Histoire ecclésiastique - Eusèbe de Césarée

LIVRE II

[1] Ce qu'il fallait traiter de l'histoire ecclésiastique dans une introduction concernant la divinité du Verbe Sauveur, l'antiquité des dogmes de notre enseignement, l'ancienneté du genre de vie évangélique à la manière des chrétiens, comme aussi ce qui se rapporte à la récente venue du Christ, ce qui s'est passé avant sa passion, ce qui regarde l'élection des apôtres, nous l'avons exposé dans le livre précédent et nous en avons brièvement indiqué les preuves. [2] Examinons maintenant dans le livre présenté, ce qui est arrivé après l'ascension de Jésus. Nous l'exposerons en partie d'après les écrits divins et en partie d'après des documents profanes que nous citerons en leur lieu.

CHAPITRE I
CE QUE FIRENT LES APÔTRES APRÈS L'ASCENSION DU CHRIST

[1] Mathias fut d'abord choisi par le sort pour l'apostolat à la place du traître Judas ; il était lui-même, comme nous l'avons dit, un des disciples du Sauveur. D'autre part, les douze établirent, par la prière et l'imposition des mains, des hommes éprouvés pour le service et l'administration du bien commun ; ils étaient au nombre de sept, Etienne et ses compagnons. Celui-ci, le premier, suivit le maître dans la mort, au temps même où les mains lui avaient été imposées, comme s'il avait été promu pour cela ; il fut lapidé et mis à mort par les meurtriers du Seigneur et de cette sorte il remporta le premier, réalisant ainsi son nom, la couronne des nobles et victorieux martyrs du Christ. [2] Alors Jacques, celui qu'on dit frère du Seigneur (car il était appelé, lui aussi, fils de Joseph : Joseph était le père du Christ et marié à la Vierge ; avant qu'ils fussent ensemble, celle-ci fut trouvée ayant conçu du Saint-Esprit, comme l'enseigne la sainte écriture des évangiles) ; donc ce Jacques, que les anciens appelaient juste à cause de la supériorité de sa vertu, fut, dit-on, le premier, établi sur le trône épiscopal de l'église de Jérusalem. [3] Clément, dans le sixième livre de ses Hypotyposes, l'indique ainsi :

Il dit en effet que Pierre et Jacques et Jean, après l'ascension du Sauveur, quoique ayant été honorés plus que les autres par lui, ne revendiquèrent pas cette gloire, mais que Jacques le juste fut choisi comme évêque de Jérusalem.

[4] Le même écrivain, dans le septième livre du même ouvrage, dit encore de lui : « Le Seigneur, après la résurrection, donna la science à Jacques le juste et à Jean et à Pierre, et ceux-ci la donnèrent au reste des apôtres, et ceux-ci aux soixante-dix disciples, dont l'un était Barnabé. [5] Ils étaient deux Jacques, l'un, le juste, qui, précipité du faîte du temple, fut frappé avec un bâton de foulon jusqu'à la mort et l'autre qui eut la tête coupée. »

Paul fait aussi mention de Jacques le juste quand il écrit : « Je n'ai pas vu d'autre apôtre, sinon Jacques, le frère du Seigneur ». [6] En ce temps-là les promesses de notre Sauveur au roi des Osroèniens s'accomplirent, Thomas, cédant à une impulsion tout à fait divine, envoya donc Thaddée à Édesse pour être le héraut et l'évangéliste de la doctrine du Christ. Nous venons du reste de le montrer un peu plus haut en citant l'écrit trouvé dans cette ville. [7] Arrivé dans ce pays, Thaddée guérit Abgar par la parole du Christ et étonna tous les habitants par les merveilles de ses prodiges ; après les avoir suffisamment disposés par ses œuvres et les avoir amenés à vénérer la puissance du Sauveur, il en fit les disciples de la doctrine de salut. Depuis lors jusqu'à maintenant, toute la ville d'Édesse est consacrée au nom du Christ ; elle garde de notre sauveur une preuve extraordinaire de sa bienfaisance à l'égard de ses habitants.

[8] Ces choses sont tirées d'un récit ancien ; revenons à la divine Écriture. Lors du martyre d'Etienne, pendant la première et très grande persécution soulevée par les Juifs contre l'église de Jérusalem, tous les disciples, excepté les douze, se dispersèrent à travers la Judée et la Samarie ; quelques-uns, selon le dire de la divine Écriture, allèrent jusqu'en Phénicie, à Chypre et à Antioche : ils n'osaient pas encore donner aux Gentils la parole de la foi et ils l'annonçaient seulement aux Juifs. [9] Alors Paul dévastait l'Église jusqu'à ce jour, entrait dans les maisons des fidèles, traînant hommes et femmes et les mettant en prison. [10] Mais Philippe, l'un de ceux qui avaient été choisis avec Etienne pour être diacre, était parmi les dispersés ; il vint à Samarie et, rempli d'une vertu divine, il fit entendre le premier la parole de Dieu aux gens de ce pays. Il fut assisté d'une telle grâce divine que même Simon le Mage ainsi qu'une grande multitude furent convaincus par ses discours. [11] Simon était à cette époque fort célèbre et il jouissait d'un tel ascendant sur ceux qu'il avait trompés par ses artifices qu'ils le tenaient pour la grande puissance de Dieu. Mais alors, étonné lui-même des merveilles que Philippe opérait en vertu d'un pouvoir divin, il s'insinua auprès de lui et feignit la foi au Christ jusqu'à ce qu'il reçût le baptême. [12] Il est du reste une chose étonnante qui se produit jusqu'en notre temps : les partisans de cette secte immonde, depuis cette époque, se glissent encore maintenant dans l'Église à la façon de leur ancêtre comme une peste et une gale, et ils causent de graves dommages à ceux auxquels ils peuvent infuser le venin caché en eux, difficile à guérir et virulent. La plupart d'entre eux ont du reste été chassés quand leur perversité fut découverte. Simon lui-même fut ainsi démasqué par Pierre et reçut la peine qu'il méritait.

[13] Cependant la prédication du salut faisait de jour en jour des progrès quand une providence amena d'Éthiopie un officier de la reine de ce pays (c'est une coutume antique observée encore aujourd'hui par ce peuple d'être gouverné par une femme). Le premier d'entre les gentils, cet étranger obtint de Philippe, grâce à une révélation, de participer aux mystères du Verbe divin ; il devint le premier des croyants de la terre, et, à son retour dans son pays, il fut aussi le premier, suivant la tradition, à prêcher la connaissance du Dieu de l'univers et l'avènement de notre Sauveur parmi les hommes comme source de vie. Par lui s'accomplissait la prophétie : « La première, l'Éthiopie tendra les mains vers Dieu ».

[14] Cependant Paul, ce vase d'élection, fut proclamé apôtre, non de la part ni par l'intermédiaire des hommes, mais par la manifestation de Jésus-Christ lui-même et de Dieu le Père qui l'a ressuscité des morts : il fut déclaré digne de cette vocation par la vision et la voix qui retentit du ciel au moment de cette révélation.

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