Histoire de la Bible en France

XI
Versions protestantes originales parues depuis la version d’Olivétan

Seizième siècle

Castalion, disciple de Servet, fit deux traductions de la Bible, une latine et une française. Dans sa traduction française (1555), « il essaie, dit M. Reuss, de plier la Bible au génie de la langue française, mais le génie de celle-ci au sien propre ». M. Stapfer[a] confirme ce jugement. Castalion traduit les mots d’après leur étymologie. Au lieu d’holocauste, il dit brûlage. Il met flairement au lieu d’odorat (1 Corinthiens 12.17) ; songe-malices au lieu d’inventeurs de méchancetés (Romains 1.30). Pour petits enfants, il forge le barbarisme enfantons. Cette œuvre n’eut qu’une seule édition, et ne méritait pas davantage.

[a] La traduction française du Nouveau Testament, ix (Revue chrétienne, 1900, p. 96-106). Les appréciations de M. Stapfer qu’on trouvera dans ce chapitre sont toutes empruntées à cette source.

Dix-septième siècle

En 1644, Jean Diodati, le même qui fit une excellente traduction de la Bible en italien, publia une version française à Genève. « essai louable, dit M. Stapfer, de rajeunir le vieux français du dix-septième siècle. Mais Diodati fut accusé d’avoir paraphrasé plutôt que traduit, et on lui préféra la vieille version à laquelle on était habitué. »

Dix-huitième siècle

Deux traductions, dans ce siècle, parurent en Hollande. D’abord une traduction du Nouveau Testament de Leclerc (1703), qui fut accusée de socinianisme. L’opposition qu’on lui fit, l’interdiction dont elle fut frappée à Berlin, la rendirent momentanément célèbre, mais elle tomba dans l’oubli.

Puis, la traduction de la Bible de Lecène (1741), qui mérite plus que la précédente le reproche de rationalisme. Elle fait souvent violence au texte, et, de plus, est bizarre et inexacte. Lecène voulait réagir contre les versions littérales, mais le remède paraît avoir été pire que le mal. Au lieu de Dieu vit que la lumière était bonne, il met : car le Souverain voyait que cette lumière serait utile. Au lieu de faisons l’homme à notre image : faisons l’homme sur le dessein et sur l’idée que nous en avons formés. Au lieu de ceci est mon corps : ceci représente mon corps. Au lieu de la Parole a été faite chair : cet oracle était un corps humain.

En 1718, parut à Berlin une traduction excellente du Nouveau Testament, celle de Beausobre et Lenfant.

« Beausobre et Lenfant, dit M. Stapfer, étaient des pasteurs du Refuge, établis à Berlin. Ces deux hommes distingués firent une version extrêmement remarquable. Après avoir examiné très consciencieusement la question de la possibilité d’une révision de la version (révisée) de 1588, ils s’arrêtèrent, comme Claude, à la nécessité d’une version nouvelle, ce que ne comprenaient, à la même époque, ni Martin ni Ostervald… Ils publièrent leur œuvre en deux volumes in-8, avec des notes abondantes et fort bien faites. Le texte est divisé en paragraphes. Si cette version est restée inconnue en France même, c’est que les portes de notre pays lui restaient rigoureusement fermées. Elle eut un grand succès en Suisse et en Allemagne, où elle parut avec le texte allemand en regard. Un seul exemplaire pénétra en France, celui qui fut envoyé à la duchesse d’Orléans, appelée la Palatine, princesse allemande et ex-protestante, seconde femme de Monsieur, frère de Louis XIV, et mère du Régent ».

Dix-neuvième et vingtième siècles

Le livre de Job, nouvellement traduit d’après le texte original non ponctué et les anciennes versions, notamment l’arabe et le syriaque, avec un commentaire imprimé à part, par Louis Bridel, professeur de langues orientales et de l’interprétation des Livres saints à l’Académie de Lausanne. Paris, Didot, 1818.

Le traducteur a reproduit la coupe des vers hébreux.

Cette traduction est la première traduction protestante originale d’un fragment des Écritures au siècle dernier. On voit que c’est un Suisse qui a ouvert la voie. M. Louis Bridel, frère du doyen Bridel, était l’arrière-grand-oncle du professeur Ph. Bridel.

