Catéchèse

DIX-HUITIÈME CATÉCHÈSE, SUR CES MOTS : En une sainte Eglise catholique, en la résurrection de la chair et en la vie éternelle.

SOMMAIRE.

Cette dernière Catéchèse introductive au baptême, renferme l’explication des trois derniers articles du Symbole : celui de la résurrection des morts, de l’Eglise catholique, et de la vie éternelle.

I. Le catéchiste établit le dogme de la résurrection contre les Gentils, les Samaritains, les Saducéens et les Hérétiques. – II. Objections des uns et des autres. – III. Démonstration de la possibilité physique par des motifs tirés de la toute-puissance de Dieu. – IV. De sa justice. – V. De la conscience universelle. – VI, VII, VIII. Par des exemples puisés dans la nature. IX. Dans la formation primitive de l’homme. X. Dans les phénomènes du firmament. – XI, XII, XIII. Il oppose aux Samaritains le Pentateuque. – XIV, XV, XVI, XVII. Aux Juifs, aux Hérétiques, les Prophètes, le Nouveau Testament et les miracles opérés sur les tombeaux des Saints. – XVIII. De là il conclut le respect que nous devons avoir pour notre propre chair. – XIX. Les corps ressuscités ne jouiront pas tous du même éclat. XX. Les corps et les âmes porteront sur eux les taches du péché. – XXI. Répétition du Symbole. – XXII. Explication du mot Eglise. – XXIII. Pourquoi elle se dit catholique. – XXIV. Comment elle a succédé à la Synagogue. – XXV. Les Juifs, les Gentils, les Hérétiques usurpent le nom d’Eglise. – XXVI. Attachement que nous devons avoir à l’Eglise. – XXVII. Elle protège les rois, et toute la terre lui est soumise. XXVIII. Exposition du dogme de la vie éternelle. – XXIX. Dieu le Père est le principe de la vie. – XXX. Moyens de l’acquérir. – XXXI. Voies d’introduction à la vie éternelle. – XXXII. Instructions nécessaires à ceux qui y aspirent. – XXXIII. Aperçu des Catéchèses suivantes dites mystagogiques. – XXXIV. Conclusion en exhortant à la joie ses auditeurs à la vue de leur prochaine régénération. Cette Catéchèse fut prononcée le samedi matin de la semaine sainte.

El factaest super me manus Domini, et eduxit mein Spirilu Domini, et posuit me in medio campi. Et hic erat plenus ossibus hominum. (Ezéchiel 37.4. Sept.)

« J’ai ressenti sur moi la main du Seigneur, elle m’a conduit dans l’esprit du Seigneur, m’a placé au milieu d’un champ, et il était plein d’ossements humains. »

I.

Le principe de toutes bonnes œuvres est l’espoir de la résurrection. Car c’est la vue d’une récompense à venir qui nous fortifie et nous soutient dans nos bonnes entreprises. Cet ouvrier qui a la perspective d’un salaire proportionné à son travail, est prêt à tout entreprendre ; cet autre qui ne voit dans ses peines aucun fruit quelconque à retirer, est abattu, reste sans force et sans courage en présence de son travail.

Le soldat, à la vue d’une couronne, est tout prêt à voler au combat, à se jeter au milieu des bataillons ennemis. Mais nul n’est disposé à sacrifier sa vie pour le capitaine qui ne sait ni flétrir la lâcheté, ni récompenser le courage et le dévouement.

De même, tel qui croit à la résurrection sait s’imposer un joug et vivre selon les lois de la tempérance, tandis que celui qui la méconnaît, s’abandonne à tous les excès, sans frein comme sans pudeur. Tel qui croit à la résurrection de son propre corps, l’épargne, craint de souiller son enveloppe, et le soustrait aux turpitudes de la fornication. Celui, au contraire, qui répudie ce dogme, use et abuse de sa chair, comme d’un bien qui ne lui est pas propre, la livre et l’abandonne à toutes les espèces de débauches.

C’est donc, dans l’Eglise catholique, un dogme de haute importance, que celui qui établit la foi en la résurrection des morts. Il est important, je dis plus, il est nécessaire.

Quelque nombreuses, quelque spécieuses que soient les objections dont les passions humaines essaient de l’obscurcir, la vérité sait se faire jour et les dissiper comme de légers nuages. Les Grecs la nient formellement[1], les Samaritains y répugnent, les Hérétiques font des distinctions sophistiques, l’erreur varie à l’infini, tandis que la vérité est une, simple et uniforme.

[1] Les Grecs la nient formellement.
La répugnance que les Grecs avaient pour admettre la résurrection des corps, nous est suffisamment prouvée par la peine que les Chrétiens ont eue à établir chez eux ce point de dogme. (Voy. les Actes 17.32 ; 26.24 ; les Epîtres de S. Paul, et tous les apologistes de la Religion chrétienne.) Quant aux Samaritains, sans nier absolument l’immortalité de l’âme, ils rejetaient le dogme de la résurrection des corps. Le Père Lequien, dans ses notes sur Jean Damascène (Lib. de Hæresib. n. 9) assure que les Samaritains de nos jours rejettent la résurrection des corps, tout en admettant l’immortalité de l’âme, et même qu’ils prient pour les morts. Quant aux hérétiques, beaucoup, dit Tertullien, (Lib. de Resurrect. carnis, cap. 2) ne veulent voir la résurrection que dans l’immortalité de l’âme : Dimidiam agnoscunt resurrectionem, solius scilicet animæ. Hyménée et Philète, dit S. Paul (2 Timothée 2.18) regardaient la résurrection comme consommée. Ménandre la plaçait dans le baptême. (Iren. lib. I, cap. XXII, 5.)
Les Séleuciniens, dit Philostrate (III Class. Hæres. 8) ne voyaient qu’une résurrection journalière, celle de la propagation de l’espèce humaine. Je passe ici sous silence, sur cette question, toutes les rêveries de cette tourbe de Gnostiques dont nous avons si souvent fait l’énumération. Ils n’admettaient que la résurrection de l’âme, en faveur seulement de leurs adeptes. Parmi les erreurs qu’on a attribuées ou supposées à Origène, on remarque celle d’avoir nié que la chair dûț ressusciter sous la même forme ; mais, n’en déplaise à ses détracteurs, lorsque le Christianisme proclama ce dogme à la face des Prophètes, Celse l’attaqua de toutes ses forces : « Quelle est l’âme, disait-il, qui voudrait retourner dans un corps pourri ? Dieu, quelque puissant qu’il soit, ne peut remettre en son état primitif un corps dissous, parce que cela est indécent et contraire à la nature. » Origène lui répondit que les corps ressuscités ne seraient plus dans un état sujet à la putréfaction, mais dans un état de gloire et d’incorruptibilité. (Vid. Orig. Contr. Cels. lib. v, 24 et seq.)
Au lieu du mot : résurrection, les éclectiques avaient imaginé celui de palingénésie, ou renaissance universelle du monde, prodige plus contraire à la nature, et plus inconcevable que la résurrection des corps. (Note du Traducteur.)

II.

Les Grecs, de concert avec les Samaritains, nous objectent que l’homme mort devient la pâture des vers, que ces vers disparaissent ensuite, qu’il s’opère sur le corps une dissolution telle, qu’ils nous demandent d’un air de triomphe, comment peut-il ressusciter ? Des naufragés, disent-ils, sont la proie des poissons ; ceux-ci sont à leur tour dévorés ; des hommes sont mangés par des lions, des tigres, des ours et d’autres animaux féroces qui ont brisé, broyé, digéré leurs os ; les vautours, les corbeaux, trouvent leur pâture sur un champ de bataille et vont porter au loin leur digestion. Comment les molécules de ce corps, ainsi disséminées, pourront-elles jamais se reconnaître, se réunir ? De tous ces oiseaux qui se seront repus d’un cadavre, l’un ira périr dans les Indes, l’autre dans la Perse, un autre encore dans la Gothie, et que dirons-nous des corps que le feu a consumés, dont les vents ont emporté les miasmes, dispersé les cendres ? D’où retirerez-vous les molécules dont ce corps fut jadis organisé[2] ?

[2] D’où retirerez-vous les molécules dont ce corps fut jadis organisé ?
Lorsqu’on pense qu’un corps animal se renouvelle et se modifie tous les jours, au point de douter si, à l’âge de 30 ans, il lui reste encore quelque atome de ce qui constituait son état physique lors de sa naissance, et qu’on peut dire que la vie animale n’est qu’une perpétuelle palingénésie ; lorsqu’on songe qu’il en est du corps animal comme d’un être moral, par exemple, d’une ville dans laquelle, au bout de cent ans, on ne rencontre aucun de ses habitants, sans qu’elle eût cessé d’être la même ville, dans laquelle, au bout de mille ans on ne rencontre ni rues, ni places, ni plans primitifs, sans que cette ville eût perdu son nom et son existence, ces objections puisées dans la dissémination des molécules sont d’une ridicule frivolité.

III.

Oui, sans doute, misérable et chétif mortel, il y a pour vous une énorme distance des Indes à la Gothie, de l’Espagne à la Perse. Mais pour celui qui tient toute la terre dans le creux de sa main, y a-t-il une distance quelconque ? Quoi ! Vous voulez mesurer sur votre exiguïté la puissance divine ; vous voulez mettre des bornes à son omnipotence ; songez que ce soleil, petite fraction de son œuvre incommensurable, réchauffe d’un seul jet de ses rayons tout l’univers, que l’atmosphère qui enveloppe tout notre globe est l’œuvre de ses mains. Loin donc de votre pensée que le Créateur de l’univers détourne un instant ses regards de dessus sa créature et s’éloigne de son ouvrage.

Supposons un tas de menues graines de toutes les espèces (car il faut, pour venir au secours de la foi, donner des exemples proportionnés à notre faiblesse) je vous demande si, puisant dans ce tas une poignée, il vous sera facile de séparer tous ces grains suivant leurs genres et leurs espèces. Si vous pouvez discerner ce que vous tenez dans votre main, comment oserez-vous dire qu’il est impossible à Dieu de faire ce que vous faites, de reconnaître et de séparer ce qu’il tient dans la sienne ? L’impiété serait ici trop révoltante.

IV.

Considérons maintenant la question sous le point de vue de la justice, et faisons un retour sur nous-mêmes. Vous avez une maison composée de beaucoup de domestiques ; dans le nombre il en est des bons et des mauvais. Vous estimez, vous encouragez les uns, et vous faites punir les méchants. Vous êtes juges et vous distribuez la louange ou le blâme, les peines ou les récompenses, suivant le mérite d’un chacun. Eh quoi ! la justice et l’équité auront établi leur siège dans votre cœur ; et le Monarque de l’univers qui n’a ni ancêtres, ni descendants, méconnaîtrait la justice et ne saurait rétribuer à chacun selon son mérite ? O ciel ! Quel exécrable blasphème ! Voyez-en les conséquences. Combien d’homicides ne voit-on pas échapper à la justice humaine et mourir impunément dans leur lit ? Où sera donc la justice divine ? Ne voyons-nous pas souvent un assassin couvert du sang de plus de cinquante victimes, ne payer ici-bas qu’une fois de sa tête tous ses crimes ? Où donc trouvera-t-il la peine due à ses quarante-neuf autres assassinats ? Si nous n’avons, dans la vie future ni jugement, ni peines à redouter, ni récompense à espérer, la Divinité ne sera donc plus qu’un être indifférent au bien comme au mal, à la vertu comme au crime, et c’est ainsi qu’en l’accusant d’indifférence et d’injustice, nous blasphémons.

Ne nous étonnons pas, au reste, si la justice divine est tardive, soit pour punir, soit pour récompenser. Un athlète n’est couronné ou honni qu’à l’issue du combat. Ce n’est pas pendant la chaleur de la lutte que le juge distribue les couronnes ; mais il attend que tous aient fourni leur carrière, pour voir, pour comparer, pour distinguer ceux qui ont remporté les prix. Telle est la conduite du Juge éternel. Tant que l’athlète est dans l’arène, ou sur la terre, il fortifie, il encourage les justes ; mais il ne les couronne qu’au bout de la carrière.

V.

Si la résurrection des morts est, selon vous, un mot vide de sens, d’où vient, je vous prie, la rigueur de vos lois contre les violateurs des tombeaux ?[3] Car, si ce corps est absolument et irrévocablement perdu, s’il ne lui reste aucun espoir de reviviscence, pourquoi sévissez-vous avec tant de rigueur contre ceux qui troublent ses cendres ? Vous le voyez, ce que vous niez du bout des lèvres, votre conscience l’affirme ; vous portez écrit dans vous-mêmes, en caractères indélébiles, ce que vous vous efforcez en vain de nier.

[3] D’où vient la rigueur de vos lois contre les violateurs des tombeaux ?
Le respect pour les tombeaux fut telle dans l’antiquité, qu’ils étaient regardés comme inviolables chez toutes les nations de la terre. Cette inviolabilité consacrée par la tradition et la conscience des peuples avait fait des tombeaux un dépôt sacré de richesses matérielles. Toutes les nations, en général, se sont fait un devoir d’enfouir avec le cadavre des richesses proportionnées à la fortune du défunt : or, argent, bijoux, pierreries. (On peut là-dessus consulter Plutarque in Pyrrho, Quinte Curce, liv. X, Strabon, liv. XI.) Mais je n’invoquerai ici que le témoignage de Philostrate (lib. VII, de Vita Apollonii) qui dit que tout argent sorti d’un tombeau est criminel. La loi des douze tables défendait de rien enfouir de précieux avec un cadavre quelconque. Dans les antiquités de Padoue, on kit qu’il fut trouvé dans le sépulcre d’Antenor, fondateur de cette ville, plus de 30,000 livres pesant d’argent, ce qui ferait aujourd’hui une valeur de deux millions cent soixante mille francs.
Sur d’anciens monuments ont lit encore les lettres initiales de ces mots : In Monumento Isto Sunt Bona Abscondita ; ou bien : In Hoc Monumento Sunt Pecuniæ Sine Fine. Dans ce monument sont des biens cachés, ou de l’argent sans fin. Leur inviolabilité était tellement établie dans l’opinion publique, qu’on ne craignait point de mettre sous sa sauvegarde des trésors considérables.
Josèphe nous apprend dans ses Antiquités judaïques que Salomon fit renfermer dans le tombeau de David, son père, une si grande quantité d’or et d’argent, que treize cents ans après (il eût dû dire 900) le Grand-Prêtre Hircan, lors du siège de Jérusalem par Antiochus, fit extraire de la première loge (car il y en avait plusieurs dans un seul tombeau qui se communiquaient les unes aux autres) trois mille talents (quatorze millions six cent mille francs de notre monnaie) pour venir au secours des assiégés. Cette somme étant suffisante, n’osa pas fouiller plus loin. (Lib. VII, cap. 12.)
Pour garantir les tombeaux de la cupidité des sacrilèges, on gravait à l’extérieur des figures de gryphons, avec des oreilles pour guetter les voleurs, un bec crochu pour les attaquer, des ailes pour les poursuivre. Mais les Goths avaient peu de confiance dans ces gryphons. Jornandès nous dit (de Rebus Gethicis, t. XXX) qu’ils enterrèrent Alaric avec des richesses immenses dans le lit d’un fleuve d’Afrique, après l’avoir détourné, et qu’ensuite ils firent reprendre aux eaux leur cours naturel, pour dérober à la postérité la connaissance de ces trésors. Voyons maintenant les peines auxquelles s’exposaient les violateurs de tombeaux.
La loi romaine les déclarait infâmes, les condamnait à l’amputation de la main, enfin au dernier supplice. (Ex D. et C. Theod. et Justini.) La femme pouvait demander le divorce, si elle prouvait que son mari eût violé un tombeau. (Conscensu 3º de repud.)
C’était violer un tombeau que d’uriner ou cracher dessus, ou contre les statues qui le décoraient. L’opinion publique livrait ces sacrilèges aux furies, comme Oreste. C’est ce que nous apprennent Horace (de Arte pœtica) et Varron, en parlant des doliolis, égout public où il n’était pas permis de cracher, parce qu’on croyait que ce lieu avait anciennement servi de sépulture publique. (Lib. IV. de Ling. latina.)
Longtemps après l’établissement du Christianisme, une jeune fille eut l’imprudence de cracher par la fenêtre, en regardant passer le convoi funèbre d’Eudoxie, épouse de l’Empereur Héraclius, et d’atteindre le drap mortuaire qui couvrait le cercueil ; elle expia dans les flammes son inattention, ou si l’on veut, son crime. (Zonar, Annal. lib. XIV, 15.) A ce fait historique j’en ajouterai un autre que nous a conservé S. Grégoire de Tours. (De Glor. Confess. cap. 62.)
« Etant venu à Lyon, dit-il, pour y visiter les lieux saints de cette ville, j’entrai dans la crypte du saint Archevêque Hélius, et sur la porte j’y lus cette inscription : Le lendemain de la sépulture d’Hélius un païen s’introduisit dans la crypte, et après avoir levé la pierre du tombeau, il se mit en devoir de dépouiller le corps. Lorsqu’il l’eut placé debout, le Saint étendant les bras, le serra si étroitement qu’il ne put se dégager, et resta ainsi jusqu’au lendemain. C’est dans cet état qu’il fut vu de tout le monde. Le juge du lieu ordonna qu’on l’arrachât de là pour le conduire au supplice, comme violateur des tombeaux. Mais il fut impossible de le tirer de cette situation le juge comprit alors que le Saint protégeait ce criminel. contre la rigueur des lois, et lui accorda sa grâce. A l’instant il se trouva dégagé sans autre inconvénient. »
Au reste, les pyramides, les momies d’Egypte, la doctrine de la métempsycose que Pythagore, Platon, Empedocles, puis Plotin, avaient empruntée des Egyptiens, et qu’ils avaient répandue dans l’Occident, le culte que ces mêmes Egyptiens rendaient à certains animaux, attestent la foi que les Patriarches avaient eue en la résurrection future des corps ; et cette doctrine de la métempsycose atteste également leur foi en un purgatoire, puisque ce n’était qu’après de longues périodes de temps que les âmes se trouvaient purifiées. (Voy. le Pymandre ou Mercure Trismégiste.) C’est sur la doctrine de la résurrection qu’est fondée la loi qui, dans l’Inde, défend aux veuves de se remarier, pour obvier sans doute à cette question que les Juifs adressèrent à Jésus-Christ lorsqu’ils lui dirent : Au jour de la résurrection à quel mari appartiendra la femme qui aura eu sept maris ? (Matthieu 22.28.)
Au reste, les Tablettes des ancêtres auxquelles rendent un culte les Chinois et les Japonais ; ces mots : Sacram requiem, Sacrum somnum, repos, sommeil sacré, que nous trouvons sur les tombeaux antiques, la formule dont les anciens se servaient en jetant de la terre avec l’Ascia, ou fossoir qui avait servi à creuser la fosse, sit tibi terra levis (que cette terre te soit légère) tout conspire à prouver que la résurrection des morts est un dogme patriarchal, que les fables des poètes, les disputes des philosophes ont pu obscurcir, même défigurer, mais non anéantir.
Nous n’avons encore donné que des preuves d’induction sur la croyance de l’antiquité à la résurrection des corps. Nous avons comme dit Tertullien, à l’exemple des Platoniciens, frappé à la porte de la vérité ; mais nous n’y sommes point encore entrés, pulsatá, ta men licet non adita veritate. Il est temps d’arriver à des preuves positives. Les Livres saints nous en ont conservé, il est vrai, une irréfragable dans l’histoire de Job, prince Iduméen, étranger à la nation Juive. Nullus, dit S. Jérôme, tam apertè post Christum quàm iste anie Christum de resurrectione carnis loquitur. (Epist. Ad Pimmach.) « Personne, depuis Jésus-Christ, n’a parlé aussi clairement de la résurrection des corps que Job avant la venue de Jésus-Christ ; » mais comme ce témoignage, sortant des Livres saints, est de nulle valeur aux yeux des incrédules, sans leur apporter tous ceux que Tertullien (Lib. de Resurrect. carn.) et que S. Clément, successeur de S. Pierre, ont extraits des archives du Paganisme, nous en citerons un, peu connu, mais frappant. C’est Phocylide, poète grec, contemporain et disciple de Pythagore.
Après avoir parlé du respect que nous devons avoir pour la cendre des morts, il dit.
Καὶ τάχα δ᾽ἐκ γαίης ἐλπίζομεν ἐς φάος ἐλθεῖν
Λείψαν᾽ ἀποιχομείνων, ὀπίσω δὲ θεοὶ τελέθονται.
Ψυχαὶ γὰρ μίμνουσιν ἀκήριοι ἐν φθιμένοισι.
« Nous espérons que bientôt les dépouilles des morts sortiront au grand jour, et qu’ils seront ensuite des Dieux. Car leurs âmes sont incorruptibles au milieu de la corruption. » (Poëma Nouthet.) (Phocyl. Pœm Notheticon.) (Note du Trad.)

VI.

Un arbre arraché, coupé même sur le pied, puis replanté (le saule par exemple) recroît, refleurit ; et un homme arraché de dessus le sol ne revivra pas ? Les semences moissonnées reposent, dorment dans les greniers et revivent au printemps ; et l’homme moissonné, jeté dans les greniers de la mort, ne revivra pas ? Un bourgeon de vignes, une branche d’arbre, coupée, transplantée, se ravivent et portent des fruits ; et l’homme, au profit de qui tout fut créé, une fois tombé, ne pourra se relever ?

Mais pour résoudre toutes ces difficultés d’un seul mot, nous vous demanderons s’il est plus aisé de donner l’être à une statue qui n’était pas, que de relever une statue qui était tombée ?

Quoi ! Dieu qui nous a extraits du néant ne pourra pas nous relever après notre chute, tandis que tous les matériaux qui composaient notre être, existent et subsistent encore.

Vous résistez à la croyance de la résurrection, vous vous opiniâtrez à la combattre, en dépit de tout ce que les Ecritures en attestent ; et pourquoi ? Parce que vous êtes Grec[4].

[4] Pourquoi ? Parce que vous êtes Grec ?
« Les hommes, dit Origène, ne seraient pas coupables s’ils ne portaient pas dans leur conscience des notions de morale, communes et innées, écrites en lettres divines. (Adv. Cels. lib. I, cap. 4 et 5.) Qu’allez-vous chercher ailleurs ? Qu’argumentez-vous, disait Charron, dans son style original, aux Grecs de son siècle, si vous voulez vous tâter, vous sonder ? Allez, ridicules sophistes, vous ressemblez à ces payeurs de mauvaise foi qui demandent qu’on leur reproduise la cédule qu’ils ont escamotée. Quodpetis intus habes. Fouillez votre conscience, et vous trouverez votre billet. Toutes les tables de droit, les deux de Moïse, les douze des Grecs ou des Romains, ne sont que des copies authentiques de la cédule dont votre conscience est dépositaire. (Note du Traducteur.)

Contemplez ce qui se passe autour de vous, méditez sur le tableau de ce vaste univers. Je sème du blé ou tout autre grain : il tombe, il pourrit et ne peut plus servir à la nourriture de l’homme. Mais de sa pourriture il renaît, il s’élève, il se multiplie ; je n’ai semé qu’un grain, et j’en recueille vingt, trente et plus. Or, pour qui a-t-il été créé ? N’est-ce pas pour notre usage ? Ce n’est pas pour elles-mêmes que toutes ces semences sont sorties du néant. Eh quoi ! Ce qui a été créé pour nous, meurt et renaît ; et nous, pour qui ce prodige s’opère tous les jours, nous serions exclus de ce bienfait ? il n’y aurait point de résurrection pour nous ?

VII.

Nous sommes encore, comme vous le voyez, dans la saison de l’hiver, la végétation sommeille, le figuier est sans feuilles, la vigne sans bourgeons, la nature dort ; mais à peine le printemps paraîtra-t-il, qu’elle sortira de sa léthargie et se couvrira de verdure. Alors tout sortira du tombeau pour revenir à la vie.

C’est par ces signes sensibles et matériels que Dieu a voulu vaincre votre incrédulité et vous rendre palpable, toutes les années, la possibilité de votre propre résurrection, pour que, la voyant s’opérer sous vos yeux sur des objets inanimés, il vous fût facile d’en conclure en faveur des êtres animés.

Nous voyons souvent les mouches et les abeilles suffoquées dans l’eau, présenter tous les signes de la mort et revenir ensuite à la vie. Que dirons-nous de ces animaux[5], tels que le blaireau, qui passent tout l’hiver dans un profond sommeil pour ne se réveiller qu’au printemps ? C’est à vous, qui ne vous occupez que de futilités, qui ne rêvez que des chimères, c’est à vous que s’adressent ces viles comparaisons. Est-ce que celui qui daigne tous les jours exercer ses œuvres de toute-puissance sur des objets d’un aussi minime intérêt à nos yeux, dédaignera de manifester son omnipotence envers ceux pour qui il créa ces mêmes êtres ?

[5] Que dirons-nous de ces animaux ?
Dans toute la nature on ne peut trouver une image plus parfaite de la résurrection future que dans ces vils insectes que nous foulons aux pieds, dans les chenilles, ou si l’on veut, dans les vers à soie. Je me rappelle avoir lu dans la Recherche de la vérité, par le Père Malebranche, une comparaison frappante entre la chenille et Jésus-Christ. Il demande d’abord pardon au lecteur d’user d’une comparaison entre un être aussi ignoble que la chenille et l’adorable personne de Jésus-Christ ; mais, pour se justifier, il apporte les paroles du Prophète : Ego sum vermis et non homo. Puis il voit dans la chenille qui rampe sur la terre la figure du Christ pendant sa vie mortelle. Il voit Jésus-Christ dans son tombeau, comme la chenille en chrysalide ; Jésus-Christ hors du tombeau, comme le papillon hors de son enveloppe ; dans les couleurs brillantes dont le papillon est paré, il voit le symbole des corps glorieux. Comme le papillon, Jésus -Christ, après sa résurrection, n’est nulle part, mais il est partout, partout il est vu, à Jérusalem, en Galilée, à Emmaüs, etc. ; comme le papillon, il laisse sa graine, c’est-à-dire ses disciples. Enfin, comme le papillon il disparaît. Reformabit corpus humilitatis nostræ, configuratum corpori claritatis suæ. (Philippiens 3.21.)

VIII.

Les Grecs, non contents de ces preuves prises dans la nature, nous objectent que ces corps dont on leur montre ici la résurrection, n’ont pas subi les effets de la putréfaction, et par conséquent une dissolution complète, et nous demandent des exemples d’une réelle résurrection, celui, par exemple, d’un corps qui ait subi cette chance de la nature et qui ait ensuite reconquis la vie. Dieu avait prévu l’opiniâtreté de ces hommes, et c’est pour leur imposer silence qu’il créa l’oiseau de Phénicie C’est pour leur imposer silence qu’il créa l’oiseau Phénix.

Il est reconnu par les naturalistes modernes que l’histoire du Phénix n’est qu’un conte, en dépit des philosophes anciens, tels que Elien (lib. VI, 8, de Animalibus) Pline (lib. X, 2 ; XIII, 4) Tacite (Ann. lib. VI.) Beaucoup de Pères, tels que S. Clément (Epist. I ad Corinth. n. 25) l’auteur du poème de Phœnice, faussement attribué à Lactance, Origène Contr. Cels. lib. IV) ont tous argumenté contre les Païens de l’histoire vraie ou fausse du Phénix. Il suffisait, au reste, que le fait fût tenu pour constant par les naturalistes, les savants et le vulgaire, pour que l’argumentation fût juste. Si le fait était réel, l’argument était rigoureux ; s’il était faux, les philosophes, tels que Solin, Aristote, Hérodote, croyaient à une chimère, et leur absurde croyance rendait l’argument également rigoureux en faveur de la réalité. Mais je tire de cette fable un autre argument en faveur de ce que nous avons dit plus haut, que l’antiquité patriarcale avait cru à la résurrection des corps. La fable du Phénix ne fut inventée et accréditée par les Prêtres Egyptiens, que pour conserver le dogme primitif de la résurrection. A l’impossibilité physique que l’incrédulité aurait alléguée, ils opposaient l’histoire du Phénix.

Au reste, pourquoi les philosophes n’y auraient-ils pas cru ? On sait qu’il n’y a pas d’êtres plus crédules qu’eux, surtout lorsqu’il s’agit de combattre la vérité. N’avons-nous pas vu à Paris, à Lyon, les plus beaux génies du XVIIIe siècle s’agenouiller aux pieds du Grand-Copte sorti des pyramides d’Egypte (Cagliostro) et croire à ses dix-huit cents ans d’âge ? (Note du Traducteur.). Cet oiseau, dit Clément et beaucoup d’autres historiens, est unique dans son espèce ; il ne paraît que tous les quatre cents ans dans l’Egypte pour y manifester sa résurrection. Il ne va pas dans les déserts pour en faire un mystère. C’est au milieu d’une ville célèbre (Héliopolis) qu’il établit le théâtre du prodige qu’il doit opérer, pour le rendre sensible et palpable à tous les sens et subjuguer toutes les incrédulités. C’est là qu’à une époque fixe il se construit un autel composé d’encens, de myrrhe et d’autres aromates sur lequel il se place, meurt et se consume. De sa chair putréfiée naît un ver qui se développe et prend la forme et l’accroissement de l’oiseau primitif. Si cette métamorphose vous paraît incroyable, la nature est là pour vaincre votre répugnance, en vous mettant sous les yeux l’exemple du ver qui fut le principe de l’abeille, celui de l’œuf dont la matière liquide produit les os, les nerfs, les ailes, les plumes de l’oiseau.

Le Phénix prend ensuite ses plumes et redevient ce qu’il était auparavant, reprend sa course dans les airs pour donner aux mortels un exemple frappant de leur résurrection future.

Oiseau miraculeux, oiseau dépourvu de raison, tu ne chantas jamais les louanges du Seigneur : tu parcours l’empire des airs ; mais tu ne connus jamais le Fils unique de Dieu. Quoi ! des êtres privés de raison, privés de la connaissance de leur Créateur, jouiraient du privilège de la résurrection des morts ; et nous, nous en serions exclus, nous qui chantons les louanges de Dieu, nous qui entendons sa voix, nous qui observons ses commandements !

IX.

Mais comme le phénomène que nous venons de vous apporter en preuve, est fort rare et qu’il est possible de le révoquer en doute, nous ne nous arrêterons pas là ; nous allons vous en signaler un autre qui journellement se passe sous vos yeux.

Où étions-nous il y a cent ou deux cents ans, nous tous qui sommes ici, nous qui parlons, vous qui écoutez ? nous connaissons tous les principes primordiaux de notre existence corporelle, leur exiguïté, leur faiblesse, leur ébauche ; vous savez que c’est de ces molécules informes que se compose notre chair, que les nerfs, les os tirent leur force, que les yeux empruntent la faculté de voir, les narines celle de l’odorat, les oreilles celle de l’ouïe, la langue celle de parler, les mains celle d’agir, de palper, les pieds celle de marcher, et tous les membres enfin celle d’exercer leurs fonctions respectives. C’est de cette ignoble matière que nous voyons chaque jour surgir d’habiles constructeurs de vaisseaux, d’ingénieux architectes, d’habiles artistes, d’intrépides guerriers, des princes, des législateurs, et des rois. Et Dieu qui a su nous produire avec des éléments aussi vils, aussi méprisables, aussi faibles que ceux-là, ne pourra pas un jour ranimer nos cendres ? Celui qui de rien a fait toutes choses, ne pourra pas relever ce qui est tombé ?

X.

Il est encore un autre genre de preuves de la résurrection de la chair que nous offre tous les mois le spectacle de la voûte céleste. Jetez les yeux sur cet astre qui tous les mois disparaît pour reparaître, croître et disparaître encore. Pour rendre cette démonstration plus sensible encore, la Providence a voulu qu’après une révolution de plusieurs années, cet astre subît une éclipse, reparût à nos yeux tout sanglant, pour recouvrer ensuite son éclat primitif. Dieu l’a voulu ainsi, pour que vous, dont le sang est la partie constitutive, ne puissiez pas vous soustraire à la croyance de la résurrection des morts, et pour que vous lisiez votre avenir dans les phases de la lune.

Tels sont les raisonnements dont vous devez vous servir pour répondre à ces Grecs qui sont étrangers aux Livres saints. C’est par des motifs puisés dans la nature même qu’il faut combattre ces hommes qui ne connaissent ni Moïse, ni Isaïe, ni les Evangiles, ni Paul.

XI.

Venons-en maintenant aux Samaritains qui n’admettent d’autres livres que le Pentateuque ou les cinq livres de Moïse, et qui rejettent les Prophètes. La vision d’Ezéchiel est de nulle valeur à leurs yeux. De quelles armes nous servirons-nous donc pour subjuguer la foi des Samaritains[6] ?

[6] Pour subjuguer la foi des Samaritains.
Pour ne pas multiplier les notes, nous renvoyons le lecteur au dictionnaire de la bible, par dom Calmet relativement aux Samaritains.

Ouvrons les livres qu’ils ont dans les mains ; j’y trouve d’abord que Dieu dit à Moïse : Je suis le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. (Exode 3.6 ; 15.16.) Il est sans doute le Dieu des vivants et non pas d’êtres imaginaires. Si ces trois Patriarches sont entièrement morts, Dieu ne peut pas être leur Dieu. Vit-on jamais un roi se dire roi d’un peuple qui n’existe pas ? Vit-on jamais un homme de bon sens se dire riche de ce qu’il ne possède pas ? Il faut donc que les Patriarches soient nécessairement existants, pour que Dieu puisse se dire leur Dieu. Car il n’a pas dit : J’étais, mais il a dit : Je suis. Abraham, discutant avec Dieu sur sa justice, lui dit : Vous qui jugez toute la terre, ne ferez-vous pas de distinction ? (Genèse 18.25.)

XII.

A cela l’opiniâtre Samaritain vous répliquera qu’il n’y a nulle difficulté à admettre l’existence des âmes d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ; mais qu’il y a loin de là à la possibilité de la résurrection des corps. Soit, il fut possible à Moïse de changer sa baguette en serpent (Exode 4.3) ; et Dieu ne pourra pas rendre la vie au corps des justes ? Ce qui est directement contre les lois de la nature aura été possible, aura été exécuté par un simple mortel ; et une restauration qui est en harmonie parfaite avec la nature elle-même, ne pourra pas s’opérer et sera au-dessus de la puissance du Créateur ?

La verge d’Aaron coupée, desséchée, fleurit sans le secours de l’eau (Nombres 17.8) ; c’est dans l’obscurité d’une chambre close que fleurit un bois qui, pour germer selon les lois de la nature, appelle le secours de l’air, du soleil et de l’eau. C’est dans l’espace d’une nuit, dans un lieu sec et aride, qu’un bois mort pousse, fleurit, produit des fruits, tandis que, plein de sève et de vie, soutenu par des irrigations, il lui faut plusieurs années pour les donner. La verge d’Aaron ressuscitera donc[7] ; et Aaron ne ressuscitera pas ? Dieu aura opéré ce prodige pour maintenir son serviteur dans sa souveraine sacrificature ; et il ne pourra pas le gratifier lui-même, personnellement, d’une pareille faveur ? Une femme contre toutes les lois de la nature devient une masse de sel (Genèse 19.26) sa chair se métamorphose en sel ; et le sel ne pourra pas redevenir chair ? Et si la femme de Loth, changée en statue de sel, peut rentrer dans son état primitif, pourquoi l’épouse d’Abraham ne pourra-t-elle pas jouir de la même faveur ?

[7] La verge d’Aaron ressuscitera donc.
Ce raisonnement se retrouve mot pour mot dans S. Nil. (Lib. I Epist. 133. Lib. I, Epist. 33.)

Quelle est la puissance qui, dans une heure, rendit la main de Moïse blanche comme neige (Exode 4.6-7) et le lendemain la rétablit dans son état naturel ? C’était, direz-vous, la puissance divine. Fort bien. Est-ce que cette puissance s’est affaiblie ? Est-ce qu’elle a perdu de son efficacité ? Est-ce que son bras s’est raccourci ?

XIII.

D’où vient l’homme ? D’où est-il sorti dans le principe ? Répondez-moi, stupides Samaritains. Ouvrez les premières pages de vos livres : Dieu, y est-il dit, prit la poussière de la terre pour en former l’homme. (Genèse 2.7. Edit. des Sept.) Voilà la poussière changée en chair ; et sa chair ne redeviendra pas chair ? Faut-il encore vous demander d’où sont sortis le firmament, la terre, les mers, le soleil, la lune et les astres, comment l’eau a pu produire tous ces animaux qui vivent dans les airs et dans les eaux (Genèse 1.20) comment la terre a engendré tous les quadrupèdes et les reptiles ? Tant de milliers d’objets sont sortis du néant à la voix du Créateur ; et nous qui sommes formés à son image, nous ne ressusciterons pas ?

En vérité, l’incrédulité est donc partout enracinée ; que de chefs d’accusation et de condamnation accumulent sur leurs têtes ces hommes qui s’obstinent à fermer les yeux à la lumière ! Abraham a beau dire au Seigneur : Vous qui jugez toute la terre (Genèse 18.25) ceux-là qui apprennent la loi dès leur enfance, n’en restent pas moins aveugles. Ils lisent tous les jours que l’homme fut créé de la poussière (Genèse 2.7 ; 3.19) ; mais ils n’ajoutent pas foi à ce qu’ils lisent.

XIV.

Telles sont les armes dont nous nous servons pour combattre ceux qui font partie des infidèles. Il en est encore d’autres que les Prophètes nous fournissent, à nous qui croyons. Mais comme parmi ceux qui les admettent avec nous, il en est quelques-uns qui nous objectent ces paroles de David : C’est pourquoi les impies ne ressusciteront pas au jugement (Psaumes 1.5) Les morts ne vous loueront pas, Seigneur. (Psaumes 113.17.) et celles de Job : Car si l’homme ne descend pas dans la fosse (Psaumes 7.9) il n’en remontera pas (car tels sont les textes dont ils abusent, pour en pervertir le sens) il est bon d’examiner en passant leurs raisonnements, autant que le temps nous le permet. Si nous lisons que les impies ne ressusciteront pas au jugement, nous entendons qu’ils ne ressusciteront pas pour plaider leur cause comme dans un tribunal, mais pour entendre leur arrêt. Car Dieu n’a pas besoin d’enquête pour asseoir son jugement. Mais leur supplice suivra immédiatement leur résurrection[8].

[8] Mais leur supplice suivra immédiatement leur résurrection.
Voici comme S. Augustin explique ce texte : « Les impies ne ressusciteront pas au jugement pour être jugés, non ut judicentur, parce qu’ils sont déjà destinés à des châtiments certains. Les pécheurs ne ressusciteront pas pour assister sur les bancs des juges, in conciliojustorum ut judicent, mais peut-être pour être jugés, sed fortè ut judicentur. Car quoique tout impie soit pécheur, tout pécheur cependant n’est pas impie. » (Vid. Enarr. in Psalm. Psal. I, vers. 5.) (Note du Traducteur.)

Quant à ces mots : Les morts ne vous loueront pas, nous entendons que ceux qui auront mis à profit le temps qui leur a été donné pendant cette vie, pour faire pénitence et provision de bonnes œuvres, vous loueront, mais que ceux qui seront morts dans leurs péchés ne jouiront jamais du bonheur de louer Dieu (Eccli. XVII, 26) et ne pourront que déplorer leur malheur[9]. La louange des bienheureux consiste dans leurs actions de grâces. Les larmes sont le partage éternel de ceux qui sont condamnés. Les justes seront donc admis à chanter les louanges de Dieu. Mais quant aux méchants le temps du repentir et de la confession sera passé pour jamais.

[9] Et ne pourront que déplorer leur malheur.
Le Calviniste Rivet argumente de ces paroles de S. Cyrille pour combattre le dogme du purgatoire. Mais le Patriarche ne parle ici que des péchés graves ou mortels ; puisque nous le verrons, Catéch. XXIII, n. 10, assigner un certain lieu d’exil en expiation des péchés dits véniels.

XV.

Quant au texte de Job, il s’explique par ce qui suit : Si l’homme descend dans la fosse, il n’en remontera, suit : et ne rentrera pas dans sa maison (Ibid. VII, 10) ; et alors vous en aurez le véritable sens. En effet, comment rentrerait-il dans sa maison, puisque tout l’univers doit passer, puisque toute maison doit être détruite, puisqu’une nouvelle terre doit succéder à celle-ci ? (2 Pierre 3.13.) Au reste, il suffit d’opposer à nos contradicteurs ces autres paroles du Prince Iduméen : Il est pour l’arbre encore des espérances : s’il vient à être coupé, il repoussera et refleurira encore ; il · ne manquera pas de rejetons. Si la racine vieillit dans la terre, si dans le roc son tronc vient à se dessécher, l’eau le ravivera, et, comme une jeune plante, il produira encore des fruits abondants. Mais l’homme, au bout de sa carrière, a disparu ; il n’y a donc plus d’espoir pour l’homme que la mort a moissonné. Et c’est avec une espèce d’indignation que le saint Homme s’écrie : Il ne sera donc plus l’homme qui est tombé[10] ? (XIV, 7, 8, 9, 10.) (Car c’est avec un point d’interrogation qu’il faut lire ce dernier verset.)

[10] Il ne sera donc plus l’homme qui est tombé.
L’interrogation finale que place ici S. Cyrille, et après lui Ruffin, ne se trouve dans aucune édition des Septante. Car j’ai sous les yeux la bible de Morin, avec les notes de Nobilius, qui n’en fait aucune mention. L’hébreu, ainsi que la Vulgate, présentent, il est vrai, une interrogation : Ubi, quæso, est ? Mais elle n’a pas tout à fait le sens que lui donne S. Cyrille Où est-il donc ? Elle semble n’admettre aucun doute sur le non-retour à la vie ; tandis que l’interrogation placée par S. Cyrille manifeste un doute d’anxiété. (Note du Trad.)

Quoi ! le bois est abattu ; mais il renaît, il reprend une nouvelle vie ; et l’homme, pour qui ce bois a été créé, ne ressuscitera pas ? Mais pour que vous ne supposiez pas que je fais ici violence au texte, lisez ce qui suit cette interrogation : Car si l’homme vient à mourir, il vivra. (Vers. 14.) Puis il ajoute aussitôt J’attends le moment où je reprendrai une nouvelle vie. Plus loin il dit encore : Je sais qu’il est éternel celui qui ressuscitera sur la terre ma peau qui supporte tous ces travaux. (XIX, 25,26. Sept.)

A ce témoignage ajoutez celui du prophète Isaïe : Les morts ressusciteront et sortiront de leurs tombeaux (Esaïe 26.19. Sept.) ; celui d’Ezéchiel dont nous faisons aujourd’hui lecture : Voilà que j’ouvrirai vos tombeaux, et que je vous tirerai de vos sépulcres (Ezéchiel 37.12) ; et cet autre du Prophète Daniel : Et plusieurs de ceux qui reposent sous des monceaux de terre, se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour une éternité d’opprobres. (Daniel 12.2. Sept.)

XVI.

On rencontre dans les Livres saints beaucoup d’autres témoignages sur le même sujet. Mais nous n’avons que le temps de les passer rapidement en revue, et de vous en rafraîchir la mémoire. Je vous rappellerai à la hâte la résurrection de Lazare, après quatre jours de sépulture (Jean 11.39, 44) celle du fils de la veuve de Naïm (Luc 7.11, 15) celle de la fille du chef de la Synagogue (Matthieu 9.25) les rochers brisés, les tombeaux ouverts, rendant à la lumière et à la vie les corps confiés à leur garde (Ibid. XXVII, 51, 52, 53) mais surtout la résurrection du Christ.

Je ne vous ai pas parlé d’Elie et du fils de la veuve de Sarephta qu’il ressuscita, ni d’Elisée qui deux fois rendit la vie aux morts : une fois pendant sa vie, une fois après sa mort. Cette dernière fois servit à prouver qu’on ne devait pas seulement honorer les corps des Saints, mais qu’on devait croire que Dieu avait attaché une vertu efficace à leurs corps même. En effet, un cadavre jeté sans intention dans le tombeau d’Elisée, recouvra aussitôt la vie en touchant le corps du Prophète. Ce fut un corps dépourvu de vie qui rendit la vie à un autre, sans se la rendre à lui-même. Et pourquoi ? C’est que si le Prophète se fût lui-même ressuscité, on eût imputé ce prodige à l’action seule de son âme, et pour prouver qu’en l’absence de l’âme, il réside dans les corps des Saints une puissance surnaturelle, en raison de la sainteté de l’âme dont ils ont été le tabernacle et les ministres. Ne portons pas la stupidité jusqu’à ranger ces faits au nombre des fables. Car si nous voyons les malades recouvrer la santé par le simple attouchement des suaires ou des bandelettes qui enveloppent les corps des Saints, de quelle autre efficacité le corps même du Prophète ne dut-il pas être doué[11] ?

[11] De quelle autre efficacité le corps même du Prophète ne dut-il pas être doué ?
Le ministre Rivet, dans son traité : Criticus sacer, attribue tout ce paragraphe xvi à quelques imposteurs qui l’ont interpolé. Et pourquoi ? Parce que, dit-il, dans la Catéchèse précédente, XVII, n. 30,31, Cyrille a attribué à la vertu du St-Esprit les miracles opérés par Paul, et notamment ceux produits par l’attouchement des linges servant à sa personne, tandis qu’il en attribue ici la cause à une vertu propre aux corps des Saints. Mais il n’y a pas de contradiction. Dans la vertu surnaturelle dont jouissent les reliques des Saints, Cyrille a vu deux causes une éloignée qui est une vertu communiquée par le St-Esprit ; une prochaine, c’est cette même vertu considérée immédiatement dans les reliques des Saints. Tous les Pères reconnaissent une puissante vertu dans les dépouilles mortelles des Saints, tels qu’Astérius d’Amasée dans son homél. sur S. Phocas. Ils attribuent en général cette vertu aux Saints eux-mêmes, sur les démons ou génies qui gardent leurs tombeaux. D’autres, il est vrai, l’attribuent au St-Esprit qui communique sa puissance à leurs reliques. (Vide Chrysost. Homil. XLII, In sanctum Ignatium in fine) ; S. Ephrem (Orat. in omnes martyres. 741) ; S. Jean Damascène (Orat. 1, de Imaginibus, n. 19) ; S. Paulin (Epist. XXXII, 8.) etc.
Aucune de ces opinions ne se combat. Car dans les unes on voit une cause prochaine, dans les autres une cause éloignée, puisque les Saints et les Anges ne tiennent leur puissance que du St-Esprit.

XVII.

Il me resterait encore beaucoup de choses à vous dire, avant d’avoir épuisé ce sujet ; si je voulais surtout accumuler ici tous les faits de même nature, aussi étonnants, aussi merveilleux. Mais, fatigués comme vous l’êtes, soit par les veilles que nous venons de passer, soit par le surcroît de jeûne auquel cette semaine nous assujettit[12], je ne ferai que vous les indiquer rapidement. Cette semence légère, jetée sur une terre bien préparée, ne laissera pas de produire des fruits abondants. Repassez seulement dans votre mémoire ceux-là que les Apôtres rendirent à la vie : Pierre à Joppé arracha Tabithe au sommeil de la mort ; Paul ressuscita Eutyque à Troade. Et quoique les Livres saints n’aient pas consigné tous les prodiges opérés par chacun d’eux en particulier, il est à croire que leur apostolat ne fut pas moins fécond en œuvres de toute-puissance.

[12] Par le surcroît de jeûne auquel cette semaine nous assujettit.
Personne n’ignore que dans la primitive Eglise les fidèles passaient, dans la semaine sainte, un jour ou deux sans prendre de nourriture quelconque. Quelques-uns poussaient l’austérité jusqu’à passer la semaine sainte entière dans un jeûne absolu, selon le témoignage de S. Irénée. (Apud Eusèb. lib. V, Hist. n. 24.) Les Constitutions apostoliques (lib. V, cap. XVIII) le recommandaient spécialement le vendredi et le samedi saint. Cet usage, confirmé par S. Cyrille, est surtout signalé dans le typique de Jérusalem de S. Sabas, dans S. Jean Damascène. (Homil. in Parasc. t. 11.) Mais la piété des fidèles outre-passait souvent le précepte.
Quant aux vigiles ou veilles, on les observait dans l’Orient toute l’année, la nuit du vendredi au samedi, au dire de Cassien. (lib. V, de Institut. cap. 9.) Grégoire de Tours (lih. I, de Mirac. cap. 5) nous apprend que dans l’Eglise de Poitiers le peuple observait la veille du vendredi saint au samedi, et se rendait au monastère de Ste Radegonde, peut-être à cause du bois de la vraie croix, qui y était déposé.

Mais, au reste, ne perdez pas de vue ce que dit l’Apôtre dans sa 1re Epître aux Corinthiens à ceux qui demandaient comment les morts ressusciteraient et dans quel corps ils reparaîtraient (XV, 12) : Si les morts, leur répondit-il, ne ressuscitent pas, Jésus-Christ lui-même n’est pas ressuscité. (Ibid. 16.) Et il traite d’insensés ceux qui rejetaient ce dogme. Relisez avec attention tout le développement qu’il donne dans cette même lettre à ce point important de doctrine, et ce qu’il dit aux Thessaloniciens : Nous ne voulons pas que vous ignoriez rien de ce qui concerne ceux qui se sont endormis, afin que vous ne vous contristiez pas comme ceux qui sont dépourvus d’espérance. (1 Thess. IV, 12.) Lisez attentivement ce chapitre, et notez bien ces paroles : Ceux qui seront morts en Jésus-Christ ressusciteront d’abord. (Ibid. 15.)

XVIII.

Faites attention à ces mots que l’Apôtre semble nous indiquer du doigt. Car il faut que ce corps corruptible soit revêtu de l’incorruptibilité, et que ce corps mortel se revête de l’immortalité. (1 Corinthiens 15.53.) Oui, ce corps même ressuscitera, non pas sujet à mille infirmités, tel qu’il est aujourd’hui, et ce sera néanmoins le même ; revêtu d’incorruptibilité, il sera transformé, comme un morceau de fer plongé dans le feu devient feu lui-même, ou plutôt il sera ce que sait Dieu seul qui doit le ressusciter[13]. (Ibid. 44.)

[13] Il sera ce que sait Dieu seul qui doit le ressusciter.
Il en sera de nos corps, dit Théodoret, de Providentia, lors de la résurrection, comme d’une statue de bronze dont l’ouvrier est mécontent. Il la brise, la jette de nouveau au creuset, et d’une statue informe il en fait un chef-d’œuvre ; la matière est la même, mais d’autres caractères lui sont imprimés. (Note du Traducteur.)

Ce corps ressuscitera donc, non pas tel qu’il était ; et ce qu’il sera, il le sera éternellement. Les aliments, aujourd’hui nécessaires à ses besoins, lui seront alors inutiles ; pour monter ou descendre, les échelles, les escaliers, ne lui seront d’aucun secours. Car il sera spirituel, dit l’Apôtre (Ibid. 44) ; il sera quelque chose d’admirable, et nous ne pouvons parler de son état glorieux dans des termes convenables. Alors les justes brilleront, comme le soleil, dans le royaume de leur Père. (Matthieu 13.43.) Ils brilleront du même éclat que le soleil et la lune, des feux du firmament et comme les étoiles d’une éternelle splendeur. (Daniel 12.3.) Dieu, prévoyant la malice et l’infidélité de l’homme, imprima sur de vils vermisseaux les signes précurseurs de la gloire dont devaient être investis les corps des justes ; il leur permit de jeter, pendant les nuits d’été, de vifs éclats de lumière, pour que, instruits par cet exemple, nous ne puissions douter de la réalité de ses promesses. Car ce qu’il a pu accorder à une partie, il peut l’accorder au tout ; s’il a pu répandre sur des insectes tant de lumière, de quel éclat ne revêtira-t-il pas le Juste, l’objet de sa prédilection ?

XIX.

Je le répète, nous ressusciterons, nous reprendrons nos corps qui seront immortels, mais qui ne se ressembleront pas tous. Le juste prendra un corps céleste qui le rendra digne de la société des Anges ; le pécheur au contraire prendra aussi un corps immortel, mais qui sera soumis à l’action éternelle d’un feu inextinguible ; et la justice de Dieu se manifestera dans les uns comme dans les autres. Car c’est dans et avec notre corps que nous avons honoré ou outragé la Divinité. C’est notre bouche qui aura blasphémé ou loué Dieu ; c’est avec notre corps que nous outrageons ou que nous respectons les lois de la pureté. C’est de nos mains que nous enlevons le bien d’autrui, ou que nous soulageons sa misère. Ainsi notre corps sera puni, ou récompensé suivant l’usage auquel il se sera prêté.

XX.

Apprenons, mes Frères, à respecter notre corps et à n’en pas user comme d’un bien éphémère. Ah ! ne disons pas avec certains hérétiques qu’il n’est qu’une vaine enveloppe. Epargnons-le, respectons-le comme une propriété réelle ; car nous aurons un jour à rendre compte du bon usage ou de l’abus que nous en aurons fait. Ne dites pas : Personne ne me voit ; ne croyez pas que dans vos actions vous soyez sans témoins. Sans doute, l’œil de l’homme ne peut pas toujours vous atteindre. Mais celui qui vous a pétri de ses mains, est un témoin irréfragable (Psaumes 88.38) c’est un témoin fidèle qui habite dans les cieux, et qui voit toutes nos actions. Nos corps restent empreints des taches du péché. De même qu’en dépit des secours de la médecine, nous portons sur nous-mêmes les cicatrices d’une profonde blessure, notre âme et notre corps portent tous deux les cicatrices du péché. Ce n’est que dans les eaux du baptême[14] qu’elles peuvent s’effacer et disparaître entièrement. C’est donc dans le baptême que Dieu rend au corps et à l’âme leur intégrité. Mais il nous reste ensuite à nous prémunir tous contre de nouvelles fautes, à conserver dans toute sa pureté la robe baptismale, à nous garantir des plus légères atteintes à la vertu de chasteté, ainsi qu’à toute autre, à ne plus compromettre notre salut éternel, pour que nous puissions entrer en possession de l’héritage qui nous est promis, et dont je souhaite que Dieu vous rende tous dignes dans sa miséricorde infinie.

[14] Ce n’est que dans les eaux du baptême.
Le sacrement de pénitence ne paraît pas à S. Cyrille effacer les taches ou cicatrices du péché. Il n’accorde cette efficacité qu’au sacrement de baptême. Athanase établit aussi cette différence entre le baptême et la pénitence. (Epist. IV, ad Serap. n. 13.) S. Grégoire de Nazianze dit que dans le sacrement de pénitence les taches du péché se couvrent, sans s’effacer entièrement, et qu’il souhaiterait le contraire plus qu’il ne l’espérerait. (Orat. XL, n. 8.) (Vid. Nicétas, sur le même discours.

XXI.

Nous vous en avons assez dit pour prouver et démontrer la résurrection des morts. Il vous reste à réciter à haute voix et attentivement le Symbole que nous allons répéter, pour l’inculquer dans votre mémoire.

(Cyrille le récite, et les catéchumènes le répètent à haute voix.)

XXII.

Nous voici arrivés aux derniers articles : Je crois en un baptême de pénitence, en la rémission des péchés, et en une sainte Eglise catholique, en la résurrection de la chair, et en la vie éternelle.

Dans les instructions précédentes nous vous avons suffisamment développé tout ce qui concerne le baptême et la pénitence ; nous venons dans l’instant même de vous entretenir du dogme de la résurrection. Il nous reste encore à vous exposer ce que nous entendons par ces mots : EN UNE SAINTE EGLISE CATHOLIQUE. C’est ce que nous allons faire en peu de mots, quoique le sujet soit très-abondant.

XXIII.

L’Eglise s’appelle catholique (universelle) parce qu’elle est répandue sur tout le globe, de l’orient à l’occident, du nord au midi ; parce que sa doctrine contient universellement tous les dogmes sans exception, que doivent nécessairement connaître tous les hommes, parce que ses dogmes embrassent tous les objets visibles ou invisibles, et soumet à son culte tout le genre humain, les rois, les princes, les particuliers, les ignorants et les savants ; enfin parce qu’elle porte avec elle des moyens universaux de conservation et de guérison contre toutes espèces de péchés dont le corps et l’âme peuvent être atteints. Cette même Eglise possède tous les genres de vertu, sous quelque dénomination que ce soit, en actions, en paroles, et en dons spirituels, de quelqu’espèce que vous puissiez les désirer.

XXIV.

Le mot Eglise ou convocation est très-juste dans son acception[15], puisqu’elle appelle, convoque, réunit tous les hommes, comme il est dit au Lévitique : Convoquez toute congrégation devant la porte du tabernacle du témoignage. (Lévitique 8.3.) Il est bon d’observer ici que c’est au moment où Dieu constitua Aaron dans le suprême sacerdoce qu’il employa ce mot, έχχλησιάσου. (Deutéronome 4.10.) Le Seigneur dit encore à Moïse : Εχχλησιάσου : Convoquez le peuple, pour qu’il entende mes paroles et qu’il apprenne à me craindre. Le Saint-Esprit fait encore mention du mot d’Eglise, lorsque parlant des douze Tables, Moïse dit : Elles contenaient toutes les paroles que je vous ai dites du haut de la montagne, au milieu du feu, au jour de l’EGLISE ou de la convocation. C’est comme s’il eût dit : Au jour où le Seigneur vous convoqua. Le Psalmiste se sert encore du même mot : Je vous confesserai, Seigneur, dans une grande EGLISE[16], je vous louerai au milieu d’un peuple nombreux. (Psaumes 34.18.)

[15] Le mot EGLISE est très juste dans son acception.
Il est inutile d’observer que ce n’est point dans la Vulgate qu’on peut chercher et trouver les rapprochements que fait ici S. Cyrille. C’est dans la langue grecque et la version des Septante qu’on peut en remarquer l’exactitude, et voir que le mot Eglise est antérieur à celui de synagogue et que les Juifs, quoique ce mot leur fût prophétiquement indiqué, n’osèrent jamais l’usurper, parce que la synagogue devait un jour faire partie de l’Eglise, et que les Apôtres devaient sortir des sources d’Israël. (Psaumes 67.27.)

[16] Je vous confesserai, Seigneur, dans une grande Eglise.
Aucun de nos traducteurs français n’ont aperçu dans le Psalmiste, ou du moins n’ont signalé le sens prophétique, attaché au mot Ecclesia c’est pourquoi ils se sont contentés de le traduire par le mot, assemblée. Mais S. Augustin l’y a fort bien aperçu, car il dit : Id est in Ecclesia quæ toto orbe terrarum diffusa est, c’est-à-dire, dans cette Eglise qui est répandue sur toute la terre. (Enarr. in Ps. XXXIV, Serm. II, n. 10.) (Note du Traducteur.)

XXV.

Le même Prophète avait déjà dit : Bénissez le Seigneur votre Dieu dans l’EGLISE qui sort des sources d’Israël[17]. (Psaumes 67.27.) Les Juifs en ont été exclus, à cause des embûches qu’ils ont dressées au Sauveur. Celui-ci fonda la seconde EGLISE composée de Gentils ; il en jeta la première pierre, et sur cette pierre, a-t-il dit à Simon, je bâtirai mon Eglise, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. (Matthieu 16.18.) C’était la Synagogue et l’Eglise que le Prophète avait évidemment en vue, lorsqu’il disait : Je hais l’Eglise des méchants. (Psaumes 25.5.) Ces paroles s’adressaient à la Synagogue qui se rendit à ses yeux un objet de mépris et de dégoût. C’est de la dernière élevée sur les ruines de la première qu’il est dit dans le même Psaume : Seigneur, j’ai aimé la beauté de votre maison (Ibid. 8) ; et ensuite, Dans vos Eglises je vous bénirai, Seigneur. (Ibid. 12.)

[17] Dans l’Eglise qui sort des sources d’Israël.
Voici comme le Père Berthier a traduit ce verset : Célébrez dans vos assemblées le Seigneur Dieu, o vous tous qui descendez d’Israël. A l’exception de S. Augustin (Vid. Enarr. in Ps. LXVII, 35) et de Cas siodore (Exposit. in eumdem Psal.) je ne trouve aucun de nos commentateurs, qui ait aperçu ce sens prophétique, qui cependant me paraît frappant. (Note du Trad.)

La première qui avait son siège dans la Judée, a été répudiée ; la seconde qui appartient à Jésus-Christ, a jeté au loin, comme une vigne fertile, d’abondants provins, qui se sont répandus sur toute la surface du globe ; et c’est de cette Eglise ainsi provignée que le Prophète s’est écrié : Chantez au Seigneur un cantique nouveau ; faites retentir ses louanges dans l’Eglise des Saints, (Psaumes 149.1.)

Sous la direction du même Esprit nous entendons un autre Prophète dire aux enfants d’Israël : Non, il n’est plus en moi d’affection pour vous, a dit le Dieu tout-puissant ; puis ajouter aussitôt : C’est pourquoi de l’orient à l’occident mon nom a été glorifié parmi les nations. (Malachie 1.10-11.)

C’est encore de cette sainte Eglise catholique que parle l’Apôtre à Timothée : Afin que vous sachiez comme vous devez vous conduire dans la maison de Dieu qui est l’Eglise du Dieu vivant, la colonne et la base de la vérité. (1 Timothée 3.15.)

XXVI.

Cependant, comme le mot Eglise s’emploie souvent pour désigner des réunions dont le but est bien différent du nôtre, comme nous lisons aux Actes des Apôtres, en parlant du théâtre des Ephésiens : Lorsqu’il eut cessé de parler, il congédia l’église[18] ou l’assemblée ; on pourrait aussi dire avec une égale justesse : L’église des méchants, en parlant des réunions des hérétiques, telles que celles des Marcionites et des Manichéens. C’est donc pour vous faire tenir en garde contre ces réunions perverses que le Symbole vous a dit : En une sainte Eglise catholique ; c’est pour vous apprendre à fuir avec horreur ces cloaques d’hérésie, et à vous tenir inébranlablement attachés à la sainte Eglise catholique dans laquelle vous avez été régénérés ; c’est pour que, si vos affaires vous appellent dans des pays lointains, vous ne vous informiez pas seulement où se célèbre la dominicale[19] (car ces repaires d’impiété et d’hérésie veulent aussi se décorer de ce nom) mais pour que vous ne vous arrêtiez pas à ce simple titre d’Eglise, et que vous cherchiez l’Eglise catholique[20]. C’est le nom propre de notre mère commune, épouse de Notre-Seigneur Jésus-Christ Fils unique de Dieu. Car il est écrit : Aimez vos épouses, comme Jésus-Christ a aimé son Eglise ; car il s’est livré pour elle à la mort. (Ephésiens 5.25.) Cette Eglise est ici-bas la figure de la Jérusalem céleste qui est libre et qui est notre mère. (Galates 4.26.) Elle fut d’abord longtemps stérile ; maintenant elle se voit la mère d’une nombreuse progéniture.

[18] Lorsqu’il eut cessé de parler, il congédia l’Eglise.
On donnait à Athènes le nom d’Eglise à la réunion des citoyens qui délibéraient sur les intérêts de la république. On appelait Diaclèse les réunions de théâtre.

[19] Vous ne vous informiez pas seulement où se célèbre la Dominicale.
Dominicum, Tò xuptάxov, signifie l’office de la Messe dans les anciens livres de lithurgie. Ce jour est appelé le jour du Seigneur, parce qu’il rappelle le souvenir de sa Résurrection. Théophile, PC. d’Alexandrie, disait : Et mos et honestas à nobis exigit, ut omnem diem dominicum honoremus, eumque celebremus, quoniam Christus Dominus noster præclarum in ea suæ resurrectionis munus obiit. (Sedulius, lib. V, Paschal. operis, cap. 20.)
Christiani sumus, et sine Dominico esse non possumus. Dominicum cum fratribus celebravi. (In Actis sancti Saturnini.)

[20] Cherchiez l’Eglise catholique.
« Parmi les différentes raisons qui m’attachent à l’Eglise, disait S. Augustin, je le suis par le seul nom de catholique, qui est si particulier à cette Eglise, qu’un voyageur demandant à un hérétique où s’assemblaient les Catholiques, celui-ci n’osa jamais lui indiquer le bâtiment où ceux de sa secte s’assemblaient. (Aug. Cont. Epist. Fundam. t. VIII, cap. 9.) Il faut s’attacher à l’Eglise, dit le même Docteur, qui est catholique et qui est nommée catholique non-seulement par les siens, mais par ses ennemis mêmes. » (Id. de Verd relig. tom. I, cap. 7.)
Aujourd’hui quelques protestants ne font pas difficulté de se dire catholiques, c’est-à-dire membres de l’Eglise universelle composée de tous ceux qui croient en Jésus-Christ ; mais c’est grossièrement abuser des termes. Comment peut-on appeler Eglise l’amas de plusieurs sectes qui n’ont entr’elles aucune union, qui se regardent les unes les autres comme hérétiques, qui se traitent même d’idolâtres, qui se disent mutuellement anathème ? Pour être catholique, il faut prendre pour règle de foi, le consentement unanime de toutes les sociétés chrétiennes qui reconnaissent un seul chef. (Note du Trad.)

XXVII.

La première ayant été répudiée, c’est dans La seconde, c’est-à-dire l’Eglise catholique, que Dieu a placé d’abord des Apôtres, puis des Prophètes, puis des Docteurs, ensuite ceux qui ont la vertu de faire des miracles, ceux qui ont le don de guérisons, celui d’assister leurs frères, celui de les gouverner, et celui de parler diverses langues. (1 Corinthiens 12.28.) Dieu l’a ornée enfin de tous les genres de vertus, je veux dire, de la sagesse, de l’intelligence, de la tempérance, de la justice, de la miséricorde, de la charité pour le prochain, d’une patience invincible au milieu des persécutions. C’est cette Eglise qui dans l’honneur et l’ignominie a triomphé par les armes de la justice de ses ennemis à droite et à gauche (2 Corinthiens 6.7) qui d’abord au milieu des persécutions et des tribulations a tressé des couronnes immortelles variées de mille fleurs en faveur des saints martyrs. C’est elle qui dans ces moments de paix reçoit par la grâce de Dieu les hommages des Têtes couronnées, des hommes élevés en dignité, enfin de toutes les classes de la société.

Tous les empires, tous les royaumes, toutes les nations, reconnaissent des limites et des bornes ; il n’est donné qu’à la seule Eglise catholique de jouir d’une puissance illimitée sur toute la surface de la terre. Dieu a établi la paix jusqu’aux confins de ses états. (Psaumes 147.3.)

Je suis forcé de m’arrêter ; car si je voulais épuiser ce sujet, ce serait la matière de plusieurs heures.

XXVIII.

C’est au sein de la sainte Eglise catholique qu’à l’aide de ses commandements nous pouvons nous orner de toutes sortes de vertus, parvenir au royaume des cieux, entrer en possession de l’héritage promis aux enfants de Dieu, et acquérir la vie éternelle.

C’est pour obtenir cette vie éternelle que nous nous résignons à tout souffrir, que nous dirigeons notre ambition, et non pas vers les objets d’un médiocre intérêt. Il s’agit pour nous de conquérir une vie éternelle. Tel est notre but ; tel est notre seul et unique espoir, au-delà duquel il ne nous restera plus rien à désirer. C’est pourquoi, le Symbole nous apprend qu’après la résurrection de la chair ou des morts, nous devons croire à la vie éternelle. Voilà le prix que Dieu propose à notre valeur, à nos efforts et à nos combats.

XXIX.

C’est Dieu le Père qui dans la réalité[21], comme une source intarissable, verse sur nous les dons célestes par son Fils dans le Saint-Esprit. Et c’est de son infinie bonté que nous tenons les promesses infaillibles qui nous sont faites des biens éternels. Loin de douter de la possibilité d’une pareille faveur, nous devons au contraire y croire, sans égard à notre indignité, mais dans la seule considération de la puissance et de la bonté de celui qui a promis. Car tout est possible à Dieu (Matthieu 19.26) ; et puisque cela est possible, attendons-le, espérons-le de sa bonté. Car le Prophète a dit : De beaucoup de justes il en sera formé comme des étoiles dans les siècles et au-delà. (Daniel 12.3.) Et l’Apôtre a dit C’est ainsi que nous serons toujours avec le Seigneur. (1 Thessaloniciens 4.16.) Or, c’est dans ces mots, être toujours avec Dieu, que consiste la vie éternelle. C’est au reste en termes clairs et très-précis que le Sauveur s’est exprimé : Et alors ceux-ci iront au supplice éternel, et les justes entreront dans la vie éternelle. (Matthieu 25.46.)

[21] C’est Dieu le Père qui dans la réalité, etc.
S. Grégoire de Nysse s’exprime à peu près dans les mêmes termes sur le même sujet. « Si nous recherchons la source d’un si grand bienfait (la vie éternelle) nous trouverons, à l’aide des Livres saints, qu’elle découle du Père, du Fils et du St-Esprit. C’est le Père qui en est l’auteur, c’est le Fils qui la prépare, c’est le St-Esprit qui la distribue. » (Greg. Nyssen. Orat. ad Ablu. Quòd non sunt tres dii.)

XXX.

Mais il est beaucoup d’épreuves auxquelles le chrétien peut être soumis, pour arriver à ce but si désirable, et doit s’attendre. C’est dans les Livres saints que nous tous verrons les différents modes d’y parvenir.

La longueur de cette instruction ne nous permet pas de vous les tous indiquer, mais seulement quelques-uns. Ceux qui sont avides d’instructions, découvriront aisément les autres.

Vous trouverez d’abord que la porte du salut éternel est la foi. Car il est écrit : Qui croit au Fils a la vie éternelle, etc. (Jean 3.36.) En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et qui croit en celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle. (Ibid. V, 24.)

Parmi les autres nombreux moyens de salut que nous présente l’Ecriture, vous trouverez :

1° la prédication de l’Evangile : Celui qui moissonne est récompensé et recueille des fruits pour la vie éternelle. (Joh. IV, 36.)

2° Le martyre et la confession du nom de Jésus-Christ. Celui qui aime sa vie la perdra ; mais celui qui hait sa vie en ce monde, la conservera pour la vie éternelle. (Ibid. XII, 25.)

3° La préférence donnée à Jésus-Christ sur les biens de la fortune, sur les liens du sang : Quiconque aura quitté pour mon nom frères, sœurs, père, mère, femme ou enfants, ou ses terres, recevra le centuple et aura pour héritage la vie éternelle. (Matthieu 19.29.)

4° L’observation de ses commandements. Vous ne commettrez point d’adultère, vous ne tuerez point, etc. (Ibid. 18) c’est la réponse que fit le Sauveur à un homme qui lui adressa cette question : Bon maître, que ferai-je pour avoir la vie éternelle ? (Ibid.)

5° La fuite du péché et l’attachement au service de Dieu, comme le dit l’Apôtre : Etant à présent affranchis du péché, esclaves de Dieu, vous en avez le fruit dans votre sanctification et le résultat dans la vie éternelle. (Romains 6.22.)

XXXI.

Je vous le répète. L’abondance des matières me force à passer sous silence mille autres voies de salut, qui conduisent à la vie éternelle, et que nous indiquent les Livres saints. Dieu, dans son infinie miséricorde pour l’humanité, lui a tracé, non pas une ou deux routes, mais un grand nombre pour la diriger dans le port d’une heureuse éternité, pour que tous les hommes puissent y arriver sans obstacle quelconque.

Voilà, d’après le plan que nous nous étions tracé, ce que nous avions à vous dire sur ce qui regarde la vie éternelle, qui est notre dernier article de foi. Puisse le ciel nous en mettre tous en possession, nous qui vous parlons et vous qui nous écoutez !

XXXII.

Au reste, mes très-chers Frères, le but de cette instruction a été de préparer vos âmes à la réception des dons célestes. Pendant le cours de cette quadragésime nous vous avons, avec le secours de Dieu, développé, autant que de simples catéchèses le permettaient, tout ce que nous devons croire et professer en conformité du Symbole apostolique. Nous n’avons pu vous tout dire. Nous avons été contraints de nous renfermer dans des bornes très-étroites. Peut-être de plus grands maîtres auraient donné à ces instructions plus de développement et plus de dignité.

L’instant approche, où vous allez être illuminés dans les eaux de la régénération. Il me reste encore à vous parler des dispositions prochaines que vous devez apporter, de la piété avec laquelle vous devez vous présenter, de l’ordre que vous observerez, lorsque vous serez appelés, des mystères que renferme chacune des cérémonies du baptême, du maintien respectueux et de l’ordre que vous devez garder au sortir des eaux régénératrices, en allant aux saints autels pour y être initiés aux mystères célestes dont vous serez participants. Je dois encore vous instruire de tout cela, pour que votre âme, éclairée par la doctrine, connaisse en détail la grandeur des dons dont vous allez être gratifiés[22].

[22] La grandeur des dons dont vous allez être gratifiés.
Dans les instructions qui précédaient le baptême, il n’était pas permis de parler aux catéchumènes des mystères. Comme on ne pouvait cependant pas les y admettre à l’improviste et sans les y avoir préparés, cette instruction était renvoyée jusqu’au dernier moment dans la nuit de Pâques, quelques instants avant leur accession au baptême. Elle était courte, parce que le temps ne permettait pas de plus longs développements qu’on renvoyait aux jours suivants.
On lit dans les Constitutions apostoliques (lib. VII, cap. 40) que le catéchumène admis au baptême devait apprendre brièvement la formule de renonciation et d’alliance avec Jésus-Christ.
Cyrille d’Alexandrie (sur le Lévitique) dit que l’Eucharistie renfermait l’annonce de la mort et de la résurrection du Sauveur, qu’on exigeait d’abord cette profession de foi de ceux qui avaient cru, qu’on les présentait ensuite au baptême, et qu’on les initiait par le sang du Nouveau Testament.
Suivant Gennadius, Anicet, pape ou simple prêtre de Rome, avait laissé six Catéchèses : la sixième était intitulée : de l’Agnean Paschal. Nous avons encore deux instructions de S. Gaudence de Bresce, destinées aux néophytes ; la seconde leur est adressée au sortir du baptême, sous ce titre : Ut edendi Paschalis sacrificii rudes neophyti discerent.
Cette dernière instruction de S. Cyrille, prononcée au moment du baptême, paraît beaucoup plus courte que celle de S. Gaudence et que toutes ses autres Catéchèses. (Voy. la Dissertation sur le secret, tom. I, pag. 29.)

XXXIII.

Après le saint jour de Pâques, à commencer dès la seconde férie, je vous adresserai, chaque jour de la semaine, si Dieu le permet, d’autres instructions dans la chapelle du Saint-Sépulcre au sortir de l’office[23].

[23] Dans la chapelle du St-Sépulcre au sortir de l’office.
La chapelle du St-Sépulcre ou Anastasie, était adhérente à la cathédrale, comme jadis l’église de Ste-Croix l’était à Lyon. Les instructions se faisaient au peuple dans cette chapelle considérablement agrandie par Constantin. Car S. Jérôme nous dit y avoir entendu prêcher S. Epiphane en présence du PC. Jean, du clergé et du peuple.

C’est alors que je vous instruirai plus amplement des causes et des motifs de toutes les cérémonies dont vous aurez été l’objet, et ce sera dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament que j’en puiserai le développement. Je traiterai d’abord de celles qui ont précédé votre baptême ; puis je vous expliquerai comment vous avez été purifiés de vos péchés par le Seigneur dans le baptême de l’eau (Ephésiens 5.26) comment à l’instar des Prêtres[24] vous avez participé au nom du Christ (pourquoi vous êtes appelés chrétiens) comment le sceau du Saint-Esprit vous a été communiqué. Je vous entretiendrai ensuite des mystères qui se passent sur l’autel du Nouveau Testament, mystères qui ont pris naissance ici à Jérusalem ; de ce que les divines Ecritures nous en ont appris ; de leurs actions, de leurs effets, du mode d’en approcher, du temps qu’il faut choisir et des dispositions qu’il faut y apporter.

[24] Comment à l’instar des prêtres, etc.
S. Cyrille fait ici allusion au saint chrême. (Vid. Catéch. XXI, 6.) Origène (Homil. IX, in Levitic.) dit : Omnes quicumque unguento sacri chrismatis delibuti sunt, sacerdotes effecti sunt. S. Léon en dit autant. (Serm. 1, in Anniversario assumptionis.) Mais après avoir reconnu ce sacerdoce commun à tous les chrétiens, il le distingue fort bien du ministère spécial attaché à l’ordre de la Prêtrise.

Enfin pour dernier entretien que j’aurai avec vous[25], j’entrerai dans le détail de la conduite que vous devez tenir à la suite de votre baptême, tant dans vos paroles que dans vos actions ; laquelle conduite doit toujours être digne de la grâce que vous avez reçue, pour mériter d’entrer un jour en possession de la vie éternelle.

[25] Enfin pour dernier entretien que j’aurai avec vous.
Ce sixième discours qui est ici promis, manque dans la collection des Catéchèses mystagogiques. C’est un malheur des temps. Il s’est tenu après la déposition des vêtements blancs.

XXXIV.

Au reste, mes Frères, réjouissez-vous dans le Seigneur (Philippiens 3.1) réjouissez-vous sans cesse, parce que l’heure de votre rachat s’approche (Luc 21.28) et déjà j’entends la voix qui crie dans de désert : Préparez la voie du Seigneur. (Esaïe 40.3 ; Matthieu 3.3.) J’entends le Prophète qui vous fait un appel : O vous tous qui avez soif, venez aux eaux……… Ecoutez-moi, mangez ce qui est bon, et votre âme sera dans les délices au milieu des biens. (Esaïe 55.1-2.) Levez-vous, nouvelle Jérusalem, vous allez être éclairée, car votre lumière est venue. (Esaïe 60.1.) C’est de cette Jérusalem que le Prophète dit ailleurs : Dans la suite, vous serez appelée la ville de justice, la cité fidèle (Ibid. I, 26) parce que la loi de Dieu sortira de Sion, et la parole du Seigneur, de Jérusalem. (Ibid. II, 3.) Parole qui, comme une pluie bienfaisante, a arrosé l’univers.

C’est à cette nouvelle Jérusalem que le même Prophète a dit en parlant de vous : Levez les yeux autour de vous, voyez vos enfants réunis. (Ibid. XLIX, 18.) Et c’est elle qui lui répond : Qui sont-ils ceux-là qui volent sur ma tête comme des nuées, ou comme des colombes qui retournent au colombier ? (Ibid. LX, 8.) Les nuées indiquent ici les Apôtres par leur agilité et leur élévation ; les colombes marquent leur simplicité, leur douceur. Qui a jamais entendu parler’ d’une telle merveille ? Qui a jamais rien vu de pareil ? Vit-on jamais la terre produire son fruit en un seul jour ? Vit-on jamais tout un peuple engendré du même jour ? Cependant Sion a été en travail, elle a enfanté ses enfants en même temps. (Ibid. LXVI, 8.) Toute la terre sera remplie d’une joie ineffable, à cause de la présence du Seigneur qui a dit : Voilà que je rendrai Jérusalem une ville d’allégresse, et ferai de son peuple un peuple de joie. (Ibid. LXV, 18.)

XXXV.

Qu’il me soit donc permis aujourd’hui de m’écrier avec le même Prophète : Cieux, réjouissez-vous ; terre, tressaillez de joie, parce que le Seigneur a pris commisération de son peuple et qu’il a consolé ses enfants affligés (Ibid. XLIX, 13) et parce que dans sa miséricorde il vous a dit : J’ai effacé vos iniquités, comme une nuée qui passe, et vos péchés, comme un nuage. (Ibid. XLIV, 22.)

Pour vous, mes Frères, réjouissez-vous, vous qui avez été trouvés dignes de porter le nom de fidèle. Car c’est de vous qu’il a été dit : Il donnera à ses serviteurs un nom nouveau (celui de Chrétiens) qui sera béni sur toute la terre. (LXV, 15.) Et c’est vous qui répondrez avec joie : Béni soit Dieu qui est le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui nous a comblés de toutes sortes de bénédictions spirituelles pour le ciel en Jésus-Christ, dans lequel nous trouvons la rédemption par son sang, la rémission des péchés selon les richesses de sa grâce qu’il a répandue sur nous avec abondance. (Ephésiens 1.3, 7, 8.) Car Dieu qui est riche en miséricorde, poussé par l’amour extrême dont il nous a aimés, lorsque nous étions morts par nos péchés, nous a rendu la vie, en la rendant à Jésus-Christ. (Ibid. I, 4,5.)

Vous chanterez les louanges du Seigneur auteur de tout bien, et direz avec l’Apôtre : Depuis que la bonté de Dieu notre Sauveur, et son amour pour les hommes, a paru dans le monde, il nous a sauvés, non à cause des œuvres de justice que nous eussions faites, mais à cause de sa miséricorde par le baptême de la régénération et du renouvellement du Saint-Esprit, dont il a fait sur nous une abondante effusion par Jésus-Christ Notre-Seigneur, afin qu’étant justifiés par sa grâce nous devenions héritiers de sa vie éternelle, selon l’espérance que nous avons.

Pour moi, je prierai que le Dieu de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Père de gloire, vous donne l’esprit de sagesse et de révélation, pour le connaître, pour qu’il éclaire les yeux de votre cœur (Ephésiens 1.17-18) qu’il vous conserve toujours dans la pratique des bonnes œuvres, qu’il vous nourrisse de sages entretiens et de bonnes pensées.

J’élèverai pour vous mes mains vers le Seigneur, qui appartient gloire, honneur, empire par Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec le Saint-Esprit, maintenant, toujours et dans tous les siècles des siècles.

Ainsi soit-il.

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