Histoire ecclésiastique - Eusèbe de Césarée

LIVRE X

CHAPITRE IV
DISCOURS SUR L'ÉTAT BRILLANT DES AFFAIRES

[1] C'est ainsi qu'un homme de ceux dont le mérite est ordinaire s'avança ; il avait composé un discours. L'église était comble ; un grand nombre de pasteurs en silence et en ordre écoulaient avec attention. L'orateur parla en présence d'un évêque tout à fait excellent et pieux ; c'était grâce à son zèle que le temple de Tyr, le plus beau de tous ceux de Phénicie, avait été activement bâti. Voici les paroles prononcées.

Discours sur l'érection des églises, adressé à Paulin, évoque de Tyr.

[2] Amis de Dieu, prêtres qui portez la sainte tunique, la couronne céleste de la gloire, l'onction divine et la robe sacerdotale du Saint-Esprit ! Et toi, jeune ornement du saint temple de Dieu, tu es honoré par lui de la prudence des vieillards, tu fais voir des œuvres magnifiques et des entreprises d'une vertu qui est dans sa fraîcheur et son éclat. A toi, le Dieu qui contient le monde entier, a donné lui-même l'honneur insigne de construire et de rétablir sur la terre cette maison, pour le Christ son Verbe unique et premier-né, ainsi que pour sa sainte et pieuse épouse. [3] On pourrait t'appeler nouveau Béséléel, constructeur d'une arche divine, ou encore Salomon, roi d'une Jérusalem nouvelle, de beaucoup supérieure à l'ancienne, ou encore nouveau Zorobabel, toi qui apportes au temple de Dieu une gloire plus grande que la première. [4] Vous aussi, nourrissons du saint troupeau du Christ, foyer des bons discours, école de modestie, auditoire grave et pieux des enseignements de la religion.

[5] Autrefois les signes miraculeux de Dieu et les bienfaits du Seigneur envers les hommes, nous les avons connus en écoutant la lecture des textes divins et ils nous ont permis d'adresser des hymnes et des cantiques à Dieu. Nous avons appris à dire : « Dieu ! nous avons entendu de nos oreilles, nos pères nous ont raconté l'œuvre que tu as faite de leurs jours, aux jours antiques. » [6] Mais aujourd'hui ce ne sont pas seulement des récits ni le bruit des paroles qui nous font connaître le bras suprême, la main céleste du Dieu très bon, qui est notre roi souverain ; ce sont des œuvres, à vrai dire, ce sont nos yeux qui nous font voir que les choses d'autrefois confiées à la mémoire sont fidèles et vraies. Il est permis de chanter à nouveau l'hymne de la victoire, de proclamer bien haut et de dire : « Ce que nous avons entendu nous l'avons vu nous aussi, dans la cité du Seigneur des Vertus, dans la cité de notre Dieu. » [7] Et de quelle cité s'agit-il ? sinon de celle qui a été récemment fondée et élevée par Dieu, « laquelle est l'Église du Dieu vivant, la colonne et le fondement de la vérité » ; au sujet de laquelle une autre parole divine fait en cette manière cette annonce : « Qu'on a dit de toi des choses glorieuses, ô ville de Dieu » ; en laquelle le Dieu de toute bonté nous a rassemblés par la grâce de son Fils unique lui-même ; et que chacun de ceux qui sont appelés chante et crie presque en disant : « Je me suis réjoui des choses qui m'ont été dites : Nous irons dans la maison du Seigneur », et encore : « Seigneur, j'ai aimé la décence de votre maison et le lieu où habite votre gloire. » [8] Et non seulement que chacun le dise isolément, mais que tous, en masse, dans un même esprit et une même âme, nous glorifiions et bénissions en disant : « Le Seigneur est grand et tout à fait digne d'être loué dans la ville de notre Dieu, dans sa sainte montagne. » Car en effet, il est vraiment grand et sa demeure est grande, élevée, large, spacieuse, d'un éclat de beauté qui dépasse les fils des hommes. Le Seigneur est grand « qui fait seul des choses admirables » : il est grand « celui qui fait des choses grandes, incompréhensibles, glorieuses, extraordinaires et sans nombre ». Il est grand « celui qui change les temps et les siècles, qui dépose et établit les rois, qui fait lever de terre le mendiant et qui du fumier fait monter le pauvre ; il a arraché les puissants de leurs sièges et il a exalté les humbles au-dessus de la terre : il a rassasié de biens les affamés et il a brisé les bras des superbes ».

[9] Ce n'est pas seulement pour des fidèles mais aussi pour des infidèles, qu'il a donné la preuve qui confirme la mémoire des récits anciens, l'auteur des merveilles, le grand ouvrier, le maître de l'univers, le démiurge du monde tout entier, le tout-puissant, la bonté souveraine, l'unique et seul Dieu, à qui chantons un chant nouveau, l'adressant dans notre pensée « à celui seul qui fait des merveilles, parce que sa miséricorde est éternelle, à celui qui frappe les grands rois et qui fait mourir les rois puissants, parce que sa miséricorde est éternelle ; parce que dans notre bassesse il s'est souvenu de nous et nous a délivrés de nos ennemi ».

[10] Et ne cessons jamais de célébrer ainsi le Père de l'univers. Quant à celui qui est pour nous la cause seconde des biens, qui nous a introduits dans la connaissance de Dieu, qui est le maître de la religion véritable, le fléau des impies, le destructeur des tyrans, le redresseur du siècle, Jésus notre sauveur à nous, qui étions désespérés, ayons son nom à la bouche et vénérons-le, [11] parce que seul, lui, le Fils très unique et très bon du Père qui est toute bonté, selon la pensée de l'amour du Père pour les hommes, il n'a pas hésité un moment à revêtir notre nature à nous qui étions gisants au fond de la corruption ; comme le meilleur des médecins, qui pour sauver les malades « regarde les maux, touche ce qui est répugnant et sur les malheurs d'autrui moissonne pour lui-même les douleurs », il nous a sauvés, nous qui étions non seulement malades d'ulcères terribles et tourmentés par des blessures purulentes mais encore qui étions couchés parmi les cadavres, il nous a seul tirés à lui des abîmes de la mort, parce que nul autre de ceux qui sont au ciel n'avait assez de force pour procurer sans dommage le salut de tels maux. [12] Seul donc, il a touché la corruption de notre misère profonde ; seul, il a porté le fardeau de nos souffrances ; seul, il a pris sur lui la peine de nos impiétés. Bien plus, il nous a relevés quand nous étions déjà non pas à demi morts, mais corrompus et puants dans les tombeaux et les sépulcres. Autrefois et maintenant avec le zèle de sa charité pour les hommes, contre toute espérance de qui que ce soit et même de nous, il nous sauve et il nous donne sans compter les biens du Père, lui, l'auteur de la vie, le créateur de la lumière, notre grand médecin, roi et seigneur, le Christ de Dieu.

[13] Autrefois quand le genre humain tout entier était plongé dans une nuit ténébreuse et une ombre profonde, à cause de l'égarement produit par les démons funestes, à cause des entreprises des esprits impies, il parut une fois et il fit disparaître les liens multiples de nos impiétés comme une cire qui fondait sous les traits de la lumière qu'il était lui-même. [14] Aujourd'hui, après cette grâce et après cette bienfaisance si grande, le diable haineux et le démon ami du mal a tout à fait éclaté et il a mobilisé contre nous toutes les puissances qui donnent la mort. D'abord, comme un chien enragé qui mord les pierres qu'on lui jette, et qui décharge sur des objets inanimés sa colère contre ceux qui le repoussent, il a tourné sa fureur bestiale contre les pierres des oratoires et les matériaux sans vie des maisons ; il nous a, ainsi qu'il le pensait en lui-même, privés d'églises. Ensuite il a lancé de terribles sifflements et ses cris de serpent, tantôt par les menaces de tyrans impies, tantôt par les constitutions blasphématoires de princes pervers. Puis, il a vomi la mort qui lui appartient et infecté les âmes qu'il avait prises par des poisons vénéneux et mortels ; il donnait tout à fait la mort par les sacrifices faiseurs de mort offerts aux idoles mortes, et il excitait entre nous toute bête à forme humaine et toutes sortes d'êtres sauvages.

[15] D'autre part à nouveau l'Ange du grand Conseil, le grand stratège en chef de Dieu, après l'épreuve suffisante que les plus grands soldats de son royaume ont fournie avec une constance et une fermeté absolues, a paru tout d'un coup, et il a fait entrer les ennemis et adversaires dans l'obscurité et le néant, tellement qu'il sembla qu'on ne les avait jamais nommés. Pour ses amis, au contraire, et ses familiers, il les a conduits au delà de la gloire en présence non seulement de tous les hommes mais même de toutes les puissances célestes, le soleil, la lune, les astres, tout le firmament et le monde. [16] Aussi bien, chose absolument inouïe, les empereurs les plus élevés de tous, conscients de l'honneur qu'ils recevaient de lui, d'une part crachaient au visage des idoles mortes, foulaient aux pieds les rites impies des démons, se moquaient de l'erreur antique et héréditaire, et, d'autre part, ils reconnaissaient ce Dieu unique, le bienfaiteur commun de tous et d'eux-mêmes. Ils confessaient le Christ, Fils de Dieu et roi souverain de l'univers ; ils le proclamaient sauveur sur des colonnes, inscrivant en caractères royaux pour une impérissable mémoire, ses actions justes, ses victoires contre les impies au milieu de la ville maîtresse de celles qui sont sur la terre. Aussi bien, seul parmi ceux qui furent jamais, Jésus-Christ, notre Sauveur, est non seulement proclamé par ceux qui sont le plus haut sur la terre comme un roi ordinaire, né des hommes, mais encore adoré comme Fils véritable du Dieu de l'univers et Dieu lui-même. [17] Et c'est à bon droit. Lequel des rois, en était, jusqu'à présent, est allé à ce degré de vertu que tous les hommes de la terre entendent et prononcent son nom ? Quel roi, après avoir établi des lois aussi sages et prudentes, a pu les publier suffisamment pour être entendu de tous les hommes des confins de la terre et jusqu'à l'extrémité du monde habité ? [18] Qui a changé les mœurs barbares et grossières des peuples farouches par ses lois douces et très humaines ? Qui, pendant des siècles entiers combattu de tous, a fait preuve d'une telle puissance surhumaine, qu'elle fleurit chaque jour et se renouvelle dans tout le monde ? [19] Qui a fondé un peuple dont on n'a jamais entendu parler, qui n'est pas caché dans un coin du monde, mais qui se trouve sur la terre entière qui est sous le soleil ? Qui a si bien muni ses soldats des armes de la religion, que leur âme a paru plus forte que le diamant dans les combats contre leurs adversaires ? [20] Quel roi exerce une telle puissance, dirige son armée après la mort, remporte des trophées sur les ennemis, remplit tout lieu et toute contrée, toute ville, la Grèce et le pays des barbares, des dédicaces de ses maisons royales et de ses temples sacrés, tels que les parures et les offrandes magnifiques de ce temple où nous sommes ? Elles sont vraiment vénérables et grandes, dignes d'inspirer l'étonnement et l'admiration, et comme des preuves évidentes de la royauté de notre Sauveur. Encore aujourd'hui, en effet, « il a parlé et elles ont existé ; il a commandé et elles ont été réalisées ». (Qu'est-ce donc qui pouvait résister au geste du Verbe de Dieu même, souverain roi, souverain chef ?) Ces merveilles auraient besoin d'un discours spécial pour en faire à loisir et avec exactitude l'exposition et l'explication. [21] Car le zèle de ceux qui ont travaillé n'est pas jugé tel quel par celui même qui est célébré comme Dieu, lorsqu'il regarde le temple spirituel de nous tous et lorsqu'il considère la maison faite de pierres qui vivent et se meuvent, la demeure qui est fortement et solidement établie sur le fondement des apôtres et des prophètes, Jésus-Christ lui-même étant la pierre d'angle qu'ont rejetée non seulement les artisans de cette maison ancienne qui n'est plus, mais encore ceux de cette construction du plus grand nombre des hommes qui est venu jusqu'aujourd'hui, architectes méchants d'œuvres mauvaises. Mais le Père a examiné cette pierre et alors et maintenant il l'a établie comme tête d'angle de cette église qui nous est commune à tous.

[22] Ce temple vivant d'un Dieu vivant et qui est fait de nous-mêmes, je parle du sanctuaire le plus grand et à vrai dire, digne de Dieu, dont l'intérieur est impénétrable, invisible au grand nombre, réellement saint et saint des saints, qui l'a vu et qui oserait en parler ? Qui pourrait avoir la faculté d'avancer sa tête dans ses enceintes sacrées ? sinon le seul grand-prêtre de l'univers, à qui il est permis d'examiner les secrets de toute âme spirituelle ? [23] Peut-être cependant est-il aussi octroyé à un autre, mais à un seul, de venir après lui dans la même œuvre ; c'est à celui qui est établi chef de l'armée qui est ici, que le premier et grand pontife lui-même a honoré du second rôle des sacerdoces d'ici-bas, au pasteur de votre divin troupeau, qui a obtenu votre peuple par élection et choix du Père, comme s'il l'avait établi son serviteur et son interprète, le nouvel Aaron ou Melchisédech, devenu l'image du Fils de Dieu qui vous demeure et vous est gardé par lui pour longtemps grâce à vos communes et unanimes prières. [24] A lui seul, après le premier et suprême pontife, qu'il soit permis, d'une façon sinon suprême, du moins immédiatement inférieure, de voir et d'examiner le spectacle intime de vos âmes. L'expérience et un temps prolongé lui ont donné de connaître exactement chacun de vous, et après vous avoir, grâce à son zèle et à ses soins, établis dans la beauté et la doctrine de la religion, il est, plus que tous, capable de prononcer des discours qui rivalisent avec les œuvres de ceux qu'il a édifiés avec une vertu divine.

[25] Notre premier et grand pontife dit que « ce qu'il voit faire à son Père, le Fils le fait également » : cet autre pontife, lui aussi, après avoir levé vers le premier maître l'œil pur de l'intelligence, ce qu'il lui voit faire, il l'exécute, comme s'il reproduisait l'image de modèles et d'archétypes, et il y met toute la ressemblance qu'il est possible. Il ne le cède en rien à ce Béséléel que Dieu lui-même remplit d'un esprit de sagesse et d'intelligence et de toute autre connaissance artistique et scientifique, et appela comme ouvrier de la construction du temple selon les types célestes donnés pour symboles. [26] C'est donc ainsi que celui-ci qui dans son âme porte lui-même l'image du Christ entier, verbe, sagesse, lumière (on ne saurait dire avec quelle grandeur d'âme, avec quelle main généreuse et inépuisable en ressources, avec quelle émulation aussi de la part de vous tous, avec quelle largesse des donateurs, qui ont tout à fait à cœur de n'être pas laissés en arrière par lui dans l'exécution de ce même projet), s'est mis à bâtir ce temple magnifique du Dieu très-haut, semblable par sa nature à l'idéal de celui qui est parfait, comme peut l'être la réalisation visible d'une chose invisible. Cet emplacement, dont il est juste de parler avant tout le reste, était encombré d'ordures de toute sorte par la malveillance des ennemis. Il ne l'a pas délaissé avec mépris et n'a pas favorisé la malice de ceux qui en étaient les auteurs ; il lui était cependant loisible d'aller ailleurs (il y avait une multitude d'autres places dans la ville) et de trouver une facilité plus grande d'exécution comme aussi d'éviter des embarras. [27] Il se mit d'abord lui-même à l'œuvre. Son zèle donna courage au peuple entier, et de tous ayant fait une seule et puissante main, il entreprit ce premier travail. Il a pensé que cette église, qui avait à la lettre subi le siège des ennemis, qui avait été la première à la peine et avait supporté les mêmes persécutions que nous et avant nous, qui, telle qu'une mère avait été privée de ses enfants, devait jouir avec eux de la magnificence du Dieu de toute bonté.

[28] Lors donc que le grand pasteur crut bon de rassemblera à nouveau ses enfants dans un même lieu, après qu'il eut éloigné les bêtes fauves et les loups, et toute la race des animaux féroces et sauvages, quand il eut brisé les dents des lions selon le mot des divines Écritures, il fut très juste de relever aussi la bergerie du troupeau pour couvrir de honte l'ennemi et l'oppresseur, et fournir comme une réplique victorieuse aux audacieuses entreprises des impies contre Dieu. [29] Et maintenant ils ne sont plus, les ennemis de Dieu, parce qu'ils n'étaient pas. Après avoir, pour un peu de temps, suscité des bouleversements, ils ont été bouleversés eux aussi ; puis ils ont reçu un châtiment dont on ne peut contester la justice ; ils se sont établis eux-mêmes et leurs amis et leurs maisons dans une ruine complète. Aussi bien, les faits ont proclamé dignes de créance les prédictions écrites jadis sur des colonnes sacrées ; la divine parole entre autres y affirmait comme vrai et déclarait ceci à leur sujet : [30] « Les pécheurs ont tiré le glaive et ils ont tendu leur arc pour frapper le mendiant et le pauvre, et pour égorger ceux qui ont le cœur droit. Que leur glaive leur entre dans le cœur et que leurs arcs soient brisés. Et leur mémoire à son tour a péri avec l'écho, et leur nom a été abandonné pour le siècle des siècles », parce que dans leur maux, « ils ont crié et il n'y a eu personne qui les sauvât, [ils ont crié] vers le Seigneur et il ne les a pas exaucés, mais ils ont reçu des entraves aux pieds et ils sont tombés, tandis que nous nous sommes relevés et avons été remis debout ». Et le passage de ces prédictions qui annonçait d'avance : « Seigneur tu as dans la ville anéanti leur image », a paru vrai aux yeux de tous. [31] Mais ceux-ci avaient entrepris à la manière des géants une lutte contre Dieu et ils ont obtenu la même fin tragique de leur vie, tandis que les résultats de la constance pour Dieu, délaissée et méprisée des hommes, sont ce que nous voyons, selon que la prophétie d'Isaïe le proclamait pour elle : [32] « Réjouis toi, désert altéré, exulte désert et fleuris comme un lis, et ils fleuriront, et ils exulteront, les lieux déserts. Fortifiez-vous, mains défaillantes et genoux affaiblis. Consolez-vous, vous dont l'âme est pusillanime, fortifiez-vous, ne craignez pas ; voici que votre Dieu rend et rendra justice, lui-même viendra et vous sauvera, parce que, dit-il, « une onde a jailli au désert et une vallée dans une terre altérée, et celle qui était sans eau sera changée en marécage et la source d'eau en terre desséchée ». [33] Et ces anciennes paroles prophétiques ont été confiées aux livres sacrés ; mais ce sont tout à fait les réalités qui se présentent à nous, et non point en des récits, mais dans les choses elles-mêmes. Cette église était un désert desséché, une veuve sans défense. « Comme on coupe le bois dans une forêt, ils coupaient » ses portes « à coups de hache ; dans le même dessein ils l'attaquaient avec la cognée et le marteau » ; ils détruisaient ses livres, « mettaient en feu le sanctuaire de Dieu ; ils ont profané en le jetant à terre le tabernacle de son nom ». « Tous ceux qui passaient » la vendangeaient après en avoir franchi les haies, « le sanglier de la forêt la dévastait et la bête solitaire la dépeçait » ; mais aujourd'hui par la miraculeuse puissance du Christ, lorsqu'il l'a voulu, elle est devenue « comme un lis ». C'était, en effet à dessein qu'autrefois il la châtiait ainsi qu'un père vigilant ; car « celui que le Seigneur aime, il le châtie, et il corrige le fils qu'il accueille ». [34] Lors donc qu'elle eut été châtiée selon la mesure qu'il fallait, elle reçut d'en haut l'ordre de recommencer à se réjouir de nouveau, et elle fleurit « comme un lis » et elle embaume tous les hommes de l'odeur divine, parce que, dit-il, « dans le désert a jailli une eau », le flot de la renaissance divine par l'eau lustrale du salut, et maintenant, le désert de tout à l'heure est devenu « une région humide, et vers la terre altérée » est montée une source d'eau vive, et la force est véritablement dans les mains auparavant sans vigueur : ces travaux sont les preuves magnifiques et éclatantes de la puissance de ces mains. Mais les genoux eux aussi, débiles autrefois et sans énergie, ont reçu leur allure habituelle, et ils marchent droit devant eux dans le chemin de la connaissance de Dieu, ils se hâtent vers le troupeau familier du pasteur qui est toute bonté. [35] Si les âmes de quelques-uns ont été engourdies par les menaces des tyrans, le Verbe sauveur ne les laisse pas sans remède. Il leur donne à elles aussi tous ses soins, les encourage à aller à la consolation de Dieu, et leur dit [36] : « Consolez-vous, âmes pusillanimes, courage, ne craignez pas. »

La parole qui prédisait pour celle qui était devenue déserte à cause de Dieu la nécessité de jouir de ces biens, notre nouvel et excellent Zorobabel l'entendit avec une grande pénétration d'esprit après cette amère captivité et la honte de la solitude. Il ne méprisa pas le cadavre qui gisait sans vie. Avant toute autre chose, par des supplications et des prières il se concilia la miséricorde du Père avec le concours unanime de vous tous ; puis, ayant pris comme allié et comme coopérâtes celui-là qui seul donne la vie aux morts, il releva celle qui était tombée après l'avoir préalablement purifiée et guérie de ses maux. Il la revêtit ensuite d'une parure qui n'était pas l'ancienne d'autrefois, mais celle qu'il avait appris à connaître dans les oracles divins où il dit clairement que « la gloire de cette maison sera bien plus grande que la première ».

[37] Il a donc délimité un emplacement de beaucoup plus grand que le premier. Du dehors, il en a protégé l'enceinte par une forte muraille qui l'entoure tout entière, de façon à ce qu'elle fût un rempart très sûr de l'ensemble. [38] Un grand vestibule très élevé se dresse du côté des rayons du soleil levant, et il donne à ceux qui sont loin des enceintes sacrées le désir de voir ce qui est à l'intérieur ; il invite presque les étrangers à la foi à regarder vers les premières entrées. Aussi bien personne ne passe sans avoir d'abord l'âme pénétrée de douleur au souvenir de l'abandon d'autrefois et à la pensée de l'étonnante merveille d'aujourd'hui : peut-être l'évêque a-t-il espéré que celui qui est sous l'impression de ce sentiment sera attiré et poussé à entrer par l'aspect lui-même.

[39] Au dedans, il n'a pas voulu que celui qui franchissait les portes avec des pieds souillés et non lavés foulât tout de suite l'intérieur du sanctuaire. Il a laissé entre le temple et la première entrée un espace aussi grand que possible, qu'il a entouré et orné de quatre portiques. Ceux-ci forment une figure à quatre angles et sont soutenus de tous côtés par des colonnes ; les intervalles entre celles-ci sont fermés par des barrières de bois disposées en réticule qui s'élèvent à une hauteur convenable. L'évêque a laissé vide le milieu, afin qu'on put voir le ciel et que l'air fût brillant et libre aux rayons du soleil. [40] C'est là qu'il a placé les symboles des purifications sacrées. Il a établi, en face du temple, des fontaines qui fournissent en abondance l'eau vive où ceux qui viennent dans les enceintes sacrées peuvent se laver. Tout d'abord pour ceux qui entrent, c'est un lieu qui présente à chacun plaisir et agrément, et pour ceux qui ont encore besoin des premières notions, c'est le séjour assorti à leurs besoins, [41] Mais il alla plus loin que ces merveilles. Au moyen de vestibules intérieurs encore plus nombreux, il ouvrit des passages vers le temple. Face aux rayons du soleil, il fit trois portes d'un seul côté ; il lui plut que celle du milieu dépassât de beaucoup les autres en hauteur et en largeur. Il la décora d'appliques d'airain réunies par des liaisons de fer, l'orna de ciselures variées en ronde bosse et, ainsi qu'à une reine, il établit les deux autres à ses côtés comme ses gardes. [42] Ce fut ainsi de la même façon qu'aux portiques de l'un et l'autre des côtés de l'ensemble du temple il établit le nombre des vestibules. Il imagina d'y pratiquer par en haut, afin d'avoir une autre lumière plus abondante, diverses ouvertures du côté de la salle ; il les orna d'une façon variée par des travaux délicats en bois.

Quant à la salle de la basilique, il y employa des matériaux encore plus riches et précieux, et il fut dans les dépenses d'une libéralité sans réserve. [43] Maintenant, il me semble inutile de décrire la longueur et la largeur de l'édifice, sa beauté éclatante, sa grandeur qui dépasse ce qu'on peut dire, de raconter dans ce discours l'aspect brillant des travaux, leur élévation qui atteint les cieux et les cèdres précieux du Liban qui reposent dans le haut. La divine parole elle-même n'a pas voulu en taire la mémoire : « Ils se réjouiront, dit-elle, les arbres du Seigneur et les cèdres du Liban qu'il a plantés. » [44] Qu'est-il besoin maintenant de faire l'exacte description de l'ordonnance pleine de sagesse et d'art architectonique, de l'extrême beauté de chacune des parties ? le témoignage des yeux dispense de s'adresser aux oreilles. Après donc avoir ainsi achevé le temple il l'orna de trônes très élevés, pour l'honneur de ceux qui président, et en outre de bancs disposés avec ordre pour les gens du commun, comme il convient. Surtout il établit au milieu l'autel des saints mystères, et pour qu'il ne fût pas accessible à la foule, il l'environna d'une barrière en bois réticulé, qui vers le sommet était travaillée avec un art achevé et offrait aux regards un merveilleux spectacle. [45] Le pavé ne fut pas non plus négligé par lui : il l'orna de marbre de toute beauté. Il songea aussi aux dépendances qui sont à l'extérieur du temple ; il fit bâtir avec art des exôdres et des salles très vastes de chaque côté. Ceux-ci se soudent au même endroit aux flancs de la basilique et s'unissent à elle par des passages situés au milieu de la maison. Les locaux utiles à ceux qui avaient encore besoin des purifications et des ablutions qui sont données par l'eau et l'Esprit Saint, notre Salomon très pacifique, après avoir édifié le temple, les fit construire, eux aussi, en sorte que la prophétie citée plus haut devînt non plus seulement une parole, mais une réalité.

[46] Maintenant en effet, ainsi qu'il est vrai, « la gloire de cette maison est plus haute que celle de sa devancière ». Car il fallait et il était logique, après que son Pasteur et Maître eut une fois reçu la mort pour elle, après qu'il eut, à la suite de la Passion, rétabli dans l'éclat et la gloire le corps qu'il avait revêtu à cause de ses souillures à elle, après qu'il eut racheté la chair elle-même et qu'il l'eut conduite de la corruption à l'immortalité, il fallait que cette Église recueillît également les fruits des dispositions prises par le Sauveur. et parce qu'elle a reçu de lui la promesse de biens de beaucoup supérieurs à ceux-ci, elle aspire à obtenir largement et pour le siècle à venir, la gloire plus grande encore de la vie nouvelle dans la résurrection d'un corps immortel, avec le chœur des anges de lumière, dans le palais de Dieu au delà des cieux, avec le Christ Jésus lui-même bienfaiteur universel et sauveur. [47] Au reste, en attendant et pour le présent, celle qui était autrefois veuve et délaissée, maintenant, par la grâce de Dieu, est entourée de fleurs et devient vraiment comme un lis selon le dire de la prophétie ; puis, ayant repris la robe nuptiale et ceint la couronne d'honneur pour le chœur des danses, selon qu'Isaïe l'enseigne elle chante les actions de grâces au Roi Dieu en des paroles de bénédiction ; écoutons ce qu'elle dit : [48] « Que mon âme soit en allégresse dans le Seigneur ; car il m'a revêtue du vêtement de salut et de la tunique de joie ; il a entouré ma tête d'une mitre comme on fait à un fiancé, et comme une fiancée, il m'a parée d'ornements. Ainsi qu'une terre qui fait croître sa fleur, ainsi qu'un jardin qui fait éclore ses semences, ainsi le Seigneur fait germer la justice et l'allégresse en présence des nations. » C'est en ces paroles qu'elle célèbre son transport. [49] D'autre part c'est aussi en termes semblables que l'Époux, le Verbe céleste, Jésus-Christ lui-même, lui répond. Écoute ce que dit le Seigneur : « Ne crains point parce que tu as été couverte de mépris ; ne rougis point de ce que tu as été outragée. Ne te souviens plus de ce que tu as été remplie d'une honte séculaire ; oublie l'opprobre de la viduité. Ce n'est pas comme une femme délaissée et pusillanime que le Seigneur l'a appelée ; ce n'est pas non plus comme une femme haïe depuis sa jeunesse. Ton Dieu t'a dit : Je t'ai laissée pour un peu de temps et j'aurai pitié de toi dans ma grande miséricorde ; ce n'est pas avec une grande colère que j'ai détourné de toi mon visage et j'aurai pitié de toi dans une miséricorde éternelle, dit le Seigneur qui t'a délivrée. [50] Lève-toi, lève-toi, ô toi qui as bu de la main du Seigneur le breuvage de sa colère ; car le breuvage de la pauvreté, le calice de ma colère tu l'as bu et tu l'as vidé. Et il ne s'est pas trouvé un consolateur pour toi parmi tous les enfants que tu as enfantés ; il n'y en a pas eu qui t'aient pris la main. Voici que je t'ai ôté des mains le breuvage de la pauvreté et la coupe de ma colère, et tu ne continueras plus à la boire, et je la donnerai et la mettrai aux mains de ceux qui t'ont fait du mal et de ceux qui t'ont avilie.

[51] Lève-toi, lève-toi, revêts ta force, revêts ta gloire, secoue la poussière, et debout. Assieds-toi, détache le lien de ton cou. Jette les yeux autour de toi et vois rassemblés tes enfants. Vois, ils ont été réunis et sont venus à toi. [Aussi vrai que] je vis, dit le Seigneur, tu en seras entourée comme d'une parure, et tu t'en environneras comme d'un ornement d'épouse. Tes déserts, tes terres dévastées, celles qui sont maintenant ruinées seront trop étroites pour ceux qui habitent chez toi et ils seront chassés au loin, ceux qui te dévoraient. [52] Ils te diront en effet à tes oreilles, tes fils que tu avais perdus : « Ce lieu m'est trop étroit, fais-moi une place pour que j'y puisse habiter », et tu diras en ton cœur : « Qui m'a engendré ceux-ci, à moi qui suis stérile et veuve ? qui me les a nourris à moi qui étais seule et abandonnée ? d'où me viennent donc ceux-ci ? » [53] Isaïe prophétisait ces choses et elles étaient dès la plus haute antiquité, déposées dans les saints livres ; mais il fallait en quelque sorte que leur véracité fût apprise par des faits. [54] Voilà en effet ce que le Verbe époux disait à son épouse la sainte et pure Église. Ainsi qu'il était juste, le paranymphe qui est ici, qui a dans vos communes prières à tous tendu vos mains, a relevé cette délaissée, qui gisait comme un cadavre sans espoir de la part des hommes ; il l'a ressuscitée par la volonté de Dieu, le roi souverain, par la manifestation de la puissance de Jésus-Christ, et l'ayant rendue à la vie, il l'a établie selon le plan que les saints oracles lui avaient appris.

[55] Cela est une grande merveille et au-dessus de toute admiration, pour ceux surtout qui n'appliquent leur esprit qu'à la seule apparence des choses du dehors. Mais ce qui est plus digne d'étonner que ces prodiges ce sont les archétypes, les prototypes conçus par l'esprit, les modèles divins de ces choses, je veux, dire le renouvellement de l'édifice spirituel et vivant de Dieu dans les âmes. [56] Le Fils de Dieu lui-même a fait l'âme à son image et il lui a donné partout et en tout la ressemblance avec Dieu, une nature impérissable, incorporelle, spirituelle, étrangère à toute matière terrestre, une essence douée par elle-même d'intelligence. Une fois qu'il l'eut fait sortir du néant pour l'établir dans l'être, il en a fait une sainte épouse et un temple absolument sacré pour lui et le Père. Au reste, lui-même l'avoue clairement et le déclare, lorsqu'il dit : « J'habiterai en eux et je marcherai parmi eux, et je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. » Voilà ce que l'âme parfaite et purifiée était dès le commencement, étant donné qu'elle portait en elle l'image du Verbe céleste. [57] Mais grâce à la jalousie et au zèle du démon méchant, elle est devenue, par libre choix, amie des sens et du mal. Privée de son chef divin, qui s'était retiré d'elle, elle fut facile à prendre aux embûches et confondue par ceux qui depuis longtemps lui portaient envie ; elle fut renversée par les machines et les engins des ennemis invisibles et des adversaires spirituels, et elle tomba d'une chute extraordinaire, à tel point que de sa vertu il ne restait pas debout pierre sur pierre ; elle était complètement gisante à terre, entièrement morte et tout à fait privée des connaissances naturelles concernant Dieu. [58] Une fois tombée, celle qui avait été faite à l'image de Dieu fut ravagée, non par ce sanglier de la forêt que nous pouvons voir, mais par un funeste démon et des bêtes sauvages appartenant au monde spirituel. Ils allumèrent en elle des passions semblables aux traits enflammés de leur malice ; « ils incendièrent par le feu le sanctuaire réellement divin de Dieu et ils jetèrent par terre le tabernacle de son nom ». Puis ils enfouirent la malheureuse sous un grand amas de terre et la mirent dans une telle situation qu'il n'y avait aucun espoir de salut. [59] Mais le Verbe son protecteur, l'éclat de Dieu et le Sauveur, après qu'elle eut enduré le juste châtiment de ses fautes à elle, la reçut à nouveau, obéissant à l'amour d'un Père très bon pour les hommes.

[60] En premier lieu, il choisit d'abord l'âme des empereurs qui avaient le rang le plus élevé ; quant à tous les impies et pervers et aux tyrans eux-mêmes qui étaient cruels et ennemis de Dieu, il en purifia la terre à l'aide de ceux qui étaient très religieux. Ensuite il fit paraître au jour les hommes qui étaient ses amis, qui lui avaient été consacrés autrefois pour la vie et qui se cachaient sous sa protection blottis comme dans une tempête de malheurs il les orna comme il convenait, des munificences du Père. Puis les âmes auparavant souillées et ensevelies sous les matériaux de toutes sortes et les décombres des ordonnances impies, il les fit sortir de ce qui les souillait et les en débarrassa avec des pics et des boyaux à deux pointes, c'est-à-dire avec les enseignements pénétrants de sa doctrine. [61] Il rendit splendide et transparent le sol de notre intelligence à tous ; puis il confia le reste à ce chef tout à fait sage et ami de Dieu. Celui-ci, en homme judicieux et sagace, discerna d'ailleurs parfaitement et classa l'intelligence des âmes qui lui étaient échues, et, dès le premier jour pour ainsi dire comme jusqu'à maintenant, il n'a pas cessé de bâtir et d'employer en vous tous, tantôt l'or éclatant, tantôt l'argent éprouvé et brillant, ainsi que les pierres précieuses et de grand prix, si bien que par ses œuvres il accomplit en vous la prophétie mystique où il est dit : [62] « Voici que je le prépare l'escarboucle pour ta pierre, et pour les fondements le saphir, et pour tes créneaux le jaspe, et pour les portes le cristal de roche, et pour ton enceinte les pierres choisies, et tous les fils seront enseignés de Dieu, et les enfants seront dans une grande paix et lu seras édifiée dans la justice. »

[63] Oui, c'est bien selon la justice qu'il bâtit la maison, et c'est selon le mérite de tout le peuple qu'il divise les pouvoirs. Les uns, il les entoure d'une enceinte extérieure, il environne d'un rempart leur foi sans erreur. Il est nombreux et grand, le peuple qui n'est pas capable de supporter une autre édification. Aux autres, il confie les entrées de la maison et leur ordonne de veiller sur les portes et de guider ceux qui s'y introduisent ; c'est à bon droit que ceux-là sont regardés comme les propylées du temple. Quant à d'autres, il les a appuyés sur les premières colonnes du dehors qui règnent de quatre côtés autour de l'atrium ; il les a fait avancer dans les premières difficultés du texte des quatre Évangiles. Les autres, il les rattache de chaque côté de la salle de la basilique, ils sont encore catéchumènes et établis dans la période de croissance et de progrès, sans cependant être éloignés ni séparés pour longtemps de la vue des objets de la foi qui sont à l'intérieur. [64] Parmi ceux-ci, il choisit les âmes pures, nettoyées comme l'or par un divin lavage, et ensuite il appuie les unes sur des colonnes beaucoup plus solides que celles du dehors, sur les doctrines mystiques les plus intérieures de l'Écriture ; les autres, il les fait éclairer par des ouvertures destinées à la lumière. [65] Il orne le temple entier du seul vestibule très grand de la glorification du Dieu souverain et unique, et présente, de chaque côté du pouvoir suprême du Père, les clartés secondaires de la lumière du Christ et du Saint-Esprit. Pour le reste, dans toute la salle, il fait voir sans rien ménager et d'une façon très remarquable la clarté et l'éclat de la vérité, dans son détail. Partout et de tous côtés, après avoir choisi les pierres vivantes, fortes et résistantes des âmes, il les emploie toutes à bâtir l'édifice grand et royal, brillant, plein de lumière au dedans comme au dehors, et alors non seulement l'âme, mais le corps aussi resplendit en eux de la beauté multiple et nuancée de la pureté et de la modestie. [66] Il y a encore dans ce sanctuaire des trônes, ainsi qu'une foule de bancs et d'escabeaux, ce sont dans ces âmes nombreuses sur lesquelles ils reposent, les dons de l'Esprit divin, comme ceux qu'on vit autrefois dans les compagnons des apôtres, sur qui paraissaient se diviser des langues semblables à du feu et qui s'arrêtaient sur chacun d'eux. [67] Mais dans le chef de tous, ainsi qu'il est juste, repose le Christ entier, tandis que dans ceux qui sont après lui, au second rang, il ne se tient que proportionnellement selon la capacité de chacun par les divisions de sa puissance et du Saint-Esprit. Les sièges des anges aussi sont peut-être les âmes de certains qui sont donnés à chacun pour son éducation et sa garde. [68]. Le vénérable, le grand, l'unique autel quel est-il ? sinon le saint des saints très pur de l'âme du prêtre commun à tous. Devant lui se tient à droite le grand Pontife de l'univers lui-même, Jésus, le seul engendré de Dieu ; par lui l'encens de bonne odeur entre tous et les sacrifices non sanglants et immatériels qui s'offrent par les prières sont reçus avec un visage joyeux et des mains tendues, et envoyés au Père du ciel et Dieu de l'univers ; lui-même l'adore le premier, et seul il départit au Père l'honneur qui est selon sa dignité, puis il lui demande de nous demeurer à tous toujours bienveillant et favorable.

[69] Ce vaste temple que le Verbe, le grand démiurge de l'univers, se constitue dans toute la terre habitée sous le soleil, et qui forme sur la terre cette image spirituelle des voûtes célestes d'au-delà, est tel qu'en lui, par toute la création, le Père des êtres vivants et intelligents de la terre est honoré et révéré. [70] Mais quant au pays supracéleste, aux exemplaires qui sont là des choses d'ici-bas et à ce qu'on appelle la Jérusalem d'en haut et à la montagne de Sion, la ville céleste, au-dessus du monde, qui est la ville du Dieu vivant, dans laquelle des milliers d'assemblées joyeuses d'anges, une église de premiers-nés, inscrits dans les cieux, célèbrent dans des discours divins, inévitables et inaccessibles à la raison, leur auteur et le Souverain de l'univers, aucun mortel n'est capable de le chanter, « parce que l'œil n'a pas vu, ni l'oreille entendu et il n'est pas entré dans le cœur de l'homme ce que Dieu a préparé à ceux qui l'aiment ». [71] Ayant donc été jugés dignes de participer à ces choses, hommes, enfants et femmes, petits et grands, tous en masse, dans un seul esprit et une seule âme, ne laissons pas de confesser et de bénir l'auteur de si grands biens pour nous, « celui qui est tout à fait propice à toutes nos iniquités, celui qui guérit toutes nos maladies, celui qui délivre notre vie de la corruption, qui nous couronne dans la miséricorde et la pitié, qui remplit de bien notre désir, parce qu'il n'a pas agi envers nous selon nos fautes et ne nous a pas rendu le prix de nos iniquités, parce que, autant le levant est éloigné du couchant, il a éloigné de nous les iniquités ; comme un père a pitié de ses fils, le Seigneur a eu pitié de ceux qui le craignent ». [72] Ranimons la mémoire de ces choses maintenant et pour tous les âges à venir. Mais quant à l'auteur et chef de l'assemblée présente, de cette journée brillante et si éclatante, revoyons-le en esprit la nuit et le jour, à toute heure et pour ainsi dire chaque fois que nous respirons ; aimons-le et révérons-le de toute la force de l'âme, et maintenant encore levons-nous, prions-le avec des accents pénétrés, afin qu'il nous garde dans son bercail jusqu'à la fin et qu'il nous sauve, afin qu'il nous fasse atteindre le but de sa paix infrangible, inébranlable, éternelle, dans le Christ Jésus, notre Sauveur, par lequel est à Dieu la gloire dans tous les siècles des siècles. Amen.

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