Démonstration évangélique

LIVRE IV

CHAPITRE IX
LES PUISSANCES ENNEMIES DE DIEU ET OPPOSÉES À SES DESSEINS, ET LEUR PRINCE. LE GENRE HUMAIN SÉDUIT PAR LEUR INFLUENCE

Tels furent les premiers éléments du monde. Cependant la puissance ennemie et rebelle à Dieu,, les démons ou quelque esprit plongé dans une plus affreuse malice et le prince redoutable de cette malice audacieuse qui abandonna la première le culte de son Dieu, et perdit son nom de gloire fort jaloux du bonheur des hommes, cherchèrent par toutes sortes de machinations à entraîner les nations dans leur ruine et dressèrent dans leur envie, des embûches à l’héritage de Dieu lui-même. C’est à cette entreprise impie du prince des ténèbres que fait allusion la prophétie d’Isaïe : « J’agirai avec puissance et dans la sagesse de l’intelligence, j’enlèverai les bornes des nations, je ruinerai leur force et j’ébranlerai les cités populeuses. Je prendrai dans la main tout l’univers comme un nid ; je l’enlèverai comme des œufs abandonnée, et nul ne saura m’éviter ou me contredire » (Isaïe, X, 13). Voilà la fière imprécation de l’ennemi de Dieu qui triomphe de sa malice et se propose de conquérir les nations confiées aux anges, de les piller, de les confondre et de partager les dépouilles du monde ; de bouleverser la terre et de détruire l’ordre ancien. Apprenez de la même prophétie dans quels sentiments il conçut de tels projets. Elle ajoute à son sujet : « Comment est-il tombé du ciel, Lucifer, celui qui brillait dès l’aurore ? il s’est brisé contre la terre, celui qui envoyait vers les nations. Tu as dit en ton cœur : Je monterai vers le ciel ; j’établirai mon trône au-dessus des astres du ciel ; je m’élèverai au-dessus des mers ; je serai semblable au Très-Haut.. Maintenant tu descendras dans l’enfer, et au fond des abîmes de la terre » (Isaïe, XIV, 16) Paroles qui dans leur brièveté nous font entendre l’orgueil de ses plans, sa chute déplorable d’un état si relevé, et le terme affreux de celle chute.

Lorsque cet esprit jaloux eut proféré ses terribles menaces contre l’homme, il sentit que cette créature fragile serait de facile conquête, parce qu’elle trouvait en sa liberté la cause d’une ruine volontaire. Il bouleversa alors les cités, et, par les attraits de la volupté, il entraîna l’erreur de la plupart des hommes dans toutes sortes de perversités. Il ne négligea aucune fraude, et, avec l’imposture habile des démons, il répandit ses idées et ses artifices dans de honteuses fables et dans des récits imprudents sur les dieux ; enfin il accomplit son dessein de soumettre les peuples et de bouleverser les limites des nations, suivant sa menace : J’enlèverai les bornes des nations, je ruinerai leur force, et j’ébranlerai les cités populeuses, et je prendrai à la main tout l’univers comme un nid. Dès lors il soumit par l’erreur le monde à son empire. Sous leur prince les mauvais esprits prirent possession de tout lieu, de toute ville et de toute contrée. Soumis au joug des puissances infernales, et non plus aux anges de Dieu, les hommes s’abandonnèrent aux entraînements du plaisir, jusqu’à se corrompre à l’envi, jusqu’à mettre des actions de turpitude, et non seulement jusqu’à faire des choses qu’il n’est pas permis d’imaginer, mais jusqu’à les consacrer en leurs dieux, et à se livrer avec une force plus grande à ces actes de dissolution qu’ils tenaient pour agréables à la divinité. Aussi, suivant la parole du saint apôtre, non contents de ces créatures de Dieu qui resplendissaient au ciel. « ils se sont égarés dans de vains raisonnements, et leur cœur insensé a été obscurci. Ces hommes qui se disaient sages sont devenus fous, et ils ont transporté l’honneur du Dieu immortel à l’image d’un homme corruptible, à des figures d’oiseaux, de quadrupèdes et de reptiles. (Rom., I, 21) » Or, que les premier« habitants de la terre se soient tournés vers les astres, sans connaître les idoles et sans se livrer au culte impie des démons, c’est ce qu’établit suffisamment le témoignage des faits que nous avons exposés au commencement de la Préparation, ouvrage qui précède celui-ci, lorsqu’il fut démontré avec évidence que les hommes des premiers âges ne servirent ni les images de matière sensible façonnées par la main de l’homme, ni les démons qui échappent à la vue, mais ces êtres seuls que les saintes lettres affirment avoir été distribués aux nations. Il ne reste donc plus aux Grecs dont j’ai cité les paroles en l’ouvrage indiqué, que de reconnaître qu’ils ont introduit un culte nouveau et étranger à la religion des anciens, l’erreur des idoles et le respect pour les esprits invisibles. Voilà l’issue des trames de l’ennemi de Dieu contre le monde : toute la race des esprits impurs concourut à son entreprise. Emporté par l’effervescence de l’orgueil, le prince du mal exécuta ainsi ses menaces contre les hommes ; il voulut accomplir ce serment impie : « Je serai semblable au Très-Haut » (Isaïe, XIV, 16) ; et alors il confia à ses esprits impurs les oracles et les superstitieuses pratiques pour fasciner le cœur des hommes.

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