Démonstration évangélique

LIVRE IX

CHAPITRE VI

D’ISAÏE

Encore sur le désert et nommément sur le fleuve du Jourdain, dans lequel Jean baptisait.

« Réjouis-toi, solitude aride ; que le désert soit dans l’allégresse, et qu’il fleurisse comme un lis ; les déserts du Jourdain fleuriront et seront dans la joie. La gloire du Liban est donnée à la solitude, ainsi que la beauté du Carmel, et mon peuple verra la gloire du Seigneur (Is., XXXV, 1). Isaïe dit encore : « Fortifiez-vous, mains languissantes et genoux tremblants. Consolez-vous, cœurs chancelants ; fortifiez-vous, pusillanimes. Voici que notre Dieu rend le jugement, et il le rendra. Il viendra et nous sauvera. Alors les yeux des aveugles et les oreilles des sourds seront ouverts. Alors le boiteux sera agile comme le cerf, et la langue des muets sera prompte, car l’eau a jailli dans le désert, et une source s’est ouverte en la terre altérée. » Tout fut évidemment réalisé par les œuvres merveilleuses de notre Sauveur, après la prédication de Jean. Remarquez donc qu’il évangélise la solitude, et non une solitude en général, ou prise au hasard, mais précisément celle-là seule qui est auprès du Jourdain. C’est là, en effet, que Jean baptisait, comme le témoigne l’Ecriture en ces termes : « Jean baptisait dans le désert, et toute la Judée accourait auprès de lui, ainsi que les habitants de Jérusalem, et il les baptisait dans le Jourdain » (Matth., III, 5).

Je crois donc que ce désert est donc l’image de la solitude privée autrefois des bienfaits de Dieu, je veux dire l’Eglise des nations, et que le fleuve qui dans le désert purifie ceux qui viennent se laver en ses eaux, est le symbole d’une purification spirituelle, dont les Ecritures parlent ainsi : « L’élan du fleuve réjouit la cité de Dieu » (Ps., XLV, 4)… Ainsi est désigné l’écoulement perpétuel de l’Esprit divin, qui jaillit d’en haut et arrose la cité de Dieu, nom que porte la vie conforme à la loi divine. Ce fleuve de Dieu parvient donc jusqu’au désert, c’est-à-dire jusqu’à l’Eglise des nations, et maintenant encore il lui fournit les eaux de vie qu’il épanche. Puis la prophétie dit que la gloire du Liban et la beauté du Carmel seront données à ce désert. Or quelle est la gloire du Liban, sinon le culte pratiqué par l’offrande des victimes légales ? Après l’avoir rejeté par cette prophétie : « Pourquoi m’apporter l’encens de Saba ? et que me fait la multitude de vos victimes » (Jérém., VI, 20). Dieu transporta au désert du Jourdain la gloire de Jérusalem ; car les saintes institutions commencèrent dès le temps de Jean à se consommer non plus dans Jérusalem, mais au désert. De même aussi la beauté de la loi et des observances corporelles qu’elle contenait fut donnée au désert du Jourdain, par le motif indiqué ; parce que ce n’était plus à Jérusalem que couraient ceux qui avaient besoin de la guérison de l’âme, mais au désert désigné déjà, à cause de la rémission des péchés qui y était prêchée. Or, je pense que le fait de notre Sauveur se présentant à ce baptême est marqué par ces mots : « Et mon peuple verra la gloire du Seigneur et la sublimité de Dieu ; » car alors apparut la gloire de notre Sauveur, quand il sortit de l’eau, après son baptême, « et les cieux s’ouvrirent sur lui, et il vit l’Esprit de Dieu descendant sous la forme d’une colombe et se reposant sur lui » (Matth., III, 16) ; et quand il se fit entendre du ciel une voix qui disait ; « Celui-ci est mon fils bien-aimé, en qui j’ai mis toutes mes complaisances. » Aussi quiconque s’approche dignement du mystère du baptême, après avoir reçu la connaissance de la divinité du Christ, verra sa gloire et pourra dire avec Paul : « Et si nous avons connu Jésus-Christ selon la chair, nous ne le connaissons plus maintenant » (II Cor., V, 16).

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