Démonstration évangélique

LIVRE VIII

CHAPITRE IV

DE ZACHARIE

Signes du temps de la venue du Verbe Dieu parmi les hommes : la vocation des nations et la ruine définitive de Jérusalem.

« Tressaille et réjouis-toi, fille de Sion, car voici que je viens et j’habiterai au milieu de toi, dit le Seigneur. Les nations viendront en foule vers le Seigneur en ce jour : elles seront son peuple, elles habiteront au milieu de toi, et tu sauras que le Seigneur tout-puissant m’a envoyé vers toi » (Zach., II, 10). Après plusieurs autres prédictions, le prophète dit : Tressaille d’allégresse, fille de Sion ; pousse des cris de joie, fille de Jérusalem : voici que ton roi vient à toi, juste Sauveur, lui-même pauvre, monté sur une ânesse et sur le poulain de l’ânesse. Il détruira les chars d’Ephraïm, les coursiers de Jérusalem ; il brisera l’arc des combats, et l’abondance de la paix se répandra chez les nations. Sa puissance s’étendra d’une mer à l’autre et du fleuve jusqu’aux extrémités de la terre » (Zach., IX, 9). Après cette prédiction sur l’avènement de notre Sauveur et quelques autres, Zacharie annonce la dernière ruine de Jérusalem, tantôt d’une manière cachée et sous des voiles, et tantôt à découvert. Sous des voiles, quand il dit : « Ouvre tes portes, ô Liban ! et que la flamme dévore tes cèdres. O pins ! gémissez, car le cèdre est tombé, les puissants sont puissamment brisés. Gémissez, chênes de la terre de Basan, car la forêt épaisse a été coupée. Voix des bergers qui pleurent, parce que leur gloire a été détruite. Voix des lions qui rugissent, parce que la magnificence du Jourdain a été dévastée » (Id., XI, 1). Cette prédiction est revêtue de voiles mais le prophète y ajoute l’interprétation et dit : « Voici que je fais de Jérusalem des portiques ébranlés pour tous les peuples qui l’entourent et qui sont en Judée ; et le siège sera mis devant Jérusalem. Et en ce jour je ferai de Jérusalem une pierre que toutes les nations doivent fouler. Quiconque la foulera, versera la dérision sur elle, et toutes les nations de la terre se réuniront contre elle » (Id., XII, 2). Après quelques paroles il dit encore : « Ils regarderont vers moi après m’avoir outragé, et ils pleureront amèrement comme sur leur fils unique, et leur douleur sera comme celle de la mort d’un premier-né. En ce jour le gémissement de Jérusalem retentira comme le gémissement de Roon dans les champs qui sont détruits. La terre pleurera famille par famille ici pleurera la famille de David, les femmes pleureront à l’écart ; ici la famille de Nathan, et les femmes pleureront séparément ; là, la famille de Lévi, et les femmes séparément. Ici, la famille de Siméon, et les femmes séparément. Toutes les autres tribus pleureront à l’écart, et leurs femmes séparément. » Plus loin, Zacharie encore, prédit avec plus de clarté le dernier siège de Jérusalem, et dit : « Voici que le jour du Seigneur approche, et ta dépouille sera partagée en ton enceinte. Je rassemblerai toutes les nations pour assiéger Jérusalem ; la ville sera emportée d’assaut, les maisons seront pillées, les femmes violées, la moitié des habitants emmenée en captivité ; l’autre moitié de mon peuple ne sera pas chassée de la ville. Le Seigneur sortira, et combattra avec les nations comme il a combattu au jour du combat, au jour de la guerre, et ses pieds reposeront en ce jour sur le mont des Oliviers qui est vis-à-vis de Jérusalem. » Plus loin il dit encore : « Le Seigneur sera le Dieu unique ; il n’y aura plus que son nom qui enceindra toute la terre et le désert (Id., XIV, 1). Enfin, après d’autres prédictions, sur le point de mettre fin au livre de ses prophéties, il annonce la vocation des Gentils en ces termes : « Les restes des nations qui auront attaqué Jérusalem monteront chaque année pour adorer le Seigneur, le roi tout-puissant, et pour célébrer la fête des tabernacles. Et alors, tous ceux des tribus de la terre qui ne viendront pas à Jérusalem pour adorer le Seigneur, le roi tout-puissant, iront grossir leur nombre. Si même la tribu de l’Egypte ne monte pas, et ne vient pas, elle sera frappée de la ruine dont le Seigneur accablera toutes les nations qui ne viendront pas célébrer la fête des tabernacles. Telle sera la punition de l’Egypte, telle sera la punition des peuples qui ne seront pas venus célébrer la fête des tabernacles » (Zach., XIV, 16). Zacharie écrivit ces prédictions après le retour de Babylone, sous Darius, roi des Perses, lorsque Jérusalem se relevait de la désolation qu’elle avait éprouvée de la part des Babyloniens. De Darius, roi de Perse, sous lequel prophétise Zacharie, à Auguste, empereur romain, est compris un intervalle de sept et de soixante et deux semaines d’années prédites par Daniel, qui forment quatre cent quatre-vingt-trois ans, comme nous l’avons établi dans les explications précédentes. D’ailleurs, de l’établissement des Macédoniens par Alexandre, jusqu’à Auguste, aucun événement ne peut être rapporté aux paroles du prophète. En effet, quand, dans ce laps de temps, le Seigneur glorifié comme Dieu par les prophètes se montra-t-il aux hommes ? Quand plusieurs nations, après l’avoir reconnu et confessé seul Dieu, ont-elles eu recours à lui, et sont-elles devenues son peuple ? Quand, sous les Perses ou les Macédoniens, le roi prédit est-il venu, monté sur l’ânesse et sur le poulain de l’ânesse ? Quand dans sa venue a-t-il ruiné l’armée royale nommée Juive, nommée Ephraïm, et les chars et le cheval de la nation juive appelée Ephraïm, et de Jérusalem elle-même, et détruit les troupes du peuple juif ? Car c’est là ce que dit la prophétie. « Voici que ton roi viendra vers toi juste et Sauveur, lui-même doux et monté sur l’ânesse et sur le poulain de l’ânesse, et il brisera l’arc des combats. » Cette prédiction a pour objet la destruction de la dignité royale chez la nation juive, et elle est suivie des promesses de la paix des nations dans les termes où elle a été déjà prédite : « L’abondance de la paix se répandra chez les nations. » Au lieu de ces paroles, Aquila dit avec les autres interprètes : « Il publiera la paix aux nations ; » ce qui, surtout depuis l’empire d’Auguste, s’est accompli même à la lettre, puisque la multitude des princes a disparu depuis lui, et que la paix s’est établie sur la plupart des nations de la terre. Or, avant l’époque romaine et du temps des Perses ou des Macédoniens, quel fut le roi des Juifs assez, puissant pour étendre son empire d’une mer à l’autre mer, et des fleuves jusqu’aux extrémités de la terre ? Voilà ce qu’ont dit les autres interprètes ; Aquila s’exprime ainsi : « Il publiera la paix aux nations et sa puissance s’étendra de la mer et du fleuve jusqu’aux extrémités de la terre. » La prédiction du psaume LXXI sur le Christ qui doit naître de la race de Salomon offre le même sens, lorsqu’il dit : « La justice et l’abondance de la paix se lèveront en ses jours, jusqu’à ce que disparaisse la lune : et il dominera de la mer à la mer et du fleuve jusqu’aux extrémités de la terre. » Car, ces prédictions sur le fils de Salomon ne diffèrent en rien des paroles du prophète. Qu’on explique, si l’on veut, quand, comment et à quelle époque elles se sont réalisées, ou en quel autre temps après le siège des Babyloniens, Jérusalem a souffert un second incendie, et son temple a été détruit. C’est même un sujet de grande admiration que la manière dont le prophète a dit : « Ouvre les portes, O Liban ! et que la flamme dévore tes cèdres. » Ici, suivant sa coutume, il appelle Liban le lieu saint, et chez d’autres prophètes aussi, le temple est nommé Liban. C’est ce que reconnaissent encore les Juifs ; puisque Isaïe, dans une prédiction semblable à celle du prophète qui nous occupe, dit : « Voici que le Seigneur renversera avec force la puissance, et les orgueilleux seront humiliés. Le Liban tombera avec ses cèdres élevés. Et un rejeton naîtra de la tige de Jessé ; une fleur s’élèvera de ses racines. L’esprit du Seigneur reposera sur lui » (Isaïe, X, 33). Ce prophète ajoute : « Et alors s’élèvera le rejeton de Jessé, et celui qui doit commander les peuples : les nations espèreront en lui. » Ici, en effet, sont réunies à la naissance du Christ de la race de Jessé et de David, la destruction du Liban et la vocation des nations. Ezéchiel aussi désigne clairement Jérusalem par le Liban, quand il dit : « Un aigle puissant, aux ailes immenses, qui avait la liberté d’entrer dans le Liban ; il arracha les jeunes rejetons du cèdre » (Ezéch., XVII, 3). Ce prophète explique lui-même cette prédiction lorsqu’il ajoute : « Alors que Nabuchodonosor vint à Jérusalem, et qu’il prit ses princes. » Cependant Ezéchiel fit cette prédiction touchant le premier siège, après lequel Zacharie prédit le second. Quand donc depuis Zacharie le temple fut-il livré à un embrasement sous la domination macédonienne ? Mais jamais ; car, après l’incendie qu’allumèrent les Babyloniens, la cité n’essuya plus que sous Tite et Vespasien, empereurs romains, cette seconde ruine par le feu sur laquelle l’oracle saint appelle encore d’une manière cachée les lamentations et les larmes des anciens chefs de la nation : « O pins ! gémissez, dit-elle, car le cèdre est tombé ; les puissants sont puissamment brisés. Gémissez, chênes de la terre de Basan, car la forêt épaisse a été coupée. Voix des bergers qui pleurent, parce que leur gloire a été détruite. Ainsi, alors Jérusalem est devenue comme un portique ébranlé par les nations d’alentour ; dans la Judée s’est élevé un mur d’enceinte ; le lieu vénéré du peuple comme saint et sacré, est aujourd’hui encore une pierre foulée par toutes les nations, et quiconque la foule, s’en raille avec mépris, selon la prophétie. Mais aussi pour les outrages dont ils ont couvert le Seigneur qui leur a fait connaître ces circonstances, la douleur, les larmes et la plainte ne les abandonnent plus. » Jamais donc en d’autres temps qu’après la naissance de notre Sauveur, et jusqu’à nos jours, toutes les tribus du peuple juif n’ont essuyé rien qui soit digne de lamentations et de douleur à cause de la plaie dont Dieu les a frappés et qui a fait passer leur métropole au pouvoir des nations étrangères, tomber leur temple, et chasser le peuple de sa patrie pour servir leurs ennemis sur la terre de l’exil. C’est pourquoi toute famille et toute âme parmi eux est-elle maintenant encore livrée aux gémissements. Aussi la prophétie dit-elle : « Les familles pleureront chacune à l’écart : ici, la famille de David, et les femmes pleureront à l’écart, et le reste. »

Mais depuis Zacharie, quels sont les jours où furent partagées les dépouilles de Jérusalem, où toutes les nations se réunirent pour la combattre, où la ville fut prise, les maisons pillées, les femmes violées et emmenées en esclavage, et où le Seigneur, prêtant l’appui de son bras aux nations qui assiégeaient Jérusalem, se mit à leur tête ? ou bien, quand ses pieds se sont-ils arrêtés sur le mont des Oliviers ? quand devint-il roi sur toute la terre, seul Seigneur de tous les hommes ? quand son nom enceignit-il toute la terre et le désert ? Personne ne saura nous montrer cet événement accompli jamais que dans l’époque romaine, où le temple fut victime d’un second incendie, après celui des Babyloniens, et dès lors et jusqu’à nos jours, la ville apparaît habitée par les nations étrangères. Et lorsque Notre-Seigneur Jésus, Christ de Dieu, fit son séjour habituel sur le mont des Oliviers, contre Jérusalem, cet oracle s’accomplit : « et ses pieds s’arrêteront sur le mont des Oliviers, contre Jérusalem ; » c’est-à-dire la règle de vie conforme à la religion s’établit sur la terre des hommes ; dès lors toutes les nations, d’après la prophétie, célèbrent en tout lieu la fête des tabernacles en l’honneur du Dieu des prophètes, et les Egyptiens, soumis au Dieu de l’univers, ont planté en toute ville et en toute contrée leurs tentes qui sont les Eglises du Christ réunies en tout lieu ; car ce sont ces tabernacles bien supérieurs à ceux de Moïse que la puissance de notre Sauveur Jésus-Christ a plantés sur toute la terre des hommes en toute race et en toute nation, pour célébrer la fête des tabernacles en l’honneur du Dieu suprême. Quand nous voyons que ces antiques promesses faites aux nations sont accomplies de nos jours, et lorsque nous pouvons lire de nos yeux aujourd’hui encore la prédiction des gémissements et de la douleur amère annonces aux tribus de la nation juive, l’incendie du temple et la dernière désolation, suivant les prédictions, que reste-t-il encore sinon de confesser que le roi prédit, le Christ de Dieu, est venu, puisque les signes de sa présence ont été prouvés avoir reçu chacun leur accomplissement ?

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