Démonstration évangélique

LIVRE II

CHAPITRE PREMIER
LES PROPHÈTES ANCIENS ONT ADRESSÉ LEURS PLUS GRANDES PROMESSES À NOUS, LES GENTILS

Et d’abord, comme les Juifs s’attribuent les oracles les plus glorieux, et les ont sans cesse sur les lèvres, nous leur opposerons les prédictions adressées aux Gentils qui font voir qu’une multitude de prophéties annonçaient tous les peuples les faveurs du ciel et le salut, et qu’elles n’en rapportaient l’accomplissement qu’à la venue du Christ. Cela établi, nous démontrerons qu’il ne faut pas dire que c’est à eux plutôt qu’à nous qu’il convient d’attendre le Christ de Dieu. Lorsque nous aurons montré que les Juifs et les Grecs ont des prétentions égales à l’espérance des promesses, et que sous ce rapport, ceux que Dieu doit sauver parmi les nations ne le cèdent en rien aux fils de la circoncision, nous établirons ensuite par surabondance que les divins oracles rapportent au moment de la venue du Christ et de la vocation des Gentils la destruction et l’abandon du peuple juif ; que c’est au petit nombre que les faveurs divines sont réservées ; que la ville sera prise avec son temple qu’enfin leur culte sera aboli : ce qui s’est réalisé. Nous exposerons en son lieu et avec clarté comment les prophéties montrent en même temps à Israël, dans l’avènement du Christ, le soulagement de ses infortunes et les jouissances des faveurs célestes, et en même temps la privation de cet mêmes faveurs et l’abolition du culte divin. Cependant nous abordons ici notre première proposition, et pour l’établir, nous réunissons quelques-unes des innombrables prophéties. Puis donc qu’ils ne cessent de nous objecter qu’ils sont en possession des plus honorables prédictions, comme si les bienfaits antiques les concernaient seuls, voici le moment de leur opposer les promesses adressées aux nations et rapportées par les prophètes.

1. DE LA GENÈSE

Les nations seront bénies, comme le fut Abraham.

Le Seigneur dit : « Je ne cacherai pas à mon serviteur Abraham ce que je dois faire. Abraham doit être le chef d’un peuple grand et nombreux, et toutes les nations de la terre seront bénies en lui » (Genèse, XVIII, 17),

La parole divine ne dit pas qu’elle voilera aussi à cet ami de Dieu le mystère caché au grand nombre, mais qu’elle le lui révélera. Ce mystère, c’est la bénédiction des nations, caché aux jours du saint patriarche, parce qu’elles étaient plongées dans une affreuse superstition ; il est révélé aujourd’hui que la doctrine évangélique de notre Sauveur en ramenant les Gentils au culte d’Abraham les a fait participer à sa bénédiction. Nous avons montré assez longuement dans le livre précédent, qu’il n’était pas possible aux nations de vivre suivant les préceptes de Moïse, afin qu’on ne crût pas que l’oracle s’adressât aux prosélytes qui se trouvaient parmi les Juifs, comme nous avons fait voir aussi que ce n’est qu’aux fidèles que le Christ a choisis parmi les nations que s’applique la bénédiction annoncée à Abraham. Nous y renvoyons les lecteurs studieux.

2. DU MÊME LIVRE

Toutes les nations de la terre doivent être bénies en celui qui doit sortir de la race d’Isaac.

En répondant à Isaac, le Seigneur lui dit entre autres choses : « J’accomplirai le serment que j’ai fait à Abraham votre père, et je multiplierai votre race comme les étoiles au ciel. Je donnerai toute cette terre à votre postérité, et toutes les nations du monde seront bénies en celui qui naîtra de vous » (Genèse., XXVI, 3). Notre Sauveur et Seigneur Jésus naquit de la race d’Isaac selon la chair : « C’est en lui que les nations de la terre sont bénies ; elles en ont reçu la connaissance du Dieu de toute créature ; elles ont appris de lui à bénir les amis de Dieu ; aussi sont-elles bénies de la bénédiction qu’elles ont souhaitée, selon cette parole de Dieu à Abraham : « Ceux qui vous béniront seront bénis (Gen., XII, 2). »

3. DE LA GENÈSE

La multitude des peuples et des nations sortiront de Jacob, quoique la nation juive seule descende de lui.

Or, le Seigneur lui dit : (il s’agit de Jacob) : « Je suis le Seigneur Dieu, croissez et multipliez-vous, des nations et une multitude de peuples sortiront de vous » (Id., XXXV, 11). Mais de Jacob n’est descendu que la nation juive, ce qui est évident. Comment donc l’oracle peut-il avec vérité dire une multitude de nations ? Depuis que le Christ de Dieu, sorti de la race de Jacob, a réuni les nations par la prédication de l’Évangile, la prophétie a commencé à avoir par lui et en lui son accomplissement, et l’aura bien plus encore.

4. DU DEUTÉRONOME

La joie toute divine des nations.

« Cieux, réjouissez-vous avec lui ; que les fils de Dieu l’adorent ; réjouissez-vous, nations, avec son peuple, et que ses anges leur donnent de la force. » Au lieu de ces mots : « Réjouissez-vous, nations, avec son peuple ; Aquila dit : « Poussez des cris, nations qui êtes son peuple ; » et Théodotion : « Tressaillez de joie, nations qui êtes son peuple. »

5. DU PSAUME XXI

« Des extrémités de la terre et du sein de toutes les nations on accourra vers Dieu ; et la race qui viendra et le peuple qui naîtra suivront la loi de la justice.

« Les nations des extrémités de la terre se souviendront du Seigneur et se tourneront vers lui ; toutes les familles des peuples se prosterneront en sa présence, car au Seigneur appartient l’empire, et il gouvernera toutes les nations. » Le psalmiste ajoute : « La génération avenir sera consacrée au Seigneur, et l’on annoncera sa justice au peuple futur que le Seigneur doit former ». Ces paroles sont claires et ne demandent pas d’explication.

6. DU PSAUME XLVI

Prédiction de la piété et de l’allégresse des nations. Royaume universel de Dieu.

« Peuples, datiez des mains, faites éclater votre joie devant Dieu par vos transports ; car le Seigneur est le Très-Haut, le terrible, le grand roi de la terre. » Le psalmiste dit plus bas : « Dieu est le roi de l’univers ; chantez ai ce intelligence. Dieu a régner sur les nations ; Dieu est assis sur le trône de sa sainteté. Les princes des peuples seront unis au Dieu d’Abraham. » Ces paroles ne sont pas moins claires et n’ont pas besoin de développement.

7. DU PSAUME LXXXV

La piété des nations.

« Nul parmi les dieux n’est semblable à vous, ô Seigneur, et aucune œuvre n’est semblable à la vôtre. Toutes les nations que vous avez créées viendront, Seigneur, et elles fléchiront le genou devant vous. Elles glorifieront votre nom, parce que vous êtes grand, vous opérez des merveilles. Seul vous les Dieu » {Ps. LXXXV, 7). Ces paroles sont encore fort claires.

8. DU PSAUME XCV

La piété de toutes les nations. Le cantique nouveau. Le royaume de Dieu et le renouvellement de la terre.

« Chantez au Seigneur un cantique nouveau ; ô monde, chantez le Seigneur et bénissez, son nom ; annoncez de jour en jour le salut qu’il accorde. Racontez sa gloire parmi les nations, et ses merveilles au milieu des peuples ; car le Seigneur est grand et digne de toute louange ; il est terrible plus que tous les dieux. » Le saint roi ajoute : « Apportez au Seigneur, familles des nations, apportez au Seigneur la gloire due à son nom. Et ensuite « dites aux nations : Le Seigneur a régné, aussi a-t-il affermi la terre, et elle ne sera pas ébranlée. » Ces paroles encore ne contiennent point d’obscurité.

9. PROPHÉTIE DE ZACHARIE

Toutes les nations et en particulier le peuple égyptien, le plus superstitieux de tous, reconnaîtront le Dieu unique et véritable ; le culte spirituel suivant la loi divine et la grande solennité.

« Et alors les restes de toutes les nations qui auront attaqué Jérusalem monteront chaque année pour adorer le Roi, le Seigneur tout-puissant, et célébrer la fête des tabernacles. Et alors ceux de toutes les tribus de la terre qui n’auront pas monté à Jérusalem pour adorer le Roi, le Seigneur tout-puissant, auront un sort semblable. Si l’Égypte refuse de monter et de venir, elle sera frappée du fléau que le Seigneur doit infliger aux nations qui ne viendront pas célébrer la fête des tabernacles. Tel sera le châtiment de l’Égypte et celui des peuples qui ne seront pas allés célébrer la fête des tabernacles. » Or il est facile de voir que ces paroles ne s’appliquent qu’à la vocation des Gentils, si nous nous rappelons ce que nous avons dit sur Jérusalem et sur la fête des tabernacles : d’ailleurs nous les expliquerons en leur lieu (Zacharie., XIV, 16).

10. PROPHÉTIE D’ISAÏE

L’élection des apôtres et la vocation des Gentils.

« Buvez ceci, agissez avec vitesse, contrée de Zabulon, la terre de Nephtali, et vous, autres habitants des rivages de la mer au-delà du Jourdain ; Galilée des nations, peuple assis dans les ténèbres. Vous voyez une grande lumière, vous qui habitez la région et l’ombre de la mort ; la lumière resplendira en vous » (Is., IX, 1).,

11. PROPHÉTIE DU MÊME

La vocation des Gentils.

« Villes, écoutez-moi ; peuples, prêtez l’oreille : il régnera longtemps, dit le Seigneur. » Puis le prophète ajoute parlant du Christ aux Gentils : « Je vous ai établis pour l’alliance de la nation, pour la lumière des peuples et le salut des extrémités de la terre » (Is., XLIX, 1). Vous-même, vous pourrez trouver chez tous les prophètes une multitude de passages qui contiennent les promesses faites aux nations ; le manque de temps nous empêche de les recueillir et de les expliquer ; d’ailleurs nous avons cité ce qui est nécessaire pour établir la vérité ; car nous avons voulu montrer aux fils de la circoncision qui se glorifient que Dieu les a préférés aux nations et qu’il les a honorés seuls des promesses, qu’ils n’ont rien de particulier a revendiquer pour eux en ces faveurs divines. Puis donc qu’il est prouvé que les Gentils ont leur part des promesses, voyons maintenant comment ils seront appelés de Dieu et mis en possession de ces promesses ; car il est intéressant de connaître la cause d’une si grande faveur pour les nations. Mais quelle sera-t-elle sinon l’avènement du Christ que ceux de la circoncision eux-mêmes reconnaissent pour leur Sauveur.

Il faut alors montrer que l’attente de la vocation des nations se borne au Christ de Dieu, qui viendra sauver et les Juifs et les Gentils. Je citerai les paroles des prophètes sans y ajouter ici d’explication ; car je me propose de le faire plus tard avec plus d’étendue, avec l’aide de Dieu, lorsque j’aurai réuni toutes les prophéties sur les Gentils.

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