Catéchèse

SEIZIÈME CATÉCHÈSE, PREMIER DISCOURS SUR CES MOTS : Et en un Saint-Esprit, le Paraclet[1] qui a parlé par les Prophètes, etc.

[1] En un Saint-Esprit le Paraclet.
Ce mot signifie à la lettre un avocat, celui qui est appelé par un coupable ou un client pour lui servir de conseil, d’intercesseur et de consolateur.
C’est dans ce sens que S. Jean a donné le titre de Paraclet à Jésus-Christ lui-même. (Epist. I, cap. 2, vers. 1 texte grec.)
Les anciens Pères, pour ne pas donner lieu aux hérétiques de distinguer le Paraclet d’avec le Saint-Esprit, et d’en faire deux êtres, ajoutèrent dans le symbole ce nom appellatif, et non pas adjectif, pour se conformer au texte de S. Jean (XIV, 26) : Le Paraclet, le Saint-Esprit que mon Père enverra. C’est ainsi que nous lisons dans les Renonciations au livre VII des Constitutions Apostoliques, (cap. XLI) : Baptizor etiam in Spiritum sanctum, id est, Paracletum. On le rencontre encore dans le symbole d’Antioche (Vid. Athan. de synodis, n. 25) dans celui de Philippopolis. (Vid. Hilar.) Dans la suite les hagiographes grecs ont fait du mot Paraclet un adjectif neutre, qu’ils accordent avec Tò пvεμx, Spiritus.
Je ne me souviens pas avoir jamais lu qu’on eût objecté aux Grecs schismatiques cette addition faite au symbole de Nicée, à eux qui nous font un crime d’avoir ajouté le Filioque.
J’ignore ce qu’ils auraient pu répondre.

SOMMAIRE.

Ici l’importance des matières a forcé l’orateur d’en faire le sujet de deux instructions. Dans la première il expose le dogme catholique concernant la foi au Saint-Esprit et les hérésies qui lui sont opposées. C’est dans l’Ancien Testament qu’il puise aujourd’hui sa démonstration et ses preuves ; c’est pour la seconde qu’il réserve celles que lui fournit le Nouveau Testament.

I, II. Danger des opinions erronées sur le Saint-Esprit. – Nécessité de son assistance pour en parler avec sagesse. – III, IV. Unité du Saint-Esprit avec les deux personnes de la sainte Trinité. – V, VI, VII. Divers péchés des hérétiques contre le Saint-Esprit, tels que – VIII, IX, X. Simon, Montan, Manès. – XI. Il les combat par l’autorité des Livres saints. Il signale sous le nom ou le symbole de l’eau la présence du Saint-Esprit. – XII. Parallèle entre les effets de l’eau et les grâces du Saint-Esprit. – XIII, XIV. Définition du mot Esprit, ses effets. – XV, XVI, XVII. Effet de l’Esprit immonde, tableau de l’énergumène. – XVIII, XIX, XX, XXI, XXII. Explication du mot Paraclet. – XXIII, XXIV, etc. Différence entre le Saint-Esprit et les Anges. – XXXII. Récapitulation.

On remarque dans ce discours une lumineuse exposition du mystère de la sainte Trinité, de la distance qu’il y a entre le Saint-Esprit et les créatures ; des preuves de sa toute-puissance, de son immensité, de son éternité, de son action sur le cœur de l’homme. Cyrille établit n. 24 d’une manière lucide, comment le Saint-Esprit procède du Fils ; il décrit en termes magnifiques l’énergie de la grâce prévenante, l’efficacité du principe de tout bien. Il expose et réfute victorieusement la doctrine du triple Dieu de Marcion, les cruels mystères de Montan. Cette Catéchèse et la suivante furent prononcées aux approches de la fête de Pâques.

De spiritualibus autem, fratres, nolo vos ignorare, etc. (1 Corinthiens 12.4.)

Pour ce qui est des dons spirituels, mes Frères, je ne veux pas que vous ignoriez, etc. »

I.

Ce n’est pas sans le secours de l’Esprit-Saint lui-même, que nous espérons pouvoir parler de lui, je ne dis pas avec la dignité qui lui convient, car c’est au-dessus des forces humaines, mais de manière cependant à parcourir, sans échouer, tout ce qu’en ont dit les Livres saints.

C’est avec une extrême frayeur que nous lisons dans l’Evangile ces paroles de Jésus-Christ : Quiconque aura parlé contre le Saint-Esprit, n’en recevra la rémission ni en ce siècle ni en l’autre. (Matthieu 12.32.) Il est souvent à craindre que celui qui est assez téméraire pour en parler sans une instruction suffisante, ou dans des idées de piété mal entendues, ne reçoive pour punition de son audacieuse témérité, un arrêt de condamnation. C’est Jésus-Christ lui-même souverain juge des vivants et des morts qui a prononcé cet arrêt formidable ; et si quelqu’un vient à blasphémer contre le Saint-Esprit, quel espoir de salut peut-il lui rester ?

II.

Il faut donc nous abandonner à la grâce de Jésus-Christ lui-même ; et pour ne pas nous exposer, nous, à parler indiscrètement, vous, à ne pas comprendre suffisamment, nous avons tous besoin du don d’intelligence, le maître comme le disciple, pour que les paroles du maître soient fidèles, et que le disciple ne les détourne pas à un sens erroné.

Ne parlons donc jamais du Saint-Esprit que dans les termes mêmes des Livres saints ; n’allons pas avec une curiosité téméraire fouiller au-delà de ce qu’ils nous ont dit. C’est l’Esprit-Saint qui les a dictés ; il y a dit lui-même tout ce qu’il a voulu et tout ce qui était à la portée de notre intelligence. Ne disons donc que ce qu’il a daigné nous révéler de lui-même, et ne soyons pas assez téméraires pour rien ajouter à ses paroles. (Vid. Catéch. IV, 47 ; VIII, 6, XI, 12 ; XII, 5.)

III.

Il est un seul Saint-Esprit, consolateur ou Paraclet ; et de même qu’il n’y a qu’un seul Dieu et non deux, un seul Père et non deux, un seul Fils et non deux, de même aussi il n’y a qu’un seul Saint-Esprit, qui n’a ni son second, ni son égal en dignité et en honneur. L’Esprit-Saint, puissance souveraine, est donc quelque chose de divin, incompréhensible, impénétrable à notre intelligence. Car il vit, et il est doué de la suprême raison ; il est le sanctificateur de toutes les choses que Dieu a créées par son Verbe[2].

[2] Il est le sanctificateur de toutes les choses que Dieu a créées par son Verbe.
De même que S. Cyrille n’a pas rendu le Fils étranger à la sanctification, et qu’il la lui a attribuée en commun avec le Père et le Saint-Esprit (Catéch. VII, 7) de même aussi il n’exclut pas le Saint-Esprit de l’œuvre de la création.
Comme dit S. Irénée (adv. hær. lib. 1, cap. XIX) : Nihil enim indiget omnium Deus : sed per Verbum et Spiritum suum omnia faciens, disponens, gubernans, et omnibus esse præstans ; de même aussi s’exprime S. Basile : Le Père, dit-il, crée par le Fils, et sanctifie par le Saint-Esprit. Πατὴρ διὰ τοῦ λόγου κτίζει, καὶ διὰ toũ пveúμatos åyiáğel. (In Ps. XXXII.) C’est encore le langage de S. Maxime. (Dialog. 11, De Trinit.)
S. Cyrille n’attribue pas au Saint-Esprit la sanctification des seules substances raisonnables, mais encore de toutes les choses que nous appelons matières des Sacrements, telles que l’eau, l’huile ou substance destinée aux onctions, le pain destiné à la consécration. (Vid. Catéch. III, 3, 4 ; XXI, 3 ; XXI, 7, 19.)

C’est lui qui dans l’ancienne loi a éclairé les justes, qui a parlé par la bouche des Prophètes, qui dans le Nouveau Testament a inspiré les Apôtres. Anathème à ceux qui osent diviser l’opération du Saint-Esprit. Il n’est qu’un Dieu Père Seigneur de l’Ancien et du Nouveau Testament, un seul Seigneur Jésus-Christ qui a été prédit dans l’Ancien et qui est venu dans le Nouveau, un seul Saint-Esprit qui, par la bouche des Prophètes, a annoncé la venue du Christ, et qui, après son avènement, est descendu et l’a manifesté. (Ici se trouve le supplément que nous renvoyons à la fin de cette Catéchèse.)

IV.

Anathème donc à quiconque sépare l’Ancien Testament du Nouveau, à quiconque dit : « Autre est l’Esprit de l’un, autre est l’Esprit de l’autre[3]. Car il blasphème contre le Saint-Esprit que nous adorons avec le Père et le Fils, et que dans le saint baptême nous comprenons dans la sainte Trinité.

[3] Autre est l’Esprit de l’un, autre est l’Esprit de l’autre.
C’était l’erreur de quelques hérétiques de son temps, qu’il s’attache à combattre dans cette Catéchèse n. 6, et la suivante. Il est étonnant qu’Origène (lib. 11 De principiis, cap. 7) affirme qu’il a bien entendu des hérétiques soutenir qu’il existait deux Dieux, deux Christs, mais jamais deux Saints-Esprits. S. Ambroise répète la même assertion presque dans les mêmes termes. (Lib. 1 De Spiritu sancto, cap. IV, n. 55.) Cependant le même Origène signale et combat l’erreur de ceux qui ne reconnaissent pas un seul et même esprit, dans l’un comme dans l’autre Testament. (Vid. Homil. X in Levit., p. 187 ; Edit. Eras.
Homil. xu in Jeremiam, p. 688 ; Apolog. Pamphili, lib. VI, cap. 7, in Matth. Huet edit. t. 1, p. 242.) D’autres ont encore reconnu et combattu cette erreur : tels que S. Epiphane. (Hæres. xxi, 4.) Elle était commune à tous ceux qui admettaient un Dieu de l’Ancien Testament, un Dieu du Nouveau, surtout’aux Marcionites, et aux Manichéens. (Vid. Catéch. IV, 33 ; VII, 6.)
S. Irénée, en combattant les Gnostiques et les Marcionites surtout, s’attache à prouver qu’il n’existe qu’un Dieu Père, un Dieu Fils, puis il ajoute qu’il n’y a point d’autre Saint-Esprit. (Lib. IV, cap. 9, n. 2.) Rhodon dans Eusèbe (lib. V, cap. 13) rapporte qu’Apelle quoique marcionite, tout en n’admettant, contre le sentiment de son maître et de ses cosectaires, qu’un seul principe, attribuait néanmoins les prophéties au mauvais esprit.

Car le Fils unique de Dieu a dit à ses Apôtres en termes clairs et précis : Allez, enseignez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. (Matthieu 28.19.) Notre espérance est dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Nous n’annonçons donc pas trois Dieux. Que le Marcionite se taise donc. Nous prêchons un seul Dieu avec le Saint-Esprit par le seul Fils ; notre foi est indivise, notre piété inséparable ; nous ne divisons pas la sainte Trinité[4] comme quelques-uns le font, ni n’en faisons pas une confusion, comme Sabellius. Mais nous reconnaissons avec piété un seul Père qui nous a envoyé le Sauveur son Fils ; nous connaissons un seul Fils qui a promis d’envoyer de la part de son Père, le Paraclet ; nous connaissons le Saint-Esprit qui a parlé dans les Prophètes, qui, au jour de la Pentecôte, est descendu sur les Apôtres sous la forme de langues de feu, ici à Jérusalem, dans l’église des Apôtres située là-haut [5]. Car nous sommes ici les dépositaires des titres qui constituent les dignités et les prérogatives de l’Eglise universelle. C’est ici, à Jérusalem, que Jésus-Christ est descendu ; c’est encore ici que le Saint-Esprit opéra sa descente. Il était en effet convenable, que, parlant de Jésus-Christ ici, sur le Golgotha, théâtre de sa Passion, nous pussions également, en parlant du Saint-Esprit, vous montrer dans cette autre église le théâtre des merveilles de la Pentecôte ; et puisque celui qui est descendu là, est associé à la gloire de celui qui a été, ici même, crucifié, nous ne pouvons donc dans ce lieu moins faire, que de vous entretenir de celui qui a opéré là sa descente. Car la Religion ne les sépare jamais dans son culte.

[4] Nous ne divisons pas la sainte Trinité.
Les Ariens, en faisant de la personne de Jésus-Christ une créature, brisaient le faisceau mystérieux de la sainte Trinité. (Catéch. XI, 17.) Ils enseignaient que le St-Esprit était autant au-dessous du Fils, que le Fils était au-dessous du Père. Natura separatæ, abalienatæ, sejunctæ, alienæ, absque ulla communione sunt inter se essentiæ Patris, Filii et Spiritûs sancti, et ut ipse inquit Arius, penitus inter se essentia et gloriâ infinitè dissimiles. (Athan. Orat. 1, Contr. Arian. n. 6.)
Sabellius était tombé dans l’erreur opposée. Marcel d’Ancyre, au dire de plusieurs saints personnages, venait de la réveiller, et n’accordait au St-Esprit aucune hypostase particulière. Nullam Paracleto propriam hypostasim concedit, dit S. Basile. (Epist. LXXIV, p. 126.) Voilà l’opinion que nous verrons combattue au n. 13, et Catéch. XVII, n. 28,34. Sabellius n’est pas l’auteur primitif de cette erreur Origène l’avait déjà signalée. (Tom. II, in Joh. p. 58.) S. Jérôme l’attribue à Lactance. (In cap. IV, Epist. Pauli ad Galat.)
Le Patriarche de Jérusalem, tenant le milieu entre Arius et Sabellius, ne pouvait être que catholique. Car, quoiqu’il n’eût pas exprimé dans les mêmes termes que nous sa foi en un seul Dieu, et qu’au lieu de dire, comme nous, que le Père, le Fils, le St-Esprit ne font qu’un seul Dieu, il eût dit qu’il n’y avait qu’un Dieu par le Fils avec le St-Esprit, il parlait comme S. Grégoire de Nazianze (carm. III, p. 68) qui dit : Εἷς θεὸς, ἐκ γενέταο, δι᾿ ὕιον, ἐς μέγα πνεῦμα. Unus Deus, exc Genitore, per Filium, in magnum Spiritum. Or, la foi de ce Père n’a jamais été suspecte.

[5] Dans l’Eglise des Apôtres située là-haut.
Il existait alors une petite église, bâtie sur la montagne de Sion, dans l’emplacement de la maison qu’avaient occupée les Apôtres, lors de la descente du St-Esprit ; c’était la plus ancienne église de Jérusalem. C’est dans cette église que S. Etienne fut ordonné diacre, au dire du prêtre Lucien, sur l’Invention des reliques du saint Martyr, lequel a écrit vers l’an 415. Il est probable que c’est là que les Apôtres dont elle portait le nom, et S. Jacques premier PC. de Jérusalem, se réunissaient avec les fidèles, de préférence à tout autre lieu, comme ayant été consacrée par le St-Esprit lui-même.
S. Epiphane (lib. de Ponderibus et mensuris, n. XIV) dit que cette petite église avait échappé à la destruction de Jérusalem, sous Vespasien, qu’elle fut retrouvée sous les décombres dans son entier, lors de la construction de la ville d’Ælia, sous Hadrien. Elle était distante de la nouvelle ville de la portée d’une flèche. (Vid. Guillaume de Tyr, lib. VIII Belli sacri, cap. 5.)

V.

Notre dessein est donc de vous entretenir aujourd’hui de ce qui concerne le Saint-Esprit, non pas de vous donner une définition exacte de sa nature ou de son hypostase, c’est chose impossible ; mais de vous signaler les diverses erreurs dans lesquelles plusieurs sont tombés à son égard, pour que par ignorance nous ne fassions pas les mêmes chutes, et de couper les divers sentiers de l’erreur, pour n’avoir devant nous que la seule route royale.

Si par mesure de précaution et d’instruction nous sommes forcé de répéter devant vous les blasphèmes des hérétiques, que l’horreur en retombe sur leurs têtes, que le ciel ne nous les impute pas à crime, ni à nous qui les répétons, ni à vous qui les écoutez.

VI.

Il n’y a rien de sacré, pas même le Saint-Esprit, sur quoi l’impiété la plus sacrilège n’ait pas aiguisé sa langue de vipère (Psaumes 139.4) sur quoi elle n’ait vomi son venin corrosif, comme le dit le scrutateur Irénée[6] dans ses écrits contre les hérésies. Les uns ont eu l’audace d’usurper le nom, le titre, la qualité du Saint-Esprit. Le premier d’entr’eux fut Simon le Magicien dont il est parlé aux Actes des Apôtres. (Actes 8.9.) Vomi du sein de l’Eglise, il ne craignit pas d’ouvrir à part son école d’impiété.

[6] Comme le dit le scrutateur Irénée.
Le titre d’Exégète qu’a négligé le Père Touttée, et que je traduis par scrutateur, mais qui serait peut-être mieux rendu par celui de critique, désigne ici l’attention et le soin qu’apporta le saint Archevêque de Lyon à développer tous les plis et replis dont s’enveloppait alors le serpent de l’hérésie, à en dévoiler la hideuse perfidie et à en démasquer l’hypocrisie.
A en juger par les laves que le cratère de l’enfer a vomis et ne cesse de vomir, depuis plus de deux siècles, sur le monde Chrétien, dans la personne de tant de monstres politiques et religieux, aussi féroces que stupides, on peut s’effrayer d’avance de la venue de l’Antéchrist, et plaindre nos neveux qui se trouveront aux prises avec Satan lui-même, dont l’apparition sur la terre sera la dernière éruption du volcan infernal. (Note du Traduct.)

D’autres voilant leur impiété sous le nom de Gnostiques[7] ou Illuminés, vomirent d’autres blasphèmes contre le Saint-Esprit ; puis vinrent les Valentiniens qui les reproduisirent sous une autre forme, peut-être plus inepte et plus absurde. Mais le plus scélérat de tous est incontestablement Manès qui osa se dire le Paraclet envoyé par le Christ[8]. D’autres ont admis un Saint-Esprit pour les Prophètes, un autre pour les Apôtres. Tant leurs folies ou plutôt leurs blasphèmes sont divagants entr’eux.

[7] D’autres voilant leur impiété sous le nom de Gnostiques.
Sous le nom de Gnostiques ou Illuminés on comprenait diverses sectes très-disparates entr’elles, qui avaient toutes pour souche commune Simon le Magicien. Les Valentiniens, dont Cyrille fait ici une secte particulière, ne font pas d’exception. On connut les Gnostiques sous les noms de Simoniens, Nicolaïtes, Valentiniens, Borboriens, Basilidiens, Carpocratiens, Ophites, Sethiens, Docètes ou Opinants ; vinrent ensuite les Marcionites, et les Manichéens.
Toutes ces sectes sorties du fumier philosophique de l’Inde, de la Chaldée, de l’Egypte et de la Grèce, engendrèrent, après une longue fermentation, le Manichéisme qui pullula dans toute l’Asie, l’Afrique et l’Europe. Les Grecs, dans leur commerce avec Lyon, introduisirent dans les Gaules les honteux mystères de ces diverses sectes ; et c’est à leur présence que nous devons les Œuvres de S. Irénée.
L’invasion des Barbares fit disparaître de l’Europe cette contagion. Mais, à la suite des croisades, les Templiers la rapportèrent de l’Asie. Il fut aisé de reconnaître leur origine Chaldaïque dans leurs symboles du soleil, de la lune et de l’étoile flamboyante. La destruction de cet ordre pestiféré força cette hydre à se cacher dans l’antre mystérieuse de la Franc-Maçonnerie ; d’où elle s’insinua, à l’aide du Protestantisme, du Philosophisme, dans toutes les classes de la société ; d’où elle brava les foudres de la religion. Semblable à ces vers qui, dans l’ombre, avec le temps, réduisent en poudre les bois les plus durs, elle mina sourdement le trône et l’autel ; et l’édifice social se trouva menacé jusque dans ses fondements. C’est de ces cavernes ténébreuses que sont sortis les Jean Picard, les Valdo, les Schwindenborg, les Zinzendorf, tous les enfants de Luther et de Calvin, qui font du St-Esprit l’auteur de tous les blasphèmes qu’engendrent leurs cerveaux en délire, et de nos jours les Illuminés de Weishanpt, de St-Martin, de Cagliostro, ceux de Mesmer et les St-Simoniens, et le Fourriérisme et les Panthéistes.
Voilà cette secte de Gnostiques ou Illuminés qui est née à côté du Christianisme, qui, sous mille noms divers, n’a pas cessé d’être une, et de marcher sous la bannière de Satan à la destruction du Christianisme, et qui ne cessera pas d’être précurseur de l’Antéchrist.
C’est sous le nom même de Gnostiques que l’Apôtre des nations, sous la dictée de l’Esprit-Saint, signalait aux générations à venir cette race d’hommes aussi ignorante qu’orgueilleuse. Fuyez, disait-il, les futilités profanes, et tout ce qu’oppose une FAUSSE GNOSE : Et oppositiones falsò nominatæ illuminationis. Le grec dit : Yevdovýμov yvá. ςωεσ (Note du Trad.)

[8] Qui osa se dire le Paraclet envoyé par le Christ.
Que dirons-nous donc du fameux comte St-Simon, qui, au milieu de nous (en 1820), se dit issu du sang de Charlemagne, comme Jésus-Christ était issu du sang de David, et se présente aux Français, comme un envoyé du Très-Haut, pour renouveler la face de la terre, et qui se place effrontément au-dessus de Jésus-Christ lui-même, dont le règne, dit-il, est usé. (Voy. le Dict. Theolog. de Bergier, vo Valentiniens.) (Note du Traducteur.).

Voilà les hommes dont vous devez avoir horreur ; voilà les blasphémateurs que vous devez fuir. Aucun pardon ne leur sera accordé[9], parce qu’ils ont outragé l’Esprit-Saint. Quel rapport peut-il donc y avoir entre vous qui allez être baptisés au nom du Saint-Esprit, et ces hommes frappés d’anathèmes, dépourvus de toute espérance ? Si celui qui s’attache à un voleur, et qui prend la fuite avec lui, encoure la même peine (Psaumes 49.18) quel espoir de salut peuvent avoir ceux qui marchent sous la bannière des ennemis du Saint-Esprit ?

[9] Aucun pardon ne leur sera accordé.
Nous n’irons pas plus loin, sans faire une note sur ces paroles de Jésus-Christ, qui disent que le péché contre le St-Esprit ne sera remis ni en ce monde ni en l’autre, et qui semblent contredire les promesses attachées au sacrement de pénitence. Mais je trouve la solution de cette difficulté chez l’Evêque d’Hippone, qui dit « que la punition de ce péché consiste dans une persévérance obstinée et dans l’impénitence finale qui entraîne la perte éternelle de tous ceux qui, sciemment et contre leur conscience, blasphèment le St-Esprit. (Retract. lib. 1, cap. 9.) S. Fulgence a pensé de même. (Lib. de Fide ad Petrum, cap. 3.)
En effet, l’histoire des Hérésiarques, chefs ou coryphées d’hérésies, nous les montre tous mourants dans l’impénitence finale.
Mais leurs sectaires sont-ils tous également compris dans cet arrêt de proscription irrévocable ? Non, Cela n’a pas même été la pensée de S. Cyrille ; car dès l’ouverture de son discours, n. 1, il ne présente cet arrêt que comme une menace, à ceux de ses auditeurs qui, par ignorance ou par une piété mal entendue, se sont rendus coupables de blasphèmes contre le St-Esprit. C’est pourquoi nous l’avons vu promettre le pardon aux Manichéens (Catéch. VI, 36) s’ils abjuraient leurs erreurs, et l’on remarque (Catéch. XV, 3) qu’il complait parmi ses auditeurs plusieurs Manichéens.

VII.

Anathème aux Marcionites qui ont effacé du Nouveau Testament toutes les paroles de l’ancienne loi, qui s’y rencontraient. Car Marcion, le plus grand ennemi de Dieu, fut le premier auteur de ce sacrilège. Il fut le premier qui imagina trois Dieux[10]. Comme il rencontrait dans toutes les pages du Nouveau Testament les témoignages des Prophètes en faveur de Jésus-Christ, il les en effaça, pour dépouiller notre Roi de tous ses titres. Anathème donc à tous ces impies qui, en dépit de leur crasse ignorance, se targuent du titre de Gnostiques ou de savants, qui ont osé lancer contre le Saint-Esprit des blasphèmes dont je n’oserais souiller ma langue.

[10] Ce fut le premier qui imagina trois Dieux.
Le seul ouvrage qui ait été attribué à Marcion est un traité qu’il avait intitulé : Antithèses ou oppositions. Il avait pour but de faire voir une opposition qu’il supposait être entre le Nouveau et l’Ancien Testament, entre la sévérité des lois de Moïse et la douceur de celles de Jésus-Christ. Les premières étaient, disait-il, injustes, cruelles et absurdes. Il en concluait que le Créateur du monde, qui parle dans l’Ancien Testament, ne peut pas être le même Dieu qui a envoyé Jésus-Christ ; conséquemment il rejetait les livres de l’ancienne loi. De nos quatre Evangiles, il ne recevait que celui de S. Luc ; encore en retranchait-il les deux premiers chapitres qui regardent la naissance du Sauveur. Il n’admettait que dix des Epîtres de S. Paul ; encore en effaçait-il tout ce qui ne s’accordait pas avec ses opinions. En conséquence il forgeait trois Dieux : un bon, père de Jésus-Christ ; un mauvais, le diable qui commandait aux Gentils ; un mixte, Dieu créateur du monde, Dieu des Juifs, ou, selon S. Epiphane, un Dieu bon, un juste, un méchant. Néanmoins Justin, Irénée, Prudence, Tertullien, prétendent qu’il ne reconnaissait que deux Dieux. Rhodon, auteur ecclésiastique, au rapport d’Eusèbe (lib. v, Hist. cap. 13) dit que ce ne fut pas Marcion qui fut l’auteur de cette triple divinité, mais un certain Synerus. C’est aussi le sentiment de S. Augustin qui dit que Marcion marcha sur les traces de Cerdon et admit deux principes. (Lib. de Hares. n. 22.)

