Histoire ecclésiastique - Eusèbe de Césarée

LIVRE VII

CHAPITRE XXI
LA MALADIE QUI SÉVIT ALORS

[1] Après cela, la peste succède à la guerre et la fête est proche ; de nouveau Denys entretient ses frères par écrit et il dépeint les souffrances du fléau en ces termes :

[2] « Aux autres hommes le présent ne peut pas paraître un temps de fête ; il n'est pas possible que celui-ci ou celui-là, même s'il était enclin à la joie, ne le range point parmi les choses tout à fait affligeantes. Aujourd'hui, du reste, tout pleure, tous sont dans le deuil et les lamentations retentissent dans la ville à cause de la multitude de ceux qui sont morts, et de ceux qui périssent chaque jour. [3] Comme il est écrit des premiers-nés d'Égypte : Ainsi maintenant il s'est fait un grand cri, il n'y a pas en effet de maison dans laquelle il n'y ait un mort et plût à Dieu qu'il n'y en eût qu'un seul. Car ils sont nombreux et terribles les malheurs arrivés avant celui-là. [4] D'abord ils nous ont exilés, et seuls cependant persécutés par tous et sous les coups de la mort, nous avons célébré la fête même alors ; et chacun des lieux de notre affliction, nous est devenu un lieu de solennité, campagne, désert, vaisseau, hôtellerie, prison ; les martyrs parfaits y ont célébré une fête, la plus brillante de toutes, ils prenaient part au festin du ciel. [5] Ensuite survinrent la guerre et la peste que nous avons supportées avec les païens ; nous avons enduré seuls tout ce qu'ils nous ont fait souffrir, mais nous avons eu en outre notre part de ce qu'ils se sont fait les uns aux autres et de ce qu'ils ont subi. En retour, nous nous sommes réjouis de la paix du Christ qu'il n'a donnée qu'à nous seuls. [6] Nous avons eu, ainsi qu'eux, un répit très court pour reprendre haleine et la peste elle-même fondit [sur la ville], objet d'épouvante plus redoutable que tout pour les païens et plus funeste que nul autre malheur ; ainsi qu'un écrivain des leurs le rapporte, elle fut un événement unique, pire que ceux auxquels tous peuvent s'attendre. Pour nous cependant, il n'en fut pas ainsi ; elle fut une occasion de nous exercer et une épreuve qui ne le céda à aucune des autres ; elle ne nous a en effet pas épargnés mais elle a atteint fortement les païens. »

[7] Ensuite il ajoute ces paroles : « La plupart de nos frères, par un excès de charité et d'amour fraternel, ne s'écoutaient pas eux-mêmes mais s'attachaient les uns aux autres, visitant sans précaution les malades, les servant sans cesse, leur donnant leurs soins dans le Christ et ils étaient heureux d'être emportés avec eux ; ils puisaient le mal chez les autres, faisant passer en eux la maladie de ceux qui étaient proches et prenant volontiers leurs souffrances. Beaucoup, après avoir soigné et réconforté les autres, périssaient après avoir transféré en eux-mêmes la mort de ceux-là et le mot connu de tous, qui semblait être regardé comme un simple compliment, ils le réalisaient à la lettre, ils s'en allaient « devenus leur balayure ». [8] Les meilleurs de nos frères quittaient ainsi la vie ; c'étaient des prêtres, des diacres, des fidèles très en renom parmi le peuple ; et ce genre de mort, dont une grande piété et une foi robuste étaient la cause, semble n'être pas inférieur au martyre. [9] Ils tendaient leurs mains pour recevoir les corps des saints et les presser sur leur poitrine, ils leur fermaient les yeux et la bouche, ils les transportaient sur leurs épaules, les ensevelissaient ; s'attachant à eux, s'unissant avec eux, ils les purifiaient dans des bains, ils les ornaient de vêtements et peu après ils devenaient l'objet de soins semblables ; ceux qui restaient, allaient successivement à ceux qui partaient avant eux.

[10] « Chez les païens, il en était tout autrement ; ceux qui commençaient à être malades on les chassait, on fuyait ceux qui étaient le plus chers, on jetait sur les routes des gens à demi morts et on envoyait au rebut les cadavres sans sépulture ; on évitait toute communication et contact avec la mort, mais il n'était pas facile, même à ceux qui prenaient de grandes précautions, de s'en garder. »

[11] Après cette lettre, le calme s'étant rétabli dans la ville, Denys écrit encore une autre lettre pascale aux frères d'Égypte ; outre celle-ci, il en compose d'autres. On en montre une de lui Sur le Sabbat, et une autre Sur l'exercice.

[12] Il entretient encore Hermamon et les frères d'Égypte dans une lettre et il raconte beaucoup d'autres choses concernant la cruauté de Dèce et de ceux qui vinrent après lui ; il y fait mention de la paix de Gallien.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant