves de la divinité du Christ. – XVI. La divinité du Père et du Fils est une, comme leur volonté. – XVII. Ce n’est pas le Père qui s’est fait homme, c’est le Fils ; le Fils n’est pas le Père et n’est pas une créature. – XVIII. Il est en tout égal à son Père. – XIX. C’est un mystère impénétrable. – XX. Le Fils n’a point de commencement dans le temps. Preuves de son éternité. – XXI. C’est le Fils qui a tout fait. Il règne souverainement sur ses œuvres. – XXII. Exemples imparfaits de cette codivinité, tirés des actes humains. – XXIII, XXIV. Preuves tirées de l’Ecriture sainte que le Christ est créateur de toutes choses visibles et invisibles.

Multifariam multisque modis olim Deus loquens patribus in Prophetis, novissimè autem locutus est nobis in Filio. (Hébreux 1.1.)

« Dieu qui autrefois parlait à nos pères par les Prophètes, révélant ses mystères, comme par différentes parties et en différentes manières, nous a a parlé en ces derniers jours par son Fils. »

I.

Nous nous sommes hier suffisamment appesanti sur nos motifs d’espérer en Jésus-Christ ; nous l’avons fait du moins selon nos moyens. Nous avons dit qu’il ne fallait pas croire simplement en Jésus-Christ, qu’il ne fallait pas surtout le confondre avec beaucoup de saints personnages que les Ecritures appellent Christs (oingts), qui n’ont jamais été que la figure du véritable Christ, lequel n’a point été choisi au milieu des hommes, mais appelé par Dieu son Père à la souveraine sacrificature de toute éternité. Et c’est pour garantir la foi du commun des fidèles contre toutes fausses idées, que l’Eglise a placé les mots UN SEUL dans l’énonciation de cet article du symbole : En un seul Seigneur Jésus-Christ Fils unique de Dieu.

II.

Quand nous vous parlons du Fils de Dieu, gardez-vous de croire qu’il est Fils par adoption. Non, il est Fils dans l’ordre de la nature. Il est Fils unique, parce qu’il n’a aucun frère qui partage sa divinité et le privilège de sa naissance. Ce n’est pas de nous qu’il tient le titre et le nom de Fils, c’est de son Père même. Or, tout nom que les pères donnent à leur fils, est vrai.

III.

Lorsque Notre-Seigneur Jésus-Christ se revêtit autrefois de la nature humaine, beaucoup le méconnurent. Voulant révéler aux hommes cette grande vérité, il réunit un jour ses disciples, et leur demanda : Que dit-on du Fils de l’homme ? (Matthieu 16.13.) Ce n’était certes pas l’esprit de vaine gloire qui lui faisait faire cette question ; mais il voulait leur dévoiler la vérité, il voulait que vivants avec le Fils de Dieu, ils ne le confondissent pas avec les autres mortels. Et sur la réponse qu’ils lui firent, que les uns le prenaient pour Elie, les autres pour Jérémie (Ibid. 14) ; il leur dit : « Les hommes qui ne me connaissent pas sont excusables ; mais vous, mes Apôtres, qui en mon nom guérissez les lépreux, chassez les démons, ressuscitez les morts, vous ne devez pas ignorer celui au nom de qui vous opérez ces prodiges. » Tous se turent, car cette leçon surpassait l’intelligence humaine. Mais Pierre, le prince des Apôtres, le chef suprême de l’Eglise, rompit le silence et répondit aussitôt, non pas comme inspiré par sa perspicacité naturelle ou les lumières de sa raison, mais éclairé par Dieu le Père : Vous êtes le Christ, puis ajouta : le Fils du Dieu vivant. Cette réponse fut à l’instant suivie d’une ample bénédiction conçue en des termes qui lui révélaient la source et le principe de sa pénétration : Tu es heureux, Simon Barjona, parce que ce n’est ni la chair ni le sang, mais mon Père qui est dans les cieux qui te l’a révélé. (Matthieu 16.16, 17.)

Quiconque reconnaît avec Pierre Notre-Seigneur Jésus-Christ pour Fils de Dieu, participe à sa béatitude. Celui, au contraire, qui méconnaît le Fils de Dieu est malheureux et digne de pitié.

IV.

Ainsi lorsque vous nous entendez parler encore de Jésus Fils de Dieu, ne croyez pas que nous parlions par métaphore, d’un Fils par adoption : non, nous parlons d’un Fils selon l’ordre de la nature et qui n’a point eu de commencement[1]. Nous ne parlons pas d’un enfant élevé de la servitude à la dignité de Fils, adoptif, nous vous parlons d’un Fils engendré de toute éternité, d’une manière qui surpasse toute intelligence humaine.

[1] Qui n’a point eu de commencement.
C’est ainsi que nous traduisons le mot anarchos, qui est équivoque dans la langue grecque, comme l’observe S. Grégoire de Nysse. Il signifie principio vel principe carens ; sans commencement, ou bien sans chef. (Lib. 1, contr. Eunom.) Ce mot, dit ce Père, pouvait être contesté ou admis en raison de cette double signification, par rapport à Jésus-Christ secundùm quid. Comme les Ariens abusaient de cette équivoque, les Evêques Orientaux, dans la formule qu’ils adressèrent ux Occidentaux, ne voulaient admettre le mot anarchos (sine principio) que par rapport à Dieu le Père. Εστιν ἄναρχος μονώτατος, qui seul est absolument sans principe de temps et d’origine. Cependant beaucoup de Catholiques, tels qu’Athanase, Epiphane, donnent par-ci par-là l’épithète d’anarchos à Jésus-Christ, ainsi que S. Cyrille le fait ici. Il avait dit (Catéch. IV, n. 4) en faisant le recensement des attributs de Dieu le Père qu’il était anarchos, sans commencement ; et dans cette XI Catéch., n. 20, dira que le Père sans commencement était le principe du Fils. Αρχὴ τοῦ υἱοῦ ἄναρχος ὁò πατὴρ, principium Filii Pater sine principio, la source du fleuve de justice. Nous l’entendrons dire ailleurs : ὑπεράνω πάσης ἀρχῆς καὶ αἰωνῶν τυγχάνων, Filium superiorem esse quovis initio et seculis. On voit combien est équivoque ce mot : Archê, anarchos, comme l’observe S. Grégoire de Nysse.

De même lorsque nous vous parlons de la primogéniture du Fils de Dieu, n’attachez pas à nos paroles le sens qu’elles ont dans le langage commun des hommes. Car qui dit parmi nous un premier-né[2], suppose des frères d’une naissance postérieure. C’est en ce sens qu’il a été dit quelque part : Israël est mon Fils premier-né (Exode 4.22 ; Hébreux 1.6.) Mais de même que Ruben[3] fut jadis déjeté de son droit de primogéniture, Israël en a aussi été dépouillé. (Genèse 49.4.) Ruben avait souillé la couche de son père ; Israël a crucifié le Fils du Père après l’avoir chassé de sa vigne. (Matthieu 21.39.) Quant aux autres enfants, que leur est-il dit ? Vous êtes les fils du Seigneur votre Dieu (Deutéronome 14.1) ; et ailleurs : J’ai dit : Vous êtes des Dieux, vous êtes tous les enfants du Très-Haut. (Psaumes 81.6.) Remarquez ce mot : J’ai dit, et non pas, J’ai engendré : c’est parce que, s’ils sont les enfants du Très-Haut, ils le sont par adoption, et qu’ils ne l’étaient pas par génération. Ils sont devenus ce qu’ils n’étaient pas ; mais le Fils de Dieu n’est pas devenu autre que ce qu’il était. Il a toujours été son Fils, coéternel, semblable à lui, antérieur à tout siècle ; il est la vie engendrée de la vie, la lumière sortie de la lumière, la vérité de la vérité, la sagesse de la sagesse, Roi issu de Roi, et Dieu de Dieu, puissance de puissance.

[2] Qui dit parmi nous un premier-né.
L’Epître aux Hébreux dont on avait fait ce jour lecture aux néophytes contient ces mots : Et cùm iterùm introduxit primogenitum in orbem. LesAriens argumentaient de ce texte pour contester à Jésus-Christ son éternelle divinité. S. Athanase (Orat. II, n. 12,13,14) répond à leur objection un peu différemment que S. Cyrille. Jésus-Christ, selon cet illustre défenseur de la foi, est appelé premier-né, non pas en raison de son éternelle génération du côté de Dieu son Père, mais en raison de la création elle-même, ou mieux encore, en raison de la réparation du genre humain et de l’incarnation du Verbe. Au reste, beaucoup de Pères ont suivi le sentiment de S. Cyrille. Qui dit parmi nous un premier-né.
L’Epître aux Hébreux dont on avait fait ce jour lecture aux néophytes contient ces mots : Et cùm iterùm introduxit primogenitum in orbem. LesAriens argumentaient de ce texte pour contester à Jésus-Christ son éternelle divinité. S. Athanase (Orat. II, n. 12,13,14) répond à leur objection un peu différemment que S. Cyrille. Jésus-Christ, selon cet illustre défenseur de la foi, est appelé premier-né, non pas en raison de son éternelle génération du côté de Dieu son Père, mais en raison de la création elle-même, ou mieux encore, en raison de la réparation du genre humain et de l’incarnation du Verbe. Au reste, beaucoup de Pères ont suivi le sentiment de S. Cyrille.

[3] De même que Ruben fut jadis déjeté.
Ruben, l’aîné des enfants de Jacob et de Lia, souilla le lit de son Père avec Bala servante de Rachel ; et ce crime lui fit perdre son droit d’aînesse, qui fut transféré à Joseph qui eut deux tribus pour ses deux enfants.

V.

Si donc vous lisez en tête de nos Evangiles : Livre de la génération de Jésus-Christ fils de David, fils d’Abraham (Matthieu 1.1) c’est selon la chair qu’il faut l’entendre ; car il est réellement fils de David dans la consommation des siècles, tandis qu’il est Fils de Dieu avant tous les siècles et qu’il n’a point eu de commencement. Comme fils de David il est devenu ce qu’il n’était pas ; comme Fils de Dieu il est ce qu’il fut éternellement avant tous les siècles.

Il a deux Pères : David selon la chair, Dieu le Père selon sa divinité : la première génération est soumise au calcul des temps et aux tables généalogiques ; l’autre n’est soumise à aucun calcul de temps, de lieux, ou de famille. Qui pourra, dit le Prophète, raconter sa génération ? (Esaïe 53.8.) Dieu est un esprit : or, ce qui est un esprit n’engendre que spirituellement, comme une chose incorporelle, d’une manière inscrutable et au-dessus de toute intelligence. Le Fils même a dit de son Père Le Seigneur m’a dit : Vous êtes mon Fils, je vous ai engendré aujourd’hui[4]. (Psaumes 2.7.) Ce dernier mot n’est pas une date, mais il est perpétuel ; il est sans calcul de temps avant tous les siècles. Ex utero ante luciferum genui te. (Psaumes 109.3.) Je vous ai engendré avant l’astre du jour.

[4] Je vous ai engendré aujourd’hui.
Ce mot Aujourd’hui, se peut entendre de la génération éternelle du Fils de Dieu et de sa génération temporelle, parce que aux yeux de Dieu il n’y a ni passé, ni futur, que tout est présent, tout est aujourd’hui.
C’est dans le sens de la génération éternelle que S. Paul (Hébeux 1.5) l’explique, et après lui S. Irénée (lib. m) S. Hilaire (lib. XI°, De Trinit.) S. Ambroise (lib. XIV, de fide) S. Augustin (Enarrat. In Psalm. II, vers. 7) et queles Pères en ont tiré un argument contre les Ariens, en faveur de la consubstantialité du Verbe.
Aujourd’hui peut aussi s’entendre de la génération temporelle. S. Paul applique le mot aujourd’hui à la résurrection de Jésus-Christ. (Act. XIII, 33.) S. Justin (Dialog. cont. Tryph.) Méthodius (orat. vII) S. Hilaire (in Matth.) l’entendent du baptême de Jésus-Christ, où le Père le qualifie de Fils. Tertullien (lib. v, cont. Marcion., cap. 9) l’entend de la naissance du Sauveur, parce qu’il est né la nuit avant le lever de l’étoile du matin, ante luciferum.

VI.

Croyez donc en Jésus-Christ Fils du Dieu vivant, Fils unique selon ces paroles de l’Evangile : Car c’est ainsi qu’il a aimé le monde jusqu’à donner son Fils unique, pour que tout homme qui croira en lui ne périsse pas, mais jouisse de la vie éternelle (Jean 3.16) ; et ailleurs : Celui qui croit au Fils n’est pas jugé (Ibid. 18) mais passe de la vie à la mort. (Ibid. V, 24.) Mais celui qui ne croit pas au Fils ne verra pas la vie ; et la colère de Dieu demeure sur lui (Ibid, III, 36) parce qu’il n’a pas cru au Fils unique de Dieu. (Ibid. 18.) C’est encore à cette vérité que le même Evangéliste rend témoignage en ces termes : Nous avons vu sa gloire, gloire telle que le Fils unique devait la recevoir du Père. Il était plein de grâce et de vérité. (Ibid. I, 14.) A sa vue les démons en tremblant s’écriaient : Laissez-nous ; qu’y a-t-il entre vous et nous, Fils du Dieu vivant ? (Luc 4.34 ; Marc 5.7.)

VII.

Jésus-Christ est donc le Fils de Dieu par nature, non par adoption, mais par une génération réelle. Celui qui aime le Père, aime le Fils ; et celui qui méprise le Fils, outrage le Père.

Quant au reste, nous vous parlons d’un Dieu générateur, ne laissez pas votre esprit s’abaisser[5] jusqu’à cette génération des corps qui est toute sujette à corruption. L’impiété est inséparable de pareilles idées. Dieu est un esprit (Jean 4.24) et sa génération est spirituelle. Car les corps engendrent les corps, et cette génération est nécessairement soumise à l’action du temps. Mais dans la paternité divine il n’y a aucun temps intermédiaire entre le générateur et l’engendré. La génération d’ici-bas est toujours imparfaite ; celle de Dieu le Fils fut toujours parfaite, et fut toujours ce qu’il est sans commencement.

[5] Ne laissez pas votre esprit s’abaisser jusqu’à cette génération des corps.
Ces mots paraissent dirigés contre les générations des Valentiniens ou plutôt contre Arius. Car, dit S. Athanase (lib. I cont. Apollinar., a. 21) cet hérésiarque, pour avilir la génération du Fils de Dieu, avait supposé passion, division, émanation dans sa véritable et ineffable génération.

Nous naissons enfants ; notre corps se fortifie de jour en jour ; notre intelligence se développe ; de l’ignorance nous passons progressivement aux sciences. O homme ! ta naissance fut imparfaite. Le développement de ton corps et de ton intelligence fut toujours progressif. Mais dans la filiation divine il n’y a rien de pareil. Il n’y a ni enfance, ni faiblesse, ni progrès. Car si le Père a engendré le Fils dans un état d’imperfection, c’est donc du temps qu’il aurait reçu sa perfection ; et vous accuseriez le Père d’impuissance. Si c’est du temps qu’il a reçu sa perfection, elle ne serait donc pas éternelle.

VIII.

Ne confondez donc pas la génération divine avec la génération humaine, ni avec celle d’Isaac enfant d’Abraham qui engendra, non pas celui qu’il voulut, mais celui qui lui fut accordé. Dans l’acte générateur de Dieu le Père, il n’y a ni ignorance ni délibération. Dire qu’il a ignoré son Fils dans un temps quelconque, c’est d’une extrême impiété. Assigner un temps quelconque à sa volonté et à sa paternité divine, c’est une égale impiété. Car jamais Dieu n’a été sans Fils, et aucun instant n’a précédé sa paternité. Il eut toujours le Fils qu’il a engendré, non pas comme les hommes engendrent les hommes, mais comme il l’avait, connu lui seul, avant tous les siècles pour Dieu vrai.

IX.

Le Père étant vraiment Dieu, a engendré un Fils également vrai Dieu. Cette paternité ne ressemble pas à celle d’un maître à l’égard de ses disciples, telle que celle dont parle S. Paul, lorsqu’il dit : Je vous ai engendré en Jésus-Christ par l’Evangile. (1 Corinthiens 4.15.) Car le Fils dont parle ici l’Apôtre, n’était pas un fils dans l’ordre de la nature, mais seulement en science et en doctrine ; tandis que le Fils de Dieu est Fils et vrai Fils dans l’ordre de la nature, non pas comme vous, qui devenez maintenant enfants de Dieu. Car c’est par adoption dans la grâce que vous le devenez, comme il est dit : Le Verbe a donné à ceux qui l’ont reçu (c’est-à-dire qui ont cru en lui) le pouvoir de devenir enfants de Dieu, qui ne sont nés ni du sang ni des désirs de la chair ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu même. (Jean 1.12, 13.) En effet, nous naissons enfants de Dieu par l’eau et le Saint-Esprit (Ibid. III, 5) ; mais ce n’est pas ainsi que Jésus-Christ est devenu le Fils de Dieu son Père. Car lorsqu’au moment de son baptême Dieu fit entendre cette voix : Celui-ci est mon Fils (Matthieu 3.17) il ne dit pas : Celui-ci est maintenant mon Fils, pour nous faire entendre qu’il l’était déjà antérieurement au baptême.

X.

La génération du Fils de Dieu s’est opérée, non pas Comme dans les hommes l’esprit engendre la parole[6]. L’âme est un être ; la parole, au contraire, produite par l’âme, n’est qu’un ébranlement d’air qui s’éteint et s’efface aussitôt. Or, nous disons que le Fils de Dieu est le Verbe, qu’il est un être réel, vivant et subsistant, et non pas une vaine production des lèvres, mais qu’il est né éternellement de son Père, substantiellement et d’une manière qui surpasse toute intelligence humaine.

[6] L’esprit engendre la parole.
S. Cyrille ne parle pas ici du verbe intérieur ou de la pensée que les Grecs appelaient diathéton, mais de la parole produite extérieurement, oratio, ore ratio que plusieurs Pères, tels que S. Denys d’Alexandrie, avaient coutume de comparer à la génération du Verbe divin. La plupart des hérétiques, abusant de cette comparaison, ne voulaient voir dans le Verbe divin qu’un son de voix éclatant de Dieu, entr’autres Ebion, Praxéas, Sabellius, Paul de Samosate. Ce sont sans doute tous ces hérétiques, que le saint PC. a dessein de combattre ici ; mais il s’adresse surtout aux Ariens qui distinguaient en Dieu un double Verbe, l’un propre et naturel du Père, dans lequel il a créé le Fils ; l’autre Verbe créé par sa seule pensée, auquel on pouvait donner, disaient-ils, le nom de Verbe.
Ils demandaient aux Catholiques, comment il était possible « que le Verbe fût Fils, ou que le Verbe fût l’image de Dieu. Car le Verbe ou parole des hommes composé de syllabes, ne fait qu’indiquer la pensée de celui qui parle, puis elle cesse et s’évanouit, » (Apud Athan., Orat. II, n. 34.) A cette question S. Athanase répond par une ample dissertation sur la différence entre le Verbe de Dieu et leverbe de l’homme.

Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et Dieu était ce Verbe (Jean 1.1, 2) assis à la droite de son Père (Psaumes 109.1) qui comprend la volonté de son père, et opère toutes choses selon cette même volonté, qui est descendu, et qui est remonté. (Ephésiens 4.10.) Car la parole qui frappe nos oreilles ne monte ni ne descend. Mais c’est le Verbe qui parle et qui dit : Je parle de ce que j’ai vu près de mon Père. (Jean 8.38.) C’est le Verbe puissant en œuvres et qui règne sur tout ; car le Père lui a tout remis entre les mains. (Jean 13.3 ; Matthieu 11.27.)

XI.

Le Père l’a donc engendré d’une manière qui surpasse toute intelligence humaine, qui est à lui seul connue[7]. Aussi ne vous promettons-nous pas de l’expliquer, mais nous nous contentons de vous affirmer que de quelque manière que vous vouliez concevoir la génération divine, vous serez infailliblement induits en erreur. Et comment pourrions-nous la concevoir, nous qui ne connaissons pas même la nature des êtres créés ? Parlez à la terre, voyez si elle vous le dira[8]. (Job 2.8, Sept.) Cherchez la solution de ce mystère, interrogez toutes les créatures ; et toutes se tairont. Non, jamais la terre ne pourra vous rendre compte de la nature de celui qui l’a pétrie et modelée ; bien moins encore le soleil. Si la terre l’ignore, si l’astre du jour qui ne fut créé que le quatrième jour, ignore ce qui s’est passé avant lui, comment vous parleront-ils de leur auteur ? Le firmament sera également sourd à votre question, parce qu’il n’en sait pas plus. Car c’est par le Christ et la volonté du Père que le ciel comme une fumée a été suspendu sur nos têtes. (Esaïe 51.6.) Les cieux des cieux (Psaumes 148.4) les eaux qui sont au-dessus des cieux ne pourront vous répondre. Pourquoi donc chétif mortel, vous attristez-vous d’une ignorance qui vous est commune avec les cieux et toute la nature angélique ? Car supposé, ce qui est impossible, que quelqu’un parvînt dans la première sphère des cieux, interrogeât les habitants[9] sur la manière dont Dieu a engendré son Fils, ils lui répondraient peut-être : Montez plus haut, là sont nos supérieurs, interrogez-les. Qu’il monte de sphère en sphères, qu’il s’élève s’il peut, jusqu’aux Thrones et aux Dominations, et même aux Principautés, des Principautés aux Puissances (Colossiens 1.16) partout il recevra la même réponse, parce que partout règne la même ignorance.