VIII.

Anathème aux Cataphryges, sectateurs de Montan, et à ses deux prophétesses Maximilla et Priscilla[11]. Il n’y a que la fureur et le comble du délire qui aient pu dicter à Montan les extravagances qu’il a débitées. Ce Montan, le plus vil, le plus impur, le plus lascif des mortels, n’a pas craint de se donner lui-même pour le Saint-Esprit incarné. Le respect dû aux femmes qui m’écoutent, ne me permet pas de le signaler plus amplement.

[11] Anathème aux Cataphryges, etc.
Cette secte aussi connue sous les noms de Pépusiens et de Quintilliens (Vid. August. n. 27, ut suprà) affectait au dehors une morale austère ; ils condamnaient les secondes noces sous le nom de fornications ; ils refusaient pour toujours la pénitence et la communion à tous les grands pécheurs ; ils imposaient à leurs sectateurs trois carêmes et deux semaines de xérophagie, c’est-à-dire, d’aliments secs, tels que figues sèches. Pendant leur carême ils s’abstenaient de tout ce qui avait eu vie, à l’exemple de Pythagore. Quant à leurs mystères, voici ce qu’en dit S. Augustin (loco citato, n. 25) : « Ils prennent un enfant d’un an, dont ils tirent le sang en le piquant de tous côtés ; ils mêlaient ce sang avec de la farine dont ils faisaient du pain qu’ils appelaient leur eucharistie : si l’enfant succombait, ils en faisaient un martyr ; s’il survivait, ils en faisaient un pontife. »
Ce sont eux qui donnèrent occasion aux Païens d’accuser les Chrétiens de faire dans leur synapse le festin d’un enfant égorgé, recouvert de farine.
C’est des Gnostiques, au dire de S. Epiphane, que les Montanistes avaient emprunté cet exécrable sacrifice. (Voy. Hæres. XXVI, 5 ; XLVIII, 14.) Philastrius, Théodoret, Isidore de Péluse, s’accordent avec S. Augustin.
Tertullien est pour nous un triste exemple des égarements dans lesquels peut tomber un grand génie. Cet homme, naturellement dur et austère, se laissa séduire par la sévérité de la morale extérieure des Montanistes. Il poussa la faiblesse jusqu’à regarder Montan, comme le Paraclet, et ses deux femmes Maximilla et Priscilla, deux visionnaires perdues de mœurs, pour des prophétesses. C’est dans les préjugés de cette secte qu’il composa la plupart de ses traités, ceux du Jeûne, de la Monogamie, de la Chasteté, de la Fuite dans les persécutions. Il donne aux Catholiques le nom de Psychites ou d’animaux, parce qu’ils ne poussaient pas aussi loin que lui le rigorisme.
Au reste, que dirons-nous, quand nous avons vu de nos jours de prétendus savants du XVIIIe siècle écrire à genoux à Balsamo, dit Cagliostro, leur maître éternel, qui, né en 1743, était en 1784 à Paris et à Lyon, âgé de 1400 ans, sous le titre d’Esprit-Saint, envoyé par l’Eternel, pour présider aux mystères de Memphis. Qu’on lise la vie de Balsamo, imprimée à Paris en 1791, on verra figurer parmi ses adorateurs, des médecins, des magistrats connus à Lyon dont les noms se cachent ici.
Montan était un épileptique.

C’est à Pépuse, petit village de la Phrygie (d’où ils ont pris leur noms) auquel il avait donné le nom de Jérusalem, qu’il célébrait ses épouvantables mystères. Là il égorgeait de malheureux enfants nouveaux nés dont il faisait un horrible festin avec ses complices. Ce furent ces abominables mystères qui, dans les dernières persécutions, servirent de prétexte aux calomnies des Gentils contre les Chrétiens en général, parce que ces hommes abominables se donnaient aussi le nom de Chrétiens. Eh bien ! ce monstre qui a osé se dire le Saint-Esprit, ce cloaque d’impiété et de cruauté, est dans l’inexorable justice de Dieu condamné à perpétuité.

IX.

A celui-là succéda, comme nous l’avons dit Manès, le plus impie des suppôts de Satan, qui réunit dans sa personne tous les vices, dans sa doctrine toutes les extravagances des hérésiarques antérieurs. Il est à lui seul le dernier abyme de perdition ; car il ne se borna pas à cumuler tous les délires de ses prédécesseurs ; il en ajouta encore un qui lui fut particulier. Il osa se dire être en personne le Paraclet que Jésus-Christ avait promis d’envoyer à ses disciples.

Vous vous rappelez que le Sauveur leur avait dit : Demeurez dans Jérusalem, jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la force d’en haut. (Luc 24.49.) Quoi donc ! Est-ce que les Apôtres morts depuis environ deux cents ans[12] attendaient Manès pour être revêtus de la force d’en haut ? Et qui osera dire qu’ils ne furent pas remplis du Saint-Esprit ? Car nous lisons : Alors ils imposaient les mains, et ils recevaient le Saint-Esprit. (Actes 8.17.) Cette descente du Saint-Esprit ne s’est-elle pas effectuée longtemps avant Manès ?

[12] Est-ce que les Apôtres morts depuis environ deux cents ans.
Manès parut l’an 277 de Jésus-Christ. (Catéch. VI, 20.) Cyrille place la mort des Apôtres à peu près à l’an 77 de Jésus-Christ. S. Clément d’Alexandrie (lib. VII des Stromates, n. 17) distingue trois époques dans l’Eglise celle de Jésus-Christ qui finit au milieu du règne de Tibère, celle des Apôtres qui se termine sous le règne de Néron, dans la personne de S. Pierre et de S. Paul, et la troisième dans la suite des siècles. C’est à peu près le même calcul que celui de S. Cyrille.

X.

En quoi Simon fut-il condamnable et condamné ? N’est-ce pas pour s’être approché des Apôtres, et leur avoir dit : Donnez-moi ce pouvoir : que ceux à qui j’imposerai les mains, reçoivent le Saint-Esprit. (Ibid. 19.) Remarquez qu’il ne dit pas : Donnez-moi la participation du Saint-Esprit, mais le pouvoir, pour être ensuite dans le cas de vendre aux autres une chose invendable qu’il n’avait pas obtenue. Il offrit de l’argent ; à qui ? A des hommes qui faisaient profession de ne rien avoir en propre. (Actes 4.34-35.) Mais en voyant qu’on apportait aux pieds des Apôtres le prix des objets qu’on avait vendus, ne devait-il pas penser que ceux qui foulaient aux pieds les richesses, dont on les faisait dépositaires dans l’intérêt des pauvres, ne mettraient jamais en vente les pouvoirs qu’ils tenaient du Saint-Esprit. Que répondent-ils à Simon ? Que ton argent périsse avec toi, qui as cru que le don de Dieu s’acquerait avec de l’argent (Ibid. VIII, 28) ; car, nouveau Judas, tu as espéré trafiquer avec la grâce du Saint-Esprit.

Si donc Simon a été livré à l’anathème (in perditionem) pour avoir voulu à prix d’argent acquérir les dons du Saint-Esprit, qui pourra sonder l’abime où s’est plongé Manes, en se targuant d’être lui-même le Saint-Esprit ?

Loin de nous ces hommes dignes de notre haine et de notre souverain mépris ; détestons ceux que Dieu déteste ; disons d’eux hardiment avec le Roi-Prophète : Seigneur, n’ai-je pas haï ceux qui vous haïssent, et ne séchais-je pas d’ennui à cause de vos ennemis ? (Psaumes 138.21.)

Oui, en pareil cas l’inimitié est digne d’éloge. Car il est écrit : Je mettrai des inimitiés en toi et la progéniture (de la femme) (Genèse 3.15.) Qui voudra être l’ami du serpent, sera ennemi de Dieu et se donnera la mort à lui-même. (Jacques 4.4.)

XI.

C’en est assez sur le compte de ces réprouvés. Revenons aux divines Ecritures. Buvons l’eau de notre citerne (Proverbes 5.15) c’est-à-dire, de nos pères dans la foi. Buvons de cette eau vive qui jaillit jusque dans la vie éternelle. (Jean 7.38.) C’est ce que dit le Sauveur, de l’Esprit que recevront ceux qui croient en lui. (Ibid. 39.) Remarquez ce mot : Celui qui croit en moi, non pas par manière d’acquit, mais réellement, mais comme le dit l’Ecriture. (Puis il vous renvoie à l’Ancien Testament.) Il sortira de son ventre des fleuves d’eau vive. (Deutéronome 18.15.) Ce ne seront pas de ces fleuves qui tombent sous nos sens matériels, qui arrosent une terre chargée de bois et d’épines, mais des fleuves qui inonderont les âmes de lumières. L’eau que je lui donnerai, dit ailleurs le même Apôtre, deviendra en lui une source d’eau vive jaillissante jusque dans la vie éternelle. (Jean 4.14.) Espèce nouvelle d’eau qui vit et jaillit, mais qui ne jaillit que sur ceux qui s’en rendent dignes.

XII.

Pourquoi l’eau est-elle le symbole des grâces du Saint-Esprit[13] ? Parce qu’elle est le principe constitutif de tous les êtres, le principe nutritif des plantes et des animaux ; parce que les nuées du ciel la distillent sur la terre sous la forme de pluies ; parce que cette eau en forme de pluie, quoique partout de même essence et de même forme, produit néanmoins partout des effets infiniment variés. Car une fontaine n’arrose que tout un jardin ; mais une seule et même pluie arrose toute la terre. Sous sa bénigne influence le lis déploie son éclatante blancheur ; la rose prend le teint de la pudeur ; l’humble violette, la languissante jacinthe, se couvrent de pourpre. Ses effets sont aussi variés que les objets qui sont soumis à son action. Elle agit de telle manière sur le palmier, et de telle autre sur la vigne ; elle est tout dans tout. Comme elle est homogène, elle ne change pas de nature, pour s’unir à tel ou tel corps ; mais à peine est-elle tombée, qu’elle s’approprie à tous les objets qu’elle rencontre, et tous trouvent en elle de quoi satisfaire à leurs besoins particuliers.

[13] Pourquoi l’eau est-elle le symbole des grâces du St-Esprit ?
On trouve dans les Œuvres de S. Césaire plusieurs dialogues inscrits sous son nom. Dans le premier on demande pourquoi l’Ecriture se plaît-elle à comparer le St-Esprit avec l’eau et le feu. La réponse à cette question est identiquement, littéralement la même que celle de S. Cyrille. C’est une imitation qui ressemble à un plagiat.

Tels sont les effets du Saint-Esprit : il est un ; il n’a qu’un mode ; il est indivisible, et répond néanmoins aux besoins et aux désirs d’un chacun. Ainsi que nous voyons un arbuste altéré, languissant, se raviver sous l’influence d’une pluie bienfaisante et donner promptement des signes de vie ; de même voyons-nous une âme pécheresse gratifiée, par la voie de la pénitence, des dons du Saint-Esprit, porter d’heureux fruits de justice. (1 Corinthiens 12.14.)

Quoiqu’il soit un, qu’il n’ait qu’un seul et unique mode d’être ou de substance (comme l’eau) ses effets cependant, répondant à la volonté de Dieu et au nom de Jésus-Christ, sont infiniment variés, comme ceux de l’eau, qui répondent à la volonté du Créateur.

Car tel d’entre nous est doué du don de sagesse, tel autre de celui de prophétie ; l’un est gratifié du pouvoir de chasser les démons, celui-là du talent d’interpréter les saintes Ecritures. Chez l’un il corrobore la vertu de chasteté, chez l’autre il fomente celle de charité, et fait germer et développer les œuvres de miséricorde et d’aumône ; là, il apprend à jeûner et à supporter les exercices de la vie spirituelle ; ici, à fouler aux pieds les aisances de la vie ; il prépare, il pousse celui-ci au martyre ; il chasse celui-là dans le désert.

Autre dans les autres, comme l’eau, il est toujours lui -même, ainsi que l’a dit l’Apôtre Les dons du Saint-Esprit qui se manifestent, ne sont donnés à chacun que pour l’utilité commune (comme ceux de l’eau). L’un reçoit du Saint-Esprit le don de parler avec sagesse ; un autre reçoit celui de parler avec science selon le même Esprit ; un autre reçoit celui de la foi ; un autre, la grâce de guérir les maladies ; un autre, de faire des miracles ; un autre, de prophétiser ; un autre, de discerner les esprits ; un autre, de parler diverses langues ; un autre, de les interpréter. C’est cependant un seul et même Esprit qui opère toutes ces choses, distribuant à chacun en particulier ses dons, comme il lui plaît. (1 Corinthiens 12.7, etc.)

XIII.

Il nous reste à rechercher pourquoi les Livres saints, parlant du Saint-Esprit qui est un, lui donnent néanmoins un nom commun à tant de choses disparates, et nous le peignent sous des aspects si multipliés et si variés ; car il est à craindre que l’ignorance venant à s’égarer, ne sache à quel Esprit rapporter tout ce que les Livres saints désignent sous ce nom.

Il est donc essentiel pour nous de reconnaître à un signe certain l’Esprit auquel l’Ecriture donne l’épithète de Saint. Car de même qu’elle donne à Aaron le nom de Christ, oint (Lévitique 4.5) que Saül, David, y sont nommés Christs (Psaumes 131.10 ; 1 Samuel 24.7) quoiqu’il n’y ait qu’un seul et véritable Christ : de même aussi faut-il, sous le nom d’Esprit attribué à tant de choses disparates, savoir distinguer celui qui doit être spécialement qualifié de Saint.

Ce nom est commun à beaucoup de choses. L’Ange est un esprit ; notre âme est un esprit ; le vent qui souffle est un esprit ; une grande puissance est un esprit ; un acte impur est un esprit ; le démon, l’ennemi de Dieu, est un esprit. Prenez donc garde que la similitude du mot n’opère en vous une confusion d’idées, et que vous ne preniez, un esprit pour un autre.

Car, quant à notre âme, l’Ecriture a dit : Leur esprit sortira et retournera dans sa terre[14]. (Psaumes 145.4.) C’est encore de cette âme qu’un autre Prophète a dit : Celui qui a formé l’esprit de l’homme dans lui[15]. (Zacharie 12.1.) Lorsque l’Ecriture parle des Anges, elle dit : Celui qui fait de ses Anges des esprits, et de ses ministres une flamme de feu. (Psaumes 103.4.) Si elle parle du vent, elle dit encore : Dans un esprit violent vous briserez les vaisseaux de Tharsis. (Psaumes 47.8.) De même que dans une forêt l’arbre est ébranlé par l’esprit (Esaïe 7.2) ; feu, grêle, neige, glace, tempête, tout est esprit. (Psaumes 148.8.) Mais s’agit-il de bonne doctrine ? voici les termes dont le Seigneur se sert : Les paroles que je vous ai dites, sont esprit et vie. (Jean 6.64.) C’est-à-dire, spirituelles.

[14] Leur esprit sortira et retournera dans sa terre.
Ce texte, dont les Matérialistes s’emparent pour établir leur absurde doctrine, sert au contraire merveilleusement à établir la distinction des deux esprits qui constituent l’homme, animal et rationnel.
Toute l’antiquité païenne et chrétienne a distingué dans l’homme, l’âme matérielle, extinguible, qu’elle appelait anima, Yʊyǹ, d’avec l’âme spirituelle, inextinguible, qu’elle appelait animus, vous. Nonius Marcellus a dit Anima est qua vivimus, animus verò quo sapimus. Ainsi le texte du Psalmiste ne veut dire autre chose qu’ils mourront.

[15] Celui qui a formé l’esprit de l’homme dans lui.
Ce texte correspond au précédent ; car le mot grec prasso, le latin fingo, le français former ne sont relatifs qu’à la matière, à ce principe de vie animale, anima, commun à l’homme et aux animaux, qui est extinguible et périssable ; tandis que l’animus qui constitue essentiellement l’homme, est immortel. (Note du Traducteur.)

L’Esprit-Saint ne se manifeste pas en parlant, mais il vit ; et c’est de lui que nous tenons la faculté de parler avec sagesse ; c’est lui qui met les paroles dans la bouche de l’homme, et qui prend sa bouche pour son organe.

XIV.

Voulez-vous savoir comment il agit et parle par notre organe ? Ouvrez les Actes des Apôtres. (VIII, 26,27, etc.) Philippe par l’inspiration de son Ange descendit sur la route qui conduisait à Gaza, lorsqu’il fut atteint par le char de l’Eunuque de Candace. L’Esprit dit à Philippe : Avancez, approchez-vous de ce char. Vous voyez ici l’Esprit qui parle à celui qui lui prête l’oreille. C’est dans le même sens qu’Ezéchiel a dit : L’Esprit de Dieu s’est fait sur moi et m’a dit : Voici ce que dit le Seigneur. (Ezéchiel 11.5.)

Ailleurs vous entendez l’Esprit-Saint qui dit aux Apôtres qui étaient à Antioche : Séparez-moi Saul et Barnabé pour l’œuvre à laquelle je les ai appelés. (Actes 13.2.) Voyez ici l’action du Saint-Esprit. Il vit, il sépare, il appelle, il envoie avec pouvoir. Paul lui-même nous dit Par toutes les villes par où j’ai passé, l’Esprit m’a fait connaître que des chaînes et des afflictions m’y étaient préparées. (Ibid. XX, 23.)

L’Esprit-Saint est bon ; il est le sanctificateur des âmes, le défenseur et le docteur de l’Eglise, le consolateur ou le Paraclet ; c’est de lui que le Sauveur a dit : Il vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. (Jean 14.26.) Il ne dit pas seulement : Il vous enseignera, mais, Il vous rappellera. Car entre les instructions de Jésus-Christ et celles du Saint-Esprit il n’existe aucune disparité quelconque. C’est le même Esprit qui révèle à Paul ce qui doit lui arriver un jour, pour l’affermir et le fortifier par cette prénotion.

C’est dans cet Esprit que je vous parle moi-même, et que je puis vous dire : Les paroles que je vous adresse son Esprit (Jean 6.64.) afin que vous ne croyiez pas que cet Esprit ne soit qu’un simple mouvement de mes lèvres, mais la véritable et bonne doctrine.

XV.

Sous le nom d’esprit, nous désignons aussi le péché, ou plutôt l’auteur du péché. Et cela dans un sens contraire et tout opposé c’est ainsi qu’on a dit : Ils se sont égarés avec l’esprit de fornication. (Osée 4.12.) Le démon d’impureté se dit aussi esprit, mais avec l’épithète d’immonde. Chaque esprit porte dans les Livres saints son épithète qui en désigne ou la nature, ou les attributs, ou les effets. Si l’Ecriture parle de l’âme humaine, elle se sert du mot esprit, mais elle y ajoute celui d’homme ; parle-t-elle du vent, elle l’appelle l’esprit des tempêtes ; du péché, l’esprit de fornication ; du démon, l’esprit impur, pour que nous ne confondions pas ces divers esprits avec le Saint-Esprit. Car ce mot esprit est un mot générique et commun à beaucoup de spécialités.

En général on donne le nom d’esprit à tout ce qui n’est pas d’une nature grossière, épaisse, concentrée, et à tout ce qui échappe au toucher, ou à la vue, mais qui néanmoins tombe sous d’autres sens. Ainsi donc les corps des démons n’étant ni palpables[16], ni visibles, on les appelle : Esprits. Mais il existe entr’eux des différences énormes. Car lorsque le démon d’impureté envahit le corps d’un homme (que le ciel détourne ce malheur de dessus ceux qui m’écoutent, ou qui sont absents) il tombe sur sa proie, comme un loup affamé sur une brebis. Son invasion est terrible. Malheur à sa victime ! Son intelligence s’obscurcit ; l’invasion de cet injuste agresseur est aussi impétueuse que celle d’un voleur à main armée dans la propriété d’autrui. C’est avec violence qu’il abuse des corps et des organes qui lui sont étrangers. Il terrasse l’homme qui est debout[17]. (Marc 9.17, 19.) Satan qui tomba du ciel (Luc 10.18) s’empare de toutes ses facultés. Sa langue se replie, ses lèvres se contournent. Au lieu de paroles, c’est de l’écume qui sort de sa bouche. L’homme est enfoui dans les ténèbres ; son œil est ouvert, et son âme ne perçoit rien. Le misérable ! il ne meurt pas ; mais il palpite, mais il tremble sans cesse en face de la mort qui hésite à le frapper.

[16] Ainsi donc les corps des démons n’étant ni palpables.
D’après la traduction latine de Grodécius et de Prévost, p. 182, S. Cyrille n’aurait attribué aux démons aucune espèce de corps quelconque. Il est néanmoins constant qu’il ne leur refuse que des corps grossiers, densa et spissa, et que, selon lui, tout est esprit ce qui échappe au toucher, comme l’Ecriture est dans l’usage de s’exprimer. Avant Cyrille, Origène l’avait ainsi pensé. Cùm aliquid contrarium corpori huic et solidiori designare vult, SPIRITUM nominare Scripturæ consuetudo est. (Lib. 1, de Frincip. in procm.)
Il apporte en preuve ces paroles de S. Luc : Palpate et videte quia spiritus carnem et ossa non habet. Quoique Cyrille n’attribue pas aux démons des corps plus subtils qu’aux Anges, il donne à ceux-ci cependant des corps lumineux et éthérés. (Catéch. XV, 23.) Les vierges, dit-il, brilleront du même éclat que les Anges. Nous le verrons (Catéch. XVIII, 19) attribuer aux justes lors de la résurrection des corps célestes, de manière à se présenter dignement dans la société des Anges. Dans les Catéchèses XII, 14 ; IX, 1, il paraît être convaincu que ce fut dans sa forme habituelle et naturelle que l’ange Gabriel apparut à Daniel la face étincelante et les yeux de feu, de manière que le Prophète n’en pouvant supporter l’éclat, l’Ange se revêtit de la forme humaine. Dans la Catéch. XXII, 7, il donne à entendre que les démons se repaissent de l’odeur des sacrifices et s’insinuent en quelque sorte dans les viandes qui leur ont été immolées. Il leur attribue néanmoins un corps si subtil qu’ils peuvent pénétrer l’âme (anima) ψνχή, des hommes, lorsqu’il dit : Quand le démon entre dans l’âme de l’homme, il semble prendre possession du corps de l’énergumène, en user, et abuser comme de sa propriété. (Hactenùs Touttée.)
Au reste, sur la nature des Anges il y a cinq questions à examiner :
1° Si les Anges ont des corps ;
2° S’ils sont composés de matière et de forme ;
3° S’ils ont quelqu’autre composition ;
4° Si de leur nature ils sont immortels ;
5° Comment ils diffèrent entr’eux.
Quant à la première, il y a eu deux opinions contraires : l’une affirmative, telle que celle de S. Cyrille que nous venons de voir. A côté de S. Cyrille, on trouve Philon le Juif, in Opificio mundi, Justin en sa première apologie pour les Chrétiens ; Théodoret (in Epitome fidei) qu’on trouve dans les Œuvres de S. Clément d’Alexandrie ; Tertullien, etc., qui tous affirment qu’il n’y a rien qui soit incorporel que la Trinité ; Origène (lib. Periarch. cap. 6, lib. II. cap. 2, Traité sur S. Jean, XIII) Lactance (lib. II, cap. 15) S. Hilaire (V chap. de S. Matth.) S. Ambroise, au livre de Noé et de l’arche (cap. IV) S. Augustin (Epist. III et CXV, et au livre II, cap. 23, de la Cité de Dieu) Cassien (Collat. VII, cap. 13, etc.)
Comme notre intention n’est ici que de justifier l’opinion de S. Cyrille, qui pourrait paraître hasardée à beaucoup de nos lecteurs, nous renvoyons pour les quatre autres questions au petit Traité de Maldonat sur les Anges, p. 19, Paris, 1617.

[17] Il terrasse l’homme qui est debout. Allidit il lum, et spumat, et stridet dentibus, et arescit. (Marc 9.17.)
Voilà l’épilepsie bien signalée. Quel en est le mode de guérison ? Hoc genus (dæmonum) in nullo potest exire, nisi in oratione et jejunio. (Ibid. 28.)
Montan, ainsi que Mahomet, était épileptique ; l’un et l’autre mirent à profit leur mal : l’un pour se dire le Paraclet, l’autre pour se dire Prophète.
Une chose digne de remarque, c’est que cette maladie dont le nom grec se traduit par invasion, fut regardée par toute l’antiquité, comme une maladie incurable, placée sous l’influence des démons. Pline l’appelle morbus sonticus ou sontis, la maladie du coupable ; Hippocrate l’appelle morbus divina ; les Romains la désignaient sous le nom de morbus comitialis ou sacra. Les Pères de l’Eglise l’ont tous regardée comme une possession réelle. (Note du Traducteur.)

Voilà la manière cruelle, ignominieuse, impitoyable, dont les démons, ennemis de l’humanité, en agissent avec les malheureux mortels.

XVI.

Ha ! ce n’est pas ainsi que le Saint-Esprit en agit. Loin de nous cette odieuse pensée. Ses effets sont, au contraire, tous dans l’intérêt de l’homme, soit spirituel, soit temporel. Son accès est plein de douceur, de suavité et de bienfaisance ; son joug est léger ; des rayons de lumière et de science sont les précurseurs de son approche. Il porte avec lui la tendresse du tuteur le plus vigilant. Car il vient sauver, guérir, enseigner avertir, fortifier, consoler l’âme d’abord de celui dont il se met en possession ; puis, par l’entremise de ce dernier, il en envahit d’autres encore.

