Histoire ecclésiastique - Eusèbe de Césarée

LIVRE I

CHAPITRE I
SUJET DE L'OUVRAGE PROJETÉ

[1] Les successions des saints apôtres et les temps écoulés depuis notre Sauveur jusqu'à nous, toutes les grandes choses que l'on raconte avoir été accomplies dans l'histoire ecclésiastique ; les personnages de cette histoire qui ont présidé avec éclat au gouvernement des plus illustres sièges, ceux qui dans chaque génération ont été par leur parole ou dans leurs ouvrages les ambassadeurs de la parole divine ; les noms, la qualité et l'époque de ceux qui, emportés au loin par le charme et la nouveauté de l'erreur, se sont présentés comme les introducteurs d'une science mensongère et, ainsi que des loups cruels, ont ravagé sans pitié le troupeau du Christ ; [2] ensuite, les malheurs qui ont accablé toute la nation des juifs aussitôt après l'attentat contre notre Sauveur ; puis la nature, la variété et les temps des nombreux combats que la doctrine divine a soutenus contre les païens ; ceux qui, suivant les temps, ont pour elle engagé la lutte au prix de leur sang et de leurs supplices ; comme aussi les martyres qui ont eu lieu de nos jours, et enfin la délivrance qui nous est venue de la miséricordieuse bonté de notre Sauveur : voilà ce que j'ai entrepris de transmettre par écrit. Le point de départ de mon travail ne sera autre que le commencement de l'économie de notre Sauveur et Seigneur Jésus, le Christ de Dieu.

[3] Mais mon sujet réclame pour moi l'indulgence des gens bienveillants ; car je fais l'aveu qu'en une telle entreprise il est au-dessus de mes forces de remplir parfaitement et complètement l'attente du lecteur. Je suis en effet actuellement le premier qui tente une pareille œuvre, et le chemin par où je dois passer est désert et n'a été foulé par personne : que Dieu, je l'en prie, me conduise, et que la force du Seigneur soit mon secours. Il ne me sera pas possible de trouver les simples traces de ceux qui ont avant moi suivi la même voie ; je ne rencontrerai que de faibles indications d'écrivains qui nous ont laissé, chacun sur les temps qu'il a traversés, des récits partiels. Leurs paroles seront comme un fanal qu'on élève en avant ou comme la voix des veilleurs qui dans le lointain retentit du haut d'une tour ; ils m'indiqueront par où il faut penser et diriger la marche de mon récit sans erreur et sans danger. [4] Je choisirai ce que je penserai convenir au but que je me propose, dans ce qu'ils rapportent çà et là, et je cueillerai chez ces écrivains antiques comme en des parterres d'éloquence les passages utiles et j'essaierai d'en faire un tout par mon récit. Heureux si je puis sauver de l'oubli les successions, sinon de tous les apôtres de notre Sauveur, du moins de ceux qui se sont le plus distingués dans les Églises demeurées illustres jusqu'à nous.

[5] Je crois faire là un travail tout à fait nécessaire, car parmi les écrivains ecclésiastiques personne jusqu'ici à ma connaissance ne s'est soucié d'entreprendre une pareille œuvre. J'espère aussi qu'il paraîtra de quelque profit à ceux qui recherchent les enseignements de l'histoire. [6] J'ai déjà du reste dans les colonnes de mes Chroniques, disposé un résumé des événements dont je me prépare aujourd'hui à faire un récit très complet.

[7] Ainsi que je viens de le dire, je débuterai par un sujet qui dépasse en hauteur et en puissance la raison humaine : l'économie et la théologie du Christ. [8] Quiconque veut écrire un exposé de l'histoire ecclésiastique, doit d'abord traiter des débuts de l'économie du Christ lui-même puisque nous avons l'honneur de tirer notre nom de lui, économie du reste plus divine qu'il ne semble à beaucoup.

 retour à la page d'index chapitre suivant