[7] Qui est à lui seul connu.
Tous les pères ont enseigné unanimement que le secret de la génération divine était inconnu même aux Anges, pour combattre l’ordre chimérique et fantastique des générations Valentiniennes, l’orgueil stupide des Gnostiques, qui s’adjugeaient la connaissance intime des plus profonds mystères. (Voyez Irénée, lib. 11, cap. 28 ; Origène, De princip…, lib. 1, cap. 7 ; Euseb., lib. iv, Demonst. Evang., cap. 1.) C’est aussi contre les Ariens que ce point de dogme est ici établi. Ils rejetaient la génération divine du Fils, comme incroyable et impossible. Ils ne plaçaient l’excellence et la prééminence du Fils de Dieu sur toutes les autres créatures qu’en ce qu’il tenait l’être de Dieu son Père seul, et que les autres créatures le tenaient du Fils seul. C’est toujours contre les Ariens qu’il parle dans cette Catechèse, n. 12,13 et 17.

[8] Parlez à la terre, si elle vous le dira.
C’était l’opinion favorite d’Origène, que les corps célestes, le soleil, la lune, etc., et même la terre, étaient des êtres animés par des Anges. Plusieurs Pères de l’Eglise l’ont ensuite adoptée, soutenue et propagée, tels que S. Jérôme, S. Ambroise, Synesius, mais qu’Isidore ne voulait ni rejeter ni approuver. (Epist. LVIII, lib. IV.)
L’espèce de prosopopée que S. Cyrille emploie ici, et que lui a naturellement fournie le passage de Job et le langage de l’Ecriture qui lui est si familier, ne prouverait pas qu’il partageât cette opinion. Car nous l’avons vu ne distinguer parmi les créatures que deux espèces, les rationnelles et les irrationnelles. Dans la première classe il n’a jamais compris que les hommes et les Anges.
Partout il dit que le Saint-Esprit est le sanctificateur des êtres rationnels, des Anges et des hommes. Mais il n’entend pas identifier sous le nom de terre, de soleil, des cieux, les Anges préposés à leur administration. (Vide Catéch. XVI, 2)

[9] Interrogeât les Anges qui y résident.
S. Cyrille attribue aux esprits célestes des demeures fixes dans des sphères plus ou moins élevées, suivant leurs rangs et dignités ; il les multiplie même à l’infini. (Vide Catéch. XVI, 23.) Il est inutile d’énumérer ici toutes les opinions qui ont régné sur cette question dans les premiers siècles. Mais celle de S. Cyrille a eu de nombreux partisans. S. Ignace martyr dit dans son Epître aux Tralliens n. 5 : Comme je ne puis me rendre compte des demeures célestes, assigner aux Anges leur séjour, auxPrincipautés leurs siéges. Οὐ δυνάμενος νοεῖν τὰ ἐπουράνια καὶ τὰς τοποθεσίας τὰς ἀγγελικὰς, καὶ τὰς συστάσεις τὰς ἀρχοντικάς. (Voyez Origène, lib. De princip., cap. x11, Homil. XXVII in Numeros.) S. Hilaire (in Psal. CXXXV n. 10) s’exprime dans les mêmes termes à peuprès que S. Cyrille. S. Grégoire de Nysse (Orat. in ascens.) distingue les Anges périgés, c’est-à-dire qui habitent près de la terre, des Anges apogés, placés dans des sphères supérieures. C’est ainsi que presque tous Les Pères ont interprété le verset du Psaume 23, Attollite portas principes vestras. « Cri, ont-ils dit, que les Anges inférieurs poussaient vers les Anges supérieurs de sphères en sphères. (Vid. Ambros. in Ps. XXXVIII, 17. Chrys. Homil. VI, in Hebræos.)

XII.

Je suis en vérité stupéfait en voyant la vaniteuse curiosité de ces hommes téméraires, qui, sous prétexte de religion, se jettent tête baissée dans les abymes de l’impiété. Tandis qu’ils ne connaissent ni les Trônes, ni les Dominations qui sont les œuvres du Christ, ni les Principautés, ni les Puissances, ils osent sonder les secrets du Créateur lui-même. Dis-moi, d’abord, audacieux mortel ! la distance qu’il y a entre un Trône et une Domination, ce que c’est qu’une Principauté, une Puissance, une Vertu, un Ange ; et lorsque tu m’auras répondu pertinemment, tu pourras ensuite pousser tes recherches jusqu’au Christ lui-même par qui tout a été fait (Jean 1.3) il te sera permis de donner un libre essor à ta curiosité. Mais tu ne veux pas interroger les Thrones ou les Dominations, ou plutôt, tu ne peux pas franchir ces espaces et interroger ces êtres qui sont intermédiaires entre toi et ton Créateur. Et quel autre que le Saint-Esprit connaît les profondeurs de Dieu ? (1 Corinthiens 2.10.) Quel autre que celui qui nous a parlé dans les diverses Ecritures ? (2 Pierre 1.21.) Or, il ne nous a rien dit sur la génération du Fils par le Père. Cesse donc, vaniteux mortel, de te fatiguer en scrutant laborieusement ce que le Saint-Esprit n’a pas jugé à propos de tracer dans les Livres saints. Toi qui ne comprends pas même ce qui est écrit, comment comprendras-tu ce qui ne l’est pas ? Les Ecritures renferment beaucoup de questions ardues, insolubles même pour notre intelligence ; pourquoi donc nous tourmenter sur ce qui n’est pas même écrit ? Une seule chose nous suffit, c’est de savoir que Dieu a engendré un Fils unique.

XIII.

Faible mortel, ne rougis donc pas d’une ignorance qui t’est commune avec les Anges eux-mêmes. Le Père connaît seul son Fils, comme le Fils seul connaît le Père. Celui qui a engendré, connaît seul sa génération. C’est à cette divine et éternelle génération que le Saint-Esprit a rendu témoignage dans les Livres saints. En effet, qui des hommes connaît ce qui est dans l’homme, sinon l’esprit de l’homme qui est en lui ? Ainsi nul ne connaît ce qui est en Dieu que l’Esprit de Dieu. (1 Corinthiens 2.11.) Car, comme le Père a la vie en lui-même, il a aussi donné au Fils d’avoir la vie en lui-même. (Jean 5.26.) Afin que tous honorent le Fils, comme ils honorent le Père. (Ibid. 23.) Comme le Père vivifie ceux qu’il veut, ainsi le Fils donne la vie à qui il lui plaît. (Ibid. 21).

Le générateur n’a éprouvé aucune perte de substance[10], et l’engendré a toujours été parfait. (Je sais bien que je répète ici ce que je vous ai dit plusieurs fois. Catéch. V. 7 ; VII, 5 ; X, 9.) Mais c’est pour vous inculquer plus fortement encore ces vérités, que j’y reviens encore. Le Père n’a point de père, le Fils n’a point de frère ; le Père ne s’est point changé en Fils[11], ni le Fils en Père. D’un seul Père est un seul Fils ; il n’y a pas deux êtres non engendrés, comme il n’y a pas deux Fils uniques. Un seul est Père sans père, un seul est Fils né de toute éternité de son Père. Sa naissance est hors des temps, antérieure à tous les siècles ; il est sans accroissement, il est ce qu’il a toujours été.

[10] Aucune perte de substance.
Voici le dilemme que faisaient les Ariens, auquel S. Cyrille répond Ici « Jésus-Christ a été engendré ou créé. S’il a été engendré, il n’a « pu l’être qu’aux dépens de la substance du Père, et le Père n’a plus « été parfait ; s’il a été créé, il est donc inférieur à son Père en date et en gloire. » (Voy. Athan. De synodis, n. 16, et orat. I contra Arianos, n. 6. Voy. la note C, VII Catéch. pag. 270.)

[11] Le Père ne s’est point changé en Fils.
Les Patropassiens, sectateurs de Praxéas, croyaient combattre victorieusement les Ariens, en enseignant qu’il n’y a qu’une seule personne divine, savoir le Père ; que le Père est descendu dans Marie, qu’il a souffert, qu’il est Jésus-Christ même. C’est cette hérésie que S. Cyrille appelle filiopatrie, mot que nous n’avons pas reproduit dans notre traduction, peut-être à tort. Les Patropassiens étaient connus en Orient sous le nom de Sabelliens. C’est eux que S. Cyrille attaque ici directement, et plus bas encore, n. 17. Au reste, il pouvait avoir en vue les Ariens, qui accusaient les Catholiques de Sabellianisme. C’est pourquoi Cyrille ajoute (n. 14) qu’il n’y a pas deux principes, parce que les Ariens ne pouvaient ou ne voulaient pas admettre que le Fils fût coéternel au Père, ayant de lui un principe d’origine.
L’auteur des Constitutions Apostoliques, dans l’énumération qu’il fait des hérésies (lib. VI, cap. 10) cite entr’autres des hérétiques qui admettaient trois Dieux sans principe, tels que Marcion ; d’autres en admettaient deux sans génération, tels que Manès. L’interpolateur des Epîtres de S. Ignace aux Tralliens, n. 6, parlant des anciens hérétiques, dit : « Ils nous parlent d’un Dieu inconnu, « ils rêvent un Christ sans génération. » (Vide Cottel. tom. II, p. 65.) Au reste, ce n’est pas ces anciens hérétiques que Cyrille avait en vue ; je crois plutôt que c’était aux Gnostiques et aux Sabelliens qu’il s’adressait.

XIV.

Nous croyons donc AU FILS unique de dieu, VRAI DIEU NÉ DU PÈRE[12]. Car un Dieu vrai ne peut engendrer un Dieu faux, comme il a été dit. Aucune délibération n’a précédé sa génération ; mais elle a été perpétuelle et plus prompte que nos pensées et nos paroles. Car en parlant nous absorbons le temps. Mais dans la puissance et l’action de Dieu le temps est nul. Comme nous l’avons dit souvent, ce n’est pas du néant qu’est sorti le Fils ; ce n’est pas par voie d’adoption qu’il est parvenu à cette dignité. Mais c’est un Père éternel qui a éternellement engendré d’une manière ineffable un Fils coéternel à lui qui est unique et qui n’a point de frère. Il n’y a pas deux principes[13]. C’est sur le Père ·chef du Fils, que repose l’unique principe. (1 Corinthiens 11.3.) Car le Père a engendré un Fils vrai Dieu qui a pour nom Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous. (Esaïe 7.14 ; Matthieu 1.23).

[12] Vrai Dieu né du Père.
A l’exception du symbole de Nicée, on ne trouve dans aucun symbole des Eglises particulières autre que celui de Jérusalem ces mots·Deum verum. Je suis porté à croire que cette dernière Eglise l’avait emprunté de celui de Nicée, précisément pour combattre les Ariens qui enseignaient que « le Verbe n’était pas véritablement Dieu, et que si on l’appelait Dieu, c’était en raison de sa participation à la grâce, et que ce titre purement nominal lui était commun avec beaucoup d’autres. » (Athan., Orat. 1, n. 6, p. 410.)

[13] Il n’y a pas deux principes.
Le mot apyn, comme nous l’avons dit, présente une double signification. On pouvait le traduire ici par celui de souveraineté. Cyrille, cherchant à prouver ces paroles de l’Apôtre Caput Christi Deus, semblait demander ce dernier sens. Car dans le mot άρχη je trouve : Chef, prince, souverain. Comme aussi je trouve celui de principe. Je me crois d’autant mieux fondé à admettre ce dernier sens, que Cyrille paraît s’attacher à combattre ici l’hérésie de Manès, celle des deux principes et des deux coéternels. Dans tous les cas, ces mots ne sont pas absolument contraires. Secum non pugnant.

XV.

Si vous voulez savoir que le Fils engendré du Père est Dieu, et que c’est lui qui s’est incarné dans la suite des temps, écoutez ce qu’en dit le Prophète : C’est lui qui est notre Dieu, et nul autre ne peut lui être compare. C’est lui qui a trouvé toutes les voies de la science, et qui l’a donnée à Jacob son serviteur, à Israël son bien-aimé. Après cela il a été vu sur la terre, et il a conversé avec les hommes. (Baruch 3.36, 37, 38.) Reconnaissez-vous ici ce même Dieu, qui s’est incarné après la loi promulguée par Moïse ? Voici encore une autre preuve de la divinité du Christ que vous trouvez dans l’épître qu’on vient de lire. O Dieu ! votre trône est éternel. (Hébreux 1.8 ; Psaumes 44.7.) Pour qu’on ne crût pas que sa divinité est une conséquence de son incarnation Que sa divinité est une conséquence de son incarnation.

C’est à Paul de Samosate que s’adressent directement ces paroles. Cet hérésiarque, tout en admettant la divinité du Christ, prétendait que ce n’était que comme homme qu’il s’était élevé à cette dignité. (Voyez Catéch. XII, 3.) Les Ariens s’éloignaient peu de cette hérésie. Car ils disaient que Dieu dans la prescience des mérites du Christ lui avait par anticipation conféré la grâce de la divinité. C’est contre ces hérésies que Cyrille prouve par ce verset du Psalmiste, Votre trône, ô Dieu, est éternel, que ce n’est point comme homme, mais comme Dieu que le Christ a été Christ de toute éternité. C’est ainsi que l’ont pensé S. Grégoire de Nysse, Eusèbe de Césarée, etc., le Prophète ajoute : C’est pourquoi, Dieu, votre Dieu vous a oingt de l’huile de réjouissance, de préférence à tous ceux qui y ont part avec vous. (Psaumes 44.8.) Reconnaissez-vous ici le Christ qui reçoit de Dieu son Père l’onction de la divinité ?

XVI.

Voici encore une troisième preuve de la divinité de Jésus-Christ que vous présente le Prophète Isaïe. Ecoutez-le L’Egypte avec tous ses travaux, l’Ethiopie avec son trafic, Saba avec ses hommes d’une haute taille, se prosterneront devant vous, ils seront vos esclaves, ils marcheront à votre suite chargés de fers, ils vous adoreront, parce qu’en vous est le Dieu fort et qu’il n’y a point d’autre Dieu que vous ; car vous êtes vraiment Dieu, et nous l’ignorions ; vous êtes le Dieu Sauveur d’Israël. (Esaïe 55.14, 15, Sept.) Ne reconnaissez-vous pas ici Dieu le Fils ayant en lui Dieu son Père ? N’est-ce pas l’expression succincte de ces autres paroles de l’Evangile : Mon Père est en moi, et moi en mon Père ? (Jean 14.11.) Car faites-y attention ; il ne dit pas Je suis le Père, mais, Le Père est en moi ; il ne dit pas non plus : Moi et mon Père je suis un, mais, Moi et mon Père nous sommes un ; (Jean 10.30.) et cela pour que nous ne nous égarions pas, et que nous ne confondions pas le Fils avec le Père. Il est Un, parce que Dieu a engendré Dieu, et que la divinité est indivisible. Il est un, parce que la royauté est indivisible, parce que le Père ne règne pas ici, et le Fils là, comme Absalon qui disputa à son Père des lambeaux de royauté. Mais là où règne le Père, règne aussi le Fils. Enfin ils sont un, pour que vous compreniez qu’il n’y a aucune distance entr’eux, que les volontés du Père ne sont pas autres que celles du Fils, que les œuvres de l’un sont les œuvres de l’autre, que le mot un rend l’œuvre commune à tous deux, le Père faisant tout par le Fils ; car le Psalmiste a dit : Il a dit, et tout a été fait ; il a commandé, et tout a été créé. (Psaumes 148.5.) Or, celui qui dit, parle à celui qui écoute ; celui qui commande, s’adresse à celui qui est présent.

XVII.

Le Fils de Dieu est donc vrai Dieu, ayant en soi-même son Père sans être devenu Père[4], et sans avoir subi de mutation. Car ce n’est pas le Père qui s’est incarné, mais le Fils. Et pour marcher sur la ligne droite sans dévier ni à droite ni à gauche, ce n’est pas le Père qui a souffert pour nous, mais c’est le Père qui a délégué celui qui devait souffrir pour nous. Ne divaguons pas et ne disons pas : Il fut un temps où le Fils n’était pas, et n’admettons pas une confusion du Père avec le Fils (la filio-paternité) allons droit devant nous, sans décliner à droite ou à gauche (Nombres 20.17) ; et ne croyons pas rendre plus d’honneur au Fils en lui attribuant le titre de Père, ou faire plus d’honneur au Père en lui attribuant la création du Fils, mais rendons hommage à un seul Père par un seul Fils, sans diviser notre adoration. Nous prêchons un seul Fils assis à la droite de son Père avant les siècles, non-seulement depuis sa passion, mais de toute éternité.

[14] Sans être devenu Père.
Cyrille emploie ici une arme à deux tranchants, dont il frappe tout à la fois les Patropassiens ou Sabelliens, et les Ariens. Quant aux premiers tout en les attaquant les uns et les autres, il y met une espèce de ménagement ; lorsqu’il dit : Disons la vérité toute entière, on croirait qu’il craint de rencontrer parmi les ennemis de l’Eglise son ami Marcel d’Ancyre que les Ariens accusaient et que quelques Catholiques soupçonnaient de Sabellianisme, notamment Eusèbe. Il était alors difficile de naviguer entre Sabellius et Arius, sans échouer sur l’un ou l’autre écueil. La barque de Pierre triompha de l’un et de l’autre.
Sabellius enseignait qu’il n’y a en Dieu qu’une seule personne qui est le Père, duquel le Fils et le Saint-Esprit sont des attributs, des émanations, ou des opérations, et non des personnes subsistantes. Dieu le Père, disait-il, est comme la substance du soleil, le Fils en est la lumière, et le Saint-Esprit la chaleur. De cette substance est émané le Verbe comme un rayon divin, et il s’est uni à Jésus-Christ pour opérer l’œuvre de notre rédemption ; il est ensuite remonté au Père comme un rayon à sa source, et la chaleur divine du Père sous le nom de Saint-Esprit a été communiqué aux Apôtres. Ils usaient encore d’une autre comparaison non moins grossière, en disant que la première personne de la sainte Trinité est dans la dignité, comme le corps est dans l’homme, que la seconde en est l’âme, que la troisième en est l’esprit.
De là il s’en suivait évidemment que Jésus-Christ n’était point une personne divine, mais une personne humaine, qu’il n’était ni Dieu, ni Fils de Dieu, dans le vrai sens du terme, mais seulement dans un sens abusif, parce que la lumière du Père lui a été communiquée et a demeuré en lui. Pour admettre une incarnation, Sabellius était obligé de dire que c’était Dieu le Père qui s’était incarné, qui avait souffert et qui était mort pour nous sauver. Conséquemment les Pères de l’Eglise qui ont écrit contre lui l’ont mis avec les Patropassiens, sectateurs de Praxéas et de Noëtus. Pour soutenir son erreur il s’appuyait de ces paroles de Jésus-Christ : Mon Père et moi sommes une même chose. Ego et Pater unum sumus.

XVIII.

Qui voit le Fils, voit le Père. (Jean 14.9.) Le Fils est en tout semblable à son Père ; il est la vie née de la vie, la lumière née de la lumière, la vertu engendrée de la vertu, Dieu issu de Dieu. Les caractères de la divinité sont égaux dans le Père comme dans le Fils ; tel qui a eu l’heureux privilège de voir le Fils, a vu également le Père. Au reste, ce n’est pas moi qui parle ici, c’est Dieu le Fils lui-même ; écoutez-le Il y a si longtemps que je suis avec vous, et vous ne me connaissez pas encore ! Philippe, celui qui me voit, voit aussi mon Père. (Jean 14.9.) En un mot, ne faisons ni division ni confusion[15] ; ne mettons aucun intervalle entre le Père et le Fils ; et n’écoutez pas celui qui vous parle du Père dans un temps et du Fils dans un autre. Toutes ces doctrines sont impies, toutes sont étrangères à l’Eglise. Le Père, en engendrant le Fils, est resté tel qu’il était, sans mutation quelconque. Il a engendré la sagesse, sans déroger à la sienne ; il a engendré la force, sans s’affaiblir lui-même. Il a engendré un Dieu, sans porter atteinte à sa divinité, et sans que le Fils fût au-dessous de lui. Perfection dans le Père, perfection dans le Fils. C’est un Dieu générateur, c’est un Dieu généré. Le Dieu de toutes choses, qui ne craint pas de reconnaître son Père et de dire : Je remonte vers mon Père qui est aussi le vôtre, vers mon Dieu qui est votre Dieu. (Jean 20.17.)

[15] Ne faisons ni division ni confusion.
Ici S. Cyrille, pour se rendre sensible, ‘ emprunte de la grammaire un terme de comparaison, celui de synalœphe. C’est comme s’il eût dit qu’on ne devait entendre qu’un Dieu en trois personnes, comme dans une diphthongue nous entendons deux sons dans une seule émission de voix. Ainsi, par exemple : dans bien, ciel, oui, j’entends plusieurs voyelles dont je ne fais qu’une syllabe. Il ne veut pas qu’on divise dans la pensée les trois personnes de la Trinité, pas plus que nous divisons en parlant les trois voyelles de oui, puisque nous ne disons pas o-u-i. Il ne veut pas non plus de synalœphe, c’est-à-dire de contraction ou de confusion des personnes de la sainte Trinité, à l’exemple des Sabelliens qui, dans la personne de Dieu le Père, voyaient les deux autres personnes confondues, comme en grammaire on dit philo pour philéo.

XIX.

Mais, pour que vous ne croyiez pas que Dieu est Père du Fils et des créatures au même titre, remarquez ses expressions. Il n’a pas dit : Je monte vers notre Père, pour n’établir aucune communauté de nature entre lui Fils unique et les créatures. Mais il dit : Je monte vers mon Père qui est aussi le vôtre. Il est mon Père par nature, il est le vôtre par adoption. Puis encore : Vers mon Dieu qui est aussi le vôtre. Car il est le mien, étant son propre Fils unique ; il est le vôtre, parce que vous êtes ses créatures.

Jésus-Christ est donc vrai Dieu Fils de Dieu, engendré d’une manière ineffable avant tous les siècles.

Pardonnez-moi, si j’insiste si longtemps sur ce dogme. Mais je ne puis trop l’inculquer dans votre esprit. Croyez que Dieu a un Fils. Mais ne cherchez pas à savoir comment cette génération s’est opérée, vos peines seraient perdues. Prenez garde de vous trop élever, si vous ne voulez pas tomber. Ne recherchez point ce qui est au-dessus de vous, et ne tâchez point de pénétrer ce qui surpasse vos forces. Mais n’occupez votre esprit que de ce que (Dieu) vous a commandé. (Siracide 3.22.) Dites-moi d’abord qui est le Père, puis vous chercherez ensuite qui est le Fils : si vous ne pouvez comprendre la nature du Père, ne vous inquiétez pas du mode de génération.

XX.

Il vous suffit pour servir Dieu de savoir, comme nous l’avons dit, que Dieu n’a qu’un Fils engendré dans l’ordre de la nature, dont la naissance ne date pas de Bethleem, mais qui est antérieure à tous les siècles.

Ecoutez ce que dit le Prophète Michée : Et toi Bethléem, maison Ephrata[16], tu n’es pas la moindre, quoique tu sois une des mille de Juda ; car c’est de toi que me sortira un chef pour régir mon peuple d’Israël. Et son avènement date du commencement, des jours de l’éternité. (V, 2. Sept.) Ne vous arrêtez donc pas tant à celui qui est né à Bethleem[17] ; mais adorez celui qui est né de toute éternité de son Père. N’écoutez pas celui qui place dans le temps l’origine du Fils ; mais reconnaissez que comme le Père il a l’éternité pour principe. Cette origine du Fils, qui est éternelle, est un mystère qui surpasse toutes les intelligences créées. Le Père qui ne connaît aucun principe, est la source du fleuve de justice (Psaumes 43.5) c’est-à-dire Père du Fils unique ; il l’a engendré, comme lui seul le sait.

[16] Et toi Bethleem… tu n’es pas la moindre.
La bible des Septante et celle de la Vulgate ne reproduisent pas la négation, nequaquam minima ; mais S. Cyrille, ainsi que Tertullien, S. Cyprien (lib. n. de Testimon.) et surtout S. Matthieu (cap. II, 6) ont lu nequaquam minima es. (Voyez les notes de Nobilius sur la bible des Septante.) (Note du Traducteur.)

[17] Ne vous arrêtez donc pas tant à celui qui est né à Bethleem.
Cette phrase mise sous le pressoir de la critique ne produirait que du Nestorianisme, et semblerait justifier cette hérésie qui voyait en Jésus-Christ deux natures et deux personnes distinctes, mais qui rejetait leur union hypostatique, et par conséquent admettait deux Christs : l’un Fils de Dieu, l’autre fils de Marie. Ainsi, Marie n’était pas la mère de Dieu. (Vid. Vinc. Lerin. Commonitor. XVII.)
Mais ces locutions ne doivent pas nous paraître étranges, ni nous scandaliser dans la bouche de S. Cyrille et des Pères qui ont paru avant la naissance du Nestorianisme ; souvent leur dialectique, pour combattre les Ariens et les Apollinaristes, les a jetés dans des locutions exagérées et peu exactes, comme le remarque Théodoret. (Epist. LXXXII.) Celui qui de tous les Pères en doit être le moins suspecté, est incontestablement S. Cyrille, qui a établi d’une manière si lumineuse l’unité de la personne du Christ (Catech. IV, 9) qui appelle Marie, Mère de Dieu, qui dit que Dieu est né d’une vierge, et qui partout nous montre sur le Calvaire, non pas un homme, mais un Dieu rédempteur mort pour nous.
Malgré ces mots : Ne vous arrêtez donc…. mais adorez celui qui est né de toute éternité, etc. nous l’entendrons dans la Catéchèse suivante, (n. 33) dire : Adorons Jésus-Christ né de la vierge, et nous faire remarquer dans la XIIIe, que Jésus crucifié est l’objet de l’adoration du monde entier. Et si Cyrille, ici et dans son homélie sur le paralytique (n. 33) paraît détourner nos yeux de dessus la seule humanité du Christ, c’est pour reporter toute notre attention sur sa divinité qui constitue la dignité de sa sainte humanité. Voyez, au reste, les Catéchèses III, 3 ; XVII, 35 ; XXII, 6.

Vous désirez aussi connaître l’éternité de sa royauté et de sa domination : eh bien, écoutez-le lui-même lorsqu’il vous dit : Abraham votre père a désiré avec ardeur de voir mon jour ; il l’a vu, et a tressailli de joie. (Jean 8.56.) Et comme les Juifs se cabraient contre des paroles qui leur paraissaient si étranges, il ajouta quelque chose de plus étrange encore : En vérité, en vérité je vous le dis : Je suis avant qu’Abraham eût été créé. (Ibid. 58.)

Ecoutez-le encore dans l’oraison qu’il adresse lui-même à son Père : Maintenant, mon Père, glorifiez-moi en vous-même de cette gloire que j’ai eue en vous, avant que le monde fût. (Jean 17.5.) Remarquez-le : il dit expressément : Avant que le monde fût. Puis il ajoute : Parce que vous m’avez aimé avant la création du monde. (Ibid. 24.)

XXI.

Croyons donc en un seul Seigneur Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, né du Père, vrai Dieu, avant tous les temps, par qui tout a été fait. (Jean 1.3.) Car les Trônes, les Dominations, les Principautés, les Puissances, sont l’œuvre de ses mains, et rien de ce qui est créé n’est hors de sa puissance. Que l’hérésie qui parle de plusieurs créateurs[18] et de plusieurs architectes de cet univers se taise dans la confusion. Silence à ces impies qui blasphèment contre le Christ Fils de Dieu, qui voient le Christ dans le soleil. Puisque c’est lui qui a fait le soleil, il ne peut être cet astre matériel qui nous éclaire. Silence à ces impies qui veulent dépouiller le Fils de Dieu de sa dignité de créateur pour en revêtir les Anges. Car tout ce qui est visible ou invisible, Trônes, Dominations, tout ce qui porte un nom, soit dans les cieux, soit sur la terre, tout est l’œuvre du Christ. (Colossiens 2.16 ; Ephésiens 1.21.) Le Fils règne sur tout ce qu’il a fait, non par usurpation, mais par le droit du Créateur sur la créature, comme l’a dit l’Apôtre bien-aimé : Tout a été fait par lui, et sans lui rien n’a été fait. (Jean 1.3.) Tout a été fait par lui, c’est-à-dire que c’est le Père qui a opéré par le Fils.

[18] Que l’hérésie qui parle de plusieurs créateurs.
Cyrille signale ici plusieurs espèces d’hérétiques qui attribuaient au monde plusieurs auteurs. Suivant les uns, il y avait un créateur pour les corps, un autre pour les âmes. Selon d’autres, la lumière et les ténèbres avaient chacune leur créateur. Les anciens Gnostiques divisaient le monde entre divers auteurs ; attribuaient à l’un telle partie, à l’autre telle autre, ou les faisaient travailler en commun. Mais ici sont surtout signalés ceux qui dépouillaient le Christ de sa qualité de créateur et de sa divinité, qui le rendaient inférieur à Marie, ou qui le confondaient avec le Père, ou qui le rejetaient au rang des créatures. Enfin il réfute ici Simon le Magicien, Basilide, Ménandre, Cérinthe, etc. qui attribuaient aux Anges la création du monde, aux uns les choses visibles, aux autres les invisibles.

XXII.

Je voudrais pouvoir par un exemple quelconque vous rendre sensible ce que je vous dis. Mais quel qu’il soit, il sera toujours trop faible. Comment prendre, en effet, parmi les choses sensibles et matérielles un objet de comparaison, qui soit analogue avec la puissance invisible et divine ? J’en hasarderai cependant un, quelque disparate qu’il soit ; car c’est une faible créature qui parle à d’autres créatures également faibles.

Je suppose donc qu’un roi qui aurait un Fils unique également roi, veuille fonder une ville, qu’il en soumette le plan à son Fils, et que celui-ci se charge de l’exécution, ne serait-il pas vrai de dire que c’est par la volonté du Père que le Fils a tout créé, que la soumission du Fils a conservé au Père le pouvoir créateur, sans que lui-même perdit rien de sa propre puissance sur les ouvrages sortis de ses mains ? Le Père n’a rien perdu de son domaine sur les créatures ; l’autorité du Fils n’est pas une usurpation sur des œuvres qui lui soient étrangères, puisqu’elle ne s’étend que sur son propre ouvrage.

Ainsi, comme nous l’avons dit, les Anges sont étrangers à la création du monde. Mais c’est l’œuvre du Fils unique né antérieurement à tous les siècles. C’est par lui que tout a été fait sans exception quelconque.

Je crois en avoir dit assez avec la grâce de Dieu pour votre instruction.

XXIII.

Revenant à notre profession de foi, hâtons-nous de conclure notre discours. Le Christ a tout fait, même les neuf chœurs des Anges, les Archanges, les Dominations et les Trônes ; non pas que la création fût au-dessus des forces de Dieu son Père, mais c’est parce que le Père a voulu que le Fils régnât sur tout ce qu’il avait produit en exécution de ses ordres et de sa volonté. Car le Fils honore son Père, et dit lui-même : Le Fils ne peut rien faire de lui-même, et il ne fait que ce qu’il voit faire au Père. Car tout ce que le Père fait, le Fils aussi le fait comme lui. (Jean 5.19.) Et ailleurs : Mon Père ne cesse point d’agir jusqu’à présent, et j’agis aussi (incessamment.) (Ibid. 17.) Une parfaite harmonie règne dans leurs opérations. Car tout ce qui est à moi est à vous, et tout ce que vous avez est à moi (Jean 17.10) dit le Seigneur parlant à son Père.

L’Ancien, comme le Nouveau Testament, rend un égal témoignage de cet harmonieux accord qui règne entr’eux. Dès les premières pages nous trouvons ces mots : Faisons l’homme à notre image et ressemblance. (Genèse 1.26.) Ces paroles s’adressent évidemment à quelqu’un qui est présent. Mais le Psalmiste a rendu encore cette vérité plus palpable : Il a dit, et tout a été fait ; il a commandé, et tout a été créé. (Psaumes 148.5.) Qui est-ce qui ne reconnaît pas ici le Fils qui agit à la voix de son père et sur ses ordres ? La même vérité se rencontre d’une manière plus mystérieuse dans le livre de Job. C’est lui qui a formé seul la vaste étendue des cieux, et qui marche sur les flots de la mer, comme sur la terre (Job 9.8) ; nous donnant à entendre que celui qui dans sa vie mortelle marcha sur les flots de la mer, est le même que celui qui jadis avait jeté sur nos têtes la voûte des cieux.

Dans le même livre, le Seigneur dit encore : Est-ce toi qui prenant du limon l’as broyé et en as pétri un animal, et l’as placé sur la terre avec la faculté de parler ? Et un peu plus loin : Est-ce pour toi que les portes de la mort se sont ouvertes de frayeur ? Est-ce à ta vue que les portiers de l’enfer ont frémi ? (Job 38.44, 17, Sept.) Qui ne reconnaît pas ici le Dieu qui dans sa miséricorde descendit aux enfers et en brisa les portes, et celui qui avec de la boue avait pétri l’homme ?

XXIV.

On reconnaît donc ici le Christ, Fils unique de Dieu, Créateur du ciel et de la terre. Car il était dans le monde, et le monde fut fait par lui, il vint dans sa propriété. (Jean 1.10, 11.) Il est tout à la fois l’exécuteur des volontés de son Père, et le créateur des choses, non-seulement visibles, mais encore invisibles ; car en lui et par lui tout a été fait, a dit l’Apôtre, dans le ciel et sur la terre, ce qui est visible et invisible, les Thrones, les Dominations, les Principautés, les Puissances. Il est avant tout, et tout est en lui. (Colossiens 1.16, 17.) Et si vous parlez des siècles eux-mêmes, il en est aussi l’auteur par la volonté de son Père. En un mot, Jésus-Christ est le Seigneur de toutes choses. Car il nous a parlé dans la personne de son Fils, qu’il a constitué héritier de toutes choses, par lequel il a fait même les siècles (Hébreux 1.2) ; et auquel appartient la gloire, l’honneur, la puissance dans le Saint-Esprit partout, maintenant, toujours, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant