Préparation évangélique

LIVRE I

CHAPITRE PREMIER
QUEL EST POSITIVEMENT LE SUJET DE CE TRAITÉ QUE NOUS APPELONS ÉVANGÉLIQUE

Avant formé le dessein d’expliquer à ceux qui les ignorent les principes constitutifs du Christianisme, dans ce traité qui doit embrasser plus tard la Démonstration évangélique, j’ai cru devoir vous le dédier avec prière de l’accueillir, ô vous, homme divin, l’honneur de l’épiscopat, Théodote, tête respectable et chérie de Dieu. Si j’obtiens votre assistance, par les sacrifices embrasés de l’amour de Dieu que vous offrirez pour moi, vous contribuerez puissamment à l’accomplissement d’une œuvre qui a pour objet la preuve de la doctrine évangélique. Mais je crois avant tout devoir exposer clairement ce que nous entendons en prononçant le mot d’Évangile. L’Évangile est ce qui annonce à tous les hommes la présence des biens célestes et incomparables, prédits autrefois, et qui ont régénéré depuis peu tout le genre humain. Ces biens ne se rattachent ni aux aveugles faveurs de la fortune ni à cette vie si courte et si malheureuse ; ils n’ont rien de commun avec le corps et la corruption : il s’agit des biens en rapport avec la nature intelligente de l’âme et avec ses plus nobles penchants. C’est de ces biens que dépendent ceux du corps qui les suivent comme une ombre. La piété est l’ensemble et comme l’abrégé de tous ces biens : je ne parle pas d’une piété mensongère et infectée de mille erreurs, mais de la piété vraiment digne de ce nom. C’est elle qui élève nos pensées vers l’unique et seul Dieu appelé avec justice l’être par essence ; c’est elle qui nous fait vivre selon lui ; et puis en vivant selon Dieu nous parvenons à son amour ; et l’amour divin nous initie à cette vie mystérieuse, sans cesse occupée des biens futurs et toujours dirigée vers ce terme glorieux auquel elle doit arriver un jour. Peut-on imaginer une félicité supérieure à celle que procure cet amour de Dieu, source de tout bien et de toute prospérité ? n’est-il point en effet le trésorier et le dispensateur de la vie, de la lumière, de la vérité, et de tout ce qu’il y a d’excellent dans le monde ? ne renferme-t-il pas en lui-même la raison de l’existence et de la vie de tous les êtres ? Que manque-t-il donc à celui qu’il honore de son amour ? de quoi serait privé celui qui est uni à l’auteur de tout bien ? Y a-t-il un être au-dessus de celui qui a pour père et pour protecteur, le grand Régulateur et le Roi suprême du monde ? Assurément on ne saurait dire ce qui manque sous le rapport des biens, soit de l’âme, soit du corps, à celui qui, se rapprochant par l’amour du Dieu souverain de l’univers, a su, par une piété sage et éclairée, acquérir la faveur d’une affection mille fois capable de le rendre heureux. Or c’est cette union si précieuse et si salutaire des hommes avec la Divinité que le Verbe, envoyé d’en haut par le Dieu de toute bonté comme un reflet de la lumière infinie, est venu annoncer à tous les hommes. Ce ne sont point les habitants de tel ou tel pays, mais les hommes de tous les pays et de toutes les nations, qu’il invite à se rendra en toute hâte auprès du Dieu de l’univers, et à recevoir avec le plus vif empressement le don qui leur est offert. Il invite tout à la fois les Grecs et les Barbares, les hommes ainsi que les femmes et les enfants, les riches et les pauvres ; il a même daigné comprendre la race des esclaves dans celle vocation ; car le père de tous les hommes, les ayant formés d’une seule essence et d’une même nature, les a avec raison conviés tous également à participer aux faveurs de sa munificence, c’est-à-dire qu’il a admis à le connaître et à l’aimer tous ceux qui voudraient l’écouter et recevoir sa grâce de bon cœur. C’est cette alliance de son Père avec les hommes que le Christ est venu annoncer au monde ; car le Christ, c’était Dieu se réconciliant lui-même avec le monde et consentant à ne pas lui imputer ses péchés, ainsi que l’enseigne l’Écriture sainte (II Cor., V, 19).

Étant arrivé, dit le Prophète, il annonça la paix à ceux qui étaient éloignés, et encore la paix à ceux qui étaient proches (Is. LVII, 19).

Tels sont les oracles que les enfants des Hébreux, que Dieu inspirait, annoncèrent jadis au monde entier.

L’un d’eux prononce à haute voix ces paroles : Toutes les extrémités de la terre s’en souviendront et se convertiront au Seigneur, et toutes les tribus des nations l’adoreront (Ps. XXII, 28).

Il dit encore : Dites parmi toutes les nations que le Seigneur a régné, car il a restauré l’univers, qui ne sera point ébranlé (Ps. XCVI, 10).

Un autre a dit : Le Seigneur se manifestera en eux, et il exterminera tous les dieux des nations de la terre, et tout le monde l’adorera, chacun dans le lieu où il sera (Soph., II, 11).

Ces vérités, consignées jadis dans des oracles divins, sont devenues claires maintenant pour nous, par l’enseignement de notre Sauveur Jésus-Christ. Ainsi la connaissance de Dieu, proclamée anciennement, et attendue par les hommes de toutes les nations, qui n’étaient pas tout à fait étrangères à ces divins oracles, nous a été convenablement annoncée dans ces derniers temps par le Verbe descendu du ciel, qui, par l’accord de ses œuvres avec les prophéties, en a prouvé l’accomplissement.

Mais pourquoi mon empressement me porte-t-il à devancer la suite de mes discours, me transportant tout à coup au milieu de mon sujet, tandis qu’il est convenable que je le prenne dans son principe, et que je réfute tous les arguments qui pourraient m’être opposés ? Car, comme il y a certains esprits qui prétendent que le christianisme n’admet point de raisonnement, que ses adeptes n’ont qu’une foi aveugle et un acquiescement dépourvu d’examen qui leur fait admettre comme certitude une simple croyance, qu’il n’est pas possible de donner des preuves claires et démonstratives de la vérité contenue dans ses enseignements, enfin que ceux qui ont embrassé cette religion étant tenus de se renfermer dans les limites de la foi, ont reçu le nom de fidèles, en raison de cette foi dénuée de jugement et d’examen. J’ai jugé à propos de faire précéder le traité de la Démonstration évangélique d’une préparation qui ouvre l’accès à mon sujet, en exposant à l’avance brièvement les difficultés que pourraient nous opposer avec quelque apparence de raison les Grecs, les circoncis et tous ceux qui seraient tentés de porter sur nos croyances un œil hostilement investigateur ; car il me semble que nous conduirons nos lecteurs plus sûrement et par la méthode la plus rationnelle à l’intelligence des vrais principes de la démonstration évangélique et des dogmes les plus importants, si dans les notions élémentaires d’un traité préparatoire, nous leur présentons une espèce d’introduction accommodée aux besoins et aux mœurs de ceux qui, du sein des erreurs du paganisme, se sont depuis peu rapprochés de nous. Ensuite, aussitôt qu’ils auront franchi ces connaissances élémentaires et préparé leur esprit à recevoir des connaissances plus relevées, il sera temps de les initier à fond à cette économie qui embrasse tous les mystères de notre Sauveur et Seigneur Jésus-Christ. Commençons donc cette Préparation en rapportant ce que peuvent nous opposer les Grecs, les hommes de la circoncision et tous ceux qui ont employé la subtilité de leur esprit à scruter nos mœurs et nos institutions.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant