Démonstration évangélique

LIVRE IV

CHAPITRE XII
LES LOIS DE LA CHARITÉ L’APPELAIENT AUPRÈS DE CEUX QUI ÉTAIENT MORTS AUTREFOIS

La consommation de sa vie à la fin de sa carrière fut semblable au commencement ; car les lois de la charité l’abaissèrent jusqu’à la mort, et jusqu’aux morts eux-mêmes, afin de délivrer aussi les âmes de ceux qui étaient déjà descendus au tombeau, parce qu’il cherchait le salut de ceux qui avaient existé précédemment, et pour vaincre par sa mort celui qui avait l’empire de la mort, comme nous l’apprennent les divines Ecritures.

Or, il manifesta encore ses deux natures en même temps. En effet homme, il livra son corps à la sépulture ordinaire ; Dieu, il l’en délivra ; car, après avoir jeté un grand cri, il dit à son Père : « Je vous remets mon âme » (Luc, XXIII, 47), et se dégagea de son corps, sans attendre que la mort l’atteignit. Il la poursuivit incertaine, presque dans l’hésitation, ou plutôt suppliante et se livrant à la fuite, et la chassa de son empire, il brisa les portes éternelles des lieux de ténèbres, et ouvrit le retour à la vie à ceux qu’enchaînait la loi de la mort. Ainsi ressuscita celui qui était mort, et avec lui les corps de plusieurs saints qui dormaient ressuscitèrent et le suivirent dans la cité sainte et céleste. De sorte que c’est avec raison que l’Ecriture dit : « La mort a été absorbée en triomphant » (I Cor., XV, 54) ; et encore : « Dieu a essuyé les larmes de tous les yeux » (Isaïe, XXV, 8). Ainsi, d’après la prophétie, le Sauveur du monde, Notre-Seigneur, le Christ de Dieu, le Triomphateur, se joue de la mort et délivre les âmes soumises à sa tyrannie ; et, pour cette victoire, il chante cette hymne de triomphe : « Je les délivrerai demain de l’enfer et je rachèterai leurs âmes de la mort » (Osée, XIII, 14). O mort, où est ta victoire ? ô mort, où est ton aiguillon ? Or, l’aiguillon de la mort est le péché, et la force du péché est la loi. Même à la mort, il se manifesta ainsi, et on en trouvera non pas un motif seul, mais mille, si on les recherche. Le Verbe nous en fait connaître un premier qui était de devenir le Seigneur des vivants et des morts ; un second, de nous purifier des souillures du péché en s’immolant de son gré et en devenant malédiction pour nous ; un troisième, d’offrir au Dieu suprême une hostie divine et un sacrifice infini pour le monde entier ; un quatrième, d’arracher par sa force mystérieuse le monde aux charmes perfides du démon ; un cinquième enfin, de confirmer en ses amis et en ses disciples l’espérance de la vie en Dieu qui doit suivre le mort, non par des discours, des déclamations, ni des paroles, mais par des œuvres, et en montrant à leurs yeux l’accomplissement des promesses, de les rendre pour les Grecs et pour les Barbares, des hérauts fermes et intrépides de cette législation nouvelle de piété qu’il avait établie. Aussitôt il remplit de l’esprit divin qui l’animait ses fidèles et ses partisans, les apôtres et les disciples qu’il avait choisis parmi les plus gens de bien, pour qu’ils annonçassent à tout le genre humain la connaissance de Dieu qu’il avait révélée, pour établir parmi les Grecs et les Barbares une religion qui leur apprend à fuir et à éviter les démons, à rejeter l’erreur du polythéisme et à reconnaître le Dieu unique et suprême, et qui leur promet la délivrance des péchés dont ils s’étaient souillés dans leur ignorance, pourvu qu’ils n’y persévèrent point, et l’espoir du salut, comme à tous, par la piété toute sage et toute sainte qu’il a établie.

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