Démonstration évangélique

LIVRE IV

[Ce livre contient un grand nombre de propositions ariennes dans le genre de celles que nous avons signalées au premier livre de la DÉMONSTRATION. Ces propositions sont appuyées sur certaines interprétations subtiles de passages de l’Ecriture-Sainte, qui n’offrent rien de plausible.]

CHAPITRE PREMIER
DE L’ÉCONOMIE MYSTÉRIEUSE DE NOTRE SAUVEUR ET SEIGNEUR JÉSUS, LE CHRIST DE DIEU

Après avoir suffisamment développé ce qui concerne l’humanité de notre Sauveur dans le livre précèdent, qui est le troisième de cet ouvrage, il faut maintenant aborder des questions plus relevées, sur sa Divinité, dont les mystères sont impénétrables.

Les hommes s’accordent tous dans les idées qu’ils ont sur l’Être éternel, seul, sans commencement et créateur du monde, sur le Dieu dont la Providence et la puissance gouvernent tout l’univers mais ce qui n’appartient qu’aux Juifs et à nous, c’est ce qui concerne le Christ et si les Juifs le confessent avec nous, se conformant en cela aux Écritures dont ils sont dépositaires, ils s’en éloignent beaucoup lorsqu’ils refusent de reconnaître sa divinité, les vrais motifs de sa venue, et de saisir les temps auxquels il devait apparaître parmi les hommes. Ils l’attendent encore ; nous montrons au contraire qu’il est déjà venu, et pleins de confiance dans l’enseignement des prophètes qu’animait l’esprit de Dieu, nous souhaitons de voir son second avènement dans la gloire divine. Le Christ a eu déjà une double manifestation, l’une en ces jours qui ne font que de s’écouler, et l’autre, plus ancienne que le temps et que les siècles. En effet, comme Dieu, seul bon, principe et source de toute bonté, voulut faire participer à ses richesses un grand nombre d’êtres, il résolut de former des créatures raisonnables, les puissances célestes, incorporelles et intelligentes, les anges et les archanges, ces esprits qui n’ont rien de la matière et de ses grossièretés, les intelligences humaines douées naturellement de liberté et d’indépendance dans le choix du bien ou du mal, et dont les corps seraient les instruments il donna à ces derniers chefs-d’œuvre de ses mains plusieurs règles de vie, et les distribua en divers lieux ; car ceux qui demeuraient bons eurent les plus belles contrées, et les autres furent abandonnées aux méchants pour leur faire expier leurs débordements coupables. Or, il prévit comme Dieu, il comprit que, pour sa création, ce corps immense aurait besoin d’une tête, et il songea à établir sur lui le distributeur de la création, le chef et le roi de tout ce qui existe, celui par qui les oracles sacrés furent communiqués aux justes qui, parmi les Juifs, connurent les mystères de Dieu, et aux prophètes. Nous en pouvons apprendre que le principe du monde est unique, ou plutôt qu’il est supérieur à tout principe, et plus ancien que le premier être, qu’il existait avant lui, qu’il est fécond par son unité, qu’il est au-dessus de tout nom, ineffable, inexplicable, incompréhensible, bon, créateur, bienfaiteur, providence, salut, enfin seul et unique Dieu, dont la puissance et la fécondité ont donné l’existence à toute créature. « Car nous vivons, nous agissons, nous sommes en lui. » Ce qu’il veut existe, et sa volonté est la raison de l’existence de tout ce qui est. Il veut, parce qu’il est bon, et qu’« la suprême bonté ne peut vouloir que le bien. Il veut, et il peut ce qu’il veut ; et parce qu’il veut et qu’il peut en même temps, il exécute sans obstacle tout ce qu’il a projeté de beau et d’utile parmi les choses visibles ou invisibles et, comme sa volonté et sa puissance sont comme la matière et la substance de ce qui est, il ne faut pas dire que les créatures ont été tirées du néant. Nul être ne peut provenir de ce qui n’est pas. Comment, en effet, l’enfant pourrait-il être le principe de l’Être ? Mais tout ce qui existe doit son existence à celui qui seul est l’Etre, qui préexiste à tout et qui a dit « Je suis celui qui suis » (Exod., III, 14). Être unique, Être éternel, il est le principe d’être de tout être créé. Sa Colonie et sa puissance ont distribué avec largesse la matière, les qualités et les formes.

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