Préparation évangélique

LIVRE IV

CHAPITRE V
DIVISION DE LA THÉOLOGIE DES GRECS

Les auteurs les plus versés dans la connaissance de la théologie grecque y établissent un ordre différent de celui que nous avons suivi. Ils la divisent en quatre parties. Dans la première ils définissent le Dieu suprême, et le reconnaissent pour le premier de tous les êtres, le Dieu, le père, le roi de toutes choses. Après lui ils placent les dieux d’un ordre inférieur ; ensuite vient la classe des démons, puis enfin celle des héros. Tout ce qui participe à l’idée du bien est tantôt actif, tantôt passif, et tout cela s’appelle la lumière, à cause d’une sorte d’identité avec elle. Tout ce qui a une nature mauvaise s’appelle le mal ; c’est la classe des mauvais génies, qui ne peuvent jamais s’accorder avec les bons ; ils ont la principale puissance du mal, comme Dieu la principale puissance du bien : toute cette classe s’appelle les ténèbres. Cette division établie, les hommes dont nous parlons assignent aux dieux pour demeure le ciel et l’air supérieur à la lune ; aux démons ils donnent l’atmosphère de la lune et l’air inférieur ; aux âmes des héros, l’atmosphère terrestre et l’air inférieur à la terre. D’après cette division, ils placent au premier rang, parmi les dieux auxquels est dû le culte religieux, ceux qui habitent le ciel et l’air supérieur ; au second rang, les bons génies ; au troisième, les âmes des héros ; au quatrième, les mauvais génies, les démons malfaisants. Cette division n’est vraiment que dans les termes, car en réalité ils confondent ces diverses classes ; et au lieu de tous ceux auxquels ils prétendent que conviennent les honneurs divins, ils ne révèrent que les mauvais démons et se dévouent tout entiers à leur service, comme la suite de la discussion en fournira la preuve. C’est à nous maintenant d’examiner, d’après ce que nous rapporterons, quel jugement il faut porter sur les puissances qui agissaient dans les idoles, s’il faut les appeler dieux ou démons, de bons ou de mauvais génies. Nos saintes Écritures ne savent pas ce que c’est qu’un bon démon, parce qu’elles ne reconnaissent que de mauvais esprits parmi ceux qui portent cette dénomination ; comme aussi elles ne reconnaissent pas d’autre Dieu qui mérite, véritablement et rigoureusement ce titre, que le créateur de toutes choses. Quant aux puissances bonnes et saintes, comme elles sont créées et que par cela seul elles sont à une distance infinie du Dieu incréé, qu’elles reconnaissent elles-mêmes pour leur créateur ; comme d’un autre côté elles sont néanmoins essentiellement différentes des esprits malins, nos livres sacrés ne leur donnent ni le nom de dieux ni celui de démons ; mais la nature de ces intelligences tenant en quelque sorte le milieu entre celle de Dieu et celle des démons, ils ont pour elles une dénomination moyenne, fondée sur leur propre essence : ils les appellent anges de Dieu, puissances divines, esprits qui font l’office de serviteurs de Dieu, archanges, ou de tout autre nom puisé dans la nature de leurs fonctions. Quant aux démons, s’il faut que nous donnions l’étymologie de leur nom, il ne vient pas, comme le pensent les Grecs du mot δαίμων qui signifie savant ou habile, mais du mot δειμαίνειν, qui signifie craindre et effrayer, nom qui convient parfaitement à leur nature. Pour les puissances divines et saintes, il est juste qu’elles soient distinctes des démons par la dénomination, comme elles sont par les propriétés. Rien ne serait plus déraisonnable, en effet, que de confondre sous un même titre des êtres qui n’ont ni la même destination ni le même genre d’existence.

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