Histoire des réfugiés protestants de France

LIVRE 4
Les réfugiés en Amérique

4.1 – De l’établissement des réfugiés en Amérique

Projet de Coligny de créer un refuge en Amérique pour les protestants. — Expédition de Villegagnon. — Expédition de Ribaut. — Expédition de Laudonnière. — Massacre des colons par les Espagnols. — Représailles exercées par Dominique de Gourgues. — Réfugiés en Amérique avant la révocation. — Politique des Stuarts. — Réfugiés après la révocation. — Colonies françaises dans le Massachusets. — New-Oxford. — Boston — New-York. — New-La-Rochelle. — Colonies en Pensylvanie et dans la Virginie. — Paroisse du roi Guillaume. — Colonies dans la Caroline du Sud. — Judith Manigault. — Isaac Mazicq. — Établissement de l’Orange-Quarter. — Établissement du Santee. — Établissement de Charlestown. — Pétition des réfugiés de la Caroline au gouverneur de la Louisiane. — Réponse de Pontchartrain — Réfugiés du dix-huitième siècle. — Émigration de 1764. — Fondation de New-Bordeaux. — Mesures législatives des colonies en faveur des réfugiés. — Acte de la législature du Maryland, en 1666. — Acte de la législature de la Virginie, en 1671. — Immunités accordées à la paroisse du roi Guillaume, en 1700. — Naturalisation des réfugiés en Caroline, en 1697. — Naturalisation des réfugiés dans l’État de New-York, en 1703.

L’amiral Coligny conçut le premier le projet de créer en Amérique un vaste refuge pour les protestants persécutés de France. En 1555, un chevalier de Malte, Durand de Villegagnon, fut chargé par lui de conduire une colonie calviniste au Brésil. Il s’embarqua au Havre et partit avec deux vaisseaux, emmenant avec lui des gentilshommes, des ouvriers, des laboureurs et quelques ministres du culte qui espéraient trouver au delà des mers une patrie nouvelle où ils pourraient adorer Dieu en liberté. Après une navigation heureuse il entra dans le grand fleuve que les Portugais appelaient déjà le Rio-Janeiro, et construisit un fort auquel il donna le nom de Coligny. Mais des difficultés imprévues découragèrent ces hommes qui avaient trop compté sur le secours de Dieu et négligé les moyens humains qui pouvaient assurer le succès de leur entreprise. La discorde éclata parmi eux. Ils se dispersèrent. Les uns succombèrent aux fatigues ; les autres regagnèrent péniblement les côtes de Francea.

a – Sismondi, Histoire des Français, t. XVIII, pp. 27-28.

Une seconde tentative ne réussit pas mieux. En 1562, Coligny obtint de Charles IX la permission de fonder une colonie protestante en Floride. On désignait alors vaguement sous ce nom les côtes atlantiques de la Floride proprement dite, de la Géorgie et des deux Carolines. L’amiral fit équiper deux navires à Dieppe et confia le commandement de l’expédition à Jean Ribault. Plusieurs jeunes gens de famille noble et un grand nombre d’anciens soldats qui avaient embrassé la religion réformée se confièrent à la direction de cet habile marin. Soit pour éviter les Espagnols qui n’avaient pas renoncé à leurs prétentions sur les parties méridionales de la Floride, quoiqu’ils n’y eussent pas encore établi des colonies, soit dans l’espoir de découvrir des régions inconnues, il cingla vers le nord et débarqua près de l’embouchure de la rivière de Saint-Jean qui sépare la Floride moderne de la province de Géorgie, et qu’il appela la rivière de Mai, parce qu’il y était arrivé pendant le mois qui porte ce nom. Il reconnut le premier plusieurs autres fleuves auxquels il donna les dénominations de Seine, de Somme, de Loire, de Charente, de Garonne, de Gironde, à cause de leur ressemblance avec les fleuves de sa patrie. Une tempête ayant séparé les deux vaisseaux, celui de Ribault fut poussé vers une rivière large et profonde qu’il appela et que l’on appelle encore le Port-Royal. Ce fut non loin de là, dans une contrée fertile dont les fleurs, les arbres fruitiers et jusqu’aux oiseaux chantants rappelaient à ses compagnons leur pays natal, qu’il construisit le fort de Charles, ainsi appelé en l’honneur du roi qui régnait en France. La contrée elle-même reçut le nom de Caroline qui lui fut confirmé plus tard par les nouveaux colons sortis d’Angleterre sous Charles II. Vingt-cinq soldas placés sous les ordres du capitaine Albert composèrent la garnison de cette citadelle, la première de l’Amérique du Nord sur laquelle ait flotté le drapeau d’une nation civilisée. De retour en France avec ses deux vaisseaux, Ribault trouva sa patrie en proie à toutes les calamités de la guerre civile, et, tandis qu’il changeait de croyance, la faible colonie à laquelle il devait amener des renforts, se trouva réduite aux plus cruelles extrémités de la famine. Le capitaine Albert ayant été tué dans une émeute provoquée par son despotisme, les colons s’embarquèrent sur un brigantin construit à la hâte, et durent s’estimer trop heureux d’être recueillis en pleine mer sur un vaisseau anglais qui les ramena en Europe.

Ces deux échecs ne découragèrent pas Coligny. Profitant du rétablissement de la paix en France et d’un retour passager de la faveur royale, il renouvela ses sollicitations auprès de Charles IX et obtint trois vaisseaux dont il conféra le commandement à René Laudonnière, homme d’une rare intelligence, mais qui avait plutôt les qualités d’un marin que celles d’un soldat. Au lieu de relever le fort construit par son prédécesseur et qui ne pouvait réveiller que de pénibles souvenirs dans l’esprit des nouveaux colons, il en bâtit un autre près de l’embouchure du fleuve Saint-Jean et lui donna le nom de fort de la Caroline. Mais, dès l’année suivante, les Espagnols s’emparèrent de cette colonie protestante qui leur portait ombrage, et leur chef, Pedro Melendez, ayant fait prisonniers la plupart des Français, les fit pendre aux arbres, avec cette inscription : Pendus comme hérétiques et non comme Français. Cet événement tragique qui fut le premier acte d’hostilité commis dans le nouveau monde entre deux nations européennes, excita en France l’indignation la plus vive. Un gentilhomme de Mont-de-Marsan, Dominique de Gourgues, en éprouva une patriotique colère et jura d’en tirer une éclatante vengeance. Fait prisonnier autrefois par les Espagnols qu’il combattait en Italie, et condamné aux galères en punition de la bravoure obstinée avec laquelle il avait refusé de se rendre, il allait être conduit en Espagne, lorsque le vaisseau qui le portait fut capturé par un pirate algérien. Mais un navire monté par des chevaliers de Malte vint fondre sur le corsaire, et les captifs qu’il allait réduire en esclavage furent remis en liberté. Depuis ce jour, le gentilhomme outragé dans son honneur avait parcouru les mers et s’était largement indemnisé sur les Espagnols des pertes qu’il avait subies, lorsqu’à son retour dans son pays natal il apprit le crime de Melendez. Il vendit aussitôt son patrimoine, et, aidé de deux de ses amis, il équipa trois navires dans le port de Bordeaux, enrôla deux cents hommes et descendit la Gironde en 1567. Arrivé heureusement au lieu de sa destination, il s’attacha les Indiens par de riches présents, et les décida à le seconder contre les Espagnols qu’il attaqua à l’improviste et dont il fit un grand carnage. Puis, exerçant sur les prisonniers de cruelles représailles, il les fit attacher au gibet avec cette inscription. Pendus comme assassins et non comme Espagnols. Cette vengeance accomplie, il revint en France où sa tête venait d’être mise à prix par le roi catholique avec la courtoise permission du roi très chrétien ; et le noble chevalier qui avait sacrifié sa fortune et exposé sa vie pour venger l’insulte faite à sa patrie, fut longtemps obligé de se cacher pour se dérober à l’échafaud.

[Carroll, Historical collections of south Carolina, t. I, pp. 31-67. New-York, 1836. — Ramsay, History of South Carolina, t. I, p. 5-10. Charlestown, 1809. — Bancroft, History of the United States, t. I, pp. 61-73. Boston, 1839. — Gayarré, Histoire de la Louisiane, t. I, pp. 24-25.]

Telle fut la triste issue des généreux efforts de Coligny pour créer une colonie protestante dans l’Amérique du Nord. Les temps marqués par la Providence n’étaient pas encore arrivés. Ni la ferveur du sentiment religieux, ni l’excès de la persécution n’y avaient encore suffisamment préparé les esprits. La Caroline occupée un instant par des colons chrétiens retomba au pouvoir des Indiens, qui rentrèrent en possession de ces belles contrées et les gardèrent encore exclusivement pendant cent ans.

L’Angleterre reprit pour son compte, au commencement du dix-septième siècle, les projets de Coligny. A l’époque de la révocation de l’édit de Nantes, elle possédait dans l’Amérique du Nord douze colonies déjà florissantes, et qui allaient recevoir bientôt de France une multitude de nouveaux habitants.

Même avant cette mesure fatale de Louis XIV, et surtout depuis la prise de La Rochelle, de nombreux fugitifs, originaires principalement de nos provinces de l’ouest, avaient déjà cherché un asile dans l’Amérique anglaise. En 1662, les autorités françaises s’avisèrent d’imputer à crime à plusieurs armateurs Rochelois d’avoir reçu des émigrants à bord de leurs navires et de les avoir conduits dans un pays qui relevait de la Grande-Bretagne. Ils furent condamnés à dix livres d’amende envers le roi et à neuf cents livres d’aumônes, dont la sentence appliqua cinq cents aux six maisons que les moines mendiants possédaient dans cette ville, trois cents à l’entretien de la chapelle du palais, et cent au pain des prisonniers. L’un d’eux, nommé Brunet, fut condamné à représenter dans l’espace d’un an trente-six jeunes gens dont on lui reprochait d’avoir favorisé l’évasion, ou à fournir un certificat valable de leur décès, à peine de mille livres d’amende et de punition exemplaire. On peut croire que ces exilés volontaires s’établirent dans le Massachusets, car, l’année même où fut jugé ce procès bizarre, un docteur français, nommé Jean Touton, s’adressa au conseil général de cette province, tant en son nom qu’en celui d’autres protestants forcés de fuir leur patrie, pour demander l’autorisation de séjourner dans la colonie, ce qui lui fut accordé sur-le-champ. Boston, capitale du Massachusets, possédait dès cette époque des établissements formés par des huguenots et qui attiraient sans cesse de nouveaux émigrants. Ce fut vers cette ville que se dirigea en 1679 le chef d’une grande famille originaire de la principauté de Soubise en Saintonge. Ce réfugié, qui portait le nom d’Elie Neau, s’étant embarqué plus tard pour la Jamaïque, sur un vaisseau marchand qu’il commandait lui-même, fut pris par un armateur de Saint-Malo, conduit en France et enfermé dans un bagne, d’où il ne sortit qu’en 1697, par l’intercession de lord Portland.

L’État de New-York servit également d’asile à une foule de huguenots bien longtemps avant la révocation. Ils y formaient, après les Hollandais, la partie la plus considérable et la plus riche de la population, même avant que cette province, qui comprenait tout le territoire des nouveaux Pays-Bas, ne passât en 1664 sous la domination de l’Angleterre. Déjà, en 1656, ils y étaient assez nombreux et assez influents pour que les actes publics fussent rédigés aussi bien en français qu’en hollandais et en anglais.

Le Maryland, colonisé sous le règne de Charles Ier et peuplé presque entièrement de catholiques anglais et irlandais, servit cependant de lieu de retraite à un certain nombre de familles françaises qui s’y établirent avant l’an 1685.

La Virginie en reçut également quelques-unes qui y préparèrent un asile pour celles qui allaient les suivre à la fin du siècle.

Dans les deux Carolines l’arrivée des réfugiés huguenots coïncide avec celle des premiers colons anglais qui vinrent de la Virginie et du Massachusets. Lorsqu’en 1663, Charles II concéda tout ce territoire à une compagnie composée de lord Ashley Cooper, lord Clarendon, Monk, lord Craven, sir John Colleton, lord John, sir William Berkeley et sir George Carteret, dans la distribution des lots de Charlestown, les Français Richard Batin, Jacques Jours et Richard Deyos furent mis en possession des droits de francs-tenanciers et placés sur le pied d’une entière égalité avec les colons anglais. Tout porte à croire que ces émigrés français étaient des réfugiés pour cause de religion, car les archives d’État de Charlestown contiennent de nombreuses concessions semblables faites à des huguenots fugitifs dans les premières années de l’établissement de cette colonie nouvelle : en 1677 à Jean Bullon, en 1678 à Jean Bazant et à Richard Gaillard, en 1683 à Marie Batton, femme de Jean Batton. Le premier accroissement notable de la population de cette colonie par l’arrivée des protestants français eut lieu en 1680. Une frégate anglaise, le Richmond, conduisit cette année quarante-cinq réfugiés dans la Caroline, par l’ordre exprès de Charles II qui paya lui-même les frais de transport. Un nombre plus considérable les suivit bientôt sur un autre navire frété par le gouvernement anglais.

Les lois sévères des Stuarts contre les non conformistes, celle surtout qui défendait à tout ministre du culte de prêcher publiquement, à moins qu’il n’eût reçu l’ordination d’un évêque anglican, semblaient devoir interdire aux réfugiés l’accès des colonies américaines soumises à la même législation. Il n’en fut rien cependant. Tout en détestant de tout leur cœur les sectes dissidentes, excepté peut-être la secte dominante dont la hiérarchie se rapprochait le plus de celle de l’Église romaine, Charles II et même Jacques II encouragèrent par raison d’État l’émigration des protestants étrangers en Amérique. Se conformant instinctivement à la politique traditionnelle de l’Angleterre, ils maintenaient ouvert l’asile que ce royaume avait offert de tout temps aux protestants persécutés sur le continent ; mais, en même temps, dans l’attente d’une révolution religieuse qui ne devait pas s’accomplir, ils voyaient avec plaisir une partie des émigrés se porter vers les colonies. La révolution de 1688 donna des facilités nouvelles aux réfugiés qui se dirigeaient vers ces régions lointaines. Affranchie du joug détesté des Stuarts, l’Angleterre gouvernée par Guillaume III, par la reine Anne et par la dynastie de Hanovre, suivit plus franchement la ligne politique que lui dictaient à la fois son intérêt et ses sympathies religieuses, et favorisa plus librement les réformés proscrits de France qui cherchaient un asile sur son territoire et sur celui de ses possessions d’outre-mer.

Il était naturel que les nouveaux réfugiés qui sortirent du royaume, soit immédiatement après la révocation, soit après la chute de Jacques II, se dirigeassent de préférence vers celles des provinces d’Amérique qui avaient déjà accueilli tant de leurs devanciers. Le Massachusets en attira un grand nombre. En 1686, une petite colonie française s’organisa dans New-Oxford. Cette même année, une église française fut fondée à Boston, et dix ans après elle reçut pour pasteur un ministre réfugié de France, nommé Daillé. La colonie de New-York s’accrut d’une multitude si grande de fugitifs, que l’église française de cette ville devint pendant quelque temps la métropole du calvinisme dans le nouveau monde. Elle comptait parmi ses membres les plus marquants Pierre Valette, Thomas Bayeux, Jean Cazals, Jean-Jacques Moulinars, Jean Barberie, Abraham Jouneau, qui firent partie du consistoire au commencement du dix-huitième siècle. Les principaux chefs de famille étaient Etienne de Lancey, d’Hariette, Lafonds, Girard, Pineau, David, Moreau, Vincent, Dupuy, Allaire, Garnier, Clérambault, Pellereau, Ebrard, Jay, Gautier, Bonrepos, Tharge, Barre, Bodin, Ravaux, Richer, Roussel, Beau, Fresneaub.

bThe acts of the french consistory in the city of New-York concerning M. Lewis Rous Affair. New-York 1724. Bibliothèque du British Musæum.

A seize milles de New-York, sur la rivière de l’Est, des réfugiés Rochelois fondèrent une ville entièrement française, qui reçut le nom de New-La-Rochelle. Trop pauvres, à l’origine, pour bâtir une église, après avoir consacré la semaine entière aux plus rudes travaux, ils s’acheminaient le samedi soir vers New-York, marchaient à pied une partie de la nuit, et, quand ils avaient assisté le lendemain à deux services, ils regagnaient dans la nuit du dimanche leurs humbles demeures et reprenaient leur ouvrage le lundi matin. Heureux et fiers de la liberté religieuse qu’ils avaient conquise, ils ne cessaient d’écrire en France pour informer leurs frères persécutés des grâces que Dieu leur avait faites, et pour les engager à les rejoindre bientôtc.

c – History of the Evangelical churches of New-York, Cité par M. Baird, p. 176.

La Pensylvanie donna asile à plusieurs centaines d’émigrés qui s’étaient fixés d’abord en Angleterre, mais auxquels ce royaume, gouverné par Jacques II, ne parut pas un refuge assuré contre l’intolérance. Le Maryland en reçut également un assez grand nombre en 1690. Cette même année, le roi Guillaume III envoya une troupe de huguenots, qui l’avaient suivi de Hollande en Angleterre, et dont plusieurs sans doute avaient pris part à la guerre d’Irlande, dans la province de Virginie. On leur assigna des terres sur la rive méridionale du fleuve Saint-James, à vingt milles de Richmond, au milieu d’un territoire fertile où ils fondèrent, près de la ville de Mannikin, un établissement désigné d’abord sous le nom de Mannikin Town Settlement, et plus tard sous celui de Paroisse du roi Guillaume. En 1699, environ trois cents familles, récemment sorties de France, vinrent apporter un nouvel élément de force à cette colonie naissante, qui s’accrut encore l’année suivante de deux cents et peu après de cent autres familles françaises. Le pasteur Claude-Philippe de Richebourg, chassé de son pays natal par l’édit de révocation, accompagna les premiers colons qui se fixèrent sur les bords du Saint-James, et fut longtemps le guide et le consolateur spirituel des pauvres expatriés. Des dissensions ayant éclaté parmi eux, il rétablit la paix en conduisant une partie de ses ouailles dans la Caroline du Nord, où elles s’établirent sur les rives du Trent. Mais le soulèvement des Indiens et le massacre des blancs qui habitaient dans le voisinage les contraignirent à abandonner de nouveau les terres qu’ils venaient de défricher et à émigrer dans la Caroline du Sud, qui devint pour eux un asile définitif.

Ce fut cette dernière province qui reçut la plus grande partie des émigrés français qui cherchèrent un refuge en Amérique. Quelques-uns s’y rendirent après un court séjour à New-York et s’y fixèrent Pour toujours. Le climat plus chaud de cette contrée présentait un attrait particulier aux exilés si nombreux du Languedoc. Ils y affluèrent de toutes parts, et la Caroline du Sud devint ainsi la principale retraite, et, comme disaient les Américains, la maison des huguenots dans le nouveau monde.

On ne lira pas sans un intérêt douloureux le récit des aventures et des infortunes d’une de ces familles, depuis son départ de France jusqu’à son établissement dans cette province. Nous citons les propres paroles de Judith Manigault, la jeune, épouse de Pierre Manigault, auquel elle s’unit à Charlestown :

« Nous quittâmes de nuit notre demeure, laissant les soldats dans leur lit et leur abandonnant notre maison et tout ce qu’elle contenait. Pensant bien qu’on nous chercherait partout, nous nous tînmes cachés pendant dix jours à Romans, en Dauphiné, chez une bonne femme, qui n’avait garde de nous trahir. Nous étant embarqués à Londres (où ils étaient arrivés en faisant un long circuit par l’Allemagne et la Hollande), nous eûmes toutes sortes de malheurs. La fièvre rouge se déclara sur le navire ; plusieurs des nôtres en moururent, et parmi eux notre vieille mère. Nous touchâmes les îles Bermudes, où le vaisseau qui nous portait fut saisi. Nous y dépensâmes tout notre argent, et ce fut à grand’peine que nous nous procurâmes le passage sur un autre navire. De nouvelles infortunes nous attendaient à la Caroline. Au bout de dix-huit mois, nous perdîmes notre frère aîné, qui finit par succomber à des fatigues si inaccoutumées. En sorte que, depuis notre départ de France, nous avions souffert tout ce qu’on peut souffrir. Je fus six mois sans goûter de pain, travaillant, d’ailleurs, comme une esclave ; et, durant trois ou quatre ans, je n’eus jamais de quoi satisfaire complètement la faim qui me dévorait. Et toutefois, ajoutait cette femme, dans un esprit d’admirable résignation, Dieu a fait de grandes choses à notre égard, en nous donnant la force de supporter ces épreuvesd. »

d – Bancroft, t. II, pp. 180-181.

Ce fragment de l’histoire de Judith Manigault peut nous faire juger des souffrances inouïes que bravèrent tant d’autres émigrés dans leur fuite travers les mers et dans les commencements de leur séjour en Caroline. Le général Horry, qui se distingua dans la guerre d’indépendance, et qui descendait d’une famille de huguenots établie sur les bords du Santee, disait souvent que son grand-père et son aïeule avaient commencé leur fortune en travaillant ensemble à la sciee.

e – « Working together at the whip-saw ». The Presbyterian, numéro du 30 mars 1850.

Il y eut près d’un millier de fugitifs qui s’embarquèrent successivement pour la Caroline dans les seuls ports de la Hollande, sous les yeux du comte d’Avaux, qui s’informait soigneusement de leurs desseins et qui ne négligeait rien pour les traverser. « Plus de cent personnes, lui écrivit en 1686 le sieur de Tillières, le plus rusé et le mieux instruit de ses agents, achètent une frégate moitié guerre et moitié marchandise pour aller à la Caroline. Je vous puis assurer qu’elle contiendra plus de 1,2 million de livres. » Il ajouta quelques jours après : « J’ai parlé au sieur La Clide, capitaine réfugié en ce pays, dont quelques parents s’en vont en Caroline… Il m’a dit qu’il y aura bien quatre cents personnes résolues de se bien battre en cas d’attaque et de mettre le feu au vaisseau quand ils se verront à l’extrémité. Pourvu qu’on sauve l’argent, ce ne sera pas une grande perte que celle de leurs personnes. »

« Messieurs les Carolins, écrivit-il encore, ont acheté à Utrecht cent cinquante fusils et mousquets, cinquante mousquetons et trente paires de pistolets… Ces messieurs ne s’accommodent point d’un vaisseau dans ce pays-ci. Il y en a un qui se frète pour eux en Angleterre de cinquante pièces de canon. »

Dans une dernière lettre il fournit à l’ambassadeur des renseignements plus précis et lui indiqua un moyen sûr pour les surprendre pendant la traversée. « Nos Carolins d’Amsterdam se doivent joindre à ceux de Rotterdam au nombre de près de cent cinquante. Ils ont deux barques à Rotterdam dans lesquelles ils vont en Angleterre… A Londres ils ont beaucoup d’associés qui iront avec eux… Les deux barques qui leur appartiennent et dans lesquelles ils feront leur voyage d’Angleterre leur serviront aussi pour aller en Caroline. Ils doivent les charger de vins de Malvoisie et d’autres marchandises dans l’île de Madère. Les deux barques et leur vaisseau de quarante-cinq à cinquante pièces de canon qu’ils font fréter en Angleterre, seront montés de quatre cents personnes bien munies… Si l’on avait des vaisseaux du côté de l’île de Madère ou de Lisbonne, ce serait une grande affaire. »

On peut croire que les ministres de Louis XIV ne voulurent pas tenir compte de ces dénonciations odieuses. Du moins rien ne prouve qu’ils essayèrent d’arrêter dans leur fuite ces émigrants armés qui auraient vendu chèrement leur vie.

Un de ces réfugiés, dont le nom ne figure pas dans la correspondance du comte d’Avaux, et qui devint la souche d’une des premières familles de Charlestown, débarqua dans cette ville au mois de décembre 1686, accompagné de beaucoup d’autres huguenots. C’était un négociant originaire de Liège, mais établi depuis longtemps à Saint-Martin, dans l’île de Ré, en face de La Rochelle ; il portait le nom d’Isaac Mazicq. Retiré d’abord à Amsterdam avec la somme de quinze cents livres sterling, il se rendit à Londres et s’embarqua de la pour la Caroline à bord d’un bâtiment frété en partie avec les débris de son patrimoine. La vente de la cargaison lui permit d’établir une maison de commerce dans la capitale de cette province, et de jeter les fondements d’une fortune immense dont il fit l’emploi le plus généreux dans sa patrie d’adoption.

Pendant le règne de Jacques II, une foule d’Anglais qui craignaient la restauration prochaine de la religion catholique émigrèrent dans la Caroline, et y furent accompagnés par des huguenots réfugiés en Angleterre, et qui cherchaient à se soustraire à la protection équivoque et précaire d’un prince ouvertement attaché à l’Église romaine. Tous trouvèrent un asile dans cette contrée où le culte anglican était le culte dominant, mais où la tolérance de Shaftesbury avait ouvert un asile aux chrétiens de toutes les communions. L’émigration la plus considérable fut celle de 1687. Cette année, les lords commissaires de Jacques II, chargés de la répartition des fonds de la bénéficence royale, en envoyèrent six cents en Amérique et principalement dans la Caroline, après avoir largement pourvu à leurs besoins. C’étaient pour la plupart des laboureurs, des artisans et des ouvriers, auxquels on avait donné jusqu’aux instruments de labourage et aux outils nécessaires à l’exercice de leurs métiersf.

f – An account of the disposal of the money collected upon the late Brief for the french protestants. State papers, France, 1688.

Les réfugiés créèrent dans la Caroline du Sud plusieurs établissements d’une importance secondaire et trois colonies principales : celle de l’Orange-Quarter sur les bords du Cooper, celle du Santee et celle de Charlestown.

La première, fondée par Charles II en 1680, et beaucoup accrue sous les règnes de Jacques II et de Guillaume III, reçut des terres sur la rive orientale du Cooper. « C’est là, dit l’historien des États-Unis, que les calvinistes exilés purent sans crainte célébrer leur culte au milieu des forêts, et mêler la voix de leurs psaumes au souffle des vents qui couraient au travers des grands chênes. Leur église était à Charlestown. Ils s’y rendaient chaque dimanche de tous les points de leurs plantations éparses sur les rives du Cooper. On les voyait, profitant de la marée, arriver en famille sur de légers canots, dans un silence religieux qu’interrompaient le seul bruit des rames et le mouvement du village florissant que mouillait le confluent des deux fleuves. »

Une dizaine de familles réfugiées de l’Orange-Quarter remontèrent plus tard le cours occidental du Cooper et créèrent des établissements sur l’emplacement de la ville moderne de Strawberry-Ferry. Ils y fondèrent même une église dont le premier pasteur fut Florent Philippe-Trouillart. Un émigré languedocien, Jacques Dubosc, se fixa avec plusieurs des siens sur les bords du Dockon, qui se jette dans le bras occidental du Cooper. D’autres reçurent des lords propriétaires de la Caroline des terres sur la rive méridionale du Santee. Cette nouvelle colonie de planteurs s’étendait à la fin du dix-septième siècle depuis la crique de Wambaw jusqu’au bac de Lenud. Au midi elle se prolongeait jusqu’aux sources du bras oriental du Cooper où elle rejoignait la population française de l’Orange-Quarter. La principale concession de terres dans ce district fut faite en 1705 à René Ravenel, Barthélemy Gaillard et Henri Bruneau. Elle consista en trois cent soixante acres de terre qu’ils furent autorisés à destiner soit à l’emplacement d’une ville, soit à la création de fermes agricoles, soit à des établissements commerciaux et industriels. La cité nouvelle, construite dans ce pays inhabité jusqu’alors, fut appelée Jamestown. On y comptait au commencement du dix-septième siècle une centaine de familles françaises. Leur premier pasteur fut Pierre Robert, Suisse de naissance, qui avait sans doute accompagné une partie des fugitifs à leur sortie du royaume. C’était dès cette époque la colonie la plus florissante des émigrés français en Caroline, après celle de la capitale. Elle acquit même une telle importance que l’on donna à cette partie du pays le nom de French Santee que l’on trouve sur toutes les anciennes cartes de l’Amérique du Nord.

Mais le plus riche et le plus peuplé de tous les établissements que les réfugiés formèrent dans cette province fut celui de Charlestown. Des rues entières de cette ville furent construites par eux. L’une d’elles porte encore aujourd’hui le nom de son fondateur Gabriel Guignard 99. Cette colonie eut pour premier pasteur Elias Prioleau, petit-fils d’Antoine Prioli, élu doge de Venise en 1618, et sans doute fils de Benjamin Prioli, filleul du duc de Soubise, que le duc de Rohan s’était attaché pendant son séjour en Italie. Forcé de quitter la France après la révocation, il emmena de la Saintonge une partie de son troupeau et vint se fixer à Charlestown où sa famille s’est perpétuée jusqu’à nous. Parmi les autres colons français qui comptèrent dès l’origine au nombre des habitants les plus considérables de cette ville, et dont la plupart des descendants y tiennent encore aujourd’hui un rang honorable, on distinguait les Bayard, les Bonneau, les Benoît, les Docquet, les Bacot, les Chevalier, les Cordes, les Chastaignier, les Dupré, les Delisle, les Dubosc, les Dubois, les Dutarque, les de la Consilière, les Dubourdieu, les Fayssoux, les Gaillard, les Gendron, les Horry, les Guignard, les Huger, les Legaré, les Laurens, les Lansac, les Marion, les Mazycq, les Manigault, les Mallichamp, les Neuville, les Péronneau, les Porcher, les Peyre, les Ravenel, les Saint-Julien, les Trévezant.

Malgré les avantages de leur position nouvelle, un grand nombre de réfugiés fixés dans la Caroline regrettèrent longtemps leur ancienne patrie. Ce sentiment indélébile qui attache l’homme au pays de ses pères leur inspira même un projet bizarre, qui ne pouvait être accueilli, mais qui dut toucher profondément le cœur de Louis XIV. Ne pouvant plus songer à retourner en France, comme ceux de leurs frères qui étaient restés en Europe, ils se berçaient de l’espoir qu’on ne refuserait pas de les admettre du moins en Amérique sur une terre française. Le gouverneur de la Louisiane, Bienville, remontant un jour le cours du Mississipi, rencontra un bâtiment de guerre anglais qui sondait le lit du fleuve. Le traité de Ryswick venait de rétablir la paix entre la France et l’Angleterre, et les deux nations rivalisaient d’efforts pour explorer et pour coloniser ces régions lointaines auxquelles la Providence semble réserver un si brillant avenir. Tandis que Bienville rendait visite au capitaine anglais, un ingénieur français employé sur ce navire lui remit un écrit qu’il le pria d’envoyer à la cour de Versailles. C’était un mémoire signé par quatre cents familles qui s’étaient réfugiées dans la Caroline après la révocation. Elles sollicitaient la permission de s’établir dans la Louisiane, à la seule condition qu’on leur accorderait la liberté de conscience. Le comte de Pontchartrain leur répondit que le roi ne les avait pas chassés de ses États en Europe pour qu’ils formassent une république dans ses domaines américains. Ainsi tandis que la liberté religieuse la plus entière régnait dans l’Amérique anglaise, la colonie de la Louisiane était fondée sous les auspices de l’intolérance et du despotisme, dont la maligne influence la fit languir pendant cent ans dans une douloureuse enfance. Ce ne fut qu’après son entrée dans la grande et glorieuse famille américaine qu’elle sortit de sa torpeur, doubla et tripla rapidement sa population, et développa sans entraves les richesses immenses qu’elle portait dans son sein.

Le refus de Louis XIV détruisit les dernières illusions des réfugiés établis dans la Caroline. Tout espoir de rester Français s’évanouit pour eux. Ils se résignèrent et s’attachèrent plus vivement à leur nouvelle patrie. Des émigrations partielles qui succédèrent dans tout le cours du dix-huitième siècle contribuèrent à maintenir parmi eux la foi pour laquelle leurs ancêtres avaient souffert. En 1733, Pierre Pury de Neufchâtel amena avec lui trois soixante-dix familles protestantes de la Suisse romande, auxquelles le gouvernement britannique accorda libéralement quarante mille acres de terre. Chaque émigrant adulte reçut en outre quatre livres sterling. Ces nouveaux colons n’étaient pas à vrai dire des proscrits religieux. Toutefois la communauté de langue et de culte les fit recevoir avec joie par les réfugiés français. En 1764, après la conclusion de la paix de Paris, deux cent douze exilés volontaires de France vinrent apporter un nouvel élément de force et de durée à la société française en Caroline. Un pasteur, nommé Gibert, détermina ces hommes opprimés dans leur patrie à chercher la liberté sur le sol américain. Le gouvernement anglais leur en fournit le moyen. Sortis de France isolément pour échapper à la surveillance ombrageuse des autorités locales, ils se réunirent à Plymouth et furent dirigés de là sur Charlestown où ils arrivèrent au mois d’avril 1764. Les habitants se cotisèrent pour subvenir à leurs premiers besoins. On leur distribua des terres vacantes qu’ils défrichèrent. Bientôt une ville nouvelle s’éleva, et ses fondateurs lui donnèrent le nom de New-Bordeaux, en souvenir de la capitale de la Guyenne, dont la plupart étaient originaires. Enfin, en 1782, il n’y eut pas moins de seize mille protestants étrangers qui vinrent se fixer dans la Caroline du Sud, et parmi eux un grand nombre de Français.

« Il n’est aucune de nos colonies, dit Bancroft, qui n’ait fait le meilleur accueil aux réfugiés. » Peuplées en partie de puritains rigides et de dissidents de toute croyance, elles étaient naturellement disposées à favoriser ces nouvelles victimes de l’intolérance d’une Église qui leur était encore plus odieuse que celle d’Angleterre. Toutes leurs sympathies religieuses se réveillèrent à l’arrivée des exilés de France. Ceux qui vinrent dans un dénuement complet furent libéralement secourus. Les villes du Massachusets firent des collectes pour subvenir à leur entretien. Elles leur fournirent de vastes terrains à mettre en culture. En 1686, la colonie française d’Oxford reçut un don de 11 000 acres de terre. Les autres provinces suivirent l’exemple du Massachusets. Partout les réfugiés pauvres furent accueillis avec une hospitalité généreuse. Partout on distribua des terres aux hommes valides. En même temps, on s’empressa de leur conférer des droits politiques. Déjà, en 1666, la législature du Maryland accorda la naturalisation aux protestants français établis dans cette province. La Virginie leur décerna la titre de citoyens en 1671. Par un acte de la législature de l’an 1700, tous ceux qui avaient construit des maisons près de la ville de Mannikin furent constitués en une commune distincte qui reçut le nom de Paroisse du roi Guillaume. Des privilèges et des immunités leur furent conférés pour les empêcher de se disperser et pour les engager à rester réunis dans le voisinage de Mannikin. On les affranchit de toutes les contributions paroissiales qui pesaient sur les communes anglaises. Il fut déclaré, en outre, que tous les réfugiés déjà établis ou qui s’établiraient désormais dans la Paroisse du roi Guillaume seraient exempts des impôts généraux de la province et des impôts particuliers du comté de Henrico dans lequel elle était enclavée. Cette faveur ne leur fut accordée d’abord que pour sept années ; mais, après l’expiration du terme fixé, le congrès de la Virginie eut hâte de la renouveler.

Dans les deux Carolines, les lords propriétaires avaient, dès l’origine, non seulement concédé des terres, aux protestants français, à la seule condition du payement annuel d’un penny par acre, mais ils avaient encore prescrit au gouverneur et au conseil de leur conférer tous les emplois civils et militaires dont il serait possible de disposer en leur faveur. Quoique appartenant à l’Église épiscopale et naturellement enclins à l’intolérance, à l’exception peut-être de lord Ashley Cooper, ils étaient tous intéressés à la prospérité de leurs possessions en Amérique. Ce fut donc par politique et nullement par sympathie religieuse qu’ils étendirent leur protection sur ces dissidents étrangers et qu’ils leur accordèrent la liberté du culte la plus illimitée. Plus d’une fois même ils interposèrent leur autorité pour les défendre contre les actes arbitraires du gouvernement local et contre les préjugés nationaux des colons anglais. Mais ils n’en traitaient pas moins les membres de l’Église officielle avec une partialité marquée, et leur confiaient plus volontiers la direction des affaires intérieures de la province, comme à des hommes dont les sentiments d’honneur, de loyauté et de dévouement leur inspiraient une confiance illimitée. Lorsqu’après l’organisation définitive de la Caroline on vit reparaître aux élections pour le premier parlement provincial les vieilles dénominations de cavaliers et de têtes rondes, les réfugiés restèrent en dehors de ces luttes et ne songèrent même pas à en profiter pour former un parti intermédiaire. Étrangers encore pour la plupart à la langue anglaise, étrangers surtout à une querelle dont ils ne comprenaient peut-être pas clairement le sens et la portée, ils montrèrent cependant des dispositions plus favorables envers les lords propriétaires sous le haut patronage desquels ils étaient placés ; mais en même temps ils regardaient les colons comme des frères et des compagnons de bonne et de mauvaise fortune, auxquels ils étaient toujours prêts à s’unir pour leur défense commune. Ces discordes intérieures furent l’unique cause pour laquelle les réfugiés si nombreux des deux Carolines ne furent naturalisés qu’en 1697.

Des dissensions semblables retardèrent jusqu’à l’an 1703 leur entrée légale dans la famille américaine de l’État de New-York.

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