Démonstration évangélique

LIVRE IX

CHAPITRE XII

D’ISAÏE

Les miracles qu’il a opérés.

« Fortifiez-vous, mains languissantes, et vous, genoux tremblants. Cœurs chancelants, consolez – vous, fortifiez – vous ; ne craignez pas. Voici que notre Dieu rend et rendra la justice. Il viendra lui-même et nous sauvera. Alors les yeux des aveugles s’ouvriront et les oreilles des sourds entendront. Alors le boiteux sera agile comme le cerf, et la langue des muets sera rapide » (Is., XXXV, 3).

Vous avez l’accomplissement de ces différents traits dans les Evangiles de celui-ci, quand on apporta à notre Sauveur et Seigneur un paralytique couché sur un lit, et qu’il le guérit par sa parole ; de celui-là, lorsqu’une multitude d’aveugles et de possédés, ou de personnes travaillées de maladies ou d’infirmités diverses furent délivrés par sa puissance salutaire. De plus, aujourd’hui encore, sur toute la terre, dans cette multitude innombrable qui, entraînée par les diverses espèces de malice et remplie de l’ignorance du Dieu suprême, est guérie et rendue à la santé par les remèdes de sa doctrine d’une manière surprenante et ineffable. Déjà, dans les témoignages de sa divinité, nous avons établi précédemment que Dieu est ici nommé à propos comme auteur de ces merveilles. Si déjà il était nécessaire de le reconnaître pour Dieu, ne le faut-il pas davantage maintenant que ses œuvres sont montrées provenir d’une puissance divine et dirigée de Dieu, comme il est réel ; car il n’appartient qu’à Dieu seul de fortifier les faibles, de vivifier les morts, de rendre la santé aux infirmes, d’ouvrir les yeux des aveugles et les oreilles des sourds, de redresser les boiteux, et de rendre le libre usage de la parole à ceux dont la langue était liée. Toutes ces merveilles furent faites par notre Sauveur comme Dieu, et elles reçurent leur témoignage de la multitude de ceux qui publièrent son nom dans toute la terre. L’épreuve des supplices et la persévérance jusqu’à la mort devant les rois, les princes et les magistrats, pour témoigner la réalité de ce qu’ils annonçaient, en attestaient la sincérité et la vérité. C’est, je pense, aux évangélistes eux-mêmes et aux apôtres que l’esprit prophétique crie ces paroles qui suivent celles -ci : « Fortifiez-vous, mains languissantes ; affermissez-vous, genoux chancelants. » Comme, en effet, ils étaient affaiblis des mains et de forces, que leurs pieds étaient fatigués de la marche, par le long circuit du culte mosaïque ; c’est pourquoi il les excite à vivre suivant l’Evangile Fortifiez-vous, dit-il, mains languissantes ; affermissez-vous, genoux chancelants. Fortifiez-vous aussi pour appeler d’autres hommes à partager le salut de l’Evangile, vous naguère pusillanimes ; et que la crainte de ceux qui, au-dehors, résistent à l’Evangile, ne vous ébranle pas, mais fortifiez-vous contre eux, et ne craignez pas ; car il est Dieu et Verbe de Dieu, non pas un homme semblable à Moïse ou aux prophètes, non pas seulement auteur de miracles surprenants, mais encore source pour vous de la puissance. Or, une preuve évidente de la puissance divine de notre Sauveur promis, par laquelle il guérit autrefois de sa parole les boiteux, les aveugles, les lépreux et les infirmes, suivant le rapport des Ecritures, c’est cette vertu qui, aujourd’hui encore dans le monde entier découle de sa Divinité et qui témoigne par les faits ce qu’il fut alors. En effet, depuis un si longtemps, celui qui est annoncé apparaît stable et invincible, Verbe de Dieu, comme il l’est en effet ; il subjugue tous ceux qui, dès le commencement et jusqu’ici, ont essayé d’attaquer sa doctrine ; de toute la terre il entraîne à soi une multitude innombrable ; il guérit ceux qui ont recours à lui, de toute souillure, des passions et des maladies de l’âme ; il appelle à sa doctrine sainte toute race des Grecs et des Barbares, et initie les hommes à la connaissance du Dieu unique et véritable, et à cette chasteté et cette modération qui conviennent à la profession du culte du vrai Dieu. Lui, notre Dieu, comme Verbe de Dieu, rend et rendra la justice, est-il dit ; il viendra lui-même et nous sauvera. Car, suivant le psaume où il est dit : « O Dieu ! donnez votre justice au roi » (Ps., LXXI, 2), et, selon la doctrine de l’Evangile, que « le Père ne jugera personne, mais qu’il a remis tout jugement au Fils » (Jean, V, 22), après avoir reçu du Père le pouvoir de juger, par une juste sentence, il infligea au peuple de la circoncision la peine de ses entreprises contre lui et contre ses prophètes, et il sauva, suivant la justice encore, tous les hommes qui accouraient à lui ; il ouvrit les oreilles et les yeux de leur intelligence. Aussi la parole divine appelle le temps de sa présence le temps de la réconciliation, quand elle dit entre autres choses : « Pour prêcher l’année de la réconciliation et le jour de la vengeance du Seigneur » (Is., LXI, 2). Ce fut le temps de la vengeance. et dans lequel tout le sang versé depuis le sang d’Abel jusqu’à celui de Zacharie et jusqu’au sang de Jésus, fut vengé sur la race de ceux qui ont péché contre lui ; de sorte que dans la suite ils ont été exposés à la dernière ruine et au siège le plus funeste. Telle est la vengeance que la justice exercée contre eux leur a infligée. Aussi la prophétie dit elle « Voici que notre Dieu rend et rendra la justice ; » puis elle indique ainsi ce qui concerne ceux qu’il doit sauver : « Il viendra lui-même et il nous sauvera ; alors les yeux des aveugles s’ouvriront et les oreilles des sourds entendront, » etc. Une autre prophétie encore annonce que le Christ rendra cette justice salutaire : « Voici mon serviteur ; je prendrai sa défense : voici celui que j’ai choisi ; il est l’objet de mes complaisances. Il portera la justice aux nations » (Isaïe, XLII, 1). C’est pour ce motif qu’il est dit de la parole de la nouvelle alliance : « La loi sortira de Sion, et la parole du Seigneur, de Jérusalem » (Id., II, 3). Car c’est par une justice divine et par des raisons inconnues pour nous qu’il lui convient de traiter la vocation de ceux qui doivent se tourner vers lui, et même c’est parce qu’il nous apprend la justice divine et nous enseigne à agir en tout avec discernement, qu’il est dit devoir apporter la justice aux nations.

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