Job, les Psaumes, les Proverbes, l’Ecclésiaste de la Parole de Dieu, traduits de l’hébreu par Louis Vivien, ministre de l’Évangile, à Montbéliard. Imprimé à Montbéliard. Paris, chez Risler, 1831. Une deuxième édition (Arras, chez l’auteur. Paris, chez Grassart) ne porte pas de date. D’après l’apparence, le volume pourrait être d’environ 1850 ou 1860.

C’est le premier essai protestant d’une traduction personnelle des Écritures qui ait été imprimé en France. Il convient de signaler cette tentative modeste, inspirée par une piété profonde.

« Les trois livres de la Parole de Dieu qui suivent, dit l’auteur dans la préface de la première édition, ont toujours présenté à mon âme, depuis que la grâce du Seigneur m’a été révélée, une nourriture exquise, et une source féconde d’enseignements et de consolations ; j’ai été tout naturellement conduit à les étudier dans l’original. Plus tard, frappé des nombreuses incorrections que présentent nos versions françaises, j’ai pensé faire une œuvre utile et agréable à mes frères, en publiant dans ce petit volume les Psaumes, les Proverbes et l’Ecclésiaste, dans une version plus correcte que celle de nos Bibles. Ce n’est point que j’aie voulu faire une traduction nouvelle et qui m’appartint. J’ai seulement désiré d’en présenter une qui fût fidèle, et en conséquence, je me suis librement servi de toutes les versions que j’ai été à portée de connaître. »

Le traducteur a pourtant fait, en une mesure, œuvre originale. Le texte n’est pas coupé en versets, et ceux-ci sont indiqués en marge. Innovation remarquable pour l’époque.

En 1835, le Nouveau Testament, version nouvelle, dite de Genève, parce qu’elle fut faite par un Genevois et parce qu’elle eut l’approbation de la Compagnie des pasteurs de Genève (Marc Aurel, Valence). Le traducteur était le professeur Munier. C’est la première version originale protestante en français du Nouveau Testament qui ait paru au dix-neuvième siècle, ou qui ait été imprimée en France. Deux éditions furent publiées la même année. C’est cette version qui fut l’occasion de vifs débats au sein de la Société biblique protestante de Paris (Voir chapitre XIII).

Le Nouveau Testament de Notre-Seigneur Jésus-Christ, traduit en Suisse par une société de ministres de la Parole de Dieu. Version dite de Lausanne. Chez Georges Bridel, Lausanne. Première édition, 1839. Réédité en 1849, puis, sous le même titre, sauf les mots en Suisse, en 1859, 1872 et 1875. Les deux dernières éditions contiennent des variantes de texte et de traduction, celle de 1872 en appendice, celle de 1875 au bas des pages. La traduction est faite sur le texte reçu.

La traduction de l’Ancien Testament suivit celle du Nouveau. Les psaumes parurent en 1854, et furent réédités en 1862. Les autres livres parurent (y compris une seconde réimpression des psaumes) de 1861 à 1872.

Dans la traduction du Nouveau Testament, les deux hommes dont l’influence a été prépondérante furent, au début, Gaussen, et, à la fin, Louis Burnier. Les auteurs de cette version, partant de la conviction que le texte des Écritures nous donne la pensée même de Dieu, se sont attachés à le rendre littéralement, traduisant toujours, autant que possible, le même mot par le même mot, et évitant de rendre la traduction plus claire que le texte, de peur d’ajouter à celui-ci. De plus, ils se sont proposé de traduire de telle façon que le Nouveau Testament français fût aujourd’hui pour les lecteurs français ce que, au premier siècle, le Nouveau Testament grec était pour des Grecs. Ils ont dépouillé certains mots du sens convenu, technique, qu’ils ont pris en passant par le latin. Ils ont dit Bonne Nouvelle et non Évangile, envoyé et non apôtre, assemblée et non église, voie et non doctrine ou secte, etc.

Quoi qu’on puisse penser des principes adoptés et de leur application, parfois arbitraire, parfois excessive, cette version n’en est pas moins une œuvre intéressante et remarquable. Elle met en une mesure le texte original, dont elle est une sorte de décalque, sous les yeux de ceux qui n’y ont pas accès. Elle a enrichi le vocabulaire du Nouveau Testament de quatre cent trente mots environ, étrangers à la version d’Ostervald[b].

[b] Voir : La version du Nouveau Testament dite de Lausanne, son histoire et ses critiques (1866), et Les mots du Nouveau Testament dans les versions comparées d’Ostervald et de Lausanne (1871), par Louis Burnier, deux brochures qui traitent avec une grande compétence des questions relatives à la traduction du Nouveau Testament.

Exemples de ses étrangetés littérales :

Ces bizarreries — on pourrait dire ces énormités — ont jeté sur cette version un ridicule que, dans son ensemble, elle est loin de mériter. Il nous paraît intéressant de noter à ce propos l’opinion de Vinet en fait de traduction. Après avoir condamné le littéralisme absolu, il s’exprime ainsi :

« Il y a entre deux langues, à quelque distance qu’on aille les prendre, une masse de rapports suffisants pour nous autoriser, nous obliger même, à essayer d’abord de la littéralité : toutes les fois qu’elle est possible, elle est nécessaire ; mais à quelle condition est-elle possible, si ce n’est à la condition de rendre, avec la pensée de l’écrivain, l’écrivain lui-même, je veux dire son intention, son âme, ce qu’il a mis de soi dans sa parole, et ensuite de satisfaire, par la pureté du langage, sinon les méticuleux puristes, du moins les hommes d’une oreille exercée et d’un goût délicat ? …

Pour nous résumer, le système de fidélité est bon et vrai sauf l’excès. Tous les faits bien examinés, il est rationnel de partir des mots et de la phrase de l’original, comme de l’hypothèse la plus vraisemblable ; ainsi procède celui qui cherche à se rendre compte des phénomènes naturels ; et il en est d’une hypothèse qui explique toutes les parties d’un fait comme d’une forme qui conserve toutes les parties de la pensée et toutes les intentions de l’écrivain. Cette hypothèse et cette forme se vérifient à cette épreuve. » (Études sur la littérature française. t. 1, p. 559, 572. Toute cette remarquable étude sur ce que doit être une traduction est à lire).]

La traduction de l’Ancien Testament est supérieure à celle du Nouveau, ce qui s’explique par la construction plus simple de l’hébreu. M. Segond disait que de toutes les traductions qu’il consultait après avoir étudié le texte, celle de Lausanne venait la dernière, et qu’il était presque toujours d’accord avec elle.

La Traduction de L’Ancien Testament de Perret-Gentil. Cette version reproduit essentiellement la version allemande de de Wette, fort prisée encore aujourd’hui par les théologiens allemands. Sa valeur scientifique est donc réelle. Quoiqu’elle présente des expressions malheureuses, parfois pédantes, des tournures tourmentées et déconcertantes, elle se distingue par un parfum archaïque qui lui donne de la saveur et même de la beauté. Elle révèle à chaque ligne, chez le traducteur, le savant et l’humble croyant, rempli du scrupuleux respect de la vérité en même temps que de l’esprit d’adoration et d’amour.

Hagiographes et Prophètes, chez Wolfrath, Neuchâtel (1847, seconde édition, 1866) ; Pentateuque et livres historiques (1861). Ancien Testament complet (Société biblique de Paris, 1866), édité par la même Société, la même année, avec le Nouveau Testament de Genève de 1835, d’une part, et avec le Nouveau Testament d’Arnaud d’autre part, puis, en 1874, avec le Nouveau Testament d’Oltramare.

La Traduction du Nouveau Testament de Rilliet. Paris, Cherbuliez (1858). Rilliet est, avec Arnaud, le premier qui ait rompu avec le texte reçu. Il traduisit sur le texte du Vaticanus. Sa version est remarquable et par l’admirable connaissance du grec qu’elle dénote et par sa grande valeur exégétique. « Elle abonde, dit M. Stapfer, en expressions incroyablement justes et bien choisies ». « Je ne le tiens pas pour infaillible, nous écrit M. Léopold Monod, mais j’ai été plus d’une fois frappé, en recourant à lui, du soin minutieux qu’il apportait à son grand travail. Sous les termes qu’il a adoptés, on sent le résultat d’une étude exégétique personnelle, d’une délibération consciente et mûrie ». Elle est accompagnée de l’indication des variantes du texte et de notes explicatives, notes historiques, géographiques, archéologiques, et précédée d’une préface savante sur l’histoire du texte, les variantes du texte reçu, etc. Cette traduction a été réimprimée en 1860, sans la mention seconde édition. Elle a été revue néanmoins, preuve en soit la modification suivante, qui n’est pas sans importance. En 1858, Rilliet avait traduit ainsi la question de Jésus à Judas : « Camarade, qu’est ce qui t’amène ? » En 1860, il traduit ainsi : « Camarade, sois à ce qui t’amène. »

[Cette traduction est aussi celle de la version révisée anglaise (Friend, do that for which thou art come) de la version Segond revue (mon ami, ce que tu es venu faire, fais-le), de B. Weiss, dans son commentaire (il dit en note que le relatif ὃς n’étant jamais employé en interrogation directe, l’interprétation interrogative habituelle est inexacte), et elle a pour elle l’opinion de M. le pasteur Babut.]

La Traduction du Nouveau Testament d’Arnaud. Paris, Grassart (1858). Arnaud rompit en même temps que Rilliet avec le texte reçu. Sa traduction fut réimprimée avec commentaire en 1863, en 1872 avec l’Ancien Testament de Perret-Gentil, et en 1880 avec l’Ancien Testament de Segond. « Arnaud, dit M. Stapfer, fut le premier, en France, à secouer le joug d’Ostervald ». Cette traduction n’est pas exempte d’expressions lourdes et incorrectes, dues au désir de serrer le texte de près. C’est la première traduction originale du Nouveau Testament publiée en France par un protestant français.

Les Livres saints connus sous le nom de Nouveau Testament. Version nouvelle. Pau-Vevey (1859). Elle fut rééditée en 1872, 1875, 1878. La Bible complète parut en 1885. C’est la traduction dite de Darby.

La traduction du Nouveau Testament n’a pas été faite sur le texte reçu. Elle est accompagnée de notes indiquant des variantes de texte. La préface de l’édition de 1885 dit que dès la première édition, et surtout dans les suivantes, « nous avons abandonné le texte appelé par les Elzévirs, sans aucun fondement acceptable, texte reçu ». La préface de 1872 contient de longs développements sur les manuscrits et la critique du texte. En fait, le traducteur est resté conservateur. Mais il retranche le passage des trois témoins (1 Jean 5.8).

L’Ancien Testament renferme un grand nombre de notes marginales très intéressantes au point de vue de la traduction.

Faite d’après les mêmes principes que la version de Lausanne, elle a largement profité de cette version et elle a su en éviter bien des défauts. Elle est d’un littéralisme plus habile, plus scientifique, et souvent plus heureux. Dans la préparation de sa version, M. Darby a eu pour collaborateur M. Schlumberger, de Mulhouse, ce qui explique la supériorité du style sur celui des écrits de M. Darby lui-même. « Au fond, nous écrit M. le professeur Ch. Porret, c’est cette traduction qui me paraît répondre le mieux à ce que désirent ceux qui cherchent la reproduction aussi exacte que possible de l’original sans que la langue soit trop sacrifiée ». M. Porret ajoute : « M. Frédéric Godet, avec lequel je parlais un jour de traductions, me dit : « Je ne les pratique pas. Mais en voici une avec laquelle je suis presque toujours d’accord quand je la consulte », et il me montra un petit volume avec l’indication Pau-Vevey, dont il fut très étonné d’apprendre que c’était la traduction de M. Darby. »

La Sainte Bible, ou l’Ancien et le Nouveau Testament, traduction nouvelle d’après les textes hébreu et grec, par une réunion de pasteurs et de ministres des deux églises nationales de France. Sept livraisons, parues de 1864 à 1868 (1. La Genèse ; 2. Saint-Matthieu, Ruth ; 3. L’épître aux Romains, l’Ecclésiaste ; 4. Ésaïe ; 5. Esdras, Néhémie, Esther ; 6. Saint Marc ; 7. Les deux épîtres aux Corinthiens). Le secrétaire du comité de traduction était M. Étienne Coquerel. Cette traduction aurait été, si la publication n’en était pas restée inachevée, la première version originale française de la Bible faite (depuis Olivétan) par des protestants français.

Les Psaumes traduits de l’hébreu, par Charles Bruston (1865). Paris, Ch. Meyrueis. Version qui « est en grande partie le résultat de recherches personnelles sur le texte des psaumes », et où le traducteur s’est efforcé « de faire disparaître des plus belles productions de la poésie hébraïque les détails insignifiants ou étranges qui les déparent… »

La traduction du Nouveau Testament d’Oltramare. Genève, Cherbuliez (1872). Due à l’initiative de la Compagnie des pasteurs de Genève. Rééditée par la Société biblique de Paris en 1874, à 56 500 exemplaires (in-32) ; en 1876, à 49 000 exemplaires (in-8) ; puis (revue) en 1900, à 27 000 exemplaires (in-8), et en 1901 à 30 000 exemplaires (in-32).

« Fort belle œuvre, dit M. Stapfer, pleine de vie, serrant le texte de près, en rendant les nuances avec science et habileté ». Et M. Ch. Porret apprécie ainsi cette version : « Elle est précieuse pour une lecture d’ensemble, rapide. Par exemple, la seconde épître aux Corinthiens semble sortie toute fraîche de la plume de l’auteur. Malheureusement, elle est trop libre dans les détails, surtout pour tout ce qui tient au vocabulaire psychologique. Ame, cœur, esprit, c’est tout un pour lui. Il a l’air de choisir uniquement d’après l’euphonie ou les convenances du français ». Cette version se prête fort bien à une lecture publique[c].

[c] Une des trouvailles d’Oltramare, c’est le « éminentissimes apôtres :» de 2 Corinthiens 11.5.

La traduction de la Bible, par Louis Segond. C’est à la requête de la Compagnie des pasteurs de Genève que M. Segond a fait sa version de l’Ancien Testament.

« De toutes nos versions protestantes, a écrit M. le pasteur Kœnig, Segond reste encore le chef, malgré de nombreuses, de trop nombreuses faiblesses de traductions et surtout des amollissements du texte ».

Quelques réserves que l’on ait à faire sur cette version, qui a certainement une tendance à affaiblir l’original, et à laquelle manque la saveur du langage des vieilles versions, on doit reconnaître qu’elle a ouvert une ère nouvelle dans l’histoire des versions françaises. Elle a été pour plusieurs comme une révélation de l’Ancien Testament, surtout des Prophètes, et plus particulièrement des petits Prophètes, que nombre de chrétiens ne lisaient jamais. Ce qu’on a gagné à cette version et en exactitude et en clarté a compensé, et au delà, croyons-nous, ce qu’on a pu y perdre en énergie de style. Il vaut mieux être clair et exact sans énergie, qu’énergique sans clarté et sans exactitude.

Segond a été beaucoup utilisé et même reproduit par l’abbé Crampon.

La version du Nouveau Testament par Segond ne vaut pas sa traduction de l’Ancien. Elle équivaut à une révision moyenne d’Ostervald.

Bibliographie de la Bible Segond

Avant 1873, il parut des fragments. Les Proverbes, sans date (réédités en 1884), sous ce titre : Aux jeunes gens et aux jeunes hommes, un père et un roi. — Une chrestomathie (extraits de l’Ancien Testament), en 1864. — Ésaïe, en 1866, — En 1873, cent vingt psaumes.

L’Ancien Testament, traduit sous les auspices de la Compagnie des pasteurs de Genève, a paru pour la première fois à Genève, chez Cherbuliez, en 1873 (avec la date de 1874), en deux volumes, in-8, dont 500 exemplaires furent livrés au public, et un certain nombre d’autres, sans doute, gardés par la Compagnie des pasteurs.

L’Évangile selon saint Matthieu parut en 1878, à Genève, en petit in-12. L’Évangile selon saint Jean parut en 1879 à Genève, in-16.

Le Nouveau Testament parut en 1880, in-8, chez Cherbuliez.

L’Ancien Testament a été réimprimé par la Société biblique de Paris, en 1878. in-8, à 35 000 exemplaires. Cette édition a servi pour la publication d’une Bible Segond-Oltramare (Segond pour l’Ancien, Oltramare pour le Nouveau Testament), d’une Bible Segond-Arnaud, et d’une Bible Segond-Segond (1880).

Une Bible Segond-Oltramare, in-12, a paru en 1879, sous les auspices de la Compagnie des Pasteurs de Genève, tirée à 20 000 exemplaires.

Une Bible Segond-Segond, in-12, a paru en 1880, à Oxford, tirée à 50 000 exemplaires. Il en a été réimprimé 10 000 exemplaires en 1884, 10 000 en 1885, 10 000 en 1886, 10 000 en 1892. 10 000 en 1894. 10 000 en 1898, 20 000 en 1901, 10 000 en 1906, 10 000 en 1909, 10 000 en 1910. En tout, de 1880 à 1910, 160 000 exemplaires.

L’Ancien Testament, avec les livres se suivant dans l’ordre du canon hébreu, a été publié en 1900, par la Société biblique de Paris, à 2000 exemplaires.

Une Bible Segond-Segond illustrée a été publiée en 1902, à Neuchâtel, par Zahn. Un second tirage a eu lieu depuis. Nous estimons que ces deux tirages ont dû s’élever à environ 5000 exemplaires.

L’Ancien Testament a été réimprimé en grand in-8, en 1900, par la Société biblique de Paris (il y a eu quatre tirages, — dont le dernier en 1908 — de 9000, 5000, 5000, et 20 000 exemplaires), et a servi à la publication d’une Bible Segond-Oltramare, d’une Bible Segond-Stapfer et d’une Bible de mariage Segond-Segond.

Une édition illustrée de la Bible Segond-Segond d’Oxford a été publiée en 1909 sous les auspices de la Scripture gift Society, de Londres. A Paris, chez Bargon, 25, rue Sainte-Isaure.

En 1910, la Société biblique britannique et étrangère a publié une édition revue et à parallèles de la Bible Segond, à 5000 exemplaires, dont le succès a été tel, qu’il a fallu procéder presque immédiatement à un nouveau tirage (7500). Cette Bible est actuellement la seule version moderne de la Bible pourvue de parallèles.

Le Nouveau Testament a été imprimé à part, plusieurs fois, outre l’édition de 1880, ci-dessus mentionnée : En 1881, à Oxford, à 15 000 exemplaires. Il en a été réimprimé 5000 exemplaires en 1884 et 5000 en 1901, donc 25 000 exemplaires de 1881 à 1901. Ce Nouveau Testament est celui de la Bible d’Oxford de 1880. En 1881, en Angleterre, parut une édition brochée, imprimée pour un particulier et destinée à être vendue dix centimes. Sur la dernière page se trouve une gravure représentant l’île de Chypre, et, au-dessous, ces mots : « Chypre, île dans la Méditerranée, visitée fréquemment par les apôtres et par d’autres (!) Cette île est à présent (1881) la possession de la nation britannique ». Cette édition étrange est (heureusement) unique en son genre. En 1885 (Lyon, Marseille), 80 000 exemplaires de cette édition ont été envoyés aux instituteurs de France avec une dédicace spéciale au verso du titre. Elle a été réimprimée en 1886. En 1895 (Lyon-Marseille), édition illustrée. En 1897. une autre édition illustrée (Lyon, date non indiquée), dont les divers tirages se sont élevés à 69 000 exemplaires, (un tiers avec Psaumes).

En tout 38 éditions ou réimpressions, 21 de la Bible (y compris les Bibles Segond-Arnaud, Segond-Oltramare, Segond-Stapfer), 8 du Nouveau Testament, 2 de l’Ancien, 7 de fragments, et pour les 25 éditions ou réimpressions dont le tirage nous est connu, 443 000 exemplaires (256 500 pour la Bible entière, 2500 pour l’Ancien Testament, 174 000 pour le Nouveau Testament). Donc, au total, peut-être 500 000 exemplaires.

La Traduction de la Bible d’Édouard Reuss, dans son commentaire monumental sur la Bible (1874-1880, 16 volumes). Paris, Fischbacher. « Traduction médiocre comme français, dit M. Stapfer, mais d’une précision presque impeccable ».

La Traduction du Nouveau Testament de L. Bonnet, dans son commentaire sur le Nouveau Testament (Première édition 1846-1855, 1er vol. Paris, Delay ; 2e vol. Paris, Grassart ; et Genève, Béroud). Il y eut une nouvelle édition (originale pour les tomes I et II) (Bridel, Lausanne, 1876-1885) et une troisième, revue par M. le professeur A. Schrœder (Bridel, 1892-1905).

« Travail très consciencieux, dit M. Ch. Porret, visant plus à la fidélité (sans littéralisme) qu’à l’élégance. Quand le traducteur use de quelque liberté, il indique toujours en note la traduction littérale. Cette traduction repose sur une critique minutieuse du texte et tient compte de toutes les variantes importantes ».

La Traduction de l’Ancien Testament de la Bible annotée, par une société de théologiens et de pasteurs, faite sous la direction et avec la collaboration de Frédéric Godet, auquel on doit en particulier l’Introduction sur la Bible (Tome I). Attinger, Neuchâtel 1878-1898.

Traduction excellente, qui observe un juste milieu entre la liberté et le littéralisme. Au point de vue du mouvement, de la coloration du style, il y a un progrès réel sur Segond. Les éditeurs de la Bible Crampon, sinon l’abbé Crampon lui-même, ont rendu à cette traduction un éclatant hommage en en reproduisant purement et simplement des passages entiers, et quantité de notes, surtout dans les Prophètes. Ainsi s’est trouvé réalisé en une mesure, et sous une forme inattendue, le vœu de beaucoup de personnes qui auraient souhaité de voir cette version publiée à part.

Le prophète Zacharie, par J. Walther, ministre de la Parole de Dieu (Beroud, Genève, 1882), avec commentaire.

Joël, par le Savoureux (Paris, 1888), avec commentaire.

Les Psaumes des Maaloth (Psaumes 120 à 134), par Félix Bovet avec commentaire (Neuchâtel, Attinger, 1889).

La Traduction du Nouveau Testament de Stapfer, publiée en 1889 chez Fischbacher[d], et rééditée, avec plus ou moins de retouches, en 1894 chez Fischbacher, puis par la Société biblique de Paris en 1899, à 24 000 exemplaires (in-16), et en 1904 à 13 000 exemplaires (in-8).

[d] Avec une introduction au Nouveau Testament et une liste des principaux manuscrits grecs du Nouveau Testament en lettres onciales, et des principaux manuscrits des anciennes versions.

Cette traduction est très littéraire, d’un style très moderne. Les Écritures ont rarement été traduites avec autant d’élégance. Il faut que l’Évangile ait une singulière puissance d’adaptation à tous les milieux et à toutes les époques pour avoir inspiré une traduction d’allure aussi française et aussi moderne.

Plus encore que celle d’Oltramare, la version Stapfer se prête à une lecture cursive et d’ensemble. Mais on peut se demander si la recherche de l’élégance, de l’expression moderne, recherche excessive, selon nous, n’a pas plus nui à la traduction qu’elle ne l’a servie.

Si la traduction doit refléter le style de l’auteur, elle n’est plus, dès qu’il s’agit de la Bible, fidèle à son but, lorsqu’elle sacrifie non seulement la saveur d’archaïsme, mais la sobriété qui caractérise le style biblique, lorsqu’elle ajoute des oh ! des ah ! ou même d’autres mots dont l’auteur s’est passé, ou lorsqu’elle rend les phrases longues, enchevêtrées, de l’apôtre Paul, par une série de phrases courtes et détachées. En lisant les épîtres de Paul dans cette traduction, on ne peut se défendre de l’impression que c’est un peu comme du Pascal transposé en langage courant du dix-neuvième siècle. Il n’est que juste d’ajouter que ces défauts ne sont pas partout également saillants. L’auteur, d’après la préface, s’est imposé la règle de traduire littéralement les passages obscurs, et a usé de plus de liberté dans les passages clairs et faciles.

[Citons encore ici Vinet (c’est nous qui soulignons) : « Je crois devoir déclarer que je préfère ce système (le littéralisme), tout impossible qu’il est, à celui que nous avons vu en faveur il ’y a peu d’années encore, système de corrections et d’amendements, de suppressions même, en un mot d’aplanissement de tout ce qui, soit en bien, soit en mal, faisait saillie chez l’écrivain, bien réellement alors trahi par son traducteur, selon l’expressif proverbe des Italiens… Nous voulons, nous, que la traduction soit fidèle aux défauts mêmes de son original, quand ces défauts font partie de son caractère ; qu’elle soit bizarre où il est bizarre, et qu’elle ne se pique pas d’être claire où lui-même a voulu être obscur… Quoique chaque locution irrégulière ne soit pas une partie de Milton, toutes ensemble, ou par leur caractère, ou par leur fréquence, appartiennent au portrait de son génie : et vous demande-t-on autre chose qu’un portrait ? (Études sur la littérature française au dix-neuvième siècle, p. 560, 561). Voir aussi pages 95, 215.

Voir sur la version Stapfer les articles de M. Aug. Sabatier dans les Annales de Bibliographie théologique (avril, mai, juin 1889), et la réponse de M. Stapfer (Fischbacher, 1889).

Cette traduction a ses lourdeurs, comme les autres. Voir Jean 14.21 : … celui-là est celui qui m’aime. Jean 16.9 : … le péché en tant qu’ils ne croient pas en moi : la justice, en tant que je m’en vais… le jugement, en tant que le Prince de ce monde est jugé.]

Le Deutéronome, par Montet (Paris, 1891), avec commentaire.

L’Évangile de Luc ou la Bonne Nouvelle de notre Seigneur Jésus-Christ, selon le récit de Luc, version populaire avec examen des variantes, par Paul Passy, docteur ès lettres, en écriture phonétique (1893) et en écriture usuelle (1894).

Du même traducteur, l’Évangile de Jean, en phonétique (1895) ; l’Épître aux Philippiens, en phonétique (1896) ; Luc et les Actes publiés ensemble en phonétique (1894), puis en orthographe usuelle (1903), sous ce titre : Les Origines du cristianisme, d’après des documents autentiques et des souvenirs personels, par un contemporain, Luc, médecin du premier siècle, traduit du grec et accompagné de notes explicatives. Le but du traducteur a été de mettre « la Parole de Dieu à la portée du peuple de nos campagnes en employant, au lieu du français d’il y a trois siècles, celui que nous parlons aujourd’hui ». Il vise à rendre tout ce qu’il y a de naïf, de populaire, de primesautier, dans le texte. Ainsi : Et un des malfaiteurs pendus en croix l’insultait : « Est-ce que ce n’est pas toi le Messie ? » (Luc 23.39). — Si je veux qu’il reste jusqu’à ce que je vienne, qu’est-ce que ça te fait ? (Jean 21.22). — Mais en filant sous le vent. … on a dessendu les agrès, et comme ça on s’est laissé emporter (Actes 28.16-17) ».

La Sulammite, (le Cantique des Cantiques) par Charles Bruston (Paris, 1894), avec commentaire[e].

[e] Mentionnons le Sublime Cantique (Cantique des cantiques), drame sacré exposé selon la plus récente exégèse et mis en vers français, par Eug. Réveillaud (Paris, Fischbacher, 1895).

Aggée, par T. André (Paris, 1895), avec commentaire.

Les huit premiers chapitres de la lettre de Paul aux Romains, avec commentaire, par F. H. Krüger (Bridel, 1899).

Les traductions partielles de Frédéric Godet, dans ses commentaires, traductions de l’Évangile selon saint Luc, de l’Évangile selon saint Jean, de l’épître aux Romains et de la première épître aux Corinthiens.

[Les traductions de Frédéric Godet ont été réunies, sauf celle de l’épître aux Romains, dans l’excellente et très utile Paraphrase de trois livres du Nouveau Testament conformément aux conclusions de Frédéric Godet, par Ernest Monod.

M. le pasteur Decoppet a fait paraître en 1903 un Nouveau Testament avec notes explicatives, des préfaces, et une Introduction générale, dont il a établi le texte « sans s’astreindre, dit-il, à aucune version française ». « Je me suis servi, ajoute-t-il, pour les Évangiles et les Épîtres de saint Paul, de celle d’Ostervald, admirablement révisée par la commission synodale, et de celle d’Oltramare pour les autres épîtres. J’ai mis souvent aussi à contribution la belle traduction de M. le doyen Stapfer, bien que je la trouve d’un style un peu trop moderne ».]

Ainsi, au dix-neuvième siècle, il a paru en français, si toutefois rien ne nous a échappé, 24 traductions protestantes originales des Écritures, soit 4 Bibles (Lausanne, Segond, Reuss, Darby), 2 Anciens Testaments (Perret-Gentil, Bible annotée), 6 Nouveaux Testaments (Munier, Rilliet, Arnaud, Oltramare, Bonnet, Stapfer), et 12 versions fragmentaires (L. Bridel, Vivien, Coquerel, Bruston, Walther, le Savoureux, Félix Bovet, Montet, P. Passy, André, P. Krüger, Fréd. Godet).

12 sont dues à des Suisses : 2 Bibles entières (Lausanne, Segond), 2 Anciens Testaments (Perret-Gentil, Bible annotée), 4 Nouveaux Testaments (Munier, Rilliet, Oltramare, Bonnet), et des fragments (L. Bridel, Walther, Félix Bovet, Fréd. Godet).

11 sont dues à des Français : 1 Bible entière (Reuss), 2 Nouveaux Testaments (Arnaud, Stapfer), et des fragments (Vivien, Coquerel, Bruston, le Savoureux, Montet, Passy, André, P. Krüger).

Une est due à un Anglais : la Bible de Darby.

On voit que les Suisses ont fait plus de la moitié du travail biblique original accompli au siècle dernier.

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