Démonstration évangélique

LIVRE V

CHAPITRE IX

DU MÊME LIVRE

Ce fidèle adorateur de Dieu fait connaître que le Verbe de Dieu est celui qui est nommé plus haut Dieu et second Seigneur ; il raconte aussi qu’il s’est manifesté et a révélé ses volontés aux patriarches sous la forme et l’apparence humaines.

« Le Seigneur apparut à Abraham et lui dit : « Je donnerai ce pays à votre race » (Genèse, XV, 18). Ailleurs : « Abraham entrait dans sa quatre-vingt-dix-neuvième année lorsque le Seigneur lui apparut et lui dit : Je suis votre Dieu. Cherchez à me plaire, et devenez irréprochable ; et je ferai alliance avec vous, et je multiplierai votre race à l’infini » (Id., XVII, 1). Ailleurs encore : « Dieu lui apparut près du chêne de Mambré, lorsqu’il était assis à la porte de sa tente au milieu du jour. Abraham ayant levé les yeux, trois hommes apparurent devant lui ; aussitôt qu’il les eut aperçus, il courut de la porte de sa tente à leur rencontre, et les adora » (Id., XVIII, 1). Après le récit de la vision, l’historien continue : « Le Seigneur dit : Pourrais-je cachera Abraham, mon serviteur, ce que je dois faire ? Abraham doit être chef d’un peuple puissant et nombreux, et en lui seront bénies toutes les nations de la terre. » Le Seigneur ajoute à ces paroles, comme en parlant d’un autre : « Car je sais qu’il ordonnera à ses fils et à toute sa maison après lui de garder la voie du Seigneur, de suivre la justice et l’équité, afin que le Seigneur accomplisse ce qu’il lui a promis. » Telle est la promesse que le Seigneur fait à Abraham, et il y révèle un autre Seigneur, son Père assurément et le créateur de toutes choses. Or Abraham, qui comme prophète avait une connaissance claire de ce qui lui était prédit, supplie ceux que nous venons de désigner, et dit : « Perdrez-vous le juste avec l’impie, et le sort du juste serait-il celui de l’impie ? S’il y a cinquante justes dans la ville, périront-ils ? ou plutôt ne pardonnerez-vous pas à toute la ville en faveur des cinquante justes ? Sans doute vous êtes loin d’agir de la sorte, de perdre le juste avec l’impie, et de rendre le sort du juste semblable à celui de l’impie : vous qui jugez toute la terre, vous ne vendrez pas la justice. » Or, il n’est pas possible à mon avis de supposer qu’il tienne ce langage à un ange ou à quelque autre ministre du Très-Haut, car il n’est pas dans l’attribution du premier venu de juger la terre. Ce n’est donc pas un ange qui est désigné, mais un être supérieur, le Dieu et le Seigneur de l’ange, qui a été vu sous la figure d’un homme entre les deux anges, auprès du chêne indiqué. De plus, il n’est pas possible de supposer que ce soit le Dieu suprême qui est indiqué, puisqu’il est impie de dire que la Divinité s’est changée et a emprunté la forme et l’apparence humaines. Il faut donc avouer que ce personnage est le Verbe de Dieu dont précédemment nous avons établi la Divinité. Aussi aujourd’hui encore les habitants révèrent le lieu de l’apparition, à cause de la dignité de ceux qui s’y sont montrés à Abraham, et l’on y voit encore le térébinthe. Ces hôtes qu’Abraham accueillit, selon l’Ecriture, étaient disposés de manière que le plus élevé avait les honneurs de la place du milieu, et c’était assurément le Seigneur dont nous avons traité, notre Sauveur, et celui que vénèrent ceux qui ne le connaissent pas, en rendant témoignage à la vérité des Ecritures. Pour jeter parmi les hommes la semence de la vraie piété, il s’est montré au fidèle patriarche Abraham sous la forme et l’apparence humaines, et il lui a appris les projets de son Père.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant