Démonstration évangélique

LIVRE VII

CHAPITRE III

DU SECOND LIVRE DES PARALIPOMÈNES

De quelle race et de quelle tribu des Hébreux le Christ doit sortir suivant le prophète.

Le Seigneur fit dire au second livre des Paralipomènes à David par le prophète Nathan : « Lorsque les jours seront accomplis pour aller avec tes pères, je susciterai après toi un prince de ta race, qui descendra de ton sang, et j’affermirai son règne. Il me bâtira une demeure, et j’établirai son trône à jamais. Je serai son père, et il sera mon fils » (Ps., LXXXVIII). Il est dit de ce fils comme de David lui -même. Il me dira : « Vous êtes mon père, mon Dieu et l’asile de mon salut, et je l’établirai mon premier-né, élevé entre les rois de la terre. Je lui garderai éternellement ma miséricorde, et mon alliance avec lui sera immuable » (Ps., LXXXVIII, 26). Et : « J’ai juré à David mon serviteur : je lui préparerai une race éternelle ; j’élèverai son trône de génération en génération » (Ps., IV). Et encore : « Je l’ai juré une fois par mon saint si je mentais à David !…… sa race sera éternelle, et son trône s’élèvera devant moi comme le soleil, et comme la lune préparée pour les siècles » (Ps., XXXV). « Enfin : Je rendrai sa race immortelle » (Ibid., XXIX). Ces paroles offrent le même sens que celles-ci. « Le Seigneur a juré à David dans sa vérité et il ne révoquera pas son serment : Je placerai sur votre trône un fils qui naîtra de vous (Ps., CXXXI, 11).

Salomon, fils de David, lui succéda, comme on sait, le premier il bâtit un temple à Dieu en Jérusalem, et il est vraisemblable que c’est lui que les fils de la circoncision supposent être le Christ prédit. Il faut qu’ils fassent voir si l’on peut rapporter à Salomon l’oracle saint qui dit : « Et je rendrai son trône éternel, » et qui nous montre Dieu promettant sur son saint avec l’autorité du serment que le trône de celui qui est annoncé sera comme le soleil, et comme les jours du ciel. Or, si l’on suppute les jours du règne de Salomon, on aura quarante ans et pas davantage ; et si on réunit les années de ses successeurs, il se trouvera que tous ces princes n’ont pas régné cinq cents ans entiers. Mais admettons que leur règne s’étende jusqu’au dernier siège de Jérusalem par les Romains, qu’en résulte-t-il pour la prophétie qui annonce « que le trône de David sera éternel et comme le soleil et les jours du ciel ? » Comment ces paroles : « Je serai son père, et il sera mon fils, » se rapporteront-elles à Salomon, quand l’histoire nous en fait connaître des actions si contraires et si opposées à l’adoption de Dieu. Ecoutez donc l’accusation qu’elle intente contre lui : « Salomon aimait les femmes, et il prit plusieurs femmes étrangères ; la fille de Pharaon, les filles de Moab, d’Ammon, de l’Idumée, de Syrie, des Chettéens et des Amorrhéens, nations dont le Seigneur Dieu avait dit aux enfants d’Israël : « Vous n’irez point vers elles ». L’historien ajoute : « Son cœur ne fut point droit devant le Seigneur son Dieu, comme le cœur de David son père. Salomon adora Astarté, objet du culte impie des Sidoniens ; et leur roi, l’idole des fils d’Ammon. Salomon fit le mal devant le Seigneur. » Enfin il dit encore : « Et le Seigneur suscite pour ennemi à Salomon Ader d’Idumée. » Qui prétendra qu’un homme accablé d’accusations si fortes et si grandes ose s’attribuer Dieu pour père, et que le Dieu suprême le nomme son fils premier-né ? Mais comment ces traits divers sont-ils attribués tantôt à David lui-même, et tantôt à sa race ? ils ne peuvent se rapporter à David, comme la réflexion vous le fera voir donc celui qui doit s’élever de la race de David est un autre qu’il faut chercher ; mais nul autre n’apparut tel, suivant l’histoire, sinon notre Sauveur et Seigneur Jésus, le Christ de Dieu, qui seul de tous les premiers du sang de David qui ont jamais régné est nommé fils de David dans toute la terre, à cause de sa naissance corporelle ; sa royauté demeure et demeurera jusqu’à l’éternité, bien qu’exposée à mille agressions, et soutenue de la puissance surnaturelle et divine, elle manifestera la divinité et la certitude de la prophétie ; si Dieu jure par son saint, il faut le prendre de Dieu qui jure par le Verbe Dieu antérieur aux siècles, son Fils saint et unique, dont les passages cités établissent la divinité. C’est pour lui comme pour son bien aimé, que celui qui est Dieu son Père jure qu’il glorifiera éternellement le rejeton de la race de David, ce qui s’accomplit quand le Verbe fait chair s’unit à un homme du sang de David et le fit Dieu. Aussi Dieu l’appela t-il son fils en disant : « Je serai son père et il sera mon fils, » et « Je l’établirai mon premier-né. » Ainsi donc le Fils de Dieu, premier-né, doit être de la race de David, de sorte que le Fils de David ne fait qu’un avec le Fils de Dieu et le Fils de Dieu avec le Fils de David ; le premier-né de toute créature ; Fils de Dieu lui-même, est annoncé clairement comme devant être fils de l’homme, et cette prédiction est confirmée par le passage de l’Evangile où il est rapporté que l’ange Gabriel s’étant présenté à la sainte Vierge, lui dit sur Notre-Seigneur : « Il sera grand, et s’appellera le Fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père, et il règnera éternellement sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin » (Luc, I, 32). L’évangéliste ajoute quelques lignes plus bas : « Zacharie, père de Jean, prophétisa ainsi sur le Christ : « Béni soit le Seigneur le Dieu d’Israël, parce qu’il a visité et racheté son peuple, et il a élevé le signe de notre salut en la maison de David son serviteur, ainsi qu’il l’avait promis par la bouche de ses saints prophètes qui ont été dès le commencement. Or, c’est notre Sauveur et Seigneur Jésus, le Christ de Dieu, et aucun autre qui a possédé ce trône éternel promis à David ; les témoignages rapportés déjà le prouvent suffisamment, de même que ceux de Gabriel et de Zacharie, et montrent encore qu’il est né de la race de David, selon la chair. Quant à la raison qu’ont eue les saints évangélistes d’exposer la généalogie de Joseph, bien que notre Sauveur ne fût pas son fils, mais celui de l’Esprit saint et de la sainte Vierge, et quant à la manière dont il est établi que la mère du Sauveur appartient à la race et au sang de David, comme nous y avons répondu dans le premier livre des questions et des réponses sur la généalogie de notre Sauveur, nous y renvoyons ceux qui veulent s’instruire ; car le développement des faits nous contraint de passer à un autre sujet.

DU PSAUME LXXI

Salomon et celui qui doit sortir de sa race.

« Seigneur, donnez au roi votre jugement, et votre justice au fils du roi : » le psalmiste ajoute : « Il demeurera autant que le soleil et plus que la lune, pendant le cours des générations. Il descendra comme la pluie sur l’herbe, et comme les gouttes de la rosée qui tombent sur la terre. La justice se lèvera en ces jours ; et l’abondance de la paix, jusqu’à ce que la lune disparaisse ; et il dominera de la mer jusqu’à la mer, et du fleuve jusqu’aux extrémités de la terre. » Un peu plus loin il dit : Les fruits s’élèveront sur le Liban. Son nom sera béni dans tous les siècles ; son nom durera autant que le soleil, et toutes les tribus de la terre seront bénies en lui, toutes les nations le glorifieront. » Comme le psaume a été écrit sur Salomon, le premier verset doit se rapporter à lui, et tout ce qui est dit sur le fils de Salomon s’appliquera non pas à Roboam, qui lui succéda sur le trône d’Israël, mais à celui qui, selon la chair, naîtra de son sang, au Christ de Dieu ; car quiconque aura une légère connaissance des Ecritures saintes avouera qu’il n’est pas possible de rapporter à Salomon ni à son successeur les traits divers du psaume, pour ce qui en est raconté ; en effet, comment appliquer à ce prince ou à son fils Roboam ce qui est exposé dans tout le psaume : Il dominera de la mer jusqu’à la mer, et du fleuve jusqu’aux extrémités de la terre. Il demeurera autant que le soleil et plus que la lune, et le reste qui est semblable. Aussi ne faut-il pas beaucoup de réflexion pour attribuer à Salomon les premières paroles : « Seigneur, donnez au roi votre jugement, » et les autres : « et votre justice au fils du roi ; » au fils de Salomon, non pas à cet aîné de sang qui lui succéda à la puissance royale, car ce prince dans les dix-sept ans, pas même entiers, qu’il régna sur la nation juive, usa fort mal de son pouvoir, ni encore à aucun autre de ceux qui ont succédé à Roboam sur le trône de Salomon, mais au seul rejeton de la race de David, prédit comme le fils de Salomon, au si bien que celui de David. Ce descendant fut notre Sauveur et Seigneur Jésus-Christ. En effet, c’est son trône de la puissance divine, et non le siège d’aucun autre qui subsistera avec le soleil. C’est lui, et nul autre des hommes, qui préexistait à la lune et à la formation du monde, comme Verbe de Dieu ; c’est aussi lui seul qui est descendu du ciel, comme la rosée sur la face de la terre ; et il est annoncé aussi qu’il s’élèvera pour tous les hommes, suivant le passage cité précédemment, avec la justice qui doit demeurer jusqu’à la consommation de la vie, qui est nommée la disparition de la lune. Or, le pouvoir de notre Sauveur domine et s’étend de la mer d’Orient au soleil couchant, après avoir commencé à subjuguer dès le fleuve, c’est-à-dire dès le bain mystérieux, où aussi s’étant révélé d’abord au Jourdain d’où il commença à montrer sa bienfaisante action sur les hommes, de ce point sa puissance s’étendit sur toute la terre. Or, comme par le Liban il faut entendre Jérusalem, ainsi qu’il est établi par la plupart des paroles prophétiques, à cause du sanctuaire qu’elle contenait autrefois, de l’autel des parfums, et de ce que l’on plaçait sur lui en l’honneur de Dieu, comme de l’encens, l’Eglise des Gentils, fruit du Christ, est-il prédit, s’élèvera au-dessus du Liban.

Si le lecteur curieux de s’instruire, médite à loisir chaque expression du psaume, il avouera que les traits qu’il contient ne se peuvent rapporter qu’à notre Seigneur, et nullement à l’ancien Salomon ou à quelque autre de ses successeurs dans le gouvernement de la nation juive, qui ne régnèrent que sur quelques tribus et sur la terre de Judée seule.

D’ISAIE

Jessé et celui qui doit naître de sa race.

« Un rejeton naîtra de la tige de Jessé ; une fleur s’élèvera de ses racines, l’esprit du Seigneur se reposera sur lui (Isaïe, II, 1). Esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de science et de piété, il sera rempli de l’esprit de la crainte de Dieu ; il ne jugera pas sur l’apparence, et ne réprimandera pas sur des rapports incertains, mais il rendra la justice au pauvre, et il jugera les faibles. La justice sera la ceinture de ses reins, et la vérité vêtira ses reins ; le loup habitera avec l’agneau ; le léopard reposera auprès du chevreau ; le veau et le lion paîtront ensemble, alors le rejeton de Jessé, celui qui doit commander les nations se lèvera, les nations espèreront en lui, et le lieu de son repos sera glorieux. » Ce Jessé fut le père de David. Ainsi de même que dans les prophéties précédentes il était annoncé qu’il sortirait de la race et du sang de David, et aussi du sang de Salomon, de même en ce passage, bien des années après la mort et de David et de Salomon lui-même, il est prédit que de la racine de Jessé, évidemment celle de David, il sortira un homme. Ce passage détruira l’opinion accréditée précédemment chez les Juifs, touchant l’époque de la mort de Salomon. Isaïe fait cette prédiction d’un autre qui doit sortir de la racine de Jessé et du sang de David. Or que ce ne soit à aucun autre qu’à notre Sauveur, le Christ de Dieu, issu de la tige de David et de Jessé, que se rapportent les paroles citées de David et de Jessé, c’est, je pense, ce que personne ne mettra en doute, lorsqu’on considèrera la promesse de la prophétie alors le rejeton de Jessé, celui qui doit commander les nations se lèvera, les nations espèreront en lui, et les événements qui se rapportent à notre Sauveur seul donc, après s’être levé du milieu des morts ; et c’est pour cela, je pense, qu’on l’a appelé celui qui se lève ; il prit le commandement, non pas du peuple juif, mais des nations du monde, de sorte que l’oracle saint n’a plus besoin d’explication, puisqu’il est établi avec évidence comment se sont accomplies en lui ces circonstances diverses et celle-ci entre autres : les nations espèreront en lui. Quant à ce qui est dit en son avènement comme d’animaux et de bêtes qui doivent être apprivoisés, il faut l’entendre des coutumes farouches et agrestes et des mœurs barbares que l’enseignement du Christ dépouillera de leur férocité et de leur cruauté. Or le sens du passage sera clairement développé, si l’on explique la figure prophétique du rejeton de Jessé, de la tige et de la fleur, et dans quel sens il faut entendre qu’il se ceint les flancs de justice et qu’il revêt ses reins de vérité. De même en effet qu’il n’est pas possible d’expliquer ce passage autrement que dans un sens allégorique, il faut nécessairement entendre ainsi les animaux nommés en cet endroit.

DE JÉRÉMIE

Le germe de justice qui apparaît de la race de David, et qui est le roi des hommes ; le nom nouveau qui doit être imposé à ceux qui vivront sous ses lois, et la rémission des iniquités premières.

« Voici que les jours viennent, dit le Seigneur, et je susciterai à David un germe de Justice (Jérémie, XXIII, 5). Un roi règnera ; il sera sage, et il rendra le jugement et la justice sur la terre. En ces jours Juda sera sauvé et Israël vivra en assurance, et le Seigneur nommera ce roi (Ib., XXX, 8). Josedecim entre les prophètes : En ce jour, dit le Seigneur je briserai le joug qui pèse sur leur tête ; je romprai tes liens. Ils ne serviront plus des dieux étrangers ; mais ils serviront le Seigneur leur Dieu, et je leur susciterai le roi David » Longtemps après la mort de David et même celle de Salomon, Jérémie annonce le roi qui doit naître du sang de David, et d’abord il l’appelle germe et même germe de justice, parce qu’il est établi par le soleil de justice, dont nous avons traité les Démonstrations sur la seconde cause, où avons montré que le Verbe de Dieu qui apparaît, compte parmi ses titres nombreux celui de soleil de justice, en exposant la prophétie : et ce soleil de justice luira sur ceux qui me craignent, de même que le soleil de justice. Aussi le germe de justice doit se lever sur David ; le prophète l’appelle roi sage et qui rend le jugement et la justice sur la terre, pais il le désigne sous le même nom de David que porta ce roi mort depuis longtemps, Rappelez-vous en effet ce passage de la prophétie que nous venons de citer : « Je susciterai à David un germe de justice. » Et ce trait de la fin « Je lui susciterai le roi David » à qui donc sinon à David ? C’est pour lui qu’elle annonce que le germe de justice sera suscité. Zacharie encore, quand il le prédit, lui donne un nom semblable : voilà l’homme (Zach., VI, 12). L’Orient est son nom, et sous lui germera la justice : et aussi j’appellerai mon serviteur Orient (Id., III, 8). Mais depuis Jérémie, ni même depuis Zacharie, nul ne s’est montré parmi les Juifs qui pût être nommé germe de justice, sage et celui qui rend le jugement et la justice sur la terre. Si quelqu’un prétend que ces paroles désignent Jésus, fils de Josédech, on lui fera observer qu’il n’en a pas les caractères, car il ne fut pas de la race de David et ne gouverna pas en roi. Comment est-il possible de lui rapporter ces paroles : Et je lui susciterai le roi David, puisqu’il fut de la tribu de Lévi, de l’ordre pontifical, d’une autre famille que celle de David, et qu’il n’est point rapporté de lui qu’il ait jamais été roi ? Si donc nul autre n’apparaît avec ces signes, il faut donc reconnaître que celui qui est prédit ici spécialement est notre Sauveur et Seigneur seulement, nommé encore ailleurs lumière du monde et lumière de nations. Ainsi il est celui qui est prédit en ce passage, et la prophétie n’est pas fausse. Seul en effet de la race de David, orné du même nom que son ancêtre dans le sens spirituel où ce nom signifie le fort de la main, il a annoncé par sa doctrine le jugement et la justice à tous ceux de la terre, et seul de tous les hommes il a gouverné non seulement une partie de la terre, mais toute son étendue ; seul il a fait lever la justice, ainsi qu’il est dit de lui dans le psaume : « la justice et l’abondance de la paix se lèveront en ses jours (Ps., LXXI, 7). Juda et Israël doivent être sauvés en ses jours, ce sont ceux du peuple circoncis qui doivent embrasser sa religion, les apôtres, les disciples et les évangélistes, ainsi que ceux qui conservent le Juif intérieur et le véritable Israël qui dans le sens élevé, voit Dieu ; « car, dit, l’Apôtre, le Juif n’est pas celui qui l’est au dehors, et la circoncision n’est pas celle qui se fait sur la chair et qui est extérieure ; mais le Juif est celui qui l’est intérieurement : la circoncision est celle du cœur, qui se fait par l’esprit et non par la lettre, et ce Juif ne tire pas sa gloire des hommes, mais de Dieu » (Rom., II, 29). Il dit donc que ceux qui par la vocation du Christ conservent le Juif intérieur et le véritable Israël, auront un autre nom, non plus celui de Juif ni même d’Israël, mais au lieu de ceux-là un nom extraordinaire. Or, dit-il, ce nom que leur donnera le Seigneur est Josédecim qui signifie, les justes de Dieu. Je remarque que c’est de Josué que peut venir ce nom Josédecim donné de Dieu aux disciples du Christ, tandis que les hommes leur donnent un nom grec formé du mot christ, et que suivant l’hébreu et les prophètes eux-mêmes, ils portent celui de Josédecim du nom de Jésus, comme sauvé par lui. Aussi est-il écrit : « Et voici le nom que leur donnera le Seigneur Josédecim entre les prophètes. » Ce peuple futur, dit-il du prédit, et qui est Juda et Israël, sera appelé Josédecim du mot Josué, et ils le recevront, ajoute-t-il, non des hommes, mais de Dieu lui-même et de ses prophètes. Observez en effet ce passage de la prophétie : « Et voici le nom que lui donnera le Seigneur, Josédecim entre les prophètes. » Nom qui signifie, ainsi que je l’ai montré, les justes de Dieu. Puisqu’ils doivent être ainsi sauvés, Dieu promet qu’il brisera le joug ancien et pesant des démons cruels, et rompra les liens de l’impiété qui les garrottaient autrefois, de sorte qu’ils ne seront plus les esclaves des dieux étrangers, mais qu’ils porteront pour lui seul des fruits agréables. Or rapportez à ces paroles la prophétie du psaume deuxième sur l’avènement du Christ et la vocation des nations : « Brisons leurs liens et rejetons leur joug loin de nous. » (Ps., II, 3). Le sens du fragment cité s’en rapproche à mon avis : En ce jour, dit le Seigneur, je briserai le joug qui pèse sur leur tête ; je romprai leurs liens, ils ne serviront plus des dieux étrangers, mais ils serviront le Seigneur leur Dieu.

Ces développements établissent suffisamment que le Christ de Dieu devait sortir du sang de David et de la race de Salomon ; d’après les prophètes, ce qui a eu lieu, car les paroles divines lui donnent entre une multitude de noms celui de David. Il doit aussi naître de la tribu de Juda, ce dont il ne faut même pas chercher la preuve, puisque David aussi n’était pas d’une autre tribu. Et voici par surabondance, la prophétie remplie d’autorité de Moïse ; elle est ainsi conçue :

DE LA GENÈSE

Le Christ de Dieu doit naître de la tribu de Juda et former l’attente des nations.

« Juda, tes frères te loueront : les mains seront sur le dos de tes ennemis ; les fils de ton père s’inclineront devant toi. Juda est un jeune lion : Mon fils, tu es sorti de ma race ; dans ton repos tu as dormi comme un lion et comme un lionceau : qui l’éveillera ? Le chef ne sortira pas de Juda, ni le prince de sa postérité, jusqu’à ce que vienne celui à qui il est promis, et qui sera l’attente des nations » (Gen., XL, 8). Douze tribus chez les Hébreux comprenaient tout le peuple ; le père et le chef de l’une d’elles fut Juda, auquel se rapporte cette prédiction qui témoigne que le Christ naîtra de sa race. Si donc vous réussissez, si vous comparez à cette prophétie les prédictions exposées précédemment, vous trouverez que le Christ est toujours annoncé avec le même signe. L’une disait de celui qui doit sortir de la tige de Jessé : « Celui qui doit commander les nations se lèvera ; les nations espèreront en lui » (Is., XI, 10). L’autre annonce que le fils de Salomon a dominera de la mer jusqu’à la mer, et du fleuve jusqu’aux extrémités de la terre, » et que toutes les nations seront bénies en lui » (Ps., LXXI, 8, 17) ; et celle-ci dit de même : Jusqu’à ce qu’arrive celui à qui il a été promis, et il sera l’attente des nations. » Si donc ces prophéties sur les nations s’accordent entre elles, et s’il est établi que les prophéties précédentes concernent notre Sauveur, rien ne peut empêcher que cette prédiction-ci ne le concerne encore, puisqu’il est avoué qu’elles concourent dans les événements qu’elles annoncent, et surtout puisque jusqu’à l’époque de la manifestation de notre Sauveur, les princes des Juifs et les chefs de ce peuple se sont transmis la succession du pouvoir, qu’à sa présence ils ont disparu, et que l’attente des nations a achevé d’accomplir la prophétie de Jacob. Ici donc c’est le Christ, et nul autre qui est annoncé comme devant naître de la tribu de Juda ; et quand on le désignait comme le descendant de David, de Salomon, et celui qui sort de la racine de Jessé, on établissait alors qu’il appartenait à cette même tribu ; car David fut fils de Jessé, et Salomon de David, et tous trois étaient de la tribu de Juda.

Ainsi notre Sauveur et Seigneur est de cette tribu, comme l’expose Matthieu, l’admirable évangéliste, en ces termes : « Livre de la génération de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham. Abraham engendra Isaac ; Isaac engendra Jacob ; Jacob engendra Juda » (Matth., I, 1), et le reste.

Mais comme ces passages ont reçu leur explication particulière, il faut maintenant voir les temps de l’accomplissement des prophéties.

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