Histoire ecclésiastique - Eusèbe de Césarée

LIVRE III

CHAPITRE VIII
LES SIGNES AVANT LA GUERRE

[1] Prenez donc le sixième livre des Histoires et lisez ce qu'il y expose en ces termes :

« Les séducteurs égaraient alors ce malheureux peuple et le trompaient au sujet de Dieu, en sorte qu'il ne donnait point d'attention, et ne croyait pas aux présages qui annonçaient si clairement la dévastation future. Ainsi que des gens étourdis par la foudre qui n'ont plus l'usage de leurs yeux ni de leur esprit, les Juifs n'attachaient aucune importance aux avertissements de Dieu. [2] Ce fut d'abord un astre qui parut sur la ville sous la forme d'un glaive et une comète qui resta suspendue pendant une année. Ensuite, avant la défection et le soulèvement pour la guerre, au moment où le peuple était réuni pour la fête des azymes, le huit du mois Xantique, à la neuvième heure de la nuit, une telle lumière environna l'autel et le temple qu'on crut être en plein jour, et cela dura une demi-heure : les ignorants y virent un bon présage, mais les scribes comprirent tout de suite avant que les choses ne fussent arrivées. [3] Au temps de la même fête, une vache, amenée par le grand prêtre pour le sacrifice, mit bas un agneau au milieu du temple. [4] La porte orientale de l'intérieur du temple était d'airain et si lourde que vingt hommes avaient grand'peine à la fermer le soir ; elle était close par des verrous en fer et munie de targettes très profondes ; à la sixième heure de la nuit, on la vit s'ouvrir d'elle-même. [5] Peu de jours après la fête, le vingt et unième du mois Artémisios, on vit le spectre d'un démon plus grand qu'on ne peut croire. Ce que je dois raconter semblerait fabuleux, si le récit n'en était pris de témoins oculaires et si les maux qui suivirent n'avaient été dignes des présages eux-mêmes. Avant le coucher du soleil, on aperçut sur tout le pays des chars aériens et des phalanges armées qui s'élançaient des nuages et entouraient les villes. [6] Lors de la fête appelée Pentecôte, pendant la nuit, les prêtres venus au temple selon leur coutume, pour leur office, déclarèrent avoir entendu d'abord des bruits de pas, un tumulte, puis des voix nombreuses qui disaient : « Sortons d'ici. » [7] Mais voici qui est encore plus effrayant : un homme appelé Jésus, fils d'Ananie, homme simple, un paysan, quatre ans avant la guerre, alors que la ville était en pleine paix et prospérité, vint à la fête où tous ont coutume de dresser des tentes en l'honneur de Dieu. Tout à coup il se mit à crier à travers le temple : « Voix de l'orient, voix du couchant, voix des quatre vents, voix sur Jérusalem et sur le temple, voix sur les fiancés et les fiancées, voix sur tout le peuple. » Jour et nuit, il parcourait toutes les rues de la ville et poussait ce cri. [8] Quelques-uns des principaux du peuple indignés de ces paroles de mauvais augure le saisirent et l'accablèrent de coups ; mais lui continuait à pousser la même clameur devant eux, et cela, non pas de lui-même, ni de son propre mouvement. [9] Les chefs pensaient que cette excitation était plutôt l'œuvre d'un esprit, comme elle l'était. Ils conduisirent le malheureux auprès du gouverneur romain : là, on le déchira à coups de fouets jusqu'aux os ; il ne laissait échapper ni prière ni larme ; mais en cet état, sa voix plaintive fléchissait seulement de plus en plus avec ses forces, et à chaque coup, il redisait : « Malheur à Jérusalem. »

[10] Josèphe rapporte encore une autre prédiction plus surprenante qu'il assure avoir trouvée dans les saintes Écritures, et annonçant qu'en ce temps quelqu'un sorti de leur pays commanderait à la terre. Il croit qu'elle a été accomplie en Vespasien ; [11] mais ce prince ne domina pas sur la terre entière, il régna seulement sur les contrées soumises aux Romains. Il serait plus juste d'appliquer cette parole au Christ, à qui son Père a dit : « Demande-moi et je te donnerai les nations pour héritage et pour ton bien les extrémités de la terre. » Or à cette époque même, la voix des saints apôtres était allée dans l'univers entier et leur parole avait atteint les limites du monde.

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