Préparation évangélique

LIVRE I

CHAPITRE III
QUE CE N’EST POINT SANS EXAMEN QUE NOUS AVONS EMBRASSÉ LA DOCTRINE DU SALUT

Après avoir commencé par exposer les difficultés qu’on pourrait nous opposer avec quelque vraisemblance, allons plus loin, et, après avoir invoqué le Dieu de l’univers par notre Sauveur, qui est son Verbe et notre souverain pontife, donnons une solution bien nette de la première de ces difficultés, en faisant voir qu’il n’y a que des calomniateurs qui puissent soutenir que nous n’avons pas de démonstration raisonnable à présenter, et qui déclarent que nous ne nous attachons qu’à une foi aveugle. Nous réfuterons celle objection sans sortir du sujet et sans remonter bien loin : nous invoquerons pour notre défense les preuves que nous employons auprès de ceux qui nous approchent pour s’instruire dans nos doctrines ; les réponses que nous avons coutume de faire à nos adversaires, dans des discussions plus subtiles, de celles que nous aimons à faire, soit oralement, soit par écrit, à ceux qui nous interrogent en particulier, ou lorsque nous nous adressons en général à la multitude. Mais nous ferons surtout servir à notre justification les nombreux ouvrages que nous avons en main, et qui composent ensemble une Démonstration évangélique complète. Ajouté à cette encyclopédie sacrée, le présent traité est lui-même une réponse à nos adversaires, puisqu’il a pour but d’annoncer à tous les hommes la plénitude de la grâce de Dieu et la munificence céleste, en établissant sur des preuves aussi claires que solides l’incarnation de notre Sauveur et Seigneur Jésus-Christ, fils de Dieu. La plupart de ceux qui ont écrit avant nous ont suivi diverses méthodes ; les unes ont réfuté par ordre les difficultés et les objections présentées dans des écrits opposés à nos doctrines, les autres ont interprété, dans des commentaires explicatifs ou dans des homélies particulières, le sens des saintes Écritures inspirées par la Divinité ; d’autres enfin ont soutenu nos dogmes dans des ouvrages écrits avec plus d’énergie. Pour nous, c’est avec grand plaisir que nous entreprenons de traiter spécialement ce sujet, d’après un plan qui nous est propre.

L’apôtre saint Paul, le premier de tous, rejetant les probabilités fallacieuses et sophistiques, et n’employant que des démonstrations exemples de toute ambiguïté, s’exprime ainsi quelque part : Mon discours et ma prédication ne consistent pas dans ce que présentent de persuasif les paroles d’une sagesse humaine, mais dans la démonstration de l’esprit et de la vertu de Dieu.

Puis il ajoute : Avec les parfaits, nous parlons le langage de la sagesse, non de la sagesse de ce siècle, ni des princes sujets à périr, mais nous parlons le langage de la sagesse de Dieu, qui est cachée dans son mystère (I Cor., II, 4).

Il dit ailleurs : Notre suffisance vient de Dieu, qui nous a rendus propres à être les ministres de la nouvelle alliance (II Cor., III, 5).

C’est donc à nous qu’il est surtout ordonné d’être prêts à présenter une justification à quiconque nous demande compte de l’espérance qui réside en nous. Nous pourrions discuter les milliers de preuves savantes, claires et parfaitement déduites des nouveaux auteurs, preuves qui, nous l’avons déjà observé, sont développées à l’appui de nos doctrines, ainsi que les commentaires nombreux composés sur les saintes Écritures inspirées par la Divinité, commentaires qui présentent, dans des démonstrations mathématiques, la vérité et l’infaillibilité qui caractérisent ceux qui nous ont enseigné dès la commencement tout ce qui se rapporte au culte de Dieu. Mais tous les discours sont superflus, lorsqu’on a devant soi des œuvres qui frappent par leur clarté et par leur évidence, œuvres que la vertu divine et céleste de notre Sauveur a fait connaître à tous les hommes, en leur annonçant une vie céleste et divine, et qu’il leur présente encore aujourd’hui dans le jour le plus éclatant. Il avait annoncé, par une prévision divine, que sa doctrine serait prêchée en témoignage à toutes les nations de l’univers, et que l’Église, qui, un peu plus tard, se composa de tous les peuples, et qui n’était pas encore aperçue dans les temps où il vivait parmi les hommes, serait, en vertu de cette prévision divine, invincible et insurmontable, constamment garantie contre les assauts de la mort ; qu’elle resterait inébranlable, parce qu’elle était appuyée sur la puissance divine, qu’elle y était comme enracinée, et que cette puissance ne peut être ébranlée ni brisée. Cette prédiction s’est accomplie, et son accomplissement, plus fort que tous les discours, ne pourra manquer de fermer la bouche impudente de ceux qui sont toujours disposés à parler sans ménagement et sans retenue. En effet, qui pourrait méconnaître la vérité, lorsque les œuvres mêmes proclament à haute et intelligible voix qu’une prédiction aussi claire et aussi circonstanciée, et sa réalisation par un entier accomplissement, surpassent les forces humaines et portent le cachet de la puissance divine. Car la renommée de l’Évangile du Seigneur a rempli tout le globe que le soleil éclaire de ses rayons, et s’est étendue dans toutes les nations : aujourd’hui même encore sa prédication prend de l’accroissement et s’avance avec rapidité par des voies conformes à ses paroles ; son Église nominativement prédite s’est élevée, appuyée sur de profondes racines, et les prières des hommes saints et chéris de Dieu l’ont transportée jusqu’à la hauteur des voûtes célestes. Recevant tous les jours de nouveaux rayons de gloire, cette lumière intelligible et divine brille partout de l’éclat de la piété annoncé par le Seigneur ; elle n’est ni vaincue ni soumise par ses ennemis, et les portes de la mort ne prévalent point contre elle : et tout cela en accomplissement de cet oracle prononcé par notre Sauveur : Sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle (Matth., XVI, 18).

En réunissant dans l’endroit convenable des milliers d’autres choses du même genre énoncées et prédites par notre Sauveur, en faisant voir que l’issue des événements s’accorde en tout avec ses prévisions divines, nous établirons l’incontestable vérité de nos croyances. Indépendamment des circonstances qui précèdent, nous trouvons une forte démonstration de la vérité de notre foi dans le témoignage des écrits hébraïques dans lesquels on voit que, depuis des milliers d’années, les prophètes des Hébreux ont annoncé à tout le genre humain les biens dont nous jouissons maintenant, qu’ils ont même fait mention du nom du Christ, et qu’ils ont prédit son avènement au milieu des hommes. Ils ont même désigné le nouveau genre de sa doctrine qui devait se répandre parmi toutes les nations, s’expliquant d’avance sur la future incrédulité et sur l’obstination des Juifs, sur leurs entreprises contre le Sauveur et sur les calamités qui fondraient sur eux quelque temps après. Je veux parler du dernier siège de leur royale métropole, de l’entière destruction du royaume, de leur dispersion parmi toutes les nations, de l’esclavage auquel les réduiraient leurs adversaires et leurs ennemis. Il est bien évident qu’après l’avènement de notre Sauveur ils éprouvèrent tous ces malheurs, conformément aux prophéties. D’après cela, qui ne serait frappé d’étonnement en entendant ces prophètes prédire les événements qui devaient après l’apparition de Jésus-Christ, savoir la chute des Juifs et la vocation des Gentils annoncées dans les termes les plus solennels et les plus clairs. Celle dernière prédiction s’est elle même réalisée évidemment d’une manière conforme aux prophéties, au moyen de l’enseignement de la doctrine de notre Sauveur. Grâce à lui, des milliers d’hommes de toute nation, abjurant l’idolâtrie, reçurent avec la religion la véritable connaissance du Créateur de l’univers, s’appuyant sur les oracles des anciens, et entre autres sur ceux qui s’énoncent ainsi par la voix du prophète Jérémie : Seigneur, mon Dieu, les nations viendront à vous de l’extrémité de la terre, et elles diront : Nos pères ont possédé de fausses idoles, et ils n’y avait pas de profit en elles : et l’homme se fait des dieux, ne sont-ce pas des dieux (Jér., XVI, 19) ?

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