Les dons spirituels

10. Les abus causes et remèdes

C'est un beau rêve que celui des personnes qui s'imaginent qu'avec les dons spirituels, tout est parfait, sans danger d'excès ou d'erreur.

Il faut avoir lu le Nouveau Testament avec bien peu de soin pour entretenir une pareille idée. Malheureusement, elle peut avoir des conséquences sérieuses. Ceux qui ont des préjugés contre les dons, se hâtent d'étiqueter « contrefaçon » la plus légère erreur, et en profitent pour tout condamner. Ceux qui se réjouissent des dons, prétendent se soustraire à l'enseignement et à la correction ; ils considèrent leurs expériences comme infaillibles.

Le Nouveau Testament parle d'imperfections.

Le Nouveau Testament révèle sans aucun doute possible que l'exercice des dons spirituels peut être imparfait. C'est parce que les Corinthiens employaient mal certains dons de l’Esprit que Paul traita la question dans les Chapitres 12, 13 et 14 de sa première épître.

Remarquez bien qu'il ne met jamais en doute l'authenticité de leurs dons. Pas une ligne ne suggère la pensée qu'ils eussent, comme beaucoup nous en accusent aujourd'hui, des « contrefaçons » provenant des esprits malins. Les trois chapitres supposent d'un bout à l'autre que les corinthiens avaient des dons authentiques, mais s'en servaient mal. Il est donc établi sans contestation possible non seulement qu'il peut en être ainsi, mais que ce fut effectivement le cas dans l'Eglise primitive.

Quelles sont les causes de ces abus ? Ils ne proviennent pas de l'Esprit de Dieu. Ils ne sont pas dans la nature des dons, lesquels proviennent directement du Seigneur et participent à sa perfection. Nous sommes obligés de reconnaître, et c'est exactement ce que l'Ecriture enseigne, que les imperfections dans l'usage des dons proviennent des « vases de terre », à travers lesquels ils se manifestent.

C'est aussi une erreur pernicieuse de croire que le baptême du Saint-Esprit rend impossible tout péché subséquent, ou bien qu'il devrait en être ainsi, et que ceux qui possèdent et emploient des dons de l'Esprit le font en vertu de la parfaite sainteté qu'ils auraient acquise. Le fait est que, d'après le Nouveau Testament, plusieurs personnes très imparfaites ont possédé de merveilleux et authentiques dons du Saint-Esprit. Il faudrait citer les apôtres eux-mêmes si l'on cherchait des exemples de ce fait.

La sainteté est indispensable à une manifestation des dons utile pour l'édification d'autrui, et nous ne voulons donner aucune prime au manque de sainteté ; mais ce que nous voulons établir, c'est qu'il est possible que des dons authentiques de l'Esprit soient mal employés, à cause de l'imperfection du croyant à qui ils ont été accordés.

Exemples de quelques abus.

Nous aurons à revenir à la question de principe ; mais, avant cela, cherchons des exemples d'abus constatés à Corinthe.

Tout d'abord, le plus visible, on parlait trop en langues dans les réunions (I Cor. 14.23, 27, etc.) En second lieu on parlait en langues dans l'assemblée sans interpréter (v. 5, 9, etc.). Troisièmement, il semble que ceux qui exerçaient le don de prophétie prétendaient à une autorité infaillible, se croyaient autorisés à perdre la maîtrise d'eux-mêmes et à se placer au-dessus du gouvernement de l'Eglise.

Paul remédie à ces abus en donnant des ordres précis pour chaque cas. Ainsi, deux ou trois ou plus devaient parler en langues dans une seule et même réunion (v . 27) ; le parler en langues, à haute voix et en public, était interdit s'il n'y avait pas d'interprétation, et l'interprétation devait se faire avec ordre (v. 27, 28). L'apôtre rappelle sévèrement aux prophètes que leurs messages pouvaient et devaient être soumis au jugement des autres, que l'inspiration ne leur enlevait point la maîtrise d'eux-mêmes, et ne les autorisait point à mépriser l'autorité (v. 29-32).

N'allons pas croire que seuls ces dons soient susceptibles d'abus, ou que les abus mentionnés à leur sujet soient les seuls possibles. Par exemple il y a tout lieu de croire que l'église de Thessalonique allait à l'extrême opposé, et qu'elle supprimait ou méprisait l'inspiration (I Thess. 5.19-21). D'autres textes indiquent que la parole de connaissance risque d'enfler d'orgueil le croyant qui la reçoit (I Cor. 8.1 et 13.2) ; même le don de foi pouvait ne servir pratiquement à rien (I Cor. 13.2) faute d'amour. Avec un peu d'imagination, on se représente sans peine ce qui peut gâter les dons de guérison, et même tous les autres dons, et les détourner du but que Dieu leur assigne.

La règle d'or.

La pratique des dons spirituels est soumise à une règle d'or, I Cor. 14.26 : « QUE TOUT SE FASSE POUR L'ÉDIFICATION ». Il y a aussi un principe « d'or », seul capable de les rendre utiles, c'est le principe de l'amour, si clairement posé par I Cor. 13, chapitre, il faut s'en souvenir, qui a été écrit à propos des dons spirituels.

Il suffirait de s'en tenir à cette règle, et à ce principe, pour éviter toute erreur possible dans l'emploi des dons de l'Esprit. Ainsi les gens de Corinthe n'auraient pas songé, à parler en langues plus que de raison, ou sans interprétation au cours des réunions, s'ils s'étaient préoccupés avant tout du profit spirituel du plus grand nombre. Il est vrai, Paul l'admet, que chacun s'édifiait soi-même (v. 4) ; mais l'amour veut que les autres aient part à l'édification (v. 17) ; de plus l'amour ne cherchera jamais son édification au risque de scandaliser les autres (v. 24).

Qu'on nous permette une anecdote ; nous avons écrit cette étude à bord d'un transatlantique, et il nous est arrivé de remarquer que certaines personnes se mettaient au piano à n'importe quel moment, pour leur plaisir personnel, sans se préoccuper en aucune manière des désirs ou du bien-être des autres. D'autres, au contraire, ne perdaient jamais de vue ces considérations de convenance, ni la pensée du plaisir de tous les passagers.

Un grand nombre d'abus, en matière de dons spirituels, proviennent purement et simplement de l'égoïsme, et ceci s'applique peut-être tout particulièrement au don des langues. Dans les réunions publiques et dans les assemblées d'église, celui qui a un don doit toujours penser avec amour aux autres, et il doit toujours se préoccuper du résultat, utile ou non, que peut avoir pour eux la manifestation du don. Il ne doit pas se comporter comme s'il était seul avec Dieu.

Cette pensée est à la racine du dernier commandement de l'apôtre « Que tout se fasse avec bienséance et avec ordre » (v. 40) : non point l'ordre qui règne au cimetière, mais l'ordre d'un corps vivant, qui accomplit ses fonctions d'une manière aisée et utile pour tous.

L'inspiration n'enlève jamais la maîtrise de soi.

L'erreur des prophètes de Corinthe était beaucoup plus grave que celle des inspirés qui parlaient en langues ; elle pouvait avoir des conséquences beaucoup plus sérieuses ; c'est l'erreur même qui a fait avorter la plupart des mouvements d'inspiration.

Sans reprendre ce qui a déjà été dit, rappelons que cette erreur revient, en son centre, à mettre sur le même plan l'inspiration des dons et l'inspiration infaillible des Ecritures.

Mais, laissant de côté pour le moment cet aspect de la question, remarquons encore que les inspirés, quand ils parlaient, perdaient la maîtrise d'eux-mêmes, ne se croyaient plus responsables de leurs actes, et par suite prétendaient se soustraire à toute autorité dans l'assemblée. Cela est une grande erreur. Les malheureux qui sont possédés des démons peuvent être réduits à des états de frénésie ou de stupeur ; mais le Saint-Esprit n'agira jamais qu'avec la coopération de la volonté active et intelligente du croyant.

Paul le suppose tout au long du Chapitre 14 de I Corinthiens. A quoi servirait-il de dire aux gens de garder le silence (v. 28), ou de se taire (v. 30), si le Saint-Esprit les privait de toute maîtrise d'eux-mêmes ; que signifierait une préférence comme celle qu'avoue Paul (j'aime mieux dire... v. 19) si l'Esprit de Dieu l'avait privé de tout choix en la matière ?

Quand on reproche à certaines personnes les excès de leur conduite en matière de dons spirituels, elles s'excusent, en disant que « l'Esprit les a obligées » ou qu'« elles ne pouvaient s'empêcher de... ». Ces excuses n'ont aucune valeur, elles trahissent seulement un grand manque de compréhension chez celui qui les présente.

Le Saint-Esprit n'est pas divisé contre lui-même.

Il est absurde de penser que Dieu agirait contre sa propre volonté, et que l'Esprit, après avoir commandé que tout se fasse avec ordre, obligerait les croyants au désordre !

Etudions avec soin la grande œuvre du Saint-Esprit ; nous constatons qu'elle consiste en la sanctification du croyant, à qui il révèle le Christ ; et il convainc l'incroyant de péché en lui révélant également le Christ.

L'Esprit de Dieu serait divisé contre lui-même si l'exercice des dons attirait l'attention sur le croyant plutôt que sur le Seigneur. Le Saint-Esprit ne peut provoquer des sentiments de peur ou de dégoût, en particulier dans le cœur d'un assistant qui commence d'avoir la conviction de son péché. Quand des incroyants sont présents, ceux qui exercent les dons spirituels doivent plus que jamais prendre garde d'être réellement animés par l'Esprit de Dieu.

Le Saint-Esprit n'est pas non plus divisé contre lui-même en ce qui concerne l'autorité dans les assemblées. Si une réunion est entre les mains d'hommes que Dieu a appelés et qualifiés (en principe il doit en être ainsi pour toute réunion), Dieu fera connaître sa volonté par les hommes qu'il a désignés à l'avance, et il ne répandra pas un esprit d'anarchie ou de révolte, quelque tentant que cela puisse être pour les personnes remuantes. Dieu respecte l'anion qu'il a lui-même instituée, même si les hommes cherchent parfois à la renverser ; et l'homme qui occupe une charge doit toujours être respecté à cause de sa charge, même si l'on peut constater en lui à certains moments les imperfections inévitables en tout ce qui est humain.

Nous ne cherchons pas à défendre les ordonnances charnelles que certains hommes établissent pour enlever à l'Esprit sa suprématie : mais, même quand il a affaire à de tels hommes, le croyant réellement dirigé par l'Esprit de Dieu restera bienveillant et courtois ; et il se retirera (comme Paul autrefois se retirait des synagogues) si vraiment le témoignage de l'Esprit est étouffé à dessein. La grossièreté et le fanatisme n'ont jamais rendu aucun service à la cause de la vérité ; il ne faut pas confondre avec ces dernières, la déclaration calme et courageuse qui peut être requise parfois au sujet des croyances dont nous sommes absolument sûrs.

Le vrai remède aux abus des dons spirituels.

Le seul vrai remède, c'est la croissance dans la grâce. Nous pensons à une pancarte que nous avons vue un jour dans les jardins d'une ville d'eaux aristocratique du sud de l'Angleterre : « Les ladies et les gentlemen[1] ne voudront certainement pas, et les autres personnes ne doivent pas, cueillir les fleurs ». Le Seigneur veut que nous soyons tous, dans le domaine spirituel, des ladies et des gentlemen.

[1] C'est-à-dire les dames et les messieurs bien élevés. (Trad.)

Il peut y avoir une première période où le croyant est semblable à un enfant ; il doit apprendre le bon usage des dons spirituels en obéissant à ceux qui ont autorité, qu'il comprenne ou non les raisons de leurs. injonctions. Mais s'il y a une vraie croissance dans la grâce, ce stade est vite dépassé, et les dons seront employés comme il faut, instinctivement, pour ainsi dire.

Paul exprime ainsi cette pensée : « Frères, ne soyez pas -des enfants sous le rapport du jugement ; ...à l'égard du jugement (sous-entendu : en ce qui concerne les dons spirituels), soyez des hommes faits (I Cor. 14.20). Je ne veux pas que vous soyez dans l'ignorance (1Co 12.1) ». Par conséquent, si la première chose à avoir pour bien se servir des dons spirituels, c'est un cœur qui soit bon, parce que rempli de l'amour divin, la seconde chose nécessaire est un esprit qui soit intelligent, parce qu'éclairé par la lumière divine.

Toutefois l'intelligence requise pour les dons spirituels et leur emploi, que Paul recommande si fortement, est. fondée après tout sur ce qu'on peut appeler un bon sens sanctifié : c'est ce qui ressort de sa brusque question : « Ne diront-ils pas que vous êtes fous ? » (I Cor. 14.23), et des comparaisons familières qu'il tire des instruments de musique (v. 7-11). Pour comprendre comment se servir correctement même d'un don aussi mystérieux que le parler en langues, point n'est besoin d'une révélation spéciale, ni même d'une étude bien poussée des Ecritures ; il suffit d'appliquer des principes tout ordinaires de convenances et de tact ! La question se ramène en fin de compte à cette considération toute simple.

Pour conclure, souvenons-nous que les instructions données à l'église de Corinthe, tout en étant destinées par Dieu à l'Eglise de tous les siècles, ont pour origine les désordres qui s'étaient produits dans un endroit déterminé. Ils ne correspondent pas à l'état normal d'une église ou d'un croyant spirituellement sains.

L'esprit de l'homme est à la racine de ces désordres, quand il veut s'affirmer au lieu de s'effacer. Le seul remède se trouve auprès de la Croix, et sur la Croix.

La pratique des dons spirituels est portée à son point de perfection quand le Saint-Esprit est vraiment le maître de l'être entier, esprit, âme et corps. Le chrétien peut alors dire avec le cantique : « Pour moi, être libre, c'est me soumettre à ta volonté », et les assistants sont forcés de reconnaître qu'il est réellement « rempli du Saint-Esprit ». Tout ce qui arrivera, en de telles conditions, sera de bon aloi.

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