Démonstration évangélique

LIVRE IX

CHAPITRE X

DU DEUTÉRONOME

De la législation d’après l’Evangile du Christ.

« Le Seigneur votre Dieu vous suscitera d’entre vos frères un prophète comme moi ; vous l’écouterez selon ce que vous avez demandé au Seigneur votre Dieu, à Horeb, au jour de l’assemblée, quand vous avez dit : Que je n’entende plus désormais la voix du Seigneur notre Dieu, et que je ne voie plus ce feu terrible, de peur que je ne meure ; et le Seigneur me dit : Tous ont bien parlé. Je leur susciterai du milieu de leurs frères un prophète semblable à moi. Je mettrai mes paroles dans sa bouche, et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai, et celui qui n’écoutera pas les paroles qu’il dira en mon nom, moi-même j’en poursuivrai la vengeance (Deut., XVIII, 15). « Remarquez que parmi les Hébreux, nul prophète ne s’est montré semblable à Moïse, c’est-à-dire législateur et auteur d’un nouveau culte, si ce n’est notre Sauveur le Christ de Dieu. Aussi à la fin du Deutéronome est-il dit : « Il ne s’éleva plus dans Israël de prophète semblable à Moïse (Ibid., XXXIV, 10). « Cependant, dans la suite, parurent plusieurs prophètes, mais non pas comme lui. La promesse de Dieu annonce chacun de ces traits ; il ne paraitra qu’un seul prophète semblable à lui et non plusieurs. Dieu le désigne comme législateur et docteur de la piété parmi les hommes ; ainsi apparut notre Sauveur et Seigneur Jésus Christ, et nul autre n’est montré en même temps législateur et prophète du Dieu de l’univers et de son Père. Moïse fut à la tête d’une nation, et il est établi que ses lois ne convenaient qu’à cette nation et non pas aux autres peuples. Mais le Christ de Dieu qui avait reçu du Père cette promesse : « Demandez, et je vous donnerai les nations pour votre héritage » (Ps., II, 8), comme pour être établi par son Père nouveau législateur de piété, non seulement pour les Juifs, mais aussi pour tout le genre humain, offrit aux nations qu’il appelait une institution facile et proportionnée à leur faiblesse. Par une puissance plus divine que celle de Moïse, il établit ses lois saintes dans tout le monde par l’entremise de ses évangélistes, et les sanctionna par une puissance bien supérieure à celle de l’homme, quand il dit : « Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Vous ne tuerez pas, et moi je vous dis qu’il ne faut pas se mettre en colère » (Matth., V, 21), et le reste qui est semblable et qui est rapporté dans les autres parties de sa prédication, et dont l’évangéliste rend ce témoignage, « que tous étaient étonnés de son enseignement ; car il les instruisait comme ayant pouvoir et non comme leurs scribes » (Marc, XI, 22). Comme nous avons exposé le caractère de la doctrine de notre Sauveur dès le commencement de cet ouvrage, lorsque nous avons rendu sensible ce qu’était le christianisme, nous y renvoyons le lecteur. Mais il est à propos de s’arrêter au motif pour lequel le Seigneur promet de leur susciter un prophète. Il avait ordonné à Moïse de purifier le peuple pendant trois jours, afin qu’il pût voir et entendre la manifestation divine ; mais le peuple fut trop faible pour la grâce de Dieu : aussi dès le commencement de la manifestation divine il s’y refusa en disant à Moïse : « Parlez-nous, et que le Seigneur ne nous parle pas, de peur que nous ne mourions » (Exode, XX, 19), et le Seigneur agréa cette marque de leur respect, et dit : « Ils ont bien parlé ; je leur susciterai du milieu de leurs frères un prophète semblable à toi. » Ainsi donc, le Seigneur nous apprend le motif qui l’a porté à se manifester aux hommes sous les traits d’un prophète : ce fut l’infirmité humaine, et le refus d’une manifestation supérieure. Vous avez en cela la raison de l’incarnation du prophète annoncé ; aussi ceux de la circoncision qui l’attendaient interrogèrent-ils Jean-Baptiste et lui dirent : « Êtes-vous le prophète ? Et il dit : non » (Jean, I, 21). Jean, suivant la vérité, ne nie pas qu’il soit prophète, car il l’était : mais qu’il soit le prophète annoncé par Moïse ; et il fit connaître qu’il était envoyé devant ce prophète. Or, comme la parole sainte annonçait que ce prophète serait suscité pour ceux de la circoncision, notre Sauveur et Seigneur, qui est le prophète annoncé : « Je ne suis venu, dit-il, que pour les brebis perdues de la maison d’Israël » (Matth., XV, 24), avertissait ses apôtres en ces termes : « N’allez pas par la voie des nations et n’entrez pas dans la ville des Samaritains ; mais allez plutôt aux brebis perdues de la maison d’Israël » (Id., X, 6) ; faisant ainsi connaître qu’il leur était spécialement envoyé d’après la prophétie. Comme ils repoussèrent cette faveur, il les accuse ailleurs en ces termes : « Je suis venu, et personne pour me recevoir : j’ai appelé, et personne pour entendre. » Et il dit à ce peuple : « Le royaume de Dieu vous sera enlevé et il sera donné à une nation qui en portera les fruits » (Id., XXI, 3). Après cette invective contre eux, il dit à ses disciples « Allez ; enseignez toutes les nations en mon nom. » Ainsi donc, nous, les Gentils, nous avons connu et reçu par l’enseignement du salut et de l’Evangile le prophète prédit et envoyé par le Père, comme celui qui a été le législateur de tous les hommes dans le culte du Dieu de toutes créatures, et par là s’accomplissait cette autre prophétie : « Etablissez, Seigneur, un législateur sur ces nations, afin que les peuples sachent qu’ils ne sont que des hommes » (Ps., IX, 21). La nation juive qui rejeta son Christ essuya une vengeance convenable d’après la prophétie : « Et celui qui n’écoutera pas ce que ce prophète dira en mon nom, moi-même j’en tirerai vengeance. » Tout le sang versé sur la terre fut donc vengé sur ce peuple, depuis le sang d’Abel jusqu’au sang de Zacharie, et enfin jusqu’à celui du Christ ; ils appelèrent ce sang sur eux et sur leurs enfants, et aujourd’hui encore ils expient leur audacieuse impiété.

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