Démonstration évangélique

LIVRE IX

CHAPITRE III

DES NOMBRES

Comment il a été prédit que le Christ entrera en Egypte et qu’il en reviendra.

« Paroles de Balaam, fils de Béor : Il a dit l’homme qui voit la vérité, il dit, celui qui entend les oracles du Tout-Puissant, qui a vu la vision de Dieu ; ses yeux se sont ouverts dans le sommeil : Que tes pavillons sont beaux, ô Jacob ! tes tentes, Israël ! Comme les vallées ombragées, comme un jardin planté sur le bord des fleuves, et comme les tentes qu’a élevées le Seigneur, comme les cèdres arrosés par les eaux. Il sortira de sa race un homme qui dominera plusieurs nations ; et le royaume de Gog sera élevé, et son royaume sera augmenté. Dieu l’a tiré de l’Egypte, comme la gloire de la licorne. Il dévorera les peuples ses ennemis ; il broiera leurs os, et il frappera son ennemi de ses traits. Il se couche pour se reposer comme le lion et comme le lionceau : qui l’éveillera ? Ceux qui te bénissent seront bénis, et ceux qui te maudissent seront maudits » (Nomb., XXIV, 3).

Précédemment l’oracle sacré disait en la prophétie qui a été exposée, que le Seigneur doit aller en Egypte, et désignait la fuite de notre Sauveur Jésus-Christ en Egypte avec ses parents ; et ici, comme il est naturel, il annonce son retour en la terre d’Israël avec ses parents, et dit : « Dieu l’a tiré d’Egypte. » Or notre Sauveur et Seigneur Jésus le Christ de Dieu fut le seul de la postérité d’Israël et de la nation juive, qui domina plusieurs nations ; de sorte qu’il faut avouer sans hésitation qu’en lui s’est accomplie cette prophétie où il est annoncé sans obscurité qu’un homme de la nation juive dominera plusieurs nations. Or, que l’on me nomme, si l’on peut, quelque héros des Hébreux qui ait jamais commandé à plusieurs nations. On ne le fera pas, puisque cela n’a pas eu lieu. Et cependant quand nous nous tairions sur notre Sauveur, la vérité elle-même dirait tout haut, crierait avec force et établirait avec évidence que sa divine vertu a subjugué et subjugue encore aujourd’hui plusieurs nations par cet homme tiré d’Israël selon la chair : lui seul fut donc l’objet de la prophétie, et dans un jour la royauté de Gog fut élevée, tandis que la puissance du Christ croissait. On dit qu’ainsi est désignée par les Hébreux la domination romaine, avec laquelle se développa l’enseignement du Christ. Le prophète Ezéchiel aussi parle de Gog, en nommant le prince Ros, Mosoch et Thobel. Par Ros, il désigne, ce semble, la capitale des Romains, puisqu’en hébreu la puissance et la tête sont indiquées par Ros. Par Mosoch, il entend la Mysie et les nations voisines, maintenant soumises aux Romains ; et par Thobel, l’Ibérie, disant ainsi en quelque sorte que les Ibériens ont été appelés Thobéélem, du mot Thobel. Leur prince commun, Gog, sera élevé, dit le prophète, à la venue du Christ, que Dieu a fait sortir de l’Egypte, lorsque, suivant Matthieu, Hérode conspirant contre le Christ encore en bas âge, Joseph, miraculeusement averti prit l’enfant et sa mère et retourna en Israël. La gloire de la licorne appartient au Christ, parce que la plénitude de la divinité habite en lui corporellement, d’après le saint Apôtre. Aussi, comme il revendiquait le Dieu suprême et son Père, ainsi qu’une corne, il est appelé ailleurs encore licorne. Ce même Verbe de Dieu, de ses flèches d’esprit et d’intelligence, poursuit avec sa force supérieure et invincible l’ennemi et le diable qui lui résistent, et souvent, aujourd’hui encore, plusieurs nations, dont il broie les os et l’orgueil de la chair, pour les rendre propres à parcourir l’étroit sentier de la vie éternelle.

Cet homme sorti d’Israël, qui a dominé plusieurs nations, s’est couché pour se reposer comme un lion, ajoute le prophète pour désigner l’économie de la personne du Christ par laquelle il s’est reposé comme un animal royal et plein d’assurance ; et personne ne peut renverser sa puissance et sa royauté, et tous ceux qui bénissent le Christ et rendent hommage à la vertu de leur maître par leurs discours et par leur vie, participent à la bénédiction de Dieu ; ils s’augmentent chaque jour et se multiplient, suivant cet ordre « Croissez et multipliez, et remplissez la terre » (Gen., I, 28). Car la parole divine trouve en eux son accomplissement le plus véritable et le plus conforme aux vues de Dieu. De même, au contraire, ceux qui depuis leurs premiers complots contre lui, maintenant encore, le maudissent dans leurs réunions, dès lors et jusqu’à ce jour sont frappés de la malédiction de Dieu. Aussi ne cessent-ils de voir de leurs propres yeux la ruine non seulement de leur royaume, mais encore la désolation complète du sanctuaire autrefois si honoré.

Or, il est à propos de comparer à cette prophétie la prédiction de Jacob sur Juda, que nous avons montré se rapporter fort évidemment à notre Sauveur, et de voir leur harmonie mutuelle. De même qu’il est dit ici : « Il sortira un homme de sa race, » évidemment de celle de Jacob ; ainsi, en l’autre, est-il dit par Jacob à celui qui est prédit : « Mon fils, tu es sorti de ma race. » Ici il est dit : « Et il dominera plusieurs nations ; » là se trouve : C’est lui qui sera l’attente des nations. » Ici encore : « Il dévorera, dit-il, les peuples de ses ennemis, et il frappera son ennemi de ses traits ; » ainsi, est-il dit dans l’autre : « Ta main sera sur le dos de tes ennemis, » Là : « Juda est un jeune lion ; et dans ton repos tu es comme un lion, et comme un lionceau ; qui l’éveillera ? » ce qui ne me semble différer en rien du passage que nous avons rapporté plus haut : « Il s’est couché pour se reposer comme le lion et comme le lionceau ; qui l’éveillera ? » Ainsi, c’est avec raison que nous avons rapproché ces deux passages, afin que la démonstration de l’accord des prophéties sur notre Sauveur, reçoive une confirmation plus authentique, comme par la bouche de deux témoins.

Tous les traits que nous avons vus dans les prophéties de Jacob, pourront s’accorder avec la prédiction de Balaam, pour la ressemblance de leur objet.

Or, s’il a été établi par une longue démonstration que ces premiers caractères s’étaient accomplis en Notre-Seigneur, il s’ensuit qu’il le faut reconnaître également pour ces derniers.

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