Les dons spirituels

5. Le don de prophétie

Le don de prophétie ouvre devant nous un champ très vaste. Entendue en son sens le plus large, la prophétie comprend toute parole inspirée, ou au moins toute parole divinement inspirée. Le ministère des prophètes n'a pas seulement une place importante dans le Nouveau Testament, il occupe aussi une grande partie de l'Ancien. Paul est si nettement favorable à l'exercice de ce don, qu'il exhorte les croyants à le désirer ardemment (I Cor. 14.39) ; il se représente même une assemblée où tous prophétisent (v .24).

La définition de notre sujet sera facilitée si nous écartons d'emblée l'idée que la prophétie dans les Ecritures ne serait rien autre qu'une 'prédication ordinaire. Certes les prophètes de la Bible furent des prédicateurs, au sens le plus élevé, mais leur prédication avait un caractère distinctif. On ne peut pas séparer la vraie prophétie de la notion d'une inspiration certaine. « Le prophète parlait plutôt sous la poussée d'une inspiration soudaine, dans la lumière d'une révélation donnée au moment même (le mot révélation, apocalypsis, se trouve I Cor. 14.30)... L'idée d'une RÉVÉLATION immédiate donnée à celui qui parle, est fondamentale ; elle dévoile soit l'avenir, soit la pensée de l'Esprit en général ». (Robinson, Lexique, p. 693).

Ce ministère est, sans conteste, autre chose que la prédication ordinaire ; mais il faut remarquer aussi que, dans certaines prédications inspirées. il y a un• élément de prophétie beaucoup plus important qu'on ne le croit d'ordinaire.

A l'occasion, le prophète était chargé de prédire l'avenir ; l'idée que l'on se fait couramment de la fonction du prophète ne s'attache guère qu'à cet aspect. Toutefois, ce n'est là qu'une très petite partie du ministère prophétique.

Le don de prophétie et la charge de prophète.

Le don de prophétie semble avoir été très répandu dans l'Eglise primitive ; mais ceux qu'on appelait officiellement prophètes n'étaient qu'en petit nombre et constituaient un groupe très défini. Parmi eux étaient Jude, Silas, Agabus, etc. Tous les croyants pouvaient, à l'occasion, prophétiser (I Cor. 14.24), mais ils n'en devenaient pas pour autant des prophètes au sens officiel, qui est celui des passages Actes 13.1 et Ephés. 4.11.

Nous avons à étudier ici le don plutôt que la charge ; mais il n'est pas hors de propos de noter que, même au sens officiel, le prophète du Nouveau Testament occupe une position très différente de celle des grands prophètes de l'Ancien Testament. Samuel, par exemple (I Sam. 3.20), n'était pas seulement le porte-parole officiel de Jéhovah, mais aussi le porte-parole du peuple lorsqu'il voulait s'adresser à Jéhovah (Ch. 8.21).

Tout cela change dans la nouvelle économie qui commence à la Pentecôte. C'est maintenant le privilège de tous les croyants d'être conduits personnellement par l'Esprit de Dieu (Rom. 8.14) : on ne peut souligner avec, trop de force que, dans l'économie présente, nous n'avons besoin ni de prêtre ni de prophète entre nous et le Seigneur. Adopter un seul moment un tel système serait revenir eu arrière, et se remettre en esclavage.

Le Nouveau Testament ne nous montre pas les prophètes chargés de guider l'Eglise, au même sens que les prophètes d'autrefois guidaient Israël, par une sorte de technique pour consulter Dieu, etc. Il y a certes des cas où le prophète annonce clairement ce qui va arriver : par exemple Agabus prédit une famine (Actes 11.28), il prédit le sort qui attend Paul à Jérusalem (Actes 21.11). Mais remarquez qu'il 'n'indique pas la conduite à tenir ; c'est aux membres de l'Eglise à décider ce qu'il y a lieu de faire (ils « résolurent », Actes 11.29) ; c'est à Paul de choisir la voie à suivre (Actes 21.13).

Remarquez aussi, et ceci est encore plus important, que l'on ne chercha pas à recourir au don de prophétie ni à un prophète officiel pour trancher la question de la circoncision, débattue au Ch. 15 des Actes, ni pour éclairer Paul lorsqu'il ne sait quelle route choisir (Actes 16.6-10), bien que, dans les deux cas, Silas, qui était prophète (15.32), fût sur les lieux.

En vérité, on peut dire qu'il n'y a pas un seul passage du Nouveau Testament où l'on puisse voir le don de prophétie délibérément employé pour guider les croyants. Ceci est très important, et ainsi se trouve marquée avec clarté une grande différence entre le Nouveau et l'Ancien Testament, quant à la portée de ce don.

Nature et portée du don de prophétie.

Dans son essence, le don de prophétie est le même à travers toute la Bible ; son caractère distinctif est toujours d'être une parole inspirée. Toutefois il y a des degrés divers d'inspiration : il ne faut jamais l'oublier quand on traite de la valeur et de l'autorité des paroles prophétiques.

En premier lieu vient ce que Pierre appelle la prophétie de l'Ecriture (II Pierre 1.20), qui comprend les prophéties inspirées contenues dans l'Ancien Testament, et les portions du Nouveau Testament qu'on peut appeler prophétiques, jusque et y compris l'Apocalypse. A ce degré, l'inspiration est infaillible.

En second lieu, il y a tant dans l'Ancien que dans le Nouveau Testament un type de prophétie dont le degré d'inspiration divine était beaucoup moins élevé, et qui n'était pas regardé comme infaillible. Dans cette catégorie on peut ranger, par exemple, Médad et Eldad et les soixante-dix anciens (Nombres 11.25-29), ou les prophètes auxquels se joignit Saül (I Sam. 10.10). Les prophètes du Nouveau Testament semblent devoir être placés aussi dans ce groupe, car leurs paroles ne doivent pas être regardées comme infaillibles, et leur ministère a, en général, une portée limitée (I Cor. 14.29-32).

La valeur du don de prophétie.

Reconnaître les limites du don de prophétie dans l'Eglise, ce n'est pas rabaisser sa valeur permanente, ni méconnaître son apport vital pour le ministère chrétien.

Le don de prophétie apporte une contrepartie essentielle au ministère didactique et logique du Docteur. La prophétie s'adresse surtout aux émotions, l'enseignement du docteur à l'intelligence. La prophétie enflamme ce que la doctrine a éclairé. Il est merveilleux de constater l'union des prophètes et des docteurs dans l'église d'Antioche (Actes 13.1) ; l'une et l'autre fonctions sont toujours nécessaires pour constituer un ministère complet.

De plus, elles se corrigent l'une par l'autre. Si, d'une part, la doctrine est nécessaire pour corriger le fanatisme qui peut découler d'un excès de prophétie, d'autre part la prophétie vraiment inspirée l'est pour corriger les abus d'un ministère trop exclusivement intellectuel et rationnel. On a dit que l'histoire de l'Eglise est un conflit perpétuel entre les prophètes et les docteurs. C'est une manière assez fâcheuse de se représenter les choses, mais elle contient un élément de vérité. Ce qu'il faut dire, c'est que chacune de ces deux fonctions a toujours servi, selon la volonté même de Dieu, à corriger et à compléter l'autre. L'Esprit de Dieu agit également par l'une et par l'autre ; ce sont des dons spirituels divers, mais qui ne doivent pas s'exclure.

Dans, le mouvement de Pentecôte, nous sommes accoutumés à la prophétie sous sa forme directe ; elle existe aussi d'une manière moins facilement reconnaissable dans une prédication chaude et fervente : de toutes manières elle est un don spirituel des plus puissants.

Ce don est capable de ravir une assemblée jusqu'à un ciel de gloire et d'enthousiasme, il peut fondre les cœurs, il peut les faire trembler. Il apporte vraiment au y croyant, exhortation, édification et consolation (I Cor. 14.3), et il peut produire une profonde conviction chez l'incroyant (v. 24).

Les paroles inspirées possèdent autorité et puissance. Les temps de sécheresse dans l'histoire de l'Eglise furent en général pauvres en dons prophétiques ; la réapparition de ces derniers résulte ordinairement d'un Réveil.

Une de nos plus grandes responsabilités à l'heure actuelle concerne le maintien de l'exercice des dons prophétiques dans l'Eglise. Nous soulignons exercice, car il est terriblement aisé de défendre ces choses en théorie et en doctrine, mais sans les posséder réellement. Maintenir le don authentique de prophétie, et lui donner sa vraie place dans nos assemblées, n'est pas une entreprise aisée. Il le faut cependant, car cela est indispensable à la réalisation du plan de Dieu, qui nous accorde aujourd'hui cette effusion de l'Esprit, la « pluie de l'arrière-saison ».

Les garanties contre l'abus de la prophétie.

Si les dons prophétiques ont été si souvent combattus ou même entièrement supprimés, c'est que l'on a toujours craint l'erreur, soit sous la forme du fanatisme ou sous celle de la fausse inspiration.

Rien ne serait plus facile que de dresser une liste des mouvements d'inspirés qui, depuis le montanisme, se sont donne pour tâche de remettre à sa juste place le don de prophétie, et qui n'ont pu se maintenir, soit que leurs excès d'enthousiasme les aient conduits à de désastreux échecs, soit qu'ils aient été graduellement réabsorbés dans la tiédeur et l'incrédulité de la grande Eglise.

Là où tant d'autres ont échoué, oserons-nous espérer le succès ? Notre réponse sera : nous ne le pouvons que par la grâce de Dieu. Nous avons en tous cas un avantage : nous pouvons nous laisser instruire par les erreurs que d'autres ont commises avant nous.

Quelles armes avons-nous pour nous garantir de l'erreur ?

a) Il y a les armes spirituelles clairement désignées dans le Nouveau Testament, y compris les critères précis qui doivent servir à éprouver les esprits qui parlent (I Cor. 12.3 ; I Jean 4.1-6), il y a encore le don spirituel du discernement des esprits (I Cor. 12.10) ; enfin le discernement spirituel de ceux qui ont aussi reçu le Saint-Esprit et ses dons (I Cor. 14.29). Nous croyons que tout véritable enfant de Dieu, marchant dans la lumière, recevra sous une forme ou une autre un témoignage intérieur au sujet de la vérité et de l'erreur.

b) Nous avons encore les armes naturelles et inappréciables que fournissent l'étude diligente et persévérante de tous les passages de l'Ecriture concernant la prophétie, ainsi que l'étude des leçons que peut donner l'histoire de l'Eglise.

Les principes scripturaires suivants méritent tout particulièrement d'être relevés :

I.— LES TROIS SOURCES POSSIBLES DE L'INSPIRATION.

Le Saint-Esprit (II Sam. 23.2 ; Jérémie 1.9 ; Actes 19.6 ; 21.11).

Des esprits mauvais et menteurs (Esaïe 8.19-20 ; I Rois 22.22 ; Matth. 8.29 ; Actes 16.17, etc.).

L'esprit humain (Jérémie 23.16 ; Ezéchiel 13.2-3, etc.).

Dans ce dernier cas, il n'y a pas inspiration au sens propre du mot, mais il peut y avoir là quelque chose qui y ressemble beaucoup ; aussi ce qui se donne pour prophétique peut, dans certains cas, provenir en réalité de cette troisième source.

II.— LES DIVERS DEGRÉS DE L'INSPIRATION AUTHENTIQUE.

L'inspiration infaillible des Ecritures.

L'inspiration ordinaire des paroles prophétiques (non infaillibles), avec ses différents degrés de pureté et de puissance, formant une gamme extrêmement étendue.

III.— LE RÔLE DE L'INSPIRATION DANS CHAQUE ÉCONOMIE.

a) La différence entre la position du prophète dans l'Ancien Testament, et sa position dans le Nouveau.

b) Le changement introduit par la Pentecôte, depuis laquelle tous les croyants peuvent recevoir le Saint-Esprit, et s'approcher directement de Dieu pour l'adorer et pour chercher sa volonté.

Les mouvements d'inspirés ont fréquemment échoué dans le passé, soit parce qu'ils ont attribué une trop grande autorité, ou un caractère d'infaillibilité, à leurs manifestations prophétiques, soit parce qu'ils ont méprisé cette manifestation particulière du Saint-Esprit jusqu'au moment où ils ont « éteint l'Esprit ».

Ainsi se dévoile le grand secret qui assurera le maintien de ce glorieux don spirituel dans l'Eglise : il faut, par la grâce de Dieu, réaliser un équilibre parfait entre la foi et l'obéissance : foi qui laissera libre carrière au Saint-Esprit ; obéissance aux Ecritures, afin d'« éprouver toutes choses » et de « retenir seulement ce qui est bon » (I Thessaloniciens 5.19-21).

Imposer silence au don de prophétie, c'est imposer silence à ce qui fut dans le passé, et à ce qui sera encore souvent, nous le croyons, l'expression même de l'émotion de Dieu, à la plénitude du sentiment divin qui s'exprime au moins en partie à travers l'imperfection des canaux humains.

Lorsqu'il s'exerce sous sa forme la plus pure, le don de prophétie exige une communion très élevée entre l'homme et son Créateur, une sympathie avec le Dieu infini, qui ne peut provenir que d'une vie d'étroite communion avec lui. D'une telle communion jaillirent les éloquentes paroles de Jérémie : « Si je dis : je ne ferai plus mention de lui, je ne parlerai plus en son nom ; il y a dans mon cœur comme un feu dévorant qui est renfermé dans mes os. Je m'efforce de le contenir et je ne le puis ». Voilà la vraie prophétie.

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