Comme un homme qui a longtemps resté plongé dans les ténèbres, au premier rayon de lumière qui vient frapper son œil, se trouve étonné de voir les objets qui l’environnent, et qui jusque-là avaient échappé à ses sens : de même celui que l’Esprit-Saint a daigné visiter, se trouve éclairé, transporté fort au-dessus du reste des mortels ; il plane sur les choses d’ici-bas, voit ce qu’il n’a jamais vu, il entend ce qu’il n’a jamais entendu. Son corps gît sur la terre ; mais son âme franchit les espaces, pénètre l’intérieur des cieux, et les contemple comme dans une glace. Comme Isaïe, il voit face à face le Seigneur assis sur un trône très-élevé (Esaïe 6.1) ; comme Ezéchiel, il le voit au-dessus des Cherubins (Ezéchiel 10.1) ; comme Daniel, il découvre des myriades de myriades d’Anges. (Daniel 7.10.) L’homme, atome imperceptible au milieu de l’univers, assiste tout à la fois au commencement et à la consommation des siècles ; les temps se déroulent à ses yeux. Il en mesure l’espace ; il en fixe le terme moyen. Les empires passent sous ses yeux et se succèdent les uns aux autres. Il n’a rien appris, mais l’auteur de toute lumière a suppléé à son ignorance ; recluse entre quatre murailles, sa science franchit les obstacles, les distances, les temps, pénètre les actions les plus secrètes des hommes tous placés hors et loin de lui.

XVII.

Pierre n’avait pas assisté corporellement à la vente qu’Ananie et Saphire avaient faite de leurs biens ; mais il en avait été témoin en esprit. Comment Satan a-t-il tenté votre cœur jusqu’à vous faire mentir au Saint-Esprit ? (Actes 5.3.) Il n’y avait point de délateur, point de témoins. D’où Pierre tenait-il pour certain qu’ils avaient détourné une partie du prix de ce fonds de terre ? Ne demeurait-il pas toujours à vous, leur dit-il, si vous aviez voulu le garder ; et même après l’avoir vendu, le prix n’était-il pas encore à vous ? Comment avez-vous donc conçu le criminel dessein de mentir, non pas aux hommes, mais à Dieu ? (Ibid. 4.)

Pierre, homme étranger à toutes les sciences du siècle, connaissait par la voie de l’Esprit-Saint ce que tous les sages de la Grèce ignoraient.

La vie d’Elisée nous offre un pareil exemple. Lorsqu’il eut guéri gratuitement la lèpre de Naaman, Giézi son domestique courut après le Syrien, pour lui demander la récompense qu’il avait offerte, et qu’Elisée avait refusée. (2 Rois 5.21.) Puis il cacha dans un lieu secret l’argent qui était le prix d’un service qui lui était absolument étranger.

Mais il n’y a point de ténèbres aux yeux des Saints. (Psaumes 138.12.) A peine Giézi fut-il de retour, qu’Elisée l’interrogea. Et de même que Pierre dit à Saphire femme d’Ananie : N’avez-vous vendu votre champ que cela ? (Actes 5.8) Elisée dit à Giézi : D’où viens-tu ? Le Prophète le savait bien. C’était les larmes aux yeux qu’il lui adressait ces mots : D’où viens-tu, malheureux Giezi ? « Tu sors des ténèbres, tu retourneras dans les ténèbres ; tu as vendu la santé du lépreux, et la lèpre sera désormais ton héritage. Quant à moi, j’ai rempli le mandat de celui qui m’a dit : Tu as reçu gratis, et tu donneras gratis. Mais toi, tu as vendu la grâce : eh bien ! reçois le prix de ta vente. Mon cœur n’est-il pas parti avec toi ? (2 Rois 5.26.) Oui, j’étais ici renfermé dans ce corps que tu vois ; mais l’Esprit que Dieu m’a conféré, voit ce qui se passe dans l’éloignement, et m’a rendu témoin de ce qui se passait loin d’ici. »

Vous voyez, mon cher Auditeur, comment l’Esprit-Saint dissipe, non-seulement les ténèbres de l’ignorance, mais injecte les lumières de la science. Vous voyez comment il pénètre et éclaire les âmes.

XVIII.

Isaïe vivait, il y a environ mille ans ; et déjà il voyait la ville de Sion qui était alors riche, puissante, peuplée, ornée de places magnifiques, il la voyait déjà comme une misérable tente plantée dans le désert. Il voyait Sion labourée comme un champ. (Michée 3.12.) Il voyait alors ce dont nos yeux sont aujourd’hui témoins[18], et remarquez la précision du Prophète : La fille de Sion sera abandonnée, comme une tente dressée dans une vigne, ou comme une chaumière de garde champêtre, placée dans un champ de concombres. (Esaïe 1.8.) En effet, le sol qu’occupait alors la magnifique Sion, est aujourd’hui emplanté de concombres. Voyez-vous comme l’Esprit-Saint éclaire ceux qui sont à lui ? Ne vous laissez donc pas égarer par l’homonymie du mot esprit ; mais retenez bien ce qui vient de vous être dit sur le sens que nous attachons au véritable Esprit.

[18] Il voyait alors ce dont nos yeux sont aujourd’hui témoins.
La prophétie attribuée ici à Isaïe est du prophète Michée. L’erreur a pu être facile en raison du rapprochement ; car l’auteur de l’Itinéraire de Jérusalem l’a commise également, lorsqu’il a dit : Intra montem Sion…. reliquæ arantur et seminantur, ut prædixit Isaias.

XIX.

Si quelquefois dans la retraite il vous survient des pensées de chasteté ou de virginité, croyez qu’elles sont de lui. N’avons-nous pas vu plusieurs fois à son instigation la jeune vierge se soustraire à la couche nuptiale déjà préparée[19] ? Combien n’avons-nous pas vu d’hommes nés, nourris, élevés sous les dômes de l’opulence, instruits à l’école du Saint-Esprit, fouler aux pieds les richesses, les honneurs, les dignités, pour courir après les seuls biens qui sont impérissables ?

[19] Se soustraire à la couche nuptiale.
Cyrille est parfaitement d’accord avec le sixième canon de la vingt-quatrième session du concile de Trente. Il paraît faire ici allusion à Ste Thècle qui non mariée, mais fiancée, fit vœu de virginité. Elle était spécialement honorée à Jérusalem, au rapport d’Eusèbe. Au reste, les Grecs ne sont pas fort sévères sur ce point. Théodore Studite (lib. II, Epist. 51) s’efforce de prouver que tout époux femme ou homme, etiam post consummationem matrimonii, peut se retirer et faire des vœux de continence, petita dudum nec obtentâ alterius partis veniá.

Ne voyons-nous pas tous les jours des jeunes gens baisser les yeux en face de la beauté, détourner la vue, prendre la fuite ? D’où leur vient cette prudence ? C’est qu’ils ont été à l’école du Saint-Esprit. Le monde est en proie à l’avarice, à l’ambition des richesses et des honneurs ; et combien ne voyons-nous pas de Chrétiens courir après une pauvreté volontaire ? Et pourquoi ? C’est qu’ils ont été intimement pénétrés du Saint-Esprit. Heureux celui qui est en sa possession !

C’est donc avec raison que nous sommes baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ! C’est à l’aide du Saint-Esprit, que l’homme qui traîne sur la terre un corps de vile matière, ne redoute cependant pas d’engager une lutte avec les démons les plus féroces et les plus opiniâtres[20]. Tel démon qu’on voyait briser des chaînes de fer, terrasser plusieurs hommes robustes, on le voit se calmer, s’assouplir, être dompté à la voix d’un Chrétien, qui armé de la puissance de l’Esprit-Saint, récite les prières de l’Eglise. Et le simple souffle de l’exorcisant devient un feu dévorant contre cet ennemi invisible. Dieu a donc placé à côté de nous[21] un puissant auxiliaire, un redoutable défenseur dans le Saint-Esprit ; il a mis dans son Eglise un savant docteur ; il a opposé à ses ennemis un rempart insurmontable.

[20] Avec les démons les plus féroces et les plus opiniâtres.
On peut consulter, sur les effets de l’exorcisme, Sulpice Sévère. (Dialog. II, 6.) Cyrille paraît ici, et comme nous le verrons plus tard dans son Homélie sur le Paralytique, n. 16, attribuer au St-Esprit spécialement les effets de l’exorcisme, qui étaient le résultat d’un pouvoir que Dieu accordait alors fréquemment dans le sacrement de confirmation. (Catéch. XVI, 37.) De même que dans la Catéch. XX, 3, il dit que les démons sont brûlés et mis en fuite par l’insufflation des Saints, il dit ici que c’est par la vertu du St-Esprit inhérente à la personne exorcisant. De là, dit le Père Touttée, je serais tenté de conclure que dans l’Eglise de Jérusalem l’antique usage de laisser à chaque fidèle le pouvoir de l’exorcisme, était encore en vigueur. Il paraît que les Grecs ne regardaient pas les fonctions d’exorcistes, comme un ordre ecclésiastique, mais comme un simple ministère, et que S. Jérôme a pensé de même. Cependant le père Goar, dans son Euchologe, prouve par des passages de S. Denys et de S. Ignace que c’était un ordre.
Dans l’Eglise latine c’est le second des ordres mineurs. On en trouve les cérémonies de l’ordination dans le quatrième concile de Carthage, tenu l’an 254. Dans l’Eglise catholique il n’y a plus que les prêtres commis par l’Evêque qui remplissent les fonctions d’exorcistes. Au milieu du Paganisme les possessions étaient fréquentes, comme elles le sont encore dans les Indes, au Thibet, en Chine, au Japon, au dire de tous les Missionnaires.
Au reste, chez tous les peuples de la terre, dans tous les temps, non-seulement le Vulgaire, mais les Philosophes ont cru que l’univers était peuplé de génies, d’esprits bons ou mauvais ; conséquemment on a regardé les maladies, surtout les plus cruelles, celles qui déconcertaient la science de tous les médecins, comme la paralysie, la catalepsie, l’épilepsie, la lèpre, la peste, comme un effet de la colère et de la malice des génies ou démons.
On a encore imaginé qu’on pouvait les mettre en fuite par des odeurs, des fumigations, des noms, des paroles qui leur déplaisaient, par la musique, par des enchantements, par des amulettes. Les Philosophes en étaient convaincus, même les Eclectiques, tels que Celse, Porphyre, Jamblique, Plotin et Apulée le philosophe de Madaure. Leurs écrits en font foi, ainsi que ceux de Julien l’Apostat.
Les Juifs étaient dans la même croyance. Voyez les livres de Tobie, de Job et le IVème livre des Rois. Josèphe nous apprend qu’il y avait chez les Juifs des exorcismes dont la formule était attribuée à Salomon. Loin de corriger l’opinion des Juifs, Jésus-Christ, ce divin maître, l’a confirmée. (Voyez Luc. XI, 16 ; VIII, 30.) C’est aux démons qu’il attribue la stérilité de la parole de Dieu (Ibid. 12) l’incrédulité des Juifs (Joh. V, 14) enfin la trahison et la mort de Judas.
Non-seulement il chassait les démons du corps des possédés, mais il donna le pouvoir à ses disciples, de les chasser en son nom. Souvent ils en ont fait usage, et nos plus anciens apologistes ont prouvé aux Païens la divinité du Christianisme par la puissance que les Chrétiens exerçaient sur les démons.
C’est donc à l’exemple de Jésus-Christ et des Apôtres que l’usage des exorcismes s’est introduit et s’est maintenu dans l’Eglise. (Note du Traducteur.)

[21] Dieu a donc placé à côté de nous.
Ce passage se retrouve presque textuellement dans une épître de S. Nil. (Lib. I, Epist. 222.) Et dans une autre. (Lib. II, Epist. 204.)

Derrière ce bouclier, qu’avons-nous à redouter des démons ou de Satan lui-même ? Notre protecteur n’est-il pas lui seul plus puissant que toute la milice infernale ? Ouvrons-lui seulement nos portes ; il tourne autour de nous, il cherche partout ceux qui sont dignes de lui (Sagesse 6.17) : ceux-là sur lesquels il pourra verser utilement ses grâces.

XX.

Nous l’appelons consolateur ou Paraclet, parce qu’en effet il nous console, il nous encourage, il nous fortifie dans nos faiblesses. Comme nous ne savons pas prier et demander à Dieu ce qu’il nous faut, le Saint-Esprit lui-même intercède pour nous, par des gémissements ineffables (Romains 8.26) auprès de Dieu, comme cela se comprend aisément. Souvent on est aux prises, pour le nom de Jésus-Christ, avec les injures, les outrages, souvent avec d’atroces calomnies qui déchirent notre réputation, blessent profondément notre honneur. Que dis-je ? On est menacé du martyre, on voit élever pour soi les échafauds, préparer les chevalets, dresser les bûchers, aiguiser le fer meurtrier, ouvrir les arènes pour être la pâture des tigres et des lions ; on voit le rocher d’où l’on sera précipité. Mais on entend la voix de l’Esprit-Saint qui nous crie : Courage ! Que ton cœur ne se laisse pas abattre. (Psaumes 26.14.) Sois ferme, tiens bon dans l’attente du Seigneur ; tout ce dont tu es passif ici-bas, n’est rien ou peu de chose à côté de ce qui t’est promis et de ce qui t’attend. Tu souffres ; mais le terme de tes souffrances ne peut être éloigné. Jette les yeux sur cette éternité de bonheur qui t’attend, et que tu partageras avec les Anges. Car il n’est point de proportion entre les souffrances de la vie et cette gloire qui nous sera révélée. (Romains 8.18.)

L’Esprit consolateur transporte le chrétien souffrant dans le royaume des cieux, lui en étale les richesses et toute la gloire. Il l’initie aux délices du paradis ; et tel martyr que vous voyez lutter corporellement avec la férocité d’un juge, n’est déjà plus sur la terre ; son âme, son cœur, toutes ses facultés intellectuelles sont déjà en possession du ciel ; il se rit, il se moque des tourments que l’enfer invente et qui font frissonner le spectateur.

XXI.

Voulez-vous, au reste, savoir comment l’Esprit-Saint en agit avec les martyrs ? Ecoutez ce que dit le Sauveur à ses disciples : Lorsqu’on vous mènera devant la Synagogue ou devant les magistrats et les puissances, ne vous inquiétez pas de ce que vous répondrez pour votre défense, ni de ce que vous direz. Le Saint-Esprit vous apprendra, à cette heure-là même, ce que vous devrez dire. (Luc 12.11.) Il est, en effet, impossible à l’homme de rendre témoignage à Jésus-Christ, c’est-à-dire, d’être martyr, si le Saint-Esprit ne vient pas à son secours. Comment pourra-t-il verser son sang pour Jésus-Christ, s’il n’est secondé de l’Esprit-Saint, puisque personne ne peut confesser le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, que dans le Saint-Esprit ? (1 Corinthiens 12.3.)

XXII.

Le Saint-Esprit est aussi grand, aussi magnifique dans ses dons, qu’il est tout-puissant. Regardez ici autour de vous ; voyez combien vous êtes d’âmes. Eh bien ! il opère sur chacun de nous, comme il convient à chacun en particulier. Présent au milieu de cette assemblée, il connaît les dispositions d’un chacun ; il voit nos pensées ; il lit dans nos consciences ; il entend ce que nous disons ; il sait ce que nous projetons. Tout cela vous étonne sans doute, mais ce n’est encore rien à côté de la réalité.

Je voudrais qu’éclairés maintenant par l’Esprit-Saint, vous vissiez le nombre de Chrétiens qui composent tout ce diocèse, qui habitent toute la Palestine. Je voudrais que vous franchissiez ces limites, et que votre esprit embrassât tout l’Empire Romain, puis l’univers entier, les Perses, les nations Indiennes, les Goths, les Sauromates, les Gaulois, les Espagnols, les Maures, les Africains, les Ethiopiens, et tant d’autres dont les noms m’échappent ; car, d’ailleurs, il en est beaucoup qui nous sont inconnus. Considérez, au milieu de chacune de ces nations, les Evêques, les Prêtres, les Moines, les Vierges et tous les laïques. Observez le directeur de toutes ces âmes, celui qui préside à toutes leurs actions, et qui verse partout ses dons. Remarquez comment, dans tout l’univers, il donne à celui-ci l’esprit de chasteté, à celui-là le don de virginité perpétuelle, à l’un l’esprit de charité, à l’autre celui de pauvreté, à tel autre la puissance de mettre en fuite les démons. Ainsi qu’un seul rayon du soleil éclaire tout l’horizon, de même l’Esprit-Saint communique sa lumière à tous ceux qui veulent faire usage de leurs yeux. Car, si quelqu’un s’obstine à les fermer, et si, par l’effet de l’opiniâtreté, il est moins, ou même s’il n’est nullement gratifié de ses dons, qu’il n’accuse pas l’Esprit-Saint d’impuissance ou de nullité, mais qu’il s’en prenne à lui-même, et à son incrédulité.

XXIII.

Vous venez de voir l’empire que le Saint-Esprit exerce sur toute la terre. Que votre esprit se dégage un moment des choses d’ici-bas, et prenne son essor vers les régions célestes. Elevez-vous en pensée, d’abord, au premier ciel, contemplez-en la population ; comptez ces myriades d’Anges ; faites encore un effort, allez, montez plus haut. Voyez-vous ces Archanges, ces Esprits[22], ces Vertus, ces Principautés ? Voyez-vous ces Puissances, ces Trônes, ces Dominations ? Voilà celui que Dieu leur a préposé comme maître, sanctificateur, et consolateur ou Paraclet. Voilà celui qui vint au secours d’Elie, d’Elisée, d’Isaïe, tous hommes, comme vous et moi ; c’est encore de lui qu’ont besoin Michel et Gabriel. Aucune espèce de créatures ne peut lui être comparable en dignité. Car tous les chœurs des Anges, toutes les légions célestes, ne peuvent être comparées à lui seul. La puissance du Paraclet obscurcit, efface et couvre tout. Les Anges sont des esprits subalternes, qui reçoivent un mandat ; mais, pour lui, il est seul initié aux secrets de Dieu, comme dit l’Apôtre : L’Esprit de Dieu pénètre tout, même les profondeurs de Dieu. Car qui des hommes connaît ce qui est dans l’homme, sinon l’esprit de l’homme qui est en lui ? Nul ne connaît ce qui est en Dieu que l’Esprit de Dieu[23]. (1 Corinthiens 2.40-41.)

[22] Voyez-vous ces Archanges, ces Esprits, etc.
Ici S. Cyrille paraît faire parmi les Anges une distinction spéciale des esprits. Nous la trouvons également faite dans les Constitutions Apostoliques (lib. VII, cap. 35). Intelligentes Spiritus. Dans Marius Victorinus (lib. IV, Contr. Arianos) il énumère Glorias, Spiritus et Angelos. S. Léon a dit en parlant des Anges : Famulabantur elementa, ministrabant Spiritus, Angeli serviebant. (In annivers. assumpt. suæ, cap. 2.) Quoique Cyrille, selon l’usage lithurgique, compte neuf chœurs des Anges (Catéch. XXIII, 6) il n’en regarde pas moins le nombre comme infini. (Catéch. VI, 3 ; XI, 11,21 ; XV, 24.).

[23] Nul ne connaît ce qui est en Dieu que l’Esprit de Dieu.
Après ces mots on lit dans le manuscrit de Coislin ce qui suit : Καὶ τὰ μὲν ἐστιν ἐξ οὐκ ὄντων γεννητὰ, τὸ δὲ ἐκ τοῦ θεοῦ ἀεὶ ἐκπορευόμενον. Καὶ τὰ μεν ἐστιν ἀλλοιωτὰ καὶ τρεπτὰ, ἅτε γεννητὰ ὀντὰ, κἂν μὴ ἀλλοίωται ἤ τρέπτηται· τὸ δὲ ἔστιν ἀναλλοίωτον ἤ ἄτρεπτον, ἄτε ὁμοούσιον τῷ πατρὶ τυγχάνον, καὶ τῷ νιῷ.
Et illi (Angeli) ex non existentibus facti ; hic verò à Deo semper procedit. Illi quidem mutationi et conversioni obnoxii sunt, utpole creati, etsi non mutentur neque convertantur ; iste verò immutabilis aut inconversibilis est, utpote consubstantialis et Patri et Filio.
Le Père Touttée a cru devoir rejeter de sa traduction cette phrase. Il la croit intercalée par des copistes, parce que 1º elle paraît empruntée mot pour mot de S. Athanase (Epist. I ad Serapion, n. 26.) 2º Parce qu’elle ne paraît pas s’accorder avec ce qu’il a dit sur la peccabilité des Anges. (Catéch. I, 10.) 3º Parce qu’il n’est pas présumable que Cyrille ait parlé de la consubstantialité du St-Esprit avec le Père et le Fils, tandis qu’en parlant du Fils, il a affecté de ne pas prononcer ce mot. C’est pourquoi nous l’avons placée entre deux crochets.
Grodécius dans sa traduction a reproduit ce passage avec une légère addition, quoiqu’immuable par GRÂCE, tametsi EX GRATIA non mutentur.

Les Anges sont des êtres créés. Mais l’Esprit-Saint procède toujours de Dieu. Quoiqu’immuables et invariables, ils sont, comme créatures, sujets aux changements et aux variations. Mais le Saint-Esprit est immuable, invariable, étant consubstantiel au Père et au Fils.

XXIV.

C’est l’Esprit de Dieu qui a annoncé le Christ par la bouche des Prophètes ; c’est lui qui a opéré dans la personne des Apôtres, et qui, jusqu’à ce jour, impose son sceau dans le baptême sur les âmes des baptisés.

C’est le Père qui donne au Fils, le Fils au Saint-Esprit. Car ce n’est pas moi, mais c’est Jésus-Christ lui-même qui a dit : Mon Père m’a mis toutes choses en main. (Matthieu 11.27.) Puis en parlant du Saint-Esprit : Quand l’Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité…. Il me glorifiera, parce qu’il reçoit de moi ce qui est à moi, et il vous l’annoncera. (Jean 16.13-14.) Le Père donne tout par le Fils avec le Saint-Esprit [24]. Les dons du Père, les dons du Fils, les dons du Saint-Esprit, sont uns. Car il n’y qu’un salut, qu’une puissance, qu’une foi. Il n’y a qu’un Dieu Père, un seul Seigneur son Fils unique, un seul Saint-Esprit le Paraclet.

[24] Le Père donne tout par le Fils avec le St-Esprit.
Tout ce paragraphe est une lumineuse profession de foi sur la Procession du St-Esprit. Il n’est pas étonnant qu’il ait déplu à un Grec ; car on ne le trouve pas dans le codex ou manuscrit du Cardinal Ottoboni.
Dans la Catéchèse suivante, n. 19, il nous enseignera comment le Fils communique au St-Esprit, comment le Père donne au Fils par la voie de la génération éternelle. Dans le n. 5, tout en nous montrant que le St-Esprit est toujours uni avec le Père et le Fils, il ne laisse pas de lui attribuer une réelle hypostase. Car il ne veut pas qu’on le considère, comme sortant ou de la bouche ou des lèvres, soit du Père, soit du Fils, par mode de paroles ou de respiration, mais comme tirant son origine et du Père et du Fils par un mode plus sublime, ayant déjà établi, n. 4, que le St-Esprit est l’Esprit et du Père et du Fils.
Dans cette même Catéchèse (XVII, n. 17) il établira en point de dogme que la grâce du St-Esprit et celle de Jésus-Christ est une, mais que le Père de qui le Fils tient tout, lui a aussi donné le pouvoir de communiquer à qui bon lui semblerait, la grâce du St-Esprit. Ce pouvoir a été donné au Fils de toute éternité (Voy. Catéch. VII, 5 ; X, 9) ; de manière que la grâce du St-Esprit n’a rien de distinct du St-Esprit lui-même. (Voy. Catéch. XVII, 14.) C’est donc de toute éternité que le Fils produit le St-Esprit. Enfin, dans la Catéchèse XVII, 19, en appelant la grâce du St-Esprit le vin de la vigne spirituelle qui est Jésus-Christ, il énonce clairement que le St-Esprit procède du Fils. Au reste, il s’attache tellement à établir cette vérité, qu’il paraîtrait plutôt vouloir prouver que le St-Esprit tire son origine du seul Fils, plutôt que de l’inficier.

Voilà ce qu’il nous suffit de savoir. Quant à sa nature ou son hypostase, ne vous en inquiétez pas[25]. Si l’Ecriture nous en eût dit quelque chose, nous vous en parlerions ; mais ne soyons pas assez téméraires pour parler de ce qui n’est pas écrit. Il vous suffit de savoir, pour être sauvé, ce qu’est le Père, ce qu’est le Fils, ce qu’est le Saint-Esprit.

[25] Quant à sa nature ou son hypostase, ne vous en inquiétez pas.
Cyrille établit ici une synonymie entre nature et hypostase. Nous avons vu, n. 5, et nous lirons (Cat. XVII, 18) : Comment pourrai-je vous dire ce que c’est que la nature du St-Esprit ? Quomodo possim enarrare quid sit secundùm naturam ipse Spiritus sanctus. Parlant ailleurs de l’essence du Père (Catéch. VI, 5) il avait dit : Si l’essence divine est incompréhensible, et dans la Catéchèse XI, 11 : Car la terre ne peut rendre compte de la substance de celui qui l’a pétrie. Nous avons traduit le mot de substance par celui de nature. De là il faut conclure que Cyrille laissant de côté la distinction des mots n’a compris sous le mot d’hypostase qu’une réalité solide ; ex quo res solida constat, et que parlant de l’hypostase du Père, du Fils et du St-Esprit, il entend un tout composé de la substance divine et de la propriété personnelle qui constitue chacune des Personnes divines.

XXV.

C’est le même Esprit qui descendit du temps de Moïse sur les septante vieillards[26]. (Nombres 11.2, 26, 27.) (Que la longueur de ce discours, mes très chers Frères, ne vous fatigue pas. Celui dont nous parlons, donnera à chacun de nous les forces qui lui seront nécessaires, à moi pour parler, et à vous pour m’écouter). C’est le même Esprit, disais-je, qui descendit, du temps de Moïse, sur les septante vieillards. Je vous fais faire cette remarque pour me conformer à la volonté de celui qui connaît tout et qui fait tout. Septante vieillards furent choisis, et le Seigneur descendit dans un nuage, enleva de l’Esprit qui reposait sur Moïse, et l’imposa sur les LXX anciens. (Nombres 11.23.) Non pas que l’Esprit fût divisé ; mais sa grâce leur fut distribué selon leurs forces et leurs facultés. Ils n’étaient que soixante-huit présents à cette distribution, et ils prophétisèrent. Heldad et Modad, quoiqu’absents, eurent également part à la même faveur, et prophétisèrent aussi, pour qu’on ne regardât pas Moïse, comme l’auteur et la source de cette grâce, mais pour qu’on y reconnût l’opération directe et immédiate de l’Esprit-Saint.

[26] C’est le même Esprit qui descendit, du tempsde Moïse, sur les soixante et dix vieillards.
Saint Cyrille ne compte que 70 vieillards, compris Heldad et Modad quoiqu’ils fussent 72. Ce n’est pas par erreur ; car Cyrille d’Alexandrie sur le XX chapitre de S. Jean, V. 22, n’en compte également que 70.
Il en est peut-être de ce nombre comme de celui que nous donnons à la version grecque, que nous appelons des Septante, quoiqu’elle fût l’ouvrage de 72 traducteurs. C’est un nombre rond.

XXVI.

Jésus fils de Nave (Josué) successeur désigné de Moïse, apprenant ce qui se passait dans le camp, en fut stupéfait. Il courut trouver Moïse pour lui dire : Avez-vous entendu ? Heldad et Modad se donnent les airs de prophétiser. Ils ont été convoqués ; mais ils ne se sont pas rendus à l’assemblée. Moïse, mon Seigneur, empêchez-les. Je ne le puis, répondit le serviteur de Dieu ; c’est un don du ciel. Je suis si éloigné de m’y opposer, que moi-même je ne tiens cette faculté, que comme une grâce spéciale. Je ne crois pas, au reste, que ce soit la jalousie qui vous fasse parler. Mais alors que votre zèle pour ma gloire ne vous aveugle pas. Serait-ce parce qu’ils ont prophétisé, et que vous ne prophétisez pas encore ? Attendez, le temps viendra. Souhaitez plutôt, comme moi, que tout le monde ait part aux dons du ciel. Plût à Dieu que tout le peuple du Seigneur eût le don de prophétie ! Quand viendra-t-il ce moment où le Seigneur répandra sur les enfants d’Israël l’Esprit qui fait les Prophètes ! : (Nombres 11.28-29.) Remarquez ce vœu prophétique : Quand viendra-t-il ce moment ? Il n’était pas encore venu ? Vous Moïse, vous ne l’avez donc pas encore reçu ? Abraham, Isaac, Jacob, Joseph, ne l’avaient-ils pas reçu, ainsi que tous leurs Pères ?

Ce souhait prophétique montre dans l’avenir l’instant où devait s’opérer l’effusion de l’Esprit-Saint sur tous. Jusqu’alors cette grâce avait été restreinte et partielle ; mais le moment devait venir où cette effusion serait pleine et abondante. Ce souhait du législateur hébreu était une prophétie du jour de la Pentecôte dont nous devions être les heureux témoins. Car il est aussi descendu sur nous.

Jadis plusieurs avaient participé à cette insigne faveur du ciel. Car nous lisons : Et Jésus fils de Navé (Josué) fut rempli de l’Esprit de sagesse. Moïse lui imposa les mains. (Deutéronome 34.9.) Or, vous retrouverez partout la même forme de communication dans l’Ancien, comme dans le Nouveau Testament. Déjà sous Moïse c’était par l’imposition des mains[27] que le Saint-Esprit était communiqué, et c’est encore par l’imposition des mains que Pierre le communique aux nouveaux baptisés. C’est par la même voie, c’est sous la même forme que dans votre baptême vous entrerez en participation de cette grâce. Et de quelle manière ? C’est ce que je ne dis pas encore ; je ne veux pas anticiper sur l’ordre des matières.

[27] Déjà sous Moïse c’était par l’imposition des mains.
L’imposition des mains que les Grecs appellent Cheirotonie, est une des plus antiques cérémonies de la Synagogue et de l’Eglise. Elle consiste à étendre la main ou les mains sur la tête de celui qui est l’objet de la cérémonie. C’est dans les Livres saints un signe d’affection, de bénédiction, de mission, de confirmation. Manus impositiones sunt verba mystica.
1° Elle s’emploie tant chez les Juifs que chez les Chrétiens dans les ordinations. (Actes 6.6 ; 13.3 ; 1 Timothée 4.14 ; 5.22 ; 2 Timothée 1.6.) En ce sens les théologiens l’appellent consecrativa.
2° Elle s’employait aussi quelquefois pour l’établissement des juges et des magistrats. (Num. XXVII, 18,23.) Voy. Selden, in Chron. Alex. pag. 16 et seq.
3° C’était un signe de mission, de confiance : c’est ainsi que dans la IIe Epître aux Corinthiens (VIII, 19) le mot ordinatus, xɛɩpoтovηθεις, ne signifie qu’une députation d’un disciple, de la part des Eglises, pour accompagner S. Paul.
4° C’est un signe de bénédiction : le Grand-Prêtre étendait les mains sur le peuple, en récitant la formule solennelle des bénédictions. (Lévitique 9.22.) Notre Sauveur imposait les mains aux petits enfants et les bénissait ; les théologiens l’appellent deprecativa.
5° C’était un signe d’adoption. Jacob imposa les mains aux deux enfants de Joseph, en leur donnant sa dernière bénédiction. (Genèse 48.14.)
6° C’était un signe de transposition. Les Israélites qui présentaient des hosties pour le péché au Sacrificateur, imposaient leurs mains sur la victime, en confessant leurs péchés. (Lévitique 1.4 ; 3.2 ; Exode 19.19.) Les témoins imposaient la main sur la tête de l’accusé, pour marquer qu’ils se déchargeaient sur elle de la peine de leur sang. (Daniel 13.34.)
7° C’était un signe de confirmation, dont les Apôtres se servaient pour donner le St-Esprit, et pour administrer le baptême et le sacrement de Confirmation. Quant au baptême, l’imposition des mains était en usage dans l’Eglise grecque. Cela est certain, S. Cyrille ne nous laisse là-dessus aucun doute. Il paraît qu’elle a été de même en usage dans l’Eglise latine. Car le baptême est nommé : Imposition des mains, par le 39e canon du concile d’Elvire, et par le 6e canon du premier concile d’Arles. On s’exprimait ainsi, soit pour garder le secret des mystères, soit parce que la même cérémonie avait lieu dans les divers sacrements. (Traité sur les formes des sept sacrements, par le P. Merlin.) Quant au Sacrement de confirmation, il n’en est pas de même. Dans la XXI Catéch. la III mystagogique, le S. Patriarche entre dans le plus grand détail des cérémonies qui l’accompagnaient. Mais il ne fait aucune mention de la Cheirotonie. A peine en trouve-t-on quelques vestiges dans les écrivains ecclésiastiques grecs. Cette forme parait même inusitée chez eux. Selon eux, le Sacrement de Confirmation consiste dans la seule onction du Chrême, que le ministre fait sur le front de l’initié. C’est ce que nous voyons dans la profession de foi de Jean Paléologue, rapportée par don Léon Allazius : De Ecclesiæ occidentalis et orientalis perpetua consensione. Aliud est sacramentum Chrysmatis sacri unguenti, quod per impositionem manuum Episcopi datur. Les Grecs disent en faisant l’onction : C’est ici le sceau du don du St-Esprit. Et chez nous l’Evêque dit : Je vous marque du signe de la croix, et je vous confirme par le chrême du salut, au nom, etc.
Ainsi chez nous le Sacrement de Confirmation est administré et par l’imposition des mains et par l’onction du St-Chrême.
De là les théologiens se demandent entr’eux, laquelle de ces deux actions est la matière principale du sacrement.
Les uns la font consister dans la première, et d’autres dans la seconde ; l’opinion la plus suivie est que toutes deux sont nécessaires pour l’intégrité du sacrement. (Voy. Drevens, de Re sacramentaria.) L’usage de l’Eglise latine est fondé et sur l’Ecriture et sur la Tradition. L’auteur des Constitutions Apostoliques (lib. II, cap. 32) dit en parlant de l’Evêque : Per quem dedit vobis Deus Spiritum sanctum in impositione manûs.
On trouve la même doctrine dans S. Jean Chrysostôme (Homél. XVIII, in Act. Apost.) dans Théodoret (in cap. VI, Epist. ad Hebr. 2) dans Gennadius. (ad eumdem locum.)<
C’était à cet usage que faisait allusion Cyrille d’Alexandrie (lib. II, de Adoratione in Spiritu) lorsqu’il dit que la bénédiction que donna Aaron au peuple avec l’imposition des mains signifiait la descente du St-Esprit. (Note du Traduct.)

XXVII.

C’est ce même Esprit qui reposa jadis sur tous les Justes et les Prophètes, sur Enos, Hénoch, Noé, etc., puis sur Abraham, Isaac et Jacob. Car, quant à Joseph, on ne peut, sur le témoignage de Pharaon, révoquer en doute que l’Esprit de Dieu ne fût en lui. (Genèse 41.38.) Les œuvres surhumaines de Moïse que vous connaissez tous, vous prouvent assez qu’il n’était que l’agent du Saint-Esprit. Enfin Job, cet homme éminemment fort, et tous les Saints que nous ne pouvons ici énumérer, furent dominés par l’Esprit-Saint. C’est encore lui qui donna le don de sagesse et d’intelligence à Béséléel et à ses compagnons, chargés de la construction du tabernacle. (Exode 31.2-3.)

XXVIII.

Nous reconnaissons encore sa puissance et son action dans la personne des Juges qui présidèrent au gouvernement des enfants d’Israël. C’est sous la direction de l’Esprit-Saint qu’Othoniel (Juges 3.10) rendit la justice, que Gédéon (Ibid. VI, 34) se rendit redoutable aux ennemis de sa patrie, que Jephté (Ibid, XI, 29) revint victorieux du combat, que Debbora (Ibid. IV, 4) illustra son sexe par sa valeur guerrière, que Samson (Juges 13.25 ; 14.6, 19) tant qu’il marcha dans les voies de la justice et qu’il ne contrista pas le Saint-Esprit, se montra supérieur à toutes les forces humaines.

Car quant à Samuel et David, nous les voyons manifestement remplis de l’Esprit de Dieu, lorsqu’ils prophétisent et sont à la tête des Prophètes. Samuel était surnommé le Voyant. (1 Samuel 9.9, 11.) David ne craint pas de dire : L’Esprit de Dieu a parlé en moi. (2 Samuel 23.2.) Et ailleurs : Ne retirez pas de moi votre Esprit. Puis Votre Esprit qui est bon, me conduiradans une terre aplanie. (Psaumes 50.13 ; 142.44.)

Dans les Paralipomènes nous voyons l’Esprit-Saint conduire et animer Azarias[28] sous le règne d’Asaph[29], Oziel sous celui de Josaphat, et cet autre Azarias[30] qui fut lapidé ; enfin Esdras qui dit : Vous avez donné votre bon Esprit pour les instruire. (2 Esdr. XX, 9.) Que dirons-nous d’Elie qui fut enlevé au ciel, et d’Elisée ? De ces deux hommes appelés à juste titre[31] spiritifères, de ces deux puissants thaumaturges ? Lors même que nous les passerions sous silence, ne sont-ils pas suffisamment connus, pour avoir été des hommes pleins de l’Esprit de Dieu ?

[28] Azarias, fils d’Oded, fut envoyé par le Seigneur au-devant d’Asaph ou Asa, au moment où il revenait victorieux de Zara, roi de Chus, et lui dit : « Le Seigneur vous a assisté, parce que « vous vous êtes attaché à lui. Si vous le cherchez, vous le trouverez ; « mais si vous le quittez, il vous abandonnera. Il se passera beau« coup de temps, pendant lequel Israël sera sans vrai Dieu, sans prêtre, sans docteurs et sans loi ; si dans leur affliction ils reviennent au Seigneur, ils le retrouveront. » (2 Paral. XV, 1,2, 3,4.)

[29] Sous le règne d’Asaph.
Le roi que désigne ici Cyrille sous le nom d’Asaph, est le même que celui que nous trouvons au me livre des Rois (cap. XV) et aux Paralipomènes (2 Paral. XV, 1) nommé Asa, fils et successeur d’Abia, roi de Juda.

[30] Cet autre Azarias est le même que Zacharie fils de Joiada (1 Paral. VI, 10,11) et qui fut lapidé et mis à mort par l’ordre de Joas, dans le vestibule du temple. Dans la Bible des Septante (2 Paralip. XXIV, 20, 21) ce fait est raconté sous le nom d’Azarias, fils de Joiada, et dans la Vulgate sous celui de Zacharie, fils de Joiada. L’auteur de la Synopse de l’Ecriture sainte attribuée à S. Athanase, parle du même sujet, tantôt sous le nom d’Azarie, tantôt sous celui de Zacharie.

[31] Appelés à juste titre spiritifères.
Ce mot Spiritifères ou Pneumatophores, n’est employé dans les Livres saints qu’en mauvaise part. Voyez la Bible des Septante (Osée 9.7) où le mot Pneumatophore est traduit par insaniens à Spiritu agitatus. (Sophonie 1.4). Ejus prophetæ portantes spiritum, viri contemptores. La Vulgate a dit : Prophetæ ejus vesani, vir infideles. Ainsi ce mot signifierait : Possédé du démon.
Mais les auteurs ecclésiastiques l’ont pris en bonne part, et en ont caractérisé de saints personnages.

XXIX.

Parcourez, au reste, les livres des douze Prophètes et ceux des quatre autres, partout vous rencontrerez le cachet ou le sceau du Saint-Esprit. Michée nous dit en parlant de Dieu ([32]) : En vérité, pour moi j’ai été rempli de l’Esprit du Seigneur, de force, de justice, de courage, etc. (Michée 3.8.) Joël s’écrie : Viendra un temps, dit le Seigneur, où je répandrai de mon Esprit sur toute chair. (Joël 2.28.) Ne craignez point, dit à Aggée le Seigneur tout-puissant, mon Esprit demeurera auprès de vous. (Aggée 2.6.) Le Seigneur tient le même langage dans la bouche du Prophète Zacharie : En vérité, je vous le dis, soyez fidèles à entendre et observer les ordres que je vous donne dans mon Esprit par la bouche des Prophètes mes serviteurs. (Zacharie1.6.)

[32] Je lis dans la bible des Septante : Nisi ego impleverim fortitudinem in Spiritu Domini. La difficulté de traduire ce passage, me force à recourir à la Vulgate.

XXX.

Mais écoutons Isaïe, le Prophète aux cent voix, le héraut par excellence de l’Esprit de Dieu : Il sortira un rejeton de la tige de Jessé…. Et l’Esprit de Dieu se reposera sur lui : l’Esprit de sagesse et d’intelligence, l’Esprit de conseil et de force l’Esprit de science et de piété ; et il sera rempli de l’Esprit de la crainte du Seigneur. (Esaïe. 11.2-3.) Remarquez ici que le Prophète réunit tout à la fois l’indivisibilité de l’Esprit de Dieu, et la diversité de ses dons et de ses grâces. Poursuivons :

Voici mon serviteur Jacob dont je prendrai la défense…. Je répandrai sur lui mon Esprit, et il annoncera la justice aux nations. (Ibid. XLII, 1.) Je répandrai les eaux sur les champs altérés…. Je répandrai mon Esprit sur votre postérité. (Ibid. XLIV, 3.) Approchez-vous de moi et écoutez-moi…. Maintenant j’ai été envoyé par le Seigneur Dieu et par son Esprit. (Ibid. XLVIII, 16.) Voici l’alliance que je ferai avec eux, dit le Seigneur ; mon Esprit qui est en vous, et mes paroles que j’ai mises en votre bouche, ne sortiront point de votre bouche ni de celles des enfants de vos enfants, depuis le temps présent jusque dans l’éternité. (Ibid. LIX, 21.) L’Esprit du Seigneur s’est reposé sur moi ; c’est pourquoi le Seigneur m’a rempli de son onction ; il m’a envoyé pour annoncer sa parole à ceux qui sont doux, pour guérir ceux qui ont le cœur brisé, pour prêcher la grâce aux captifs, et la liberté à ceux qui sont dans les fers. (LXI, 1.)

Enfin, lorsqu’il adresse des reproches aux enfants d’Israël, et qu’il parle des nations ennemies de son peuple : Ils ont résisté à sa voix, ils ont irrité son Saint-Esprit. Il est devenu leur ennemi…. Où est celui qui les a tirés de la mer…. Où est celui qui a mis au milieu d’eux son Saint-Esprit ? (Ibid. LXIII, 10, 11.)

Passons maintenant à Ezéchiel, si la longueur de cette instruction ne vous fatigue pas.

L’Esprit du Seigneur, dit-il, est tombé sur moi et m’a dit. (Ezéchiel 11.5.)

Ces mots Est tombé sur moi, désignent ici l’Esprit de charité et de clémence. C’est de la même expression que se sert l’Historien sacré, en racontant l’entrevue de Jacob avec son fils Joseph. Lorsqu’il l’eut retrouvé, il tomba sur son col ; et lorsque l’Evangéliste vent peindre l’émotion du plus tendre des pères, à la vue de l’enfant prodigue qui rentre dans la maison paternelle, il a recours à la même expression. Son Père, dit-il, l’ayant aperçu, en fut touché de compassion, et courant à lui il tomba sur son col et le baisa. (Luc 15.20.)

Revenons au Prophète Ezéchiel. L’Esprit, dit -il, m’enleva et me transporta sur les terres de la Chaldée, vers les captifs, en vision et dans l’Esprit de Dieu. (Ezéchiel 11.24.)

Arrêtons-nous ici ; car en parlant du baptême (Catéch. I. nº 1.) vous m’avez entendu citer ces paroles du même Prophète : Je verserai sur vous une onde pure, et vous serez lavé de toutes vos iniquités, et je vous donnerai un cœur neuf, et placerai dans vous un nouvel Esprit pour que vous marchiez dans les voies de mes commandements. (Ezéchiel 36.25-27.) Il dit encore : La main du Seigneur s’est fait sentir sur moi, et m’a enlevé dans l’Esprit du Seigneur. (Ezéchiel 37.1.)

XXXI.

C’est à ce même Esprit que Daniel fut redevable de cette sagesse qui, malgré son âge, le constitua juge des vieillards. La chaste Susanne avait été condamnée comme coupable d’adultère. Elle était abandonnée de tout le monde. Et qui eût pu la soustraire à la perfidie des chefs de la nation ? Elle marchait au supplice environnée des licteurs. Mais, voici tout à coup un puissant protecteur qui accourt au-devant de l’innocence opprimée. Mais voici le Paraclet, l’Esprit consolateur qui sanctifie toute nature intelligente. Venez dit-il à Daniel, venez jeune homme, couvrez de confusion ces vieillards qui, sous leurs cheveux blancs, brûlent des feux d’une impudique jeunesse. Car il est écrit : Le Seigneur suscita le Saint-Esprit dans un enfant d’une extrême jeunesse. (Daniel 13.45.) Et ce fut celle sagesse implantée dans un cœur enfantin par l’Esprit-Saint, qui arracha l’innocence des mains de ses bourreaux.

Mais abrégeons ; ce n’est pas le moment de nous arrêter plus longtemps sur ce fait historique. Nabuchodonosor ressentit lui-même dans le jeune Daniel la puissance de l’Esprit-Saint. Car il lui dit : Baltassar, prince des devins, je sais que l’Esprit-Saint de Dieu est en vous. (Daniel 4.6.) Ici le monarque disait vrai et disait faux. Baltassar (c’est-à-dire Daniel) était bien réellement possédé de l’Esprit de Dieu ; voilà ce qui était vrai ; mais qu’il fût le chef des devins, voilà ce qui était faux. Car sa sagesse n’avait rien de commun avec celle des mages. Daniel lui avait déjà donné l’explication d’une vision nocturne dont lui, Nabuchodonosor, n’avait d’autre souvenir que celui d’une fâcheuse impression qu’elle lui avait laissée. Expliquez-moi, lui avait-il dit, une vision que j’ai eue, et que je ne peux me rappeler. Il ne fut pas trompé dans son attente, et Daniel satisfit pleinement à ses désirs. Vous voyez ici jusqu’où s’étend la puissance de l’Esprit de Dieu ; jusqu’à faire voir à un homme qui n’a pas vu, ce qu’un autre a vu et ne se rappelle pas, et de lui en donner l’intelligence.

XXXII.

Je serais bien tenté de poursuivre la recherche des nombreux témoignages que nous fournit l’Ancien Testament, relativement au Saint-Esprit, et d’en donner même une explication plus étendue. Mais le peu de temps qui nous reste, me force à ne pas abuser de votre empressement à vous instruire.

C’est pourquoi contentons-nous aujourd’hui de ceux que j’ai recueillis dans l’ancienne loi. Dans l’instruction suivante, si Dieu le permet, je vous ferai passer en revue tous ceux que nous fournit le Nouveau Testament.

Que le Dieu de paix daigne vous combler de ses dons spirituels et célestes par Notre-Seigneur Jésus-Christ et par la charité du Saint-Esprit, à qui appartient la gloire et l’empire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

SUPPLÉMENT A LA SEIZIÈME CATÉCHÈSE.

Ce supplément que l’on trouve dans le manuscrit de Coilin à la suite du paragraphe III, se divise en deux parties. La Ire marquée ici n. 1 est un extrait d’une Catéchèse de S. Grégoire de Nysse (c. II, p. 48, t, II) et qu’on retrouve textuellement dans S. Jean Damascène (lib. IV, cap. 7, De orthodoxa fide) dans le livre de la très-sainte Trinité attribué à S. Cyrille d’Alexandrie (c. VI, pag. 6 ; tom. VI) enfin dans le commentaire d’Elie de Crète sur la I Orat. de S. Grégoire de Nazianze (pag. 83, et sur la XXXIII, n. 32, pag. 845 apud nos). L’autre partie que nous avons distinguée par le paragraphe 11 est d’un auteur qui nous est inconnu. Mais il est étranger à notre S. Cyrille, quoiqu’il y ait identité de doctrines. Ces deux fragments sont incontestablement antérieurs, non-seulement au XIe siècle d’où date le manuscrit de Coilin, mais encore aux disputes des Latins sur la Procession du Saint-Esprit, qui est ici clairement exposée selon la doctrine catholique. C’est ce qui l’a fait précieusement recueillir et reproduire par S. Thomas, pour prouver : Spiritum Sanctum ex Patris et Filii divinitate existere.

I.

De même que, après avoir ouï parler du Verbe de Dieu, où nous n’avons pas cru qu’il fût une chose sans substance qu’on apprenne dans les écoles, qu’après son énonciation il se dissipât comme une vaine ombre, ou une vapeur sans consistance ; de même que nous n’avons pas cru que le Verbe de Dieu fût sujet aux autres défauts qu’on remarque en général dans nos discours ; de même que avons-nous été persuadés que c’était un être réel et substantiel, libre dans ses desseins, et tout-puissant, même aussi, lorsque nous parlons de l’Esprit de Dieu, qui, joint au Verbe, manifeste ses opérations, nous ne le comprenons pas dans le sens de ce souffle qui s’échappe de nos poumons. Car ce serait dégrader, avilir même la grandeur et la puissance divine, si nous la comparions avec le jeu de notre respiration. Mais nous entendons parler d’une puissance substantielle qui se fait reconnaître par elle-même dans sa propre hypostase, qui est inséparable de Dieu en qui elle réside, du Verbe de Dieu dont elle est la compagne adhérente, et dont l’effusion ne peut opérer la dissolution.

Enfin, à l’exemple du Verbe-Dieu, nous entendons par le Saint-Esprit une puissance douée d’une hypostase solide et réelle, d’un libre arbitre qui lui est propre et essentiel, qui se meut, qui opère, qui agit par elle-même, libre dans son choix qui est infailliblement toujours bon, toujours en rapport avec son but, quel qu’il soit, et avec sa volonté, enfin une puissance égale à sa volonté.

II.

L’Esprit de Dieu est bon. Votre Esprit, dit David, qui est bon, me conduira dans une voie aplanie. (Psaumes 142.10.) Tel est donc l’Esprit de Dieu en qui nous croyons. C’est, disons-nous, un Esprit heureux, éternel, immuable, inaltérable, ineffable, qui règne, qui domine sur toute substance créée, sur toutes les natures visibles et invisibles, qui est le Souverain Seigneur des Anges, des Archanges, des Puissances, des Dominations, des Trônes ; le Créateur de toute substance, qui participe sur le même trône à la gloire du Père et du Fils, qui, sans principe et sans fin, règne avec le Père et le Fils sur les substances engendrées ; qui sanctifie les Esprits préposés à l’administration et délégués au service de ceux qui doivent avoir part à l’héritage du salut.

Nous croyons que c’est lui-même qui est descendu dans le sein de la sainte bienheureuse Vierge Marie mère du Christ selon la chair, et sur Jésus-Christ lui-même sous la forme matérielle d’une colombe dans les eaux du Jourdain ; sur les Apôtres au jour de la Pentecôte sous la forme de langues de feu.

Nous croyons qu’il est le producteur et le distributeur de tous les dons spirituels qu’on recueille dans l’Eglise ; QU’IL PROCÈDE DU PÈRE, qu’il est Dieu de la Divinité du Père et du Fils, qu’il est CONSUBSTANTIEL au Père et au Fils, inséparé et inséparable.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant