Démonstration évangélique

LIVRE VI

CHAPITRE XXIV

D’ISAÏE

Comment le Seigneur qui inspirait autrefois les prophètes, doit venir au milieu des hommes, se rendre sensible aux yeux et être connu des nations.

Voici ce que dit le Seigneur (Isaïe, LII, 5) : « A cause de vous mon nom est blasphémé parmi les nations. Aussi en ce jour mon peuple connaitra-t-il qui je suis, moi qui parle ; me voilà comme la beauté sur les montagnes, ainsi sont les pieds de celui qui annonce une parole de paix ainsi est celui qui annonce le bonheur, parce qu’il le fera connaître ton salut en disant : Sion ton Dieu va régner sur toi. La voix de tes gardes s’est élevée ; ils chanteront en chœur, parce qu’ils verront de leurs yeux le jour ou le Seigneur aura pitié de Sion. Que les déserts de Jérusalem éclatent en transports de joie : car le Seigneur a eu pitié d’elle, et il l’a délivrée. Il a déployé le bras de sa sainteté aux yeux des nations. Toutes les extrémités les plus reculées de la terre verront le salut de notre Dieu. » A ces paroles est jointe, dans le même développement, la prédiction de la passion du Christ, que j’exposerai en son lieu. Ce même Seigneur qui, au chapitre précédent a dit au peuple juif : « Tu as été vendu à tes iniquités et ta mère a été livrée à tes crimes, parce que je suis venu et il n’y avait pas un homme ; j’ai appelé et personne n’était là pour entendre ; celui qui dit en ce moment : A cause de vous mon nom est blasphémé parmi les nations. Il ajoute comme ayant un autre peuple : Aussi mon peuple connaitra-t-il mon nom. Il annonce aussi que ce même Seigneur qui a parlé par les prophètes, et non pas l’autre, vivra un jour sur la terre, comme il suit : « Je suis, moi qui parle, me voilà. » Quant à ces paroles : « Comme la beauté sur les montagnes, ainsi sont les pieds de celui qui a annoncé une parole de paix, ainsi est celui qui annonce le bonheur ; je le ferai connaître ton salut en disant : Sion, ton Dieu va régner sur toi, » les autres interprètes les traduisent plus exactement. Voici ce que dit Aquila : « Pourquoi sont-ils beaux sur les montagnes les pieds de celui qui annonce de celui qui fait entendre la paix, de celui qui annonce le bonheur, de celui qui fait entendre le salut et qui dit à Sion : Ton Dieu a régné ? » Symmaque traduit : « Pourquoi sont-ils éclatants sur les montagnes les pieds de celui qui annonce, qui fait entendre la paix, de celui qui annonce les biens, qui fait entendre le salut et qui dit à Sion : Ton Dieu a régné ? » Au lieu de ces mots « La voix de tes gardes s’est élevée ; ils chanteront en chœur parce qu’ils verront de leurs yeux, » Symmaque met ainsi : « Voix de tes gardes ils ont élevé la voix ; ils chanteront ensemble, car ils verront de leurs yeux. » Ces gardes, ce sont les apôtres saints de notre Sauveur qui virent de leurs yeux celui qu’annonça le prophète, qui élevèrent la voix et publièrent sa venue dans tout l’univers. Le grand Apôtre a vu au ciel Sion et cette Jérusalem qui est évangélisée ici, et il en a dit : « La Jérusalem céleste est libre et elle est notre mère » (Gal., IV, 26). Et : « Vous êtes parvenus à la montagne de Sion (Héb., XII, 22), à la ville du Dieu vivant, la Jérusalem céleste et à l’assemblée innombrable des anges. » Or, Sion, c’est l’Eglise que le Christ a élevée dans le monde comme Jérusalem est toute institution pieuse qui autrefois réunissait les Juifs seuls, et fut détruite à cause de leur perversité : dans la suite elle a été relevée d’une façon bien supérieure par la manifestation de notre Sauveur. C’est pourquoi le prophète s’exprime ainsi : « Que les déserts de Jérusalem éclatent en transports de joie, parce que le Seigneur a eu pitié d’elle et il l’a délivrée. » Du reste, vous ne vous tromperez pas en nommant Sion l’âme du saint et du juste qui s’élève au-dessus de la vie jouit de son droit de citoyen du ciel et contemple l’ordre surnaturel ; car Sion signifie observatoire ; ni encore en appelant Jérusalem le cœur qui jouit de la rectitude et du calme des passions ; car ce nom traduit signifie vision de paix. A cette prédiction succède la révélation de la vocation des Gentils à la vraie foi :

« Le Seigneur Dieu déploiera le bras de sa sainteté aux gens des nations, et, les extrémités les plus reculées de la terre verront le salut de Dieu ; » or ce bras de Dieu, c’est le Verbe, c’est la sagesse, c’est le Seigneur qui est le Christ de Dieu ; ce qu’il est facile de prouver par une infinité de passages. En outre, dans l’Exode, c’est le bras du Seigneur qui délivre Israël de la servitude des Egyptiens. Ce bras qui s’est montré le défenseur de l’ancien peuple, doit se manifester enfin aux nations auxquelles il fut longtemps caché dit la prophétie que nous citons. Or, ce salut que doivent voir les extrémités de la terre, et qu’elle a promis plus haut en ces termes : « Je te ferai connaître ton salut, » apprend que c’est Jésus qu’il s’appelle chez les Hébreux.

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