Le fruit de l'Esprit

6. LA BÉNIGNITÉ (LA BIENVEILLANCE)

Dans une certaine aciérie d'Angleterre il y a un marteau-pilon très puissant. Après avoir expliqué et démontré aux visiteurs sa force exceptionnelle, l'opérateur termine généralement la démonstration en cassant une noix avec ce grand marteau-pilon. Et la noix est ouverte aussi doucement, aussi proprement qu'avec un petit casse-noisette à main. Voilà la bénignité véritable.

Car la bénignité ne doit jamais être confondue avec la faiblesse. Elle est la puissance sous un contrôle parfait.

La bénignité de Dieu.

Il faut la force rude de l'homme, et la tendresse éclairée de la femme, pour former la douceur la plus belle. C'est la bienveillance au sens le meilleur et le plus complet du mot.

Car Dieu est bienveillance, et manifester la bénignité comme fruit de l'Esprit, c'est ressembler à Dieu dans un de ses attributs les plus aimables « Vous serez fils du Très-Haut, car il est bon. » (Luc 6.35).

Lorsque les hommes, sous l'inspiration du Saint-Esprit, veulent décrire cette caractéristique du Tout-Puissant, ils parlent généralement de Lui comme d'un « Berger ». Cette bienveillance divine non seulement fit grand David (Psaume 18.35), mais elle l'inspira aussi à commencer un de ses psaumes les plus admirables par ces mots : « L'Eternel est mon Berger ». La grande bonté, les compassions de l'Eternel sont un thème constant de louanges.

Le passage de l'Ecriture qui, peut être, nous permet le mieux de comprendre et d'apprécier la douceur divine est Esaïe 40.10-12. Le verset central est rempli d'une beauté paisible et forte : « Comme un Berger, il paîtra son troupeau, il prendra les agneaux dans Ses bras et les portera dans son sein ; il conduira doucement les brebis qui allaitent ». Cependant, les versets qui précèdent et suivent immédiatement ce joyau d'une douceur exquisément révélée contiennent une description éloquente de la puissance du bras de l'Eternel, le Gouverneur Tout-puissant, et de Sa sagesse infinie comme Créateur des extrémités de la terre, de celui qui a pris les dimensions des cieux avec la paume. Le contraste est superbe, et donne une conception exacte de la bénignité véritable, — la puissance, sous le contrôle de l'amour parfait.

Paul, dans la seconde Epître aux Corinthiens, parle de la « douceur et de la bonté de Christ » (2 Cor. 10.1) En lui, la prophétie fut accomplie : « il ne brisera point le roseau cassé, et n'éteindra point la mèche qui brûle encore » (Esaïe 42.3).

La bienveillance de notre Seigneur fut manifestée dans ses rapports avec les malades, les pauvres, les enfants, les pécheurs. Tous ceux qui comptaient au nombre des « roseaux brisés » en éprouvaient la bonté. Sa bénignité apparaît dans un trait plein de beauté, à la résurrection de la fille de Jaïrus. Il fait d'abord sortir la foule bruyante des gens qui pleurent et entre avec le père et la mère seuls ; puis, avec une douceur exquise, il prend la main de la jeune fille et la réveille du sommeil de la mort. Enfin, ce trait final : il ordonne de lui donner à manger.

Il est vrai qu'il réprimanda les fièvres, et qu'il fut sévère avec les dénions, mais nous avons pensé que les enfants de Dieu agissant en Son Nom gagneraient parfois à Lui ressembler un peu plus dans la bienveillance.

La bénignité avec les âmes.

Ce fruit de l'Esprit de Dieu est d'une importance primordiale chez un ministre de l'Evangile, dont le travail est souvent délicat. L'âme humaine est la création la plus merveilleuse de Dieu, et pour la diriger d'une manière tant soit peu efficace, ainsi qu'un serviteur de Christ est souvent, par son ministère, appelé à le faire, il faut une habileté donnée par le ciel même, et maintenue dans la perfection par une marche étroite avec Dieu. Ceux d'entre nous qui ne sont pas mis à part pour l'œuvre spéciale du ministère

doivent se souvenir que nous sommes tous appelés à être en contact avec d'autres âmes, sur le chemin de la vie. Nous avons tous besoin de la bienveillance pour nous garder d'infliger des blessures inutiles, et pour apporter le peu de secours dont on a si souvent besoin.

a) Comme une mère avec ses enfants.

Paul, en écrivant aux Thessaloniciens, déclare : « Nous avons été doux au milieu » de vous, comme une nourrice qui prend « un tendre soin de ses propres enfants ». (1 Thess. 2.7) (Version Synodale). Nous devons nous rappeler que les débutants de la vie chrétienne sont décrits par l'Esprit de Dieu comme des « enfants nouveau-nés ». (1 Pierre 2.2).

Les croyants plus anciens semblent parfois l'oublier. Ils imposent à de jeunes convertis des niveaux spirituels applicables seulement à des chrétiens d'une expérience mûre. Nous ne suggérons pas un instant que les niveaux ultimes de la sainteté peuvent ou doivent être changés, mais nous sommes convaincus qu'il y a lieu d'exercer beaucoup de bonté,de bienveillance, lorsque de nouveaux convertis croissent dans la grâce. Les mères et les nourrices sont très douces avec de petits enfants qui ne savent pas encore se bien tenir à table ; elles ne grondent certainement pas le petit qui tombe en faisant ses premiers pas. Nous avons encore besoin de quelques Elisées pour dire aux Naamans « d'aller en paix » au lieu de les charger de fardeaux trop lourds à porter (2 Rois 5.18-19). C'est faute d'une bénignité raisonnable que certains nouveaux convertis pleins de promesse ont été rejetés dans le monde.

Lorsqu'un croyant récemment baptisé du Saint-Esprit commet dans l'Assemblée une erreur dans l'exercice d'un don spirituel, c'est une brutalité complète de le reprendre dans une réunion. Si la chose est inévitable, elle doit être faite avec un grand tact, une grande bienveillance. Mais la bonté vraie préférera toujours l'avertissement privé.

De même, c'est manquer de bonté réelle que de confier trop hâtivement une fonction à un jeune croyant. Aucune mère ou nourrice sage n'agirait ainsi avec les enfants qui lui sont confiés. « Il ne faut pas qu'il soit un nouveau converti, de peur qu'enflé d'orgueil..... (1 Tim. 3.16). Nous devons payer cher pour nos fautes.

Les enfants nouveau-nés doivent recevoir le « lait spirituel et pur », mais il faut de la douceur pour les nourrir avec adresse, comme le savent fort bien tous ceux qui ont dû élever au biberon un jeune bébé. Certains pasteurs (et quelques moniteurs d'école du Dimanche) ont encore à apprendre l'art de donner la Parole sous forme de « lait ». Ne vous plaignez pas de la perte de l'appétit spirituel chez ceux qui vous sont confiés, si vous leur donnez comme nourriture la viande coriace d'une théologie systématique qui convient seulement à des élèves de troisième année dans une faculté, ou les ossements d'une doctrine de controverse dont la discussion serait mieux placée à une réunion privée de conseil presbytéral. N'avez-vous jamais songé que ce n'était vraiment pas charitable ?

b) Comme une garde avec ses malades

Peut-il y avoir de démonstration plus parfaite de la douceur et de la bonté que la manière d'agir d'une infirmière adroite envers son malade ? Et, malheureusement, beaucoup de personnes sont malades dans leur âme.

Nous connaissons les symptômes habituels ; et combien leur ressemblance est frappante dans les domaines physique et spirituel. La perte de l'appétit, l'irritabilité, une sensibilité excessive, une vivacité à prendre offense, une humeur chagrine, un mécontentement de tout, une antipathie au travail, un désir revêche de se séparer du reste de la famille. Ce sont là les marques infaillibles d'un chrétien malade.

Nous sommes très fortement tentés de nous irriter contre des gens dans une telle condition, et nous sentons qu'une bonne secousse, et quelques rudes paroles leur feraient beaucoup de bien. Mais généralement la douceur l'emporte. « Le serviteur du Seigneur doit avoir de la condescendance pour tous, être propre à enseigner, doué de patience ; il doit redresser avec douceur les adversaires ». (2 Tim. 2.24-25). Maint pasteur a gagné plusieurs de ses membres les plus fidèles par une bienveillance persévérante devant une irritabilité et des malentendus volontaires.

Quelquefois, lorsque les gens sont malades, nous devons respecter la tranquillité de leur chambre ; nous ne pouvons nous permettre de siffler, chanter, ou engager des conversations bruyantes, si enclins que nous soyons à le faire, nous qui jouissons d'une pleine santé. Loin de nous de suggérer d'éteindre l'Esprit ; nous voulons dire que Sa douceur nous incitera à modérer l'exubérance de nos propres sentiments dans bien des occasions où nous sommes en présence de chrétiens ne possédant pas notre plénitude de santé et de vie spirituelles. C'est là se conformer au principe scripturaire de ne pas laisser notre liberté personnelle devenir une pierre d'achoppement pour un frère plus faible. Et les fruits de l'Esprit ne seront jamais en conflit avec les dons spirituels exercés « dans l'Esprit ».

Comme un artisan avec son travail.

Je regardai un jour un potier travaillant sur son tour. Je fus impressionné par la sensibilité merveilleuse de ses doigts, et la forme donnée au vase par la moindre pression sur l'argile. Il y a toujours quelque chose de noble et d'instructif dans toute œuvre d'artisan habile.

Les artisans de Dieu ont besoin du doigté le plus sensible entre tous, car leur travail est d'une importance très grande, de conséquences éternelles. La douceur forme partie de l'adresse indispensable pour accomplir une telle œuvre de maître artisan. Les attributs de la sagesse que Jacques énumère impliquent cette douceur : « La Sagesse d'En-Haut est premièrement pure, ensuite pacifique, modérée, conciliante, pleine de miséricorde » (Jacques 3.17).

Toutes ces choses, pour être dirigées en bénédiction sur les âmes, nécessitent le doigté d'un artiste. Les artistes ont toujours leur place.

Quelle habile bienveillance ne faut-il pas pour gagner les âmes ! Il est instructif de contempler le Maître à l'œuvre avec Nathanaël, avec Nicodème, avec la Samaritaine près du puits, avec Zachée, avec Pierre... oui, et avec vous et moi. Grâces soient rendues à Dieu, il possède encore de nos jours de nombreux experts, des ouvriers habiles, équipés du fruit de l'Esprit, la douceur, pour la plus grande de toutes les tâches.

L'adresse d'un très bon pilote est indispensable dans une assemblée, — celle de l'homme qui peut lui apporter la « direction du Saint-Esprit » — pour garder les réunions loin des écueils et des remous, dans l'eau profonde de la plénitude des bénédictions spirituelles, tout en faisant le moins possible appesantir son autorité. Un tel frère, s'il est véritablement expert, possédera le don et la fonction de « gouverner » (1 Cor. 12.28) ; littéralement de « pilotage ». Nous sommes persuadés cependant que le fruit de la bienveillance accompagnera le don reçu.

En de rares occasions, lorsqu'un grand vaisseau suit en mer une marche rapide, un danger soudain peut contraindre le pilote à changer brusquement la direction du navire. Mais cela le soumet de toutes parts à une tension considérable, et le met presque en morceaux. Le pilote conduit habituellement le navire avec douceur, et seul un grand danger imprévu le fera déroger à cette règle. Quel choc n'y a-t-il pas aussi dans une assemblée, quand celui qui préside gît sans douceur, d'une manière arbitraire !

Voyez le contraste entre la puissance d'un grand transatlantique, et la douceur superbe avec laquelle il est toujours amené à quai ! Le vaisseau ralentit sa marche, et semble se mouvoir à peine. Il se rapproche de plus en plus, en silence, du rivage ; un mince cordeau est lancé, puis un câble plus épais, et ainsi, mètre par mètre, l'énorme vaisseau est amené sans danger contre la jetée.

Je fus frappé plus encore par l'atterrissage d'un grand aéroplane, car à ce moment-là je m'attendais vraiment à une forte secousse. Nous avions été avertis de nous attacher à nos sièges par des courroies, pour une telle éventualité. Mais le pilote amena si habilement l'avion au sol que l'atterrissage fut à peine perceptible. Le Seigneur veut, dans assemblées, des pilotes qui puissent agir de même dans une réunion !

Dans l'accomplissement des desseins éternels de Dieu, déversant Son Esprit avec puissance à la Pentecôte, il restera toujours une place essentielle pour le fruit de l'Esprit, la bénignité. Elle est une des qualités indispensables aux grands dons spirituels, et la marque de l'ouvrier revêtu de la Puissance d'En-Haut, sous le contrôle du parfait amour.

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