Démonstration évangélique

LIVRE IX

CHAPITRE XVI

DE ZACHARIE

Le Christ doit entrer en Jérusalem, assis sur un ânon.

« Réjouis-toi fort, fille de Sion, pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ; voici que ton roi vient vers toi, juste et sauveur, il est doux et monté sur une ânesse et sur le poulain de l’ânesse (Zach., IX, 9). Il détruira le char d’Ephraïm, le coursier de Jérusalem ; il brisera l’arc des combats, l’abondance de la paix sortira des nations, et il dominera d’une mer à l’autre mer, et des fleuves jusqu’aux extrémités de l’univers. » Zacharie fait cette prédiction après le retour de Babylone dans les derniers temps des prophètes, et nul roi dès lors n’apparait sur les Juifs dans l’histoire, tel que le marque la prophétie, si non notre Sauveur et Seigneur, seul Jésus, le Christ de Dieu, en qui s’est réalisé l’oracle saint, lorsqu’il dit à ses disciples : « Allez au village qui est devant vous, vous trouverez une ânesse et son ânon attaché avec elle ; déliez-la et l’amenez ; et si quelqu’un vous dit : Que faites-vous ? dites -lui : le Seigneur en a besoin ; et ceux-ci étant allés, firent ce qu’il leur avait marqué » (Matth. XXI, 2). Telle est la prédiction, tel est l’événement. Que signifiait donc celle entrée sur un âne, si ce n’est sa venue humble et sans gloire dans son premier avènement ? Car il est glorieux, le second que Daniel expose ainsi : « Je regardais jusqu’à ce que les trônes fussent placés, et l’ancien des jours s’assit ; mille millions le servaient, et dix mille millions étaient devant lui (Daniel, VII, 9). Et voici comme le fils de l’homme qui venait sur les nuées du ciel, et il s’avança jusqu’à l’ancien des jours ; la puissance, l’honneur et le royaume lui furent donnés, et tous les peuples, les tribus et les langues le servent. Sa puissance est une puissance éternelle qui ne passera point, et son royaume ne sera pas détruit » (Id., 13). Ce qui se rapporte à son premier avènement, plus proportionné à l’homme et plein d’humilité, renferme entre autres choses cette grande marque et ce signe qu’il est dit, doux et paisible, et annoncé comme devant se faire conduire sur une bête de somme : c’était là en effet le gage d’une vie simple et ordinaire. Mais la grandeur de son second avènement est dévoilée par sa venue sur les nuées du ciel, et par sa royauté éternelle sur toutes les nations. Or, il est à propos d’objecter chacune de ces prophéties à ceux de la circoncision et de leur demander comment ils les feront accorder, en n’attendant qu’un seul avènement du Christ, puisqu’en effet ils reconnaissent eux-mêmes que chacune de ces prédictions se rapporte au Christ ; qu’ils parlent et qu’ils répondent à cette demande. Comment dans un seul et même temps, dans un seul avènement, peut-il être porté sur les nuées du ciel et sur une ânesse et sur son ânon ? Car ces circonstances sont absolument incompatibles, aussi si vous réunissez les innombrables prophéties de ce genre sur le Christ, si vous comparez et rapportez entre elles celles qui ont des sens opposés, vous comprendrez clairement que les unes contiennent les signes de son premier avènement, et seront accomplies à sa première manifestation et que les autres doivent se rapporter à son second avènement glorieux. En effet, à sa première venue la puissance divine de notre Sauveur détruisit secrètement les chars, le cheval et tout art de guerre en la Jérusalem terrestre et dans le peuple nommé Ephraïm. Dès lors et jusqu’à nos jours leur royaume n’existe plus, ainsi que tout cet appareil cent fois si puissant dans les combats, et leur force militaire. C’est avec raison qu’il nomme ici le peuple juif entier Ephraïm, et non pas Israël, ni Juda, afin de ne pas flétrir des noms vénérables. Vous verrez dans d’autres prophéties que toute la nation est nommée Ephraïm pour comble d’invective et d’accusation, comme en cet endroit, après le retour de Babylone, le peuple n’étant plus divisé comme autre fois. Qu’Ephraïm désignera-t-il, sinon les habitants de Jérusalem, dont suivant la prophétie, l’avènement de notre Sauveur détruisit par sa force divine et secrète la puissance guerrière et militaire qui avait subsisté jusqu’à l’époque romaine. Telles sont les heureuses promesses que le prophète fait à l’Eglise des Gentils, quand il lui ordonne de se réjouir et de se réjouir fort ; il l’appelle fille de la Sion du ciel ou de la première synagogue, parce que nous tous des nations qui avons cru au Christ de Dieu, nous sommes la race et les enfants du Christ et de ses apôtres, comme ayant eu pour mère la synagogue des Juifs. Le reste de l’oracle sacré fut aussi accompli à l’avènement de notre Sauveur. Dès ce moment donc s’est étendue sur les nations une paix plus profonde que jamais. Ainsi les cités ne guerroient plus contre les cités comme autrefois ; les nations ne heurtent plus les nations, et la vie des hommes n’est plus inquiète, ainsi qu’elle le fut. Les Athéniens ne combattent plus contre les Lacédémoniens, les Syriens contre les Phéniciens, les Arabes contre ceux de la Palestine, ni les Egyptiens contre leurs voisins. Dès lors, par l’influence de Dieu tout s’est réuni, et réellement une abondance de paix s’est répandue des nations de cet instant jusqu’à nos jours, conformément à la prophétie. Jésus seul et la parole de la doctrine évangélique qu’il a annoncée se sont élevés de la mer à la mer, de l’Orient au couchant, et des fleuves jusqu’aux extrémités de la terre, d’après les paroles du prophète qu’Aquila traduit ainsi. « Il annoncera la paix aux nations, et sa puissance s’étendra d’une mer à l’autre, et des fleuves jusqu’aux limites de l’univers. » Or, comparez ces paroles à celles du psaume intitulé à Salomon, sur le fils du roi, évidemment sur celui qui doit naître de la race de Salomon, dont il est ainsi parlé en ce cantique : « Il dominera d’une mer à l’autre, et des fleuves jusqu’aux extrémités de l’univers. » Ce psaume prédit aussi celle paix que le Christ doit établir (Ps., LXXI, 8) : « En ses jours, dit-il, la justice et l’abondance de la paix se lèveront. » Isaïe entre dans le sens de ces paroles, lorsqu’il dit : « Les peuples changeront leurs épées en instruments de labour, et leurs lances en faux ; une nation ne lèvera pas le glaive contre une nation ; elles ne s’exerceront plus au combat. » On trouvera du reste que Michée est d’accord avec ce passage, ainsi que les autres prophètes. Or, en s’arrêtant aux époques, comme je l’indiquais, on pourra voir comment dès celle d’Auguste et de la manifestation de notre Sauveur qui eut lieu de son temps, la puissance romaine ayant prévalu, les anciennes différences et les gouvernements innombrables n’étant que des nations disparurent, et dès lors commença à se réaliser la paix annoncée. Maintenant elle a commencé, et il viendra un jour où la prophétie sera parfaitement accomplie quand sera entrée la plénitude des nations dont parle l’Apôtre.

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