Démonstration évangélique

LIVRE VI

CHAPITRE XVIII

DU MÊME

L’avènement du Seigneur et les circonstances de sa passion.

« Voici venir le jour du Seigneur (Zach., XIV, 1), et ta dépouille sera partagée en ton enceinte, et je rassemblerai toutes les nations pour assiéger Jérusalem. La ville sera prise, les maisons seront pillées, les femmes violées, la moitié des habitants sera emmenée en captivité : le reste de mon peuple ne périra pas. Le Seigneur sortira et se préparera à combattre avec les nations comme il a combattu au jour du combat, au jour de la guerre. Ses pieds se reposeront en ce jour-là sur la montagne des Oliviers qui est vis-à-vis Jérusalem, à l’orient. La montagne des Oliviers sera fondue la moitié du côté de l’orient, et l’autre vers la mer, abîme profond. La moitié de la montagne s’inclinera vers le nord, et la moitié vers le midi. La vallée de nos montagnes sera comblée, et celle des monts jusqu’à Hazaël sera obstruée comme elles le furent par le tremblement de terre, aux jours d’Osée, roi de Juda. En ce jour il n’y aura point de lumière, mais froid et glace pendant un jour. Ce jour, connu du Seigneur, ne sera ni un jour ni une nuit, et vers le soir reparaîtra la lumière. En ce jour, une eau vive jaillira de Jérusalem. La moitié coulera vers la première mer, et l’autre vers la dernière. Elle coulera en hiver et en été ; le Seigneur deviendra le roi de toute la terre. En ce jour, le Seigneur sera le Dieu unique, il n’y aura plus que son nom qui embrassera la terre et le désert. »

Après le premier siège de Jérusalem, sa destruction complète et la solitude où la réduisirent les Babyloniens, lorsque le peuple fut renvoyé par l’ordre de Cyrus, roi des Perses, de la terre de captivité en celle de ses pères, que Jérusalem se relevait déjà, que le temple et l’autel sortaient de leurs ruines, sous le règne de Darius, roi des Perses, le prophète Zacharie fit entendre sa voix et annonça le second siège que Jérusalem souffrit ; des Romains, seulement après les outrage ; dont ses habitants abreuvèrent le Sauveur. En ces paroles est la prédiction claire de la venue de notre Sauveur, le Verbe de Dieu, et des événements qui devaient l’accompagner. Or ces événements sont les outrages de la passion de Jésus, le siège qui devait aussitôt surprendre le peuple juif, et la destruction de Jérusalem, et dans la suite la vocation des Gentils et la connaissance du vrai Dieu qui devait se répandre parmi les hommes. Animé de l’esprit de Dieu et touché dû triste avenir de son peuple, l’homme de Dieu commence sa prédiction par une exclamation. Or, ici comme en d’autres passages, il dit les jours du Seigneur et désigne ainsi le temps de la venue du Christ. Il montre évidemment que le Seigneur, vraie lumière, produira des jours qui lui appartiendront et qu’il illuminera les citoyens de toutes les nations de la terre qui auront reçu ce Dieu et son éblouissante splendeur. Lorsque les nations seront éclairées d’après cette parole : Je vous ai posé pour être la lumière des nations et le gage de l’alliance de votre peuple ; la nation juive tombera dans un abîme de malheurs pour son incrédulité. Telle est donc encore cette parole « Voici venir le jour du Seigneur, et ta dépouille sera partagée en ton enceinte, et je rassemblerai toutes les nations pour assiéger Jérusalem. La ville sera prise, les maisons pillées, les femmes violées, et la moitié des habitants sera emmenée en captivité. A cette prédiction du siège de Jérusalem et de la captivité des Juifs qui suivit, Zacharie joint celle des biens dont jouira la terre : Le Seigneur, dit-il, deviendra le roi de toute la terre. Et encore : Le Seigneur sera le Dieu unique, il n’y aura plus que son nom qui embrassera la terre et le désert. La prophétie annonce donc que la nation juive essuiera ces malheurs au jour du Seigneur. Qui n’admirerait ici son accomplissement ? Jésus, le Sauveur et le Seigneur apparaît, les fils de la circoncision l’outragent, et, cinq cents ans après la prédiction, toutes les calamités qui leur sont annoncées les accablent. Du gouvernement de Pilate aux sièges de Néron, de Titus et de Vespasien, toutes sortes de maux vinrent fondre sur eux sans jamais leur laisser de relâche, comme on peut s’en convaincre par l’histoire de Flavius Josèphe. Alors, presque la moitié des habitants de cette ville lui détruite comme le disait la prophétie. Quelque temps après, sous l’empereur Adrien, le peuple se révolte, et la moitié qui restait du peuple, emportée d’assaut, fut dispersée, de sorte que dès lors et jusqu’à ce jour, ce lieu est devenu absolument inhabitable aux Juifs.

Si l’on avance que c’est au jour d’Antiochus Epiphane que la prophétie s’est réalisée, que l’on examine s’il est possible de rapporter les autres traits de la prédiction à l’époque de ce prince. Ainsi donc, le peuple fut réduit en servitude, les pieds du Seigneur s’arrêtèrent sur le mont des Oliviers, le Seigneur devint le roi de la terre, et son nom a embrassé la terre et le désert, lorsque Antiochus s’empara de la Syrie. Pourra-t-on, d’ailleurs, montrer que les autres circonstances de la prophétie se sont accomplies sous le règne d’Antiochus ? D’après nous, elles se sont réalisées à la lettre et même en un autre sens ; car, après la venue de notre Sauveur Jésus-Christ la cité du peuple juif, Jérusalem sa constitution et la législation du culte mosaïque furent détruites. Avec l’esclavage corporel, ce peuple souffrit la captivité spirituelle, parce qu’il n’avait pas reçu le sauveur et le libérateur des âmes, celui qui était venu annoncer la délivrance aux esclaves du démon, et aux aveugles spirituels le recouvrement de la vue. Tandis que leur incrédulité leur attirait ce châtiment rigoureux, ceux qui l’avaient reconnu pour leur libérateur, s’étaient soumis à sa loi, les disciples, les apôtres, les évangélistes et ceux de la circoncision qui avaient cru en lui, et dont l’Apôtre dit : Ainsi (Rom., XI, 5), même alors, Dieu s’est réservé un petit nombre par le choix de sa grâce. et : Si le Seigneur des armées n’avait conservé quelques-uns de notre race, nous serions der venus semblables à Sodome et à Gomorrhe (Ibid., IX, 29).

Ceux-là furent préservés non seulement de ce siège spirituel, mais encore du siège réel de Jérusalem. Répandus au sein de la gentilité, loin de la Judée, les apôtres et les disciples de notre Sauveur, et tous ceux des Juifs qui avaient cru en lui, échappèrent à la destruction des habitants de cette ville. Le prophète l’avait vu dans l’avenir, lorsqu’il dit : « L’autre moitié ne périra pas. » Il ajoute : « Le Seigneur sortira et se préparera à combattre avec les nations comme il a combattu au jour de son combat, au jour de la guerre. »

Avec quelles nations combattra le Seigneur, sinon avec celles qui ont assiégé Jérusalem ? La prophétie marque qu’il doit combattre avec elles en les animant, en s’armant avec elles comme un général, comme le vengeur de ceux qui assiègent Jérusalem ; car elle ne dit pas que le Seigneur combattra les nations. Contre qui s’armera-t-il donc ? contre Jérusalem et ses habitants dont parle l’oracle saint.

Ce passage : « Les pieds du Seigneur reposeront en ce jour-là sur le mont des Oliviers, qui est vis-à-vis Jérusalem, à l’orient, » que veut-il dire, sinon que le Seigneur Dieu le Verbe de Dieu s’est arrêté et fixé en son Eglise, qu’il appelle ici le mont des Oliviers, par allégorie. De même en effet qu’une vigne appartenait au bien-aimé et que cette vigne du Seigneur des armées était la maison d’Israël, et son plant tout nouveau la tribu de Juda ; ainsi, selon la même idée, on peut dire que l’Eglise des nations était un olivier. Dieu, son possesseur, transplanta cet arbre sauvage, et, après en avoir retranché les premiers rameaux, il l’enta sur les racines apostoliques de l’olivier franc.

« Le Seigneur l’a transplanté pour lui, dit l’Apôtre employant presque les termes de la prophétie : le Seigneur te nomma l’olivier magnifique et à l’ombrage épais » (Jérémie, XI, 10).

Lorsque la première vigne qui devait produire des raisins n’eut produit que des épines, et la voix du crime au lieu de la justice, pour punir sa stérilité, le Seigneur ruina son mur et renversa sa haie, et l’abandonna à ses ennemis pour la piller et la fouler aux pieds comme l’avait dit Isaïe. Alors il se fit un autre champ qu’il appelle ici le lieu des Oliviers, parce qu’il jouit de la miséricorde de Dieu, et qu’il est garni par le Christ de plants toujours verts, c’est-à-dire d’âmes saintes et soigneuses d’entretenir leur lumière, et qui peuvent dire : « Je suis comme un olivier fertile en la maison de Dieu (Ps., LI, 8). Ce mont des Oliviers est vis-à-vis Jérusalem, car il a été substitué de Dieu à la Jérusalem antique et terrestre et à son culte, après la destruction de cette ville. Puisque le prophète annonce que Jérusalem sera prise et que des nations rivales et ennemies se partageront ses dépouilles, c’est avec justesse qu’il remarque que les pieds du Seigneur ne se reposeront pas en Jérusalem.

Comment aurait-il pu s’y reposer quand elle fut détruite ? Mais il nous apprend ici que, sortis de Jérusalem, ils s’arrêteront sur cette montagne des Oliviers, située près de Jérusalem. Eclairé par l’esprit de Dieu, le prophète Ezéchiel vit cette circonstance. « Les chérubins (Ezéch., XI, 22), dit-il, s’élevèrent ainsi que les roues qui les accompagnaient, et sur eux était la gloire du Dieu d’Israël ; et la gloire du Seigneur s’éleva du milieu de la ville et s’arrêta sur la montagne qui était près de la ville. »

On peut voir cette prédiction accomplie exactement et dans un autre sens de nos jours encore, quand ceux qui croient en Jésus-Christ accourent de tous les pays de la terre, non plus comme autrefois pour célébrer une fête à Jérusalem, ni pour adorer dans le temple qui s’élevait autrefois en cette ville, mais pour y apprendre l’histoire du siège et de la ruine de Jérusalem, suivant la prophétie, et pour adorer sur le mont des Oliviers, qui est près de la ville.

Là s’arrêta la gloire du Seigneur après la destruction de la ville. Réellement, dans le sens littéral et déjà exprimé, les pas du Verbe, Notre-Seigneur et Sauveur s’arrêtèrent par l’intermédiaire de l’homme qu’il s’était uni sur les mont des Oliviers près de la grotte que l’on y montre. Il pria sur cette montagne ; sur le sommet il expliqua à ses disciples les mystères de sa consommation ; c’est de cette montagne qu’il s’éleva vers le ciel, comme l’apprend Luc dans les Actes des apôtres, « Les disciples, dit-il, le virent s’élever en une nuée le reçut à leurs yeux. Et comme ils le contemplaient montant vers le ciel, voilà que deux hommes se présentèrent à eux avec des vêtements blancs et dirent : « Hommes de Galilée, pourquoi demeurez-vous là, regardant le ciel ? Ce Jésus qui du milieu de vous s’est élevé dans le ciel, viendra ainsi que vous l’avez vu monter » (Act., I, 9). L’historien ajoute : « Alors ils retournèrent à Jérusalem de la montagne dite des Oliviers, située vis-à-vis Jérusalem. » Ainsi même dans le sens littéral, ce mont des Oliviers est près de Jérusalem, et au levant. Dans le sens spirituel la sainte Eglise du Christ et la montagne sur laquelle elle s’élève et dont le Sauveur a dit : « Cette ville ne peut être cachée qui est bâtie sur une montagne, cette société sainte qui a succédé à Jérusalem, déchue pour jamais de sa gloire et qui a été honorée de la présence de Jésus est non seulement contre Jérusalem, mais encore à son orient, puisqu’elle recevait d’abord les rayons de la lumière de la foi, qu’elle est supérieure à Jérusalem, et qu’elle est plus rapprochée du divin soleil de justice, dont il est dit : « Le soleil de justice se lèvera sur ceux qui me craignent. » Ce que le prophète ajoute, que la montagne des Oliviers sera fendue, moitié du côté de l’orient et de la mer et l’abîme profond. La moitié de la montagne s’inclinera au nord et l’autre moitié vers le midi ; tout cela désigne peut-être le développement dans tout l’univers connu de l’Eglise qui embrasse le monde du côté de l’orient et les nations du levant et des pays de l’aurore. Elle s’étend jusqu’à la mer de l’occident et aux lies qu’elle baigne : elle parvient encore au sud et au midi, au nord et Bous l’arcture : partout en effet, dans toutes les contrées du monde, le plant mystique des oliviers du Christ, l’Eglise est établie.

Dans un autre sens cette grande prédiction peut encore annoncer les schismes, les hérésies et les chutes morales qui ont eu lieu et qui se montreront dans l’Eglise. En effet, la montagne doit se fendre ; une partie s’inclinera vers l’orient et l’autre vers la mer, abîme profond. Une partie penchera vers le nord, une autre vers le midi, de sorte qu’elle sera divisée en deux parties, deux plus grandes et plus importantes, et deux bien différentes. Or, examinez si dans ces paroles l’orient et le midi ne désignent pas deux ordres de ceux qui tendent vers Dieu ; l’un des fidèles qui se perfectionnent par la science, par la doctrine et les autres dons du Saint-Esprit, et l’autre de ceux qui vivent suivant la justice, mais en suivant leurs inclinations. Les deux autres parties séparées des premières et inclinées vers la mer et vers le nord, indiquent aussi deux genres de perversité. Car, dit-il, du nord s’allumeront les feux qui doivent consumer les habitants de la terre ; et le dragon fait sa demeure dans les eaux de la mer. Ainsi donc l’erreur et la corruption, voilà les deux écarts où peuvent tomber ceux qui se séparent de l’Eglise, et les divisions de la montagne des Oliviers qu’annonce la prophétie. Zacharie ajoute : « La vallée de mes montagnes et celle des monts jusqu’à Hazaël seront fermées et obstruées, comme elles le furent par le tremblement de terre au jour d’Osias, roi de Juda. » Quelle est la vallée des montagnes du Seigneur, sinon le culte charnel et judaïque célébré à Jérusalem suivant la loi de Moïse ? La prophétie que nous citons annonce que ce culte sera aboli et comme fermé, en disant : « La vallée de nos montagnes et celle des monts jusqu’à Hazaël seront fermées et obstruées. » Symmaque lit cependant : la vallée de nos montagnes sera fermée, et « La vallée des montagnes se rapprochera du lieu qui est auprès, et par là marque la cause qui intercepte la vallée. » Or, que signifient ces paroles, sinon qu’elle s’en rapprochera et sera près de celui qui s’élève près d’elle, c’est-à-dire de la montagne du Seigneur, appelée des Oliviers, et que les septante ont nommée Hazaël. Hazaël signifie en hébreu, l’œuvre du Seigneur. Ainsi donc, dit le prophète, l’antique vallée rapprochée de la montagne et de l’Eglise du Christ, et de l’œuvre de Dieu, sera obstruée et fermée comme elle le fut par le tremblement de terre aux jours d’Osias, roi de Juda. Dans mes réflexions en moi-même, et dans l’examen des divines Ecritures, pour découvrir si du temps d’Osias cette vallée avait été fermée, je n’ai rien trouvé dans les histoires des Rois qui eût rapport à un tremblement de terre, ni à la clôture d’une vallée. Il est raconté qu’au commencement de son règne, Osias fut juste ; qu’ensuite il fut rejeté parce que dans un transport d’orgueil, il sacrifia lui-même au Très-Haut. C’est pourquoi la lèpre se répandit sur son visage. C’est là ce que dit le livre des Rois. Or, voici ce que raconte des temps de ce roi, Josèphe, cet écrivain qui a recueilli du peuple les traditions étrangères aux saints livres avec tant de soin et de facilité surtout, comme Juif de race juive :

Les prêtres, dit-il, pressaient Osias de sortir du temple et de ne pas offenser Dieu. Ce prince, irrité de leur résistance, les menaça de la mort s’ils ne demeuraient tranquilles. Aussitôt là terre s’ébranla. Le temple s’entr’ouvrit et une lumière éclatante frappa la face du roi qui fut aussitôt couverte de lèpre. Du côté de la ville, au lieu que l’on nomme terre d’Ero, la moitié de la montagne qui regarde le couchant se détacha et roula l’espace de quatre stades jusqu’à la montagne qui est tournée vers l’orient et combla ainsi les passages et les jardins royaux (Antiquités jud. XI., 11).

J’ai tiré ce passage des antiquités judaïques de Josèphe.

Je trouve encore que le prophète Amos avertit dès l’ouverture de son livre qu’il commença à prophétiser aux jours d’Osias, roi de Juda, deux ans avant le tremblement de terre ; de quel tremblement de terre ? c’est ce qu’il ne dit pas. Je crois cependant qu’il le écrit plus bas lorsqu’il dit : « J’ai vu le Seigneur se tenant sur l’autel, et il dit : Frappe l’autel, elles portiques seront ébranlés. Fais-les tomber sur toutes les têtes, et je ferai périr par le glaive ceux qui échapperont » (Osée, IX, 1). Voilà, ce me semble, la prédiction du tremblement de terre, de la destruction de la gloire du peuple juif, de l’abolition des cérémonies qui se célébraient à Jérusalem, et de la ruine totale dont ils devaient être frappés après l’avènement du Sauveur, alors que pour avoir rejeté le Christ de Dieu, ce véritable grand prêtre, ils furent frappés de la lèpre spirituelle, ainsi qu’aux jours d’Osias, quand le Seigneur se tenant sur l’autel par sa puissance invisible, permit de frapper à celui qui frappa et dit : « Frappe l’autel, » il le manifesta par sa puissance, en disant : « Voici que votre demeure demeurera déserte. » Au moment de sa passion le voile du temple se déchira de haut en bas comme Josèphe raconte qu’il arriva lors de la punition d’Osias. D’abord le vestibule fut ébranlé, quand la terre le fut elle-même au temps de sa passion ; et peu après se consomma la dernière destruction, et celui qui avait reçu le pouvoir de frapper fît tomber sur toutes les têtes. Alors la vallée des montagnes du Seigneur fut comblée, comme sous Osias. Dans le sens littéral, car je crois qu’au siège des Romains, il y eut quelque événement de ce genre, et dans le sens spirituel, lorsque le culte mosaïque, charnel et grossier fut aboli pour jamais à cause de la commotion prédite qui venait de ruiner la nation juive et pour les autres causes déjà énumérées.

Alors la prophétie continue et révèle avec plus de clarté encore la venue du Sauveur. « Et le Seigneur mon Dieu paraîtra, dit-elle, et tous ses saints avec lui. » Par les saints du Seigneur elle entend les apôtres et les disciples, ou ces puissances spirituelles et ces esprits fidèles dont il est dit : « Les anges vinrent et le servirent » (Matth., IV, 11). Puis : « A l’avènement du Seigneur, dit le prophète, il y aura un jour où la lumière ne paraîtra pas, mais froid et glace pendant un jour. » Or, Symmaque traduit : en ce jour il n’y aura pas de lumière, mais le froid et la glace pendant un jour connu du Seigneur ; ce ne sera ni un jour ni une nuit, et vers le soir apparaîtra la lumière. Or, remarquez avec quelle clarté est annoncée ici la passion de notre Sauveur ; cette circonstance : « En ce jour il n’y aura pas de lumière, » s’accomplit quand les ténèbres se répandirent de la sixième heure jusqu’à la neuvième. Celle-ci : froid et glace pendant un jour, lorsque au rapport de Luc, « les soldats s’étant emparés de Jésus le conduisirent à la maison du grand prêtre. Pierre le suivait de loin » (Luc, XXII, 54). Du feu ayant été allumé au milieu de la cour, il s’y assit, suivant Marc, pour se réchauffer (Marc, XIV, 54). Jean remarque expressément la circonstance du froid, et dit : les esclaves et les serviteurs étaient auprès du feu, parce qu’il faisait froid, et se chauffaient (Jean, XVIII, 18). Ce jour connu du Seigneur, dit Zacharie, ne sera ni un jour ni une nuit. » Ce ne sera pas un jour, puisqu’il est écrit : Il n’y aura pas de lumière ; ce qui s’accomplit exactement, puisque de la sixième heure jusqu’à la neuvième, les ténèbres se répandirent sur la face de la terre : ni une nuit, puisqu’il est dit : « sur le soir apparaîtra la lumière ; » ce qui se réalisa encore, puisqu’après la neuvième heure, le jour reprit son éclat accoutumé.

Ces diverses prophéties ont eu aussi leur entier accomplissement spirituel ; les Juifs, après leur audace sacrilège, furent environnés de ténèbres, exposés au froid et aux gelées, et leur intelligence fut obscurcie, parce que la lumière de l’Evangile ne brillait pas à leur cœur, et que leur charité était refroidie. Mais vers le soir s’éleva la lumière de la connaissance du Christ, et ceux qui depuis longtemps étaient assis dans les ténèbres et ; l’ombre de la mort, virent une grande lumière, comme le dit Isaïe. « En ce jour, qui est celui du Seigneur, il jaillira une source d’eau vive de Jérusalem. C’est la source spirituelle, l’eau délicieuse, la fontaine de via et de salut de la doctrine du Christ, dont le Sauveur lui-même, en l’Evangile selon saint Jean, dit à la Samaritaine : Si vous saviez qui vous demande à boire, vous le lui demanderiez vous-même, et il vous donnerait uns eau de vie » (Ibid., IV, 10). Cette source salutaire est donc sortie de Jérusalem puisque c’est de là qu’est venu l’Evangile qui la contient et les prédicateurs qui l’ont répandue sur la terre : effusion que témoignent ces paroles : La source de vie répandra ses eaux de la première à la dernière mer. Ces expressions signifient les extrémités du monde ; sous le nom de première mer elles désignent celles qui regardent l’Océan de l’Orient, et sous le nom de dernière, celles qui sont au coucher du soleil ; toutes contrées que l’eau vive du salut et de la prédication évangélique a remplies. Le Christ nous la fit connaître lorsqu’il dit au peuple : « Celui qui boira de l’eau que je lui donnerai, n’aura plus jamais soif, et de son ventre coulera un fleuve d’une eau de vie qui jaillira à la vie éternelle » (Jean, IV, 13). Et encore : « Si quelqu’un a soif qu’il vienne à moi et qu’il boive » (Ibid., VII, 37). Et lorsque cette source salutaire se sera répandue de Jérusalem sur le monde, un ruisseau spirituel et salutaire coulera de toutes parts ainsi qu’il est écrit ailleurs : « Car la loi sortira de Sion, et la parole du Seigneur de Jérusalem, et elle jugera les nations » (Isaïe, II, 3). Le Seigneur sera roi, dit-il, non seulement à Jérusalem ou sur la nation juive, mais sur toute la terre en ce jour. Il n’y aura plus que son nom qui embrassera toute la terre, paroles qui sont conformes à celles-ci des psaumes : « Le Seigneur a régné sur les nations », et : « Dites aux nations le Seigneur a régné ». Tous ces événements sont annoncés comme devant arriver aux jours du Seigneur. Il est dit en effet au commencement de la prophétie : « Voici venir le jour du Seigneur et cela arrivera. » Quoi donc, sinon le siège de Jérusalem et l’émigration du Seigneur sur le mont des Oliviers, suivant cette parole : « Le Seigneur viendra, » et les événements du jour de sa passion ; et encore la source d’eau vive qui s’est répandue sur toute la terre, et enfin la soumission de toutes les nations à la puissance de Dieu, et son nom unique qui a rempli le monde ? Nous avons montré comme en abrégé l’accomplissement de ces circonstances. Il est évident aussi que le nom des chrétiens, tiré de celui du Christ de Dieu, a rempli toute la terre ; ce que prédisait cet oracle : « Et il n’y aura plus que son nom qui embrassera la terre et le désert. » Vous pourrez, après avoir examiné chacune de ces expressions, vous livrer à une méditation plus profonde du sens qu’elles renferment